777e exercice d’écriture très créative créée par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative

Racontez une histoire dans laquelle vous ouvrez et fermez les « Guillerets »


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29 réponses

  1. Anne Le Saux dit :

    Le spectacle était annoncé depuis des semaines à grand renfort d’affiches et de proclamations déambulatoires sur des chars décorés de fleurs en plastique. Les conversations allaient bon train. Qu’était-ce donc que cette troupe inconnue qui venait animer leur modeste bourgade ?
    Arthur avait pris un billet au bureau de tabac en même temps que sa grille de loto hebdomadaire. Cinq euros, c’était encore à sa portée. Les sources de réjouissances n’étaient pas si fréquentes depuis que la commune s’était peu à peu dépeuplée et que sa femme l’avait quitté pour le cimetière.
    Le grand jour arriva. Pour l’occasion, Arthur enfila son unique costume, ajusta sa cravate sur une chemise qui avait été blanche. Il troqua ses sabots contre des brodequins peu de circonstances mais dans lesquels il n’avait pas mal aux pieds. Et en route pour le chapiteau dressé sur la place de la mairie.
    Un arlequin plaçait les spectateurs sur des gradins en bois peu douillets pour le postérieur. « Allez, ouvrez les guillerets » lançait-il à chaque arrivant. Arthur était dubitatif… Cette invitation s’adressait-elle à son sourire ou à la raie de ses fesses ? Il rougit à cette évocation.
    Le spectacle fut plaisant, « guilleret », réconfortant. Le jongleur ferma la séance : « Chers amis, merci de votre présence et maintenant vous pouvez fermer les guillerets ! ».
    Arthur s’est surpris à serrer les fesses et s’est repris en estompant son sourire. La fête était finie, dommage …

  2. Avoires dit :

    La semaine dernière, un tee-shirt avait affaire avec une nuisette. Allons voir aujourd’hui ce qui se passe du côté des chaussettes et autres articles de lingerie. La scène se passe toujours chez Caroline et Jonathan, les protagonistes de l’historiette précitée, ouvrez les guillerets.
    Il régnait dans les tiroirs de la commode un chahut habituel entre les soutiens gorges sanglotant de n’avoir plus les slips assortis, les collants guillerets – et oui ! – à l’idée qu’ils allaient bientôt reprendre du service sur les jolies gambettes de Caroline, les chemises de nuit qui narguaient la fameuse nuisette tourtelle et fuchsia en se disant que les nuits étant devenues beaucoup plus froides, elles avaient toutes les chances de se glisser sur la peau de la belle…
    Côté tiroir Jonathan, la tempête faisait rage. Les slips et boxers assortis, eux, au tee-shirt vu plus haut, ricanaient sur ce qu’étaient devenus les autres, les synthétiques ! Avachis, décolorés, bref, des hardes, bonnes à la benne. Les fameux tee-shirts, quant à eux, regardaient d’un mauvais œil les débardeurs, ces espèces de ratés qui se comportaient comme des mauvais garçons. Mais le clou du tohu-bohu du tiroir de Jonathan, c’était les chaussettes. Il y avait les jalouses, qui ne supportaient pas de voir se poser à côté d’elles une nouvelle paire, les orphelines qui hoquetaient leur chagrin d’avoir perdu leur motié, les dépareillées qui se livraient combat. Elles finissaient du reste, en boule, en tas…
    Ces tiroirs, dans lesquels se jouaient des scènes quasi existentielles, faisaient concurrence à la penderie où pantalons, manteaux, doudounes, bottes, cache-nez, n’en finissaient pas, eux aussi de s’écharper. Que ce soit chez Caroline ou chez Jonathan, les querelles allaient bon train. Celles qui se tordaient de rire étaient les doudounes, dont les coloris chatoyants contrastaient avec les austères lodens, envoyés, chaque saison chez le teinturier pour nettoyage, tandis qu’elles, un coup de machine, et hop les revoilà ! Les pantalons, les vrais, les velours, essayaient de tenir leur rang face aux inusables et increvables jeans. Tout ce monde, auquel se joignaient gants, parapluies, sacs et sacoches s’invectivait, chacun se croyant plus nécessaire que l’autre, le meilleur, le préféré. Caroline et Jonathan savaient-ils que leurs vêtements, intimes et superficiels, généraient tant de passion, de possession ?
    Fermez les guillerets

  3. MICHEL-DENIS ROBERT dit :

    C’est une histoire qui s’est produite il n’y a pas plus de deux jours. L’après-midi, je suis chez moi, tranquille. Rien ne présageait qu’une telle aventure se produise. Soudain un coup de sonnette. Etant isolé, en pleine campagne, je n’ai pas l’occasion de beaucoup de visites, à part celle du voisin qui s’ennie. Cette fois-ci le tintement est plus appuyé, insistant, avec plus d’assurance, à la limite de l’exagéré. En sous-entendu, un questionnement ! Deux notes en disent plus, quelques fois, que de longs discours.
    Un jeune gars barbu, mince et basané, sans préambule s’annonce :
    — Je viens de parler avec votre voisine. Elle dit qu’elle est sorcière.
    Vu le jeune âge de mon visiteur, je me dis qu’il est un peu naïf de poser cette question à quelqu’un qu’il ne connaît pas. Halloween est en avance !
    En levant les mains, comme pour me protéger de cette voisine, en effet, un peu bizarre, je réponds que je ne la fréquente pas;
    Ayant retrouvé la dépouille d’un animal devant chez moi, peu de temps après que je sois arrivé dans ma maison, je l’ai soupçonnée.
    Mais, c’est qu’il appuie. Il n’en démord pas. N’étant pas informateur, je minimise son discours.
    — C’est vrai que c’est une sorcière, poursuit-il, l’air vraiment inquiet ?
    — Il faut toujours se méfier. Des gens peuvent vous jeter un sort sans que vous vous en rendiez compte. Pourquoi alliez-vous la voir ?
    — Pour lui couper sa vigne vierge. Alors quand elle m’a dit qu’elle était une sorcière, je lui ai parlé de mon Seigneur. Elle a reculé en faisant des gros yeux de dégoût et elle n’a pas voulu que je coupe sa vigne.
    — Alors, vous venez me voir pour votre enquête.
    Mis à part ses chats qui viennent me rendre visite aussi, de temps en temps. Ils ont la nostalgie de celui qui était chez moi. Ils se souviennent de lui. Une fois, je sors tard le soir, un de ses chats était en train de contempler ma maison, comme fasciné.
    — Vous n’avez pas peur de cette voisine ?
    — Je ne lui parle pas.
    — Mais elle pourrait vous envoyer des grigris par ses chats !
    — Ca m’étonnerait, ils sont noirs tous les deux. « Noirnoirs », ça le fait pas. Et puis, ils sont tout guillerets, ils ne pensent pas au mal.
    Sortant dans le jardin, il se met à parler à des gens installés dans une camionnette. Il n’était pas venu seul. Je devine qu’ils passent de maison en maison pour proposer leur service d’élagage.
    — J’ai un arbre qui penche comme la tour de Pise. Un de ces jours, il pourrait s’affaisser sur le mur d’enceinte.
    Ni une, ni deux. Le poids risquant de l’entraîner et ne voulant pas le couper moi-même, je saisis l’opportunité. Coïncidence , les trois bonshommes sont équipés d’une tronçonneuse télescopique. Le chef commence à couper les branches hautes. Petit à petit, il raccourcit l’arbre jusqu’à la base. En un quart d’heure, me voilà délivré de cette menace. Tout guilleret ! « Cent cinquante euros ! »

  4. Les guillerets débarquent en fanfare ! Ils n’ont pas eu le temps d’accorder leurs violons que, déjà, ils ne pensent qu’à une chose : se faire remarquer. Le monde est à eux et tout le monde doit le savoir. Ils connaissent la musique et n’ont pas besoin de se faire mener à la baguette par quelque chef d’orchestre un peu tatillon.
    Las, à force d’insister, ils finissent par se mettre à dos tous les bienpensants qui en ont marre de ces maîtres chanteurs et qui n’hésitent pas à leur envoyer la notre pour les faire taire et ainsi…fermer les guillerets pour retomber dans une morosité ambiante qui sied à chacun.

  5. Rose Marie Huguet dit :

    Sept heures. Les guillerets grand ouverts, je me prépare à passer un magnifique dimanche. Une tasse de café à la main, je contemple les magnifiques couleurs automnales.
    Ni une ni deux, je décide d’aller me promener pour profiter du tableau si coloré que nous offre la nature. De la tête aux pieds, tous les guillerets sont en osmose.
    Ceux des yeux qui admirent, ceux des narines qui hument, des oreilles qui écoutent le chant des oiseaux, des pieds qui font chanter les feuilles. L’harmonie est parfaite jusqu’à ce que les pieds se prennent dans une souche d’arbre. Et vlan, leurs guillerets se ferment brutalement entraînant la fermeture automatique de tous les autres. Moment de panique qui se transforme en colère de la part de ceux qui par l’inattention d’un membre se sont involontairement fermés.

    En tant que maître de cérémonie, je respire profondément, reconnecte mes fils cérébraux et avec douceur, calme mes guillerets. Ceux des pieds sont moins coopératifs, mais après une pause et quelques massages apaisants, ils s’ouvrent à nouveau.

    Je pensais le problème résolu, mais la détente fut de courte durée. Les guillerets oculaires, éblouis par le soleil, se ferment. Avant une nouvelle contagion, je mets vite ma main en visière pour les protéger. Ouf ! Réouverture sans dommages collatéraux.

    Vous savez comment c’est, un problème n’arrive jamais seul. Par mimétisme, les guillerets auditifs et olfactifs se fermèrent sans raison, poussant leurs congénères à en faire de même.

    Mon sourire intérieur commence à s’effilocher. Je n’arrive plus à gérer, je suis sur mes gardes.
    Ça m’agace. Je voulais un dimanche cool, l’esprit ouvert, sans encombre. Et voila que je me laisse dominer par les guillerets qui se prennent pour des soupapes. NON ! Je refuse ! Je ne veux pas me fermer à cause du cri d’un oiseau, d’un rayon de soleil qui vient narguer mes yeux, d’un bout de bois, d’un caillou, d’une odeur méconnue.
    Tous les guillerets ont compris le message. Un peu hésitants au début, ils ont, petit à petit, gagné en confiance et apprécié tout ce qui les entourait. J’étais heureux ! Telle une éponge, j’ai absorbé la magie automnale.

    La nuit venue, je me suis couché et un à un les guillerets se sont fermés en douceur.
    Demain, ils vont s’ouvrir pour découvrir d’autres horizons.

  6. 🐻 Luron'Ours dit :

    UNE COUPURE
    Raconter une histoire, soit, dans laquelle vous ouvrirez les  »guillerets », il se peut, et vous les fermerez, voire !
    J’hybridais sec, voiture, guerre, transition écolo, tradition comme une vendange foulée aux pieds … En extérieur la substantifique moëlle.
    Je ne ferai plus de parenthèse enchantée. J’affirme. Ça va pas, mon psy est d’accord. J’y crois, nous étions ensemble à la communale, je l’ai étrangler à la récré… Ça reste un bon souvenir… C’était un jeu.
    Quand même Hubert Reeves l’affirme  »enivrez-vous », j’ouvre les guillerets, je m’ouvre à l’optimisme sans condition. Pour le reste je la ferme ! 🐻

    • Béatrice Dassonville dit :

      Ça coupe. Ça tranche. Çà secoue. Comme des volets ouverts, un jour de grande tempête. On y trouve plus l’ours, que le luron. 🙂

  7. mijoroy dit :

    Dans le petit village de Potiron – sur- Tombe, juste à côte du cimetière, il y avait une ancienne pension abandonnée : Les Guillerets. Une légende disait que ceux qui y entraient en ressortaient différents.
    Un soir d’Halloween, les trois canailles du boulanger lancèrent un défi au chenapan du facteur : Robin Trouillotte.
    ─ Alors t’es cap, d’y entrer Trouillotte ? Si tu réussis, nous t’offrons tous nos bonbons, hein les gars ?
    C’était Malo Bidouille qui avait défié Robin. Le gamin avait hésité puis la perspective d’engloutir, caramels, billes de chocolat et bonbons colorés l’emporta sur les choquottes. Il avait poussé les lourdes portes de fer rouillé. Les gongs grincèrent et un courant d’air froid le fit frissonner. Pire encore : toutes les tombes du cimetière s’illuminèrent, au fur et à mesure, de l’ouverture des portes. Robin avança dans un long couloir étroit, plus sombre qu’une nuit sans lune. Aucune fenêtre. La flamme de sa lanterne vacilla, lorsqu’il éclaira les murs. Ceux-ci étaient habillés de cadres des enfants curieux venus avant lui, braver la légende. Leurs yeux semblaient s’animer et suivre chacun de ses pas. Au bout du couloir sur un petit guéridon, très poussiéreux, reposait un gros manuscrit. En l’ouvrant, Robin constata qu’il comportait des listes de noms depuis 1911. Ce qui l’étonna, ce fut une phrase calligraphiée sur le mur du fond.
    « Tu as ouvert les Guillerets, maintenant tu dois les fermer… de l’autre côté. »
    Pris de panique, Robin voulu rebrousser chemin, mais le couloir n’était plus le même. Les portes s’étaient multipliées, toutes identiques, toutes closes. Alors, il les ouvrit, une à une, sans fin, jusqu’à ce que sa bougie s’éteigne.
    Soudain, dans l’obscurité, un petit panneau se balançait sous le nez de Robin, sur lequel était écrit en lettres phosphorescentes :
    « On ne ferme pas Les Guillerets, ceux sont eux qui te renferment. »
    On conte, encore cette histoire, le soir du 31 octobre autour d’un feu de cheminée pour décourager les ados d’organiser des « Urbex » ou « des Escape Games » dans la vieille pension du village, dont la structure est instable. Elle a déjà causé la mort de plusieurs curieux.

    • Béatrice Dassonville dit :

      Je « tombe » sur ce petit conte bien « bidouillé » qui — pour les grands enfants que nous sommes — ne donne pas franchement les « chocottes », mais au moins, le « guilleret »et éclairé sourire du potiron, un soir d’Halloween 😀 . Contagieux, si vous vous risquez à lire ces lignes qui nous rappelle notre enfance. Merci Mijoroy.

  8. Gilaber dit :

    Ouvrez et fermez les « Guillerets »…

    « Ouvrez les guillerets ! » C’est une expression que j’ai adoptée ce matin au saut du lit… ma nuit a été agitée et je me suis levé avec la tête des mauvais jours. Croisant mon regard dans le miroir de la salle de bains, je me suis alors dit : « Tu ne vas pas pouvoir sortir avec cette mine renfrognée. Les personnes que tu croiseras aujourd’hui ne sont pas responsables de ta nuit dégradée ! » C’est alors, que mimant dans l’espace le geste virtuel en pliant l’index et le majeur de mes deux mains, et me forçant à sourire, j’ai lancé cette expression qui n’allait plus me quitter de la journée.

    Curieusement, ça a fonctionné… je suis ressorti de la salle de bain, d’une meilleure humeur que j’y étais entré…

    J’habite à Marseille, dans un quartier qui porte le nom d’une merveilleuse fleur : La Rose. Pour me rendre à mon lieu de travail, j’emprunte la ligne du métro jusqu’au Vieux-Port.

    Ce tronçon de la ligne est aérien jusqu’à la station Saint-Just, et la gare est exposée aux quatre vents. Difficile d’échapper à tous les courants d’air s’engouffrant par la percée des voies. Heureusement que nous allons vers les beaux jours, l’air n’est pas chargé de fraîcheur. Sur le quai, j’attends patiemment l’arrivée de la rame. Je mets ce temps à profit pour observer les gens qui m’entourent… et constate que beaucoup d’entre eux n’ont pas ouvert leurs « guillerets ».

    Signal sonore à l’arrivée de la rame et ouverture des portes. Les voyageurs s’élancent pour prendre place. Nous sommes une dizaine à monter dans le dernier wagon. Depuis que le métro existe, j’ai pour habitude de me placer debout, tout au fond, en me maintenant à une barre verticale, c’est un peu mon poste d’observation. Nouveau signal sonore pour la fermeture des portes et la machine s’ébranle dans un sifflement et un dodelinement de têtes des voyageurs disséminés dans le compartiment.
    Trois adolescents boutonneux, aux sweatshirts bariolés à cagoule, gardent le nez rivé à leur smartphone, peut-être sont-ils à la recherche d’une méthode de « guillerets » ? L’un d’eux, un casque audio sur les oreilles écoute du Rap de Soprano, le son est si poussé au maximum, que le rythme de la mélodie me parvient… Quoi de plus normal, à Marseille, Sopra est à la musique tout comme Zizou l’est au football !

    Tout au long du trajet, à chaque halte et que les portes s’ouvrent, c’est le même rituel ; les flots humains de montées et de descentes se croisent parfois dans une bousculade qui engendre des interjections d’usagers mécontents. La scène devient cocasse lorsqu’une personne se présente avec de lourdes valises, un vélo ou une poussette avec des enfants.
    Jusqu’à Saint-Just, nous filons à l’air libre, puis c’est la plongée dans un boyau d’ombres et de lumières dans les entrailles de la ville.
    Défilé de gigantesques panneaux publicitaires à chaque station — du fast-food au dentifrice — du dernier modèle SUV au voyage de rêve au bout du monde — des produits de beauté au récent parfum de marques renommées — sans oublier les boissons, les chaussures et l’habillement. Une véritable pêche à la clientèle.
    Il y a même les affiches qui invitent tout de même à la culture, comme les programmes de théâtre ou l’annonce de la sortie d’un nouveau film, et même d’une parution littéraire… mais combien sommes-nous à déchiffrer ce défilement d’informations en pleine conscience, tant le balancement du wagon nous pousse à la somnolence ?
    Les arrêts sont aussi parfois animés par des musiciens ou des chanteurs à la recherche de notoriété. ZAZ et Claudio Capéo ont bien commencé de la sorte, pourquoi ne pas tenter sa chance ?

    Je ne sais plus à quel moment, un pauvre bougre qui mendiait, a traversé l’enfilade de compartiments. Affichant un large guilleret sur son visage, lançant à tue-tête :
    — Mesdames, messieurs, une petite obole juste pour manger. J’accepte, les espèces et les chèques déjeuner… mais pas la carte bleue ! Puis, il descend à l’arrêt suivant pour continuer sa quête de rame en rame. Repensant à l’allusion aux chèques déjeuner, je me dis que la misère aussi se met au goût du jour…

    Au fur et à mesure que nous approchons du centre-ville, l’ouvrier et la ménagère banlieusards cèdent la place à la foule de voyageurs anonymes, agglutinés en bordure du quai qui changent d’apparences vestimentaires. Des hommes en costume, cravate et cartable, des femmes en tenue de ville, fardées et parfumées, montent et descendent de la rame. D’autres marchent d’un pas rapide dans les couloirs, à la poursuite du temps qui semble leur échapper… mais je constate que bon nombre ont oublié leur guilleret…

    À la sortie de la bouche de métro, je suis saisi par les cris des marchandes de poissons qui vantent la fraîcheur de leur étal. L’air qui tente d’imposer les fragrances de l’arrivée du printemps a du mal à lutter contre l’odeur de fraîchin qui se mélange à la pollution urbaine.

    Au large de la baie du Vieux-Port, le château d’If et les Îles du Frioul sont encore enveloppés d’une écharpe de brume. Par contraste, la Bonne Mère qui serre l’Enfant Jésus dans ses bras affiche un sourire « guilleret », figer pour l’éternité. Pour le plus grand bonheur, des Marseillais, même les faibles rayons du soleil, le font étinceler sur la cité phocéenne.

    J’ai du temps devant moi, ce qui me décide à passer sous l’ombrière qui offre une vue renversante du lieu et des promeneurs…

    Je lève la tête, ce qui me donne l’envie d’écarter les bras, de tournoyer sur moi-même, et de crier à la cantonade :
    — Ouvrez vos guillerets ! Mais au risque que l’on me traite de fada… je m’abstiens…

    Remontant la Canebière, je souris aux passants qui font de même, tandis que d’autres, ignorant la foule qu’ils croisent, filent tête baissée et lèvres serrées, vers leurs destinations. J’imagine que, peut-être par pudeur, ils ont du mal à extérioriser leurs « guillerets »… quelle tristesse, me suis-je dit.

    Arrivé à mon bureau, je prends place devant mon écran. Sur le tableau mural, quelques mots tracés à la va-vite, comme une injonction incontournable, rappellent : « Réunion à 9 h avec le chef. » À cet instant, je sens mes « guillerets » frémir, hésiter, prêts à se replier sous la pression de la routine. Mais je me suis alors souvenu de mon reflet du matin, de mon petit geste magique et de la lumière du Vieux-Port. Alors, discrètement, je refais le signe : index et majeur, pliés, comme pour réactiver une commande invisible :
    — Ouvrez les guillerets ! murmuré-je… Et la journée s’est déroulée sous un soleil intérieur.

    Ce n’est qu’en fin d’après-midi, quand les couloirs se sont vidés, que j’ai ressenti la fatigue douce des heures bien remplies. Je me suis levé, ai éteint mon ordinateur, puis, d’un geste tout aussi symbolique, j’ai soufflé :
    — Allez… on ferme les guillerets.

    Les miens se sont refermés comme deux paupières légères après un sourire. J’ai senti la paix s’installer, tranquille, dans le silence du bureau désert. Dehors, le ciel s’assombrissait sur la ville. Marseille préparait sa nuit. Et moi, j’avais refermé mes guillerets sans tristesse — simplement pour mieux les rouvrir demain.

  9. ourcqs dit :

    Les Guillerets facétieux mais très sérieux, ont ouvert une parenthèse spatio-temporelle, ( ils adorent ) pour faire le point en ces temps interrogatifs, rarement exclamatifs, parfois suspensifs .. les tir ets ne suffisent pas, sans parler des virgules flottantes . Alors avec un grand point d’ironie ils referment cet intermède, loin de tous les points noirs

  10. Nouchka dit :

    Chaque premier samedi du mois, trois anciens collègues se retrouvent après le déjeuner, à l’heure du café, dans le bistro qu’ils fréquentaient déjà, quand ils travaillaient à l’usine. Ils y ont un coin tranquille d’où ils peuvent observer les allers et venues des clients. C’est dans cet établissement qu’ils venaient boire une bière après la journée de travail. C’était leur « sas » avant de rentrer dans leurs foyers respectifs.
    Depuis quinze ans, ils aiment revivre les épisodes les plus marquants de leur vie laborieuse. Ils évoquent les blagues qu’ils ont fait à leurs différents petits et grands chefs. Ils pouffent encore de rire en repensant à certains bras de fer qu’ils ont gagné face aux cols blancs du siège social qui semblaient mettre les pieds pour la première fois dans un atelier. Ils les ont douchés au tuyau d’incendie pour leur montrer leur détermination.
    Après tant d’années, ils ne se souviennent que des blagues, des évènements insolites qui les font toujours s’esclaffer.
    Les autres clients sont un peu surpris mais apprécient de voir ces vieux, si heureux de se retrouver et de rire à gorge déployée. Tout le bistro semble profiter de ces moments car chacun, du patron au client de passage sourit et s’installe ou repart l’air guilleret de celui qui vient de rencontrer le bonheur.
    Quand arrive l’heure du diner, ils commandent au patron un « coup de pied au cul », comme ils le faisaient déjà aux temps de leur activité professionnelle. Le « coup de pied au cul » est la troisième tasse qui n’est remplie que de gniole dans la tasse vidée précédemment, qui elle, contenait un mélange mi-café mi-alcool fort. La première tasse avait, pour sa part, été emplie et vidée initialement de son café noir.
    Ils ont un peu de mal à ressortir du bar les camarades. L’air ici, est pour eux, un bain de senteurs, d’apostrophes joyeuses et de réconfort. A l’extérieur, ils redeviennent des vieux, anonymes, que la foule bouscule sans ménagement s’ils marchent un peu moins vite que les autres piétons pressés de rentrer dans leur tanière.
    Vivement la prochaine rencontre avec les potes. Ils gardent encore un instant leur humeur guillerette en pensant que la prochaine tournée sera pour fêter l’anniversaire de Tony, le roi du calembour…

  11. FANNY DUMOND dit :

    Après un long périple dans l’espace, les Guillerets virent de la lumière sur une planète inconnue sur leurs cartes. Depuis des siècles, ils cherchaient à s’installer sur l’une d’elles, mais toutes étaient désertes.

    Ils décidèrent de se poser dans un parc, dans ce monde vivant, enchanteur, au bord d’une pièce d’eau sur laquelle voguaient des oiseaux blancs aux longs cous en forme de point d’interrogation. Ils remarquèrent des quadrupèdes tenus en laisse, tête basse, des bipèdes, grands, petits, blonds, bruns ou roux, voutés, la tête penchée sur une étrange boîte. Parmi eux, assis sur un banc, à côté d’une « courbée », un enfant admirait le lever du soleil sur la montagne. Ils s’approchèrent du gamin et s’ouvrirent à lui. Ils l’entraînèrent dans des jeux dont ils détenaient les secrets. C’est ainsi que durant toute la matinée, le môme courut, sauta, grimpa dans les arbres, s’amusa dans l’eau en compagnie des cygnes, éclata de rire, cueillit des fleurs de pissenlits pour les offrir à sa maman.

    Une paire d’heures plus tard, une voix aigüe hurla :

    – Corentin ! Ça fait dix minutes que je te cherche. J’ai eu la frousse de ma vie.

    Le gamin, tout contrit, se rassit sur le banc et l’humaine lui mit dans les mains cette chose étrange, rectangulaire pour qu’il se tienne tranquille, lui dit-elle et lui tendit un triangle qu’il porta à sa bouche.

    Les Guillerets, dépités, se refermèrent et s’envolèrent à la recherche d’une contrée, plus joyeuse que celle-ci.

  12. Jean Marc Durand dit :

    Oui, il serait temps de les ouvrir ces « Guillerets », de voir un peu ce qu’ils ont dans la tripe. Les découper de guingois pour mesurer la taille de leurs abats. Tous ces guignoleurs de pitreries, ces guimbardeurs de tacots, tous ces guipurés du col, qu’on les découpe et qu’on se partage, enfin, les bons morceaux. Tous ces guincheurs de balles, ces guillocheurs de diamants, tous ces guideurs de suprême, ces guitounnés des palaces, qu’on leur sucre la guimauve.

    Et puis, qu’ils la ferment…ou qu’on leur ferme. Guitte à en guillotiner guelques-uns…

    Gu’on tolère juste les coureurs de guilledou et les guigneurs de jupons, dans la mesure où ils s’occupent les mains, avant tout, à caresser la guitare.

    Le Petit Anarguiste

    • Béatrice Dassonville dit :

      Cher Anarguiste,

      Guillerets ou guignolards ? 😀

      • Jean Marc Durand dit :

        Guillerets car ne se souciant que d’eux, réjouis de leur bon sort, et guignolards car ils ignorent la poisse et cultivent leur lard…ça peut se dire, aussi pour tous ceux qui ont les guiboles qui enflent…ok, ça roule! Bon we à toi!

    • mijoroy dit :

      J’ai savouré dès potron-minet ce panel de mots tous plus délicieux les uns que les autres. J’en ai même découvert. Merci de ce bon moment de lecture.

  13. Antonio dit :

    « S’ils n’ont rien d’autre à rire, enfermez-moi ces Guillerets ! »

    Le commissaire Hilare commençait à perdre sa bonne humeur. Quand un des rieurs, pincés à la sortie du métro 13, à la station « Gaité », en flagrant délire d’arrachage de sourires, s’avança contre la grille de la cellule de dégrisement et demanda à rouvrir la boîte des pandores. Les gendarmes s’exécutèrent sur ordre du grand chef.

    « Allez-y, riez ! dit ce dernier, mais ne me faites pas encore perdre mon bon temps. »

    Le Guilleret contracta ses zygomatiques et transmit aussitôt un rire communicatif qui ravit les lèvres du commissaire Hilare.

    « Haha ! Je vois que vous vous décidez enfin à coopérer dans la joie. C’est donc là que vous cachiez ce rire à l’arme franche. Vous savez bien qu’il est interdit, depuis quinze jours. Vous ne jouez pas entre deux lettres ? Savez-vous combien on dénombre de victimes d’éclats de rire depuis cette année ? 7864. 2455, rien que sur la ligne 13. Cela peut avoir des séquelles irréversibles. Une pauvre dame a contaminé tout un son bureau par un fou rire dévastateur. Les entreprises sont en perte de productivité, les transports en commun devenus de vrais stand-ups qui font rame comble. Et notamment sur la ligne 13. Une perte à gagner considérable pour les théâtres de la rue de la Gaité. Même nous, ça nous fait marrer, à longueur de journée. C’est usant de rire, croyez-moi ! Vous ne vous rendez pas compte du désordre que vous causez. »

    Le Guilleret afficha son air enjoué plein de malice qui semblait rire dans une dernière pantomime tout le bien qu’il pensait du mal qu’il engendrait. Une véritable quête pour repeupler ce monde de cette gaité qui lui fait tant défaut.

    « Enfermez-moi ce Guilleret avec les autres ! »

  14. Béatrice Dassonville dit :

    Le guillemet est un enclos — « … » — Un espace qui ouvre et qui enferme. Remplacer le m par un r, un petit r de rien, et vous verrez la différence.

    ENVOL

    « Son miroir lui montrait, ici une lézarde, là un pli, enfin tout ce qui présageait un cataclysme à venir. Pourtant, elle se sentait habitée par quelque chose d’incroyablement jeune qui n’avait rien à voir avec ce corps qui, aujourd’hui, se fissurait de partout et peinait pour la porter.

    Il n’était donc point question d’abdiquer. Il y avait encore en elle, des feux d’artifice, des rires d’enfants et mille espiègleries qui demandaient à sortir. Cette guerre que lui déclarait son corps, elle la gagnerait ! Elle se décida à travailler le souffle, la mémoire, la diction. Voire l’expression corporelle.

    Dès lors, il ne se passa plus un seul jour sans qu’elle ne se livrât à quelques exercices d’assouplissement. Puis, pour améliorer la diction, elle répétait inlassablement cet exercice sur lequel trébuchait toujours sa voix : « Papier blanc papier bleu, papier blanc papier bleu, papieu blanc, pieupieu bleu… »
    La chose n’était point aisée. Qu’importe ! Ce qui compte, c’est la motivation ! Et elle en avait.

    Vint enfin ce jour, où, après un long entraînement, elle se plaça devant le vieux miroir du salon, désabusé et menteur, comme toujours. Il fallait le mettre en échec et lui montrer ce qu’elle savait faire. Elle se mit à tournoyer sur elle-même, et à clamer en riant : « Vois comme je marche, je cours, je vole ! Mes bras sont des ailes ! Vois, comme…je… Oh, mais… qu’ai-je… tout à coup… à me sentir… si légère ? Je flotte au-dessus de mon corps, et mes mots voguent sur l’éther. Ils ont tiré pour moi leur grande voile blanche sur leur petite coque bleue.

    Elle s’arrima à eux, en chantant : « Papier blanc papier bleu, papier blanc papier bleu, papier blanc papier bleu… »

  15. Nadine de Bernardy dit :

    Ouvrez, les Guillerets, dit la maîtresse à Virgule et Point d’Exclamation, les jumeaux qui, après avoir frappé à la porte de la classe, hésitaient à y entrer.
    Encore en retard comme d’habitude et je dirai, entre parenthèse, que c’est la troisième fois ce mois ci. Que s’est il passé cette fois ?
    Ils commencèrent à parler ensemble.
    Du calme, je ne comprend rien. Virgule, explique moi.
    La fillette devint toute rouge se lançant dans une histoire de loup qui leur aurait fait peur près de l’étang, même qu’ils avaient dû grimper à un arbre…
    Stop, ça suffit dit madame Pignon, l’institutrice, je vois que vous ne manquez toujours pas d’imagination dans la famille.
    Je me souviens encore des explications fort élaborées que m’offrait votre grand frère il y a quelques années de cela dit elle en retenant son envie de sourire.
    Allez vous asseoir et faites un effort sur la ponctualité dorénavant.
    Les deux enfants qui s’attendaient à être blâmés, en restèrent bouche bée.
    Fermez, les Guillerets, votre bouche et ouvrez votre livre d’histoire à la page quatorze.

  16. camomille dit :

    – Hein ? Vous voulez que dans cette histoire ce soit moi qui ouvre et qui ferme les « guillerets » ?
    Mais pourquoi tant de haine?
    Vous savez bien pourtant que j’ai de l’asthme, que j’ai mal au dos, et que je suis vieille.
    – Et puis… les guillerets ils m’aiment pas !
    Dès qu’ils me voient, ils se moquent en se mettant à l’envers et ils me rendent folle.
    Je pourrai jamais les contrôler, et ça… vous le savez trop bien !

    Alors pourquoi ? Hein ? Pourquoi moi, M. Perrat ?

  17. Nicolas Thebault dit :

    Elle était gaie. Son rire cristallin virevoltait comme un papillon dans la chaleur de l’été.

    Elle était d’une joie si légère et entrainante, que nous la suivions tous dans sa farandole.

    Elle était le vent, le printemps et l’insouciance, tous complices de sa danse et de sa jeunesse.

    Nous ne savions pas qu’après la fête, elle portait le poids du monde, d’une pluie battante.

    Nous ne savions pas qu’elle passait de la joie simple et heureuse à la plus profonde tristesse.

    Nous ne savions pas que son cœur pouvait battre la chamade comme se taire à jamais.

    C’était la vie. Nous avons ri aux éclats, pleuré comme des madeleines, par amour, toujours.

  18. 🐁 Sourisverte dit :

    BILLET D’HUMEUR
    « Guilleret » fâché avait fermé son clapet
    A côté, « Guillerette », elle, joyeuse sautait d’une patte sur l’autre dans l’ herbe fraîche.
    « Guilleret » bientôt se lassa de faire la moue mais comment revenir sans perdre la face ?
    C’est idiot, pensa-t-il, je me suis enfermé tout seul, comme un imbécile. J’ai voulu les punir et c’est moi qui le suis en me fermant comme une huître . Et ils n’ont pas fait trop d’efforts pour me retenir ! Je suis à l’écart et bien seul avec ma tête de cochon. Ce n’est pas seyant une tête de cochon ! Si j’essayais le lapin… C’est doux ça le lapin… On le caresse oui mais ça c’est juste avant de la passer à la poêle… Non ! Pas la casserole et je déteste les oignons…
    Aïe ! Me voila bien… J’en vais courir à ma tanière pour changer d’apparence… Tromper l’ennemi…
    A ce moment-là  » Guillerette » arrive vers lui avec son gentil sourire … Alors monsieur l’asticot, on fait toujours la tête ?🐁

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