Clin d’oeil aux faiseurs de clichés…

 » Raconter une vie à travers les odeurs : en voilà une jolie idée. La cannelle dans le vin chaud, l’après-rasage du père, le munster dans le frigo, les pluies d’été…
Pour son premier livre frappé du sceau « Académie Goncourt » (société qu’il a intégrée en janvier), Philippe Claudel a fignolé soixante-trois petits chapitres sortis d’un atelier d’écriture pour jeunes filles, pleins de figures de style destinées à finir en magnets rose bonbon sur des frigos de célibataires.

Quand Claudel mange du raisin, la grappe est « pleine de fleurs, de sourires et de vent ». Quand sa grand-mère fait des steaks, elle y met des morceaux d’ail qui « répandent sur la viande chaude et dorée leur miracle impalpable ».
Dommage qu’elle n’y rajoute pas un oignon : elle pourrait napper la bavette avec une compote d’éternité éphémère.

Ecrivains qui « visez le Goncourt », ne craignez pas les clichés.
Amplifiez-les, même.
L’expression « chaleur de plomb », fréquemment employée, n’est pas assez parlante.
Ajoutez-y un adjectif: « Chaleur de plomb gras. »
L’essentiel de l’action se passe en Meurthe-et-Moselle, dans des maisons basses qui se dénichent « au fond des longs après-midi d’automne, dans le peu de lumière et le froid lavé de pluie », assemblage de métaphores calibrées pour un concours de poésie organisé par la RATP.
Les adolescents y sont « ivres de la vie », eux qui ne sont « plus des anges et pas encore des démons ».
Les enfants font du vélo, ce qui inspire à Claudel cette image de haute volée: « Le vent me renifle. »
Il aurait pu ajouter : « avec ses grandes narines de nuage », pour accentuer la personnification du vent.

On quitte parfois les Vosges, par exemple pour aller à Cuba, découvrir ses « nuits charnelles éclaboussées de musique »,
pendant lesquelles « on boit des mojitos en renversant la tête ».
Ces moments d’extase sont le pendant de passages où le poète exprime sa crainte de la mort, racontant qu’au réveil
il « sor[t] des nuits avec l’étonnement du vivant ».
« Il ne s’agit pas d’une peur de mourir, mais plutôt d’une terreur à ne plus vivre »,
 précise-t-il.
Il ne suffit pas d’empiler les métaphores. Il faut aussi dire des choses profondes. »Article de David Caviglioli et Grégoire Leménager, Le Nouvel Observateur 18 septembre 2012

Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com

 

5 réponses

  1. Gémis Isabelle dit :

    Forêt noire

    Le nez en éveil
    Bonheur olfactif
    Je sniffe la montagne

    Une odeur de frais
    De lait
    Des relents de campagne
    D’herbe coupée
    Le foin
    Les céréales (blé, orge, avoine),
    les graminées
    Les arbres
    Les sapins
    Les champs

    Odeur verte et dorée
    Senteur de fleurs
    Pâturages
    arnica, gentiane

    Ça sent la ferme
    Les bestiaux
    La bouse de vache
    La laine de mouton

    La paille tressée,
    Le verre soufflé
    Le bois sculpté
    Les tics et tacs des coucous

    Les vaches, les buses, les écureuils
    Le son de l’eau
    Qui ruisselle
    Les fontaines
    Rivières et cascades
    Lacs d’altitude
    Source du Danube
    Etangs à grenouille

    Les sapins majestueux
    Dans leur habit vert sombre
    Les percées de lumières sous
    Les pins érectiles
    Les lits de mousse
    L’écorce rugueuse

    Les mains rouge myrtilles
    La chasse aux sauterelles
    La vie qui bondit !

  2. S.Tarrepi dit :

    Après avoir lu cet article je vais réfléchir deux fois avant d’écrire…
    N’empêche, c’est pourtant si facile d’employer un petit clichés par ci par là

  3. gislaine dit :

    D’accord pour Parfums de Philippe Claudel. Pourtant, il me semble que Café de l’Excelsior échappait à ces fragrances… Merci pour ce blog et cet accent acide et percutant !

  4. Miel dit :

    Ah ! je me sens mieux avec mes clichés, je crois que je vais encore forcer le trait…Merci, Miel

  5. laurenced dit :

    j’ai encore de l’espoir ! merci pour ce rayon de soleil lumineux qui éclaire ma journée…..;)

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