Exercice inédit d’écriture créative 43

;C’était un brocanteur de temps.
Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable,
dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention.
Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, …

Inventez une suite en restant dans le domaine du temps

16 réponses

  1. Clémence dit :

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention. Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, …

    Stop ! Flash back.

    15 h : elle quitta la parfumerie, impatiente de tester cette batterie de soins anti-âge.
    16 h : elle sortit d’une boutique où elle venait d’acquérir quelques pièces de lingerie fine dont la matière libérait en continu des molécules régénérantes.
    17h : elle sortit de la maroquinerie après avoir scruté d’un œil implacable puis acheté le sac et les accessoires qui lui permettraient de ne plus perdre du temps à chercher ce qui se plaisait à disparaître.
    18h : elle quitta le salon de coiffure où son coiffeur attitré lui fit deux retouches express.
    19h : elle sortit du pressing où elle déposa des pièces à traiter en urgence et reprit des pièces précieusement repassées.
    20h : elle sortit de l’institut où l’esthéticienne lui fit un lifting express, gommant deux années au passage.

    Elle s’arrêta au café du coin et siffla un expresso. Elle eut envie d’une cigarette. Elle s’arrêta au bar tabac.
    Elle rafla en échange de quelques pièces, un paquet de cigarettes sur lequel une gorge cancéreuse béait de toutes ses horreurs.Une grimace tordit son visage. Elle haussa les épaules.

    Clés en main, elle courut vers le parking mais eut le temps de photographier la vitrine d’un antiquaire. Elle y repéra un objet merveilleux.

    Elle entra et manifesta rapidement son impatience lorsqu’elle se rendit compte que l’antiquaire et sa cliente discouraient du temps qui passe et du temps qu’il fait…

    Elle interrompit la conversation cavalièrement :
    – Je ne voudrais pas vous interrompre, j’en ai pour une minute. Je sais ce que je veux et je veux l’acheter à n’importe quel prix, dit-elle en tendant le doigt vers l’objet.

    L’antiquaire et sa cliente furent interloqués par son toupet. Certes, on pouvait comprendre son empressement à posséder et sa crainte de se faire devancer.

    L’objet était magnifique : un étui rectangulaire à la double effigie de Chronos : une serpentine à trois têtes d’un côté et un vieillard ailé, muni d’une faux et d’un sablier de l’autre.

    Elle trépignait, piaffait, suspendue aux lèvres des deux bavards. Tel un duo rodé, ils la remirent à sa place :

    – Vous attendrez, Madame. Ce seront quelques minutes de gagnées sur l’heure de votre mort….

    Elle resta bouche bée et tourna les talons. Un silence la suivit.

    Le carillon tinta à nouveau. Elle entra, accompagnée d’un sourire radieux.

    Elle venait de vaincre son addiction.

    © Clémence

  2. Pascal Perrat dit :

    Sabine

    Votre histoire est vraiment très originale
    et fantasque. Vous avez trouvé un idée séduisante
    et le style est vif.
    Chapeau !

  3. Sabine dit :

    L’attrape-nigaud

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention. Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, lui demanda :
    « – Combien pour cette montre ancienne ?
    -Cinq minutes.
    – D’accord, mais 5 minutes de quoi ?
    – De votre vie.
    – Mais qui donnerait 5 minutes de sa vie pour une vieille montre ?
    – Vous pouvez payez en 5 fois 1 minute si vous êtes à court.
    – A court de quoi ?
    – De temps, pardi.
    – Mais j’ai tout mon temps, s’indigna la cliente.
    – Alors pourquoi courrez-vous toujours ?
    – Pour échapper au temps. La montre les vaut-elle au moins ?
    – C’est une montre à remonter le temps.
    – Et comment faire, alors pour la payer ?
    – Vous mourez 5 minutes avant votre heure et je vous donne la montre.
    – Vous me donnerez la montre quand je serai morte ?
    – Vous oubliez que c’est une montre à remonter le temps. Une fois morte, vous retarderez la montre de 5 minutes et vous referez ce que bon vous semble de votre vie.
    La cliente réfléchit longuement.
    – Mais qui me dit que vous garderez cette montre jusqu’à ma mort ?
    – C’est trois cents euros de réservation. Je vous donne un reçu, vous me le rapportez une fois morte.
    – Marché conclu.

  4. Halima BELGHITI dit :

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention. Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, entre dans sa brocante en quatrième vitesse.
    -Vite, vite, dit-elle , je manque de temps…
    – Vous manquez de temps? questionna le brocanteur. Mais pourquoi faire, ma gente dame.
    – Pour me créer des souvenirs !
    – Des souvenirs ? j’ai ce qu’il vous faut…assura le brocanteur
    Il s’eclipsa un moment dans son arrière-boutique et en revint avec une vieille horloge sur pied
    – Mais c’est une vieille horloge, s’exclama la femme
    – Oui en effet, mais c’est une horloge à remonter le temps
    – Pas une minute à perdre, dit-elle, comment fonctionne-t-elle ?
    – A peine le temps de la remonter …et c’est parti ! Vous choississez quel moment de votre vie vous souhaitez revivre et elle vous y projette en un instant
    – Vraiment ? En un instant ? questionna la cliente
    – Oui, juste le temps qu’il faut pour le dire, répondit avec malice le brocanteur
    – Mais pourrais-je facilement revenir au temps présent s’inquièta-t-elle ?
    – Bien sûr, dit-il. Il suffira de la remonter de nouveau, et le temps vous rattrapera…
    – Si je revivais le temps passé, j’en garderais des souvenirs…je la prends !
    Combien coute-t-elle s’enquit-elle ?
    – Mais elle n’est pas à vendre! s’exclama le brocanteur
    – Comment, alors,vais-je pouvoir l’utiliser ?
    – Regardez-la deux minutes, dit le brocanteur, et puis fermez les yeux. Vous la garder quelque part dans votre mémoire et vous y penserez lorsque vous souhaiterez revivre des souvenirs…
    – Ah, dit la dame. Mais comment vais-je la remonter ?
    – L’horloge existe désormais dans votre tête, expliqua le brocanteur. Dans votre de l’imagination, vous pourrez la remonter aussi longtemps qu’il vous plaira…
    – Fantastique ! s’exclama-t-elle. Mais si je l’oublie avec le temps? demanda-t-elle
    – Pas d’inquiétudes, l’horloge est éternellement là …vous pourrez passer à la boutique pour la revoir
    – Merci monsieur, je peux donc revenir?
    – Oui, de temps en temps….

  5. Geneviève T. dit :

    C’était un brocanteur du temps.
    Chez lui on pouvait entendre une minute de silence, voire un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention.
    Un jour une cliente qui vivait à 200 à l’heure poussa la porte brutalement.
    Le brocanteur qui lisait ’’minute’’, leva les yeux. ’’Ah chère amie, ça fait un bail que je ne vous ai pas vue!. Que cherchez-vous aujourd’hui? ’’
    Elle se retourna, une seconde d’inattention, son parapluie accrocha une petite pendule. Celle-ci bascula et se brisa par terre.
    Ce n’était pas le moment, elle n’avait pas une minute à perdre !….
    Elle se mit à balbutier de vagues excuses.
    -’’ ce n’est rien lui dit-il….’’
    -’’à la bonne heure’’ se hâta-t-elle de répondre.
    -’’mais que cherchez-vous?’’
    .’’.hum…en fait une horloge un peu particulière…’’
    – ’’dites-moi…’’
    -’’en fait je cherche une horloge qui indique, les heures creuses, les heures indues… qui sonne à l’heure H et qui rattrape les heures perdues. A l’heure actuelle il ne resterait qu’un exemplaire…vous allez me dire que je cherche midi à 14 heures mais vous me connaissez….’
    -’’vous arrivez au moment opportun, justement regardez, …’’ son regard se tourna vers sa gauche.
    La cliente suivit son regard, changea d’expression, s’assit sur une chaise branlante, elle eut l’impression de vivre un instant d’éternité!…
    Elle respira profondément. Elle sentit son heure de gloire arriver!
    Geneviève T.

  6. Hazem dit :

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention. Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, déboula avec fracas et s’avança prestement au comptoir le coeur plus agité qu’une trotteuse. Elle n’avait d’instants à perdre, sa pause de midi, réglée tel un mécanisme d’horlogerie, ne lui laisser qu’une période de quatre minutes et vingt-huit secondes afin de dénicher sa réponse. Si elle dérapait, cette petite visite, se muerait en minuscule morceau de quartz qui pourrait faire exploser sa Swatch. La phrase fût dite en dix-huit secondes et trente-deux centièmes (record à battre à cette heure) :
    «- Monsieur ! J’ai perdu le fil, entre actions, pressions, réaction, solution, aboutissement, complication, négation, obstination, abandon et question, en interne ma machinerie déraille. J’exécute de travers, ne compte plus, ou quand je compte un et un ne donnent plus deux, ou bien si ! dans ma tête, mais la grande aiguille à remuer de trois coches ! Avez-vous un engin, un bousin, un zinzin, un ustensile, un dispositif à dompter la relativité ? Je me contenterai même d’une patraque poussiéreuse ! Voici ma black card VIP à débit immédiat, différé, en plusieurs fois ou imposé, faites ce qu’il vous plaira, s’il vous plaît.»
    Sir brocanteur la regarda et rehaussa lentement ses veilles binocles rouillées du bas au milieu de son nez, lorsque le téléphone sonna d’un bruit de coucou intemporel. En un laps infinitésimal, la dame parut blafarde. Horrifié elle regarda le téléphone, l’homme, le téléphone, la main ridée et maculée s’approchait du combiné. Elle réagit :
    -« Monsieur ! Sachez que …»

    Il avait le combiné sur l’oreille gauche à présent, coincé contre son épaule. Il saisissait un carnet vert et noir de la main de ce même bras, ainsi qu’un crayon de papier de la droite, à l’aide de gestes assurés et constants. La dame trépignait et auscultait tous les recoins de la petite boutique sombre et cosy. L’homme ne disait mot et notait des propos en émettant régulièrement un « hum » ou un « hum hum ».
    L’interminable conversation de soixante-douze secondes prit fin, la dame enchaina, ou plutôt tenta.A peine la bouche entrebâillée, elle vit la main du brocanteur levée de moitié et il lui dit :  » Revenez demain s’il vous plaît, chère Dame . »
    Abasourdie et pleine de hâte, la jupe tourna d’un demi-cadran et parti plus vite qu’elle n’entra.
    Un quantième plus tard (à quelques millièmes près), la revoilà tapotant sur le zinc du marchand récitant, comme à son habitude, des flots de mots inaudibles pour une oreille non aguerrie.
    L’homme leva la main de moitié :  » Revenez ce soir s’il vous plaît, chère Dame . »
    Dix-huit heures cinquante et une, essouflée, elle pointa devant notre homme les yeux écarquillés, injectés de sang, le rythme de ses pulsations faisant dodeliner sa tête tout en rond. Elle commença et l’homme leva la main de moitié :  » Revenez plutôt dans deux jours s’il vous plaît, chère Dame . »
    Après moult renvois et remises à plus tard, une rencontre encouragea notre spécialiste temporel qui dit la main à demi levée :
    -« Hummm, et avant qu’elle ne répondît, shhht Dame pressée, ce soir, vous reviendrez avec ce qu’il y a sur cette note, précisément ce qu’il y a sur cette note. Vous tiendrez compte des consignes anoté au dos quand vous pousserez ma porte. Je vous les énumère : un pas sur chaque dalle de carrelage, lent et mesuré, une respiration à chaque pas, le dos droit et les épaules droites et les yeux fixes, et vous disposerez vos fesses sur ce tabouret. A ce soir. »
    Elle partit exaspérée le papier soigneusement plié. Avant de sortir et indolemment, elle froissa la note dans son sac.
    Dix-huit heures quarante tapantes, la cohue des coucous et horloges parlantes retentissait, quand une femme altière entra dans la boutique, un petit paquet en papier dans sa main. Droite et affermie, les pas réguliers, précis et disciplinés, elle s’assit sur le tabouret. Le brocanteur prit deux tasses, une écumoire, une théière en fonte et en ôta le couvercle. Une épaisse bouffée de vapeur sortie, la dame plongea dans l’eau le sachet. Ils restèrent à respirer profondément de ou trois instants, l’homme retira le sachet, emplit les tasses et un glissa une vers notre dame métamorphosée.

    Souvent, ils burent un thé ensemble.

    © Hazem

  7. Mickaël dit :

    « Située dans les ruelles cosmopolites du quartier St Michel, non loin de la place des « Capus » comme disent les bobos bordelais, une boutique aux milles secrets abritait le temps qui cherche sa place.
    Entre une étale de statuettes africaines et un marchand de tissus peu loquace se trouvait la boutique de Mr Karl brocanteur de temps de son état. A première vue rien ne destiné ce vielle homme à la courbe replète et la stature peu académique à passer son temps à proposer aux badauds un lieux de repos et de découvertes temporels. La façade sans être tape à l’œil arborait une magnifique fresque représentant big ben façon pop art. Le soleil de fin de journée enveloppait la devanture du magasin d’un manteau coloré aux reflets hivernaux. A l’interieur Monsieur Karl s’afférait à organiser son emploi du temps pour ne pas être dépassé par les événements, vêtue d’une petite salopette à rayures il ressemblait à s’y méprendre à Coluche ou bien Carlos selon les influences.
    Dans ce décor où le lapin d’Alice aux pays des merveilles aurait perdu son chemin, Mr Karl, lui, faisait des vas et vient précis entre l’arrière boutique et l’atelier de rénovation, un peu comme un coucou qui entre et sort de sa boite pour signifier le temps qui s’efface. Réglé comme une montre suisse Kanos pour les habitués, diminutif de Karl et de Chronos dieux du temps grecque, s’appliquait à ordonner les contre temps pour éviter un éventuel décalage. Pour rendre le lieux un peu plus accueillant il allumait ça et là des encens senteurs bois sauvages pour apporter une atmosphère aventurière à son échoppe et de surcroit obliger le visiteur à explorer le temps qui occuper les lieux.
    Dans un moment de calme il décida de s’évader sur l’horloge du temps pour reposer son corps tout en sifflotant son refrain préféré « la valse à mille temps » de Jacques Brel. Il avait un vieux fauteuil en cuir, une sorte de club, un peu poussiéreux mais fort confortable pour son âge, il s’effondra dans le fond de celui-ci et occulta dans un long soupir salvateur le temps qui s’entasse. Il prit le journal du jour qui annonçait un hiver rude et les piètres résultats de l’équipe de football locale.
    Dans le même temps, non loin de là une passante aux allures bons chics bon genre marchait d’un pas alerte mais semblait hésitait par moment sur le but de son périple. Un observateur lambda aurait pu trouvait dans cette démarche maladroite les symptômes d’une femme complètement perdue mais elle faisait simplement parties de cette tranche de personne hyper active qui vivent à deux cent à l’heure.
    Sa ballade aux allures folles la conduisit jusque devant la porte vitrée et maculée d’affichettes de concerts de Monsieur Karl et sans se poser de questions s’engouffra dans un espace temps et tourna la poignée en agitant d’un courant d’air les cloches de la porte d’entrée. Cette mélodie habituelle figea en un instant le corps du brocanteur, tout en apercevant la silhouette gracile de sa nouvelle visite. Loin de connaitre les raisons de cette irruption cavalière il n’arriva pas à manifester l’once d’une réaction. La demoiselle, pressée comme si sa vie en dépendait, décocha une succession de mots au contenu abscons mais avec une détermination sans limite. Trop d’imprécisions lamenté le brocanteur qui ne pouvait interrompre son hôte, de peur de lui faire perdre son temps. Mais ni une ni deux dans un élan de courage il osa prononcer un mot. Mais peine perdue son intervention se noya dans le flot continu du monologue de la jeune femme. Prit par le temps, il ne chercha pas de nouveau à couper le fossé béant qui se dressait entre elle et lui. Puis il se décida de mieux comprendre le sens de ce spectacle, essayer de déchiffrer le code de la combinaison de mots qui lui tomber dessus. Dans le méandre de la situation, il comprit tout le désarroi de sa cliente, qui sans se soucier de savoir si elle était comprise avoua maladroitement son incapacité à arrêter l’ivresse du temps. Tel un sportif qui, au dépend d’une préparation physique sans relâche, s’accroche à quelque seconde synonyme d’échec ou d’exploit, cette jeune demoiselle témoignait d’une fragilité inquiétante et malheureuse. Comme si l’existence offrait le choix de gagner du temps pour ne pas l’ignorer.
    Il se trouvait inutile face à l’image d’impuissance que lui imposait la situation, frustré de ne pouvoir libérer l’incrédule de son sablier, coincer entre un grain trop gros et le verre trop fin, il décida sans forcer de s’approcher de la victime du temps qui passe. Pas à pas il réduisait l’espace entre lui et l’ingénue qui traite le temps avec arrogance en défiant les secondes pour multiplier le profit de celle-ci, comme si le temps était de l’argent. Il n’était encore qu’à quelques mètres de son but que l’ambiance pesante d’une telle confrontation l’emporta dans son histoire, celle d’un père autoritaire à la main lourde souvenir du mauvais temps. Sous le choc il vacilla, s’appuya sur un meuble pour ne pas s’effondrait. Face à la boîte de Pandore que venait d’entrouvrir l’insolence de sa cliente il faillit renoncer à son sauvetage désespéré.
    Mais il se remobilisa pour trouver des ressources enfouis pour se redresser et continuer son approche à contre temps. La scène sans être exceptionnelle offrait un scénario improbable, l’affront d’une consommatrice de temps face à un conservateur dévolu à son passe temps. Comme un homme dans le couloir de la mort contraint de tuer le temps pour ne pas sombrer dans la folie, le brocanteur cherchait la faille pour s’extraire de ce marasme ambiant. Quand soudain son regard se porta sur un objet qu’il tenait de sa mère institutrice, ce symbole du bon vieux temps déjoua le sortilège et offrit au brocanteur la puissance nécessaire pour atteindre son but. En un instant l’homme empoigna la femme, la victime affronta son bourreau, et sans faillir la regarda avec détermination et coupa nette son interlocutrice chevronnée. Après une fraction de seconde, la femme compris tout le poids de son intrusion inexpliquée et elle recula soudainement d’un pas, afin de reprendre de l’aplomb et lui avouer la raison de sa visite. Après avoir repris son souffle, elle transpirait comme si elle avait fait une course contre la montre elle lâcha maladroitement :
    – Pardon Monsieur, je suis navré de mon impolitesse, je me présente je m’appelle Mme Bontemps..
    – A qui le dites vous, répondit-il un peu goguenard. Moi c’est Mr Karl que puis-je pour vous..?
    – Je suis à la recherche d’un remède à mon mal être..
    – Mais je ne suis pas médecin mais juste un brocanteur de temps..
    – Justement il me faut du temps pour guérir..
    – Celui que je stocke précieusement ici est une relique pas un médicament aux vertues réparatrices.
    – Monsieur je dois absolument arrêter de souffrir..
    – Mais finalement de quoi vous plaignez-vous.. ?
    – Mon entourage me dit que c’est dans ma tête moi je crois que j’ai Alzheimer
    – Comment ça.. ?
    – Parfaitement quoi que je fasse où que j’ailles, j’oublie le temps..
    – Effectivement cela peut-être un des critères de cette fichue maladie, mais attendez j’ai sans doute quelque chose pour vous..
    – Vraiment vous feriez une heureuse..
    – Oui, je l’ai aperçu il y a quelques secondes, ah le voilà, tenez..
    – Qu’est-ce dont que cet objet archaïque..?
    – Un abaque Madame..
    – Pardon..
    – Un vieux boulier qui appartenait à ma mère..
    – Et vous pensez que cela pourrait être salvateur pour moi..
    – Je ne sais pas, mais ma mère me répétait souvent que si je ne pouvais pas compter sur le temps il fallait absolument compter pour se rappeler du temps..
    – Vous êtes sérieux..
    – Totalement, je crois simplement que vous négliger le temps pour ne pas l’affronter, et que cet outil, qui vous parait futile, vous permettra au moins de vous réconcilier avec celui-ci..
    – Mais quelle arrogance je ne vous permets pas cher Monsieur..
    – Avec tout le respect que je vous dois et malgré votre entreprise depuis votre entrée, prenez ce-ci et partez de mon office..
    – Vous êtes en train de me mettre à la porte si je comprends bien..
    – Pas du tout mais je n’ai plus de temps pour votre histoire sans queue ni tête, donc soyez aimable de vous en retourner sans amertume ni réclamation..
    – Mais Monsieur..
    – S’il vous plait Madame..
    Après un soupçon d’hésitation l’intrépide Mme Bontemps s’exécuta et fit demi tour. Mais au moment où la porte se referma la jeune femme moquée de si peu d’égard se retourna, puis dans un élan enfonça la porte.
    Quand les cloches de la porte d’entrée retentirent le vieux brocanteur sursauta, se réveilla posa son journal et sans se faire prier s’extirpa du fond de son fauteuil et annonça sans attendre…
    – Bonjour que puis-je pour vous… »

    Merci à vous…
    © Mickaël Dubord

  8. Alain dit :

    Pas de temps à perdre

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention.

    Un jour, une cliente qui vivait à deux cent à l’heure lui demanda d’examiner son horloge interne.
    Le brocanteur la fit s’allonger sur une méridienne, ferma les rideaux de son magasin et la pria d’observer le silence. Lui-même ne prononça pas un mot. Plongée dans le mutisme, notre speedée s’agita, peinant à trouver une position confortable.
    Au bout d’un long moment, que notre brocanteur mit à profit pour se plonger dans la lecture de l’ouvrage de Marcel Proust, « À la recherche du temps perdu », la cliente parvint à se calmer.

    « Et maintenant que ressentez-vous? »
    La voix nasillarde la fit sursauter.
    « Un grand vide qu’il me tarde de combler. »
    Le silence s’installa de nouveau, pesant. Comme si cette pause était pour elle le signal d’en dire plus, elle reprit :
    « Tenez, voilà ce que je pense à l’instant : qu’il est bientôt cinq heures, que je vais louper mon entraînement quotidien à la piscine auquel je consacre 45 minutes, qu’il sera temps ensuite d’aller chercher mon fils Quentin à la sortie de l’école primaire, que si je ne suis pas ponctuelle, il va se mettre à pleurer et que voulez-vous, un gosse qui pleure, surtout le mien, je ne peux pas supporter. On en a bientôt fini? »
    « Détendez-vous! »
    « Vous êtes enroué, ma parole! J’ai un très bon remède : prenez donc une cuillérée de miel avant chaque repas. Du miel d’acacia, de préférence. Mais voilà que je joue les prescriptrices alors que je suis censée être la patiente. Et pour mon horloge interne, quel est votre diagnostic? »
    ….
    Pas de réponse. Comme le silence s’éternisait, la cliente se tourna vers le brocanteur. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant en lieu et place de l’antiquaire un perroquet au plumage coloré qui, du fond de sa cage, lui enjoignit une dernière fois de sa voix nasillarde :
    « Détendez-vous! »

    Alors que la cliente quittait précipitamment le lieux en claquant violemment la porte, le brocanteur dans son arrière-boutique se félicita de ne pas avoir perdu son temps avec une cliente incapable de trouver le sien. C’est avec un plaisir non dissimulé qu’il se replongea dans la lecture du divin Proust. Comme en écho, son volatil emplumé éructa :
    « Et maintenant que ressentez-vous? »
    « Du bonheur, mon petit Marcel, rien que du bonheur! »

    Alain Lafaurie

  9. Pascal Perrat dit :

    Beaucoup de bons textes sur ce sujet. Pensez à les signer avec votre nom et prénom en ajoutant ©. Exemple : © Pascal Perrat 2011.
    Vos textes sont lus par de nombreuses personnes. Quand ils plaisent, ils circulent sur Internet. C’est une reconnaissance de votre talent. Ne restez anonyme. Sauf si c’est votre souhait, bien sûr.

  10. Françoise - Gare du Nord dit :

    C’était un brocanteur de temps. Chez lui, on pouvait entendre une minute de silence, voir un instant inoubliable, dénicher une heure de perdue ou un moment d’inattention. Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, pénétra essoufflée dans son échoppe.

    « Une seconde, Madame » lui dit le brocanteur. « Mais, je n’ai pas une minute à perdre ! » lui rétorqua t-elle avec impatience. Le brocanteur prit le temps d’intercaler sur un rayonnage, une semaine de vacances entre une semaine de 35 heures et une semaine des quat’ jeudis et s’enquit de ce qu’elle désirait.

    « Je cherche des mois de 6O jours » répondit-elle d’un ton péremptoire. « Les mois les plus longs ne font que 31 jours. C’est bien trop court pour tout ce que j’ai à faire. Comment faire pour aller voir « Jour de fête », lire « L’écume des jours », faire le tour du monde en 80 jours, voir le jour se lever, s’habiller au goût du jour, vi.. ».

    « Hélas », l’interrompit le vieil homme. « Je n’ai pas cet article, qui n’a jamais existé au demeurant.
    Mais si vous preniez le temps, je pourrai vous montrer des objets rares. Admirez cette fraction de seconde. Rarissime savez-vous ? Je l’ai dénichée à la fin d’un 100 m de légende pendant les Jeux Olympiques de 1936. Et cette minute de vérité ? J’ai couru toutes les cours d’assises pendant 20 ans pour la trouver. Ou encore cette semaine de 48 heures. Elle date du Front Populaire, savez-vous ? Et cette décade ? Prodigieuse, n’est-ce-pas ? Pour remonter plus loin dans le temps, je vous proposerai bien ce mois républicain, mais cela ne ferait pas votre affaire, j’en ai bien peur. Ils ne font que 31 jours au maximum.

    « Rien de ce que vous me proposez ne me satisfait » s’impatienta t-elle. « Je crois que je vais aller voir ailleurs ».

    « Attendez, attendez » l’arrêta le marchand. « Regardez ces années folles ! Cela ne vous donne pas envie de vous attarder ? Prenez votre temps pour faire la fête, découvrir tout ce renouveau artistique et culturel et … ».

    Mais devant la mine rébarbative de la cliente qui lorgnait avec ostentation vers sa montre, le brocanteur soupira sans renoncer toutefois à faire découvrir à cette cliente, pressée certes mais néanmoins potentielle, le reste de ses trésors.

    « Ne partez pas sans découvrir le summum de cette caverne d’Ali Baba Madame. Venez voir les siècles. La partie la plus somptueuse de ma modeste échoppe. Voyez ses siècles d’or, ce Siècle des Lumières, ce Grand Siècle, ce… »

    « Tout cela est très beau, j’en conviens » admit la dame mais voyez-vous entre la seconde et le siècle, vous m’avez proposé mille choses mais jamais ce que j’étais venue chercher au fond ».

    « Mais qu’étiez venue chercher au fond ? » l’interrogea le brocanteur

    « Mais tout simplement : le plus beau jour de ma vie ».

  11. Gwenaëlle dit :

    S’engouffra dans sa boutique à la recherche du temps perdu ! 
    Vous avez une machine à remonter le temps ? Vous comprenez le temps m’est compté, j’ai pas le temps de tout faire, le temps d’un instant, un battement de cil, juste une minute…  il était parti.. Si seulement je pouvais revenir en arrière, je pourrai prendre de l’avance, compter mon temps et être a l’heure.. Pour lui. Lui, le temps qui passe… et trépasse sans que j’ai eu le temps d’en profiter. Prendre le temps, prendre du temps au temps, pour moi, apprécier de passer du temps, à ne rien faire, à vivre, juste respirer, profiter de l’instant présent.. et du suivant. Avoir tout le temps, pour être. Etre dans l’air du temps et ne plus paraitre. Etre dans le temps, simplement !

  12. Marianne dit :

    …Un jour, une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, entra dans la boutique toute essoufflée pour lui demander s’il n’avait pas un instrument lui permettant de remettre ses pendules à l’heure. Elle en avait un besoin urgent, elle qui n’avait de cesse de courir après le temps. Tout en expliquant le motif de sa visite, elle égrénait les secondes d’un chapelet qu’elle tripatouillait entre ses mains.
    Le brocanteur l’écouta d’une oreille attentive et lui répondit :
    – Pour l’instant je n’ai rien qui pourrait ressembler à ce que vous rechercher. Mais, j’ai ceci qui pourrait vous aider, momentanément.

    Il monta sur un tabouret. Au-dessus de sa tête, un fil tendu de part et d’autre de la pièce. Sur le fil, suspendus des notes et signes de musique voletant au gré d’un petit souffle d’air tiède. Bémols, des prima volta, des appogiatures, des andiamo, des pulsations, des pauses….
    – Un jour, le temps est entré dans ma boutique. Je lui ai demandé si je pouvais l’aider. Il m’a répondu qu’il était las, usé de trop courir et cherchait un coin pour se poser et suspendre son vol. Il semblait si désemparé. Je ne pouvais pas le laisser ainsi errant comme un pauvre hère. Alors j’ai tendu un fil de soie et lui ai proposé de suspendre son vol sur ce fil. Tenez, prenez une ou deux pauses.
    Le brocanteur décrocha deux pauses et les remit à la cliente.
    – En attendant que je vous déniche l’instrument que vous recherchez et qui vous permettra de remettre vos pendules à l’heure, cela vous sera déjà bien utile, croyez-moi.
    La cliente était si contente qu’elle vint coller un baiser sur la joue du brocanteur. Un baiser qui était si bon qu’il semblat au brocanteur qu’il dura une éternité….

  13. Antonio dit :

    Un jour une cliente, qui vivait à deux cent à l’heure, à force de courir après le temps, s’est perdue dans les allées de son agenda jusqu’au moment où elle en tourne une page au coin à droite. Elle se trouve alors nez à nez dans la rue du brocanteur.
    Paniquée de voir tout ce temps devant elle, sans savoir où elle allait, elle fit un malaise. Le brocanteur l’a réveilla.
    – Où suis-je ?
    – Dans ma boutique !
    – Mon dieu, mais quelle heure est-il ?
    – L’heure que vous voulez !
    – Mais l’heure ne se choisit pas, quelle heure est-il, bon sang ? … Parmi toutes ces pendules, pas une n’est à l’heure !
    – Mais elles le sont toutes !
    – Vous vous foutez de moi, celle-ci est même arrêtée !
    – Et pour cause, il s’agit d’un instant marqué d’une croix blanche.
    – Ca y est je suis en retard, je suis sûr que je suis en retard !
    – C’est impossible !
    – Pardon ?
    – Mais oui, parce que la bonne heure c’est maintenant et maintenant c’est aussi tout à l’heure alors que vous penserez être en retard…
    – ?
    – Il y a un temps pour chaque chose et ici on peut le saisir à tout moment, vous n’avez qu’à circuler dans les allées de ma boutique …
    – J’ai mal à la tête et je ne sais plus ce que j’avais à faire, vous m’embrouillez !
    – Tenez ! … prenez !
    – C’est quoi ? … c’est léger dites donc !
    – Le temps. Une seconde est aussi légère qu’une éternité … Tenez, vous sentez une différence ?
    – C’est fou ça, comment ça se fait ?
    – Mais parce que le temps c’est une constante … c’est maintenant et le poids de maintenant est aussi léger que l’air. Alors que si vous prenez demain par exemple !
    – Hou ! … Mais c’est hyper lourd !
    – Et oui, c’est plus lourd que du plomb, Plus on pense à demain, plus vous plombez votre journée, le maintenant … Alors je ne vous parle même pas de l’avenir, j’ai préféré le laisser à la cave, il pèse trois tonnes !
    – Si je comprends bien plus on vit le maintenant plus on est léger c’est ça !
    – Exactement ! … je vous offre un peu de bon temps pour emporter, vous m’avez l’air sympathique !
    – Non pas le temps, mon agenda est plein et je ne vois pas comment je vais retrouver mon chemin !

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