Ne vous écoutez pas décrire

Bon gré, mal gré, vous avez certainement été contraint d’écouter quelqu’un s’écoutant parler. Un « parler-pour-ne rien-dire » qui se gargarisait avec ses mots. C’est fréquent en entreprise et chez les politiques. Au mieux, ce genre d’individu nous endort, au pis il nous agace.

En littérature  » c’est kifkif, la même chose  »

Certains auteurs s’écoutent écrire, ils « phrasouillent » à tout va, quitte à ne pas dire grand-chose d’intéressant pour leurs lecteurs.

Pourquoi raconter cela ? Parce que Sylvianne m’a offert le livre ci-dessous, du fait que j’ai toujours eu un toutou sur mes talons. Actuellement, c’est Sanyac, 2 ans et demi.

Son odeur après la pluie

La préface de Jean-Paul Dubois (pages 9,10,11,12) m’a si bien emballé que je me suis précipité sur la première partie. Et là, l’incipit (page 17 et 18) m’a désarçonné.

Jugez vous même :  » Une porosité au bonheur ou quelque chose comme ça. Sinon qui peut expliquer l’inattendu ? Les rencontres décidées à embellir notre vie surgissent aux mornes journées, c’est ainsi, rien ne les annonce. Nous naviguons à vue dans la banalité d’un jour, sombre à la fois pâle, n’attendant rien que demain, trop conscients des lacunes du monde, si peu de notre sort enviable et là, une joyeuse veine dit qu’il est notre tour, drôle de pendule liant l’ampleur d’une histoire à l’improbabilité de sa survenue.
Ce n’est pas très élégant, une galerie marchande de centre commercial. Celle du Carrefour de Sallanches n’échappe pas au principe. D’abord on nous assomme : un plafond bas de carrés gris comme si le ciel n’existait pas et sans nous manquer plus que cela. Puis on nous opère, partout une lumière blanche, tout d’un trépan, au début ça perce
et on ne sent plus rien. Enfin, du bruit, beaucoup, notre époque n’en veut pas du silence, quelqu’un, de nulle part, hurle les recettes d’une vie meilleure, les mêmes pour tous ; on peut errer, se cacher ou s’en fiche, il nous retrouve. Tous les dix pas, des choses clignotent. Autour, les gens habitués et j’en suis. Ces endroits où l’homme a cédé tout projet de grâce dont l’un de ses plus fidèles atours, la retenue. Ces endroits sans véritablement d’âme et où la mienne pour toujours va s’épaissir. etc… »

Peut-être que l’ouvrage de, Cédric Sapin-Dufour, parviendra à me séduire, mais, arrivé à la 40e page, j’ai vraiment envie de le laisser tomber.
Pourquoi ? Parce que je m’astreins à lire quelqu’un qui s’écoute écrire, qui en a fait des tonnes sans en prendre conscience. Ou alors…

N’anesthésiez pas vos lecteurs !

Evitez les détails qui n’apportent rien à votre fiction, écrivez simple, sans circonvolutions, n’anesthésiez pas vos lecteurs avec les détails minutieux d’un fait, d’une cause ou d’un événement. Suivez ce conseil de Julien Green :  » Il faut que le lecteur soit toujours en présence d’un fait, non d’une phrase creuse ” 

PS : Sanyac ne connaît qu’une soixantaine de mots, mais sait très bien se faire comprendre…

Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com

20 réponses

  1. Françoise - Gare du Nord dit :

    Où est le curseur entre se regarder ou s’écouter écrire et soigner son style?
    Proust s’écoutait-il écrire?
    Il en est de même au cinéma avec certains réalisateurs qui se regardent filmer. Je pense à Tarentino
    Sanyac est une chienne très intelligente

  2. Grumpy dit :

    Seulement que le Toutou a une très bonne bouille

  3. Grumpy dit :

    Vous vous,souvenez tous de celui qui disait
    « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement »
    Rien à rajouter…

  4. RENATA dit :

    J’ai besoin de livre qui ne tournent pas autour du pot pour ne rien dire , ceux qui se masturbent le cerveau .
    Je lis la première page du premier chapitre avant d’acheter , si elle m’embarque je ne serais pas déçue .
    J’ai eu des profs qui m’enseignaient d’écrire des phrases courtes , droit au but …Cela me convient .

  5. Urso dit :

    J’ai l’impression que c’est aussi affaire de goût, d’intérêt.
    Des lecteurs prendront du plaisir à lire des choses assez compliquées, de longues phrases.
    D’autres lecteurs, au contraire, vont préférer un style « simple », concis et rapide. Certainement pas toujours facile à réaliser.

    Des fois, je lis des polars de Georges Simenon, je connais moins ses romans. Je me dis quelle concision, il vous fait vivre la scène comme si vous étiez, saisir la personnalité des personnages. Bref en peu de mots il va à l’essentiel.
    (Je lis aussi d’autres auteurs où c’est moins rapide, plus « lourd »).

    Également, je crois que la célébrité ou non de l’écrivain, sa notoriété, doivent conditionner notre lecture et notre ressenti vis-à-vis de son écriture et de son style.
    Quelqu’un de très connu – par exemple chez des contemporains ou les classiques de la littérature française, anglaise, allemande … on va dire oh la la quel style, quelle « puissance » cet écrivain.
    Au contraire, pour les personnes moins connues on va plus disserter sur la lourdeur ou non de leur style, regarder la petite bête.

  6. Pierre dit :

    Bonjour,

    Tellement d’accord! Je débute un livre de Bernard Weber (La diagonale des reines) qui m’a enchanté dès la première page et c’est un plaisir qui ne s’essouffle pas, alors que je dois parfois forcer un peu avec d’autres auteurs, donner la chance au coureur en leur accordant une quarantaine de pages pour m’accrocher. Je pense qu’on peut savoir écrire de façon fluide, poétique et magnifique, mais savoir raconter est une qualité différente qui m’impressionne davantage.

  7. Nouchka dit :

    Il est adorable votre Santacruz Pascal. Je trouve qu’il vous va bien.

  8. Nouchka dit :

    Il est adorable votre Santacruz Pascal. Je trouve qu’il vous va bien

  9. Tarrep Paul dit :

    Sujet, verbe, complément, c’est la ceinture de sécurité d’une idée bien exprimée et facilement mémorisable.

  10. eleonore gottlieb dit :

    au bout des quelques lignes j’ai lâché impossible de continuer cette lecture tellement paralysante et soporifique , faut que ça bouge dans le texte ou c’est moi qui bouge sur ma chaise ! au revoir

  11. 🐀 Souris verte dit :

    Où là où là c’est pour nous emmener où tout ça ? Là où je pense qu’il n’a pas tort c’est à propos du bruit. C’est une société qui ne supporte pas le silence on le voit partout dans les grands magasins surtout il paraît même que ça fait vendre! c’est sans arrêt. Dans la rue, les bus et même au restaurant, les gens sont au téléphone et ça fait partie de du bruit nécessaire ambiant pour eux. Nous, les musiciens on apprécie le silence c’est une richesse alors que nous avons gagné notre vie en faisant du bruit ! C’est paradoxal ! Dans ce livre, y a -t-il une fin? Encore faut il qu’il y ait une histoire ?🐀

  12. Charles LEVEAU dit :

    Bonjour à vous tous,
    C’est l’une des raisons pour lesquelles je ne suis pas fan des romans de type série TV à la Santa Barbara qui n’ont pas à l’essentiel! Raconter pour raconter! Quand on parle de détails en littérature qu’elle soit créative, de fiction ou autre, le trop plein embrouille l’esprit du lecteur jusqu’à éteindre la fougue du départ! C’est un exercice à faire peut-être de sorte à voir justement ce qu’il ne faut pas faire! On est tous tombé dans le « panneau » à un moment donné! La peur de la page blanche se maîtrise tant dans les idées que l’on ne sait pas aligner que dans l’interprétation que l’on veut faire passer! Bien sûr, le soucis du détail doit être, autant que faire ce peu, méthodique et dans un but précis! C’est la consistance de la phrase simplement annoncée qui amènera le,pouvoir d’être appréciée par le,lecteur! Ce n’est qu’un point de vue! Pour ma part, la page blanche ne me fait pas peur! Si page blanche il y a, c’est que ce n’est pas le moment d’écrire tout simplement! Lorsque je participe au travaux de Pascal, j’écris librement! Bien sûr, ce n’est pas parfait car les idées arrivent et mériteraient d’être relues, corrigées et encore relues et corrigées! Mais le but est bien d’avoir les idées avec leur détails qui leur sont propres sans s’étendre pour faire du paraître! Voilà, c’est dit! Un côté militaire dans une poésie des mots personnels!

    • Pascal Perrat dit :

      Je suis tout à fait d’accord avec vous, Charles. Quand une personne participe à un exercice je n’attends pas de la littérature. Ce n’est pas le but ce que je considère en premier, c’est l’idée trouvée pour répondre à mon exercice qui compte. C’est la créativité, l’imagination que je souhaite avant tout. Chaque personne qui participe à un exercice doit considérer que son premier écrit n’est qu’un brouillon pour développer une idée. Après quoi, elle peut si elle veut, améliorer son texte pour sa satisfaction personnelle ou pour publier son écrit hors le blogue.

  13. Jean Marc Durand dit :

    Mouaih…pas envie de juger! Cette écriture peut convenir à certains lecteurs…et je respecte. Elle mérite une deuxième, voire une troisième lecture…pour se débarasser des surcharges effectivement ressenties à la première. Moi qui attaque pour la première fois Proust….j’ai un peu la même impression d’une écriture ampoulée, lourde. Je le met de côté, je relis des passages. Je vagabonde….on verra bien jusqu’où ? Ne pas rentrer dans une écriture, c’est courant….faut pas s’en rendre malade….ya pas d’examen au bout. Parfois l’écriture vous accroche , à 20 ans et à 50, on se demande ce que l’on a bien pu trouver dans cette purge. Et vice versa….! Une écriture trop simplette va m’agacer au moins autant. Après , tu vois avec Dubois et sa préface tendancieuse pour qu’il te rembourse le bouquin. 😉

    • Pascal Perrat dit :

      Si vuos pvueoz lrie ccei, vuos aevz asusi nu dôrle de cvreeau. Puveoz-vuos lrie ceci? Seleuemnt 55 porsnenes sur cnet en snot cpalabes.Je n’en cyoaris pas mes yuex que je sios cabaple de cdrpormendre ce que je liasis. Le povuoir phoémanénl du crveeau huamin. Soeln une rcheerche fiat à l’Unievristé de Cmabridge, il n’y a pas d’iromtpance sur l’odrre dnas luqeel les lerttes snot, la suele cohse imotprante est que la priremère et la derènire letrte du mot siot à la bnone palce. La raoisn est que le ceverau hmauin ne lit pas les mtos par letrte mias ptuôlt cmome un tuot. Étonannt n’est-ce pas? Et moi qui ai tujoours psneé que svaoir élpeer éatit ipomratnt! Si vuos poevuz le lrie, fitaes le svirue

  14. mijoroy dit :

    J’entends tout à fait Pascal ce que vous pointez. L’écriture au cordeau, est un outil qui se travaille pendant de longues années. Le trop est l’ennemi du bien, on le sait, mais nous tombons, nous les scribouillards dans les pièges que nous tend la page blanche. Elle ricane de notre doute à utiliser tel ou tel mots, tel ou tel type de phrases. Elle se gausse de nos doigts maladroits qui noircissent à grand renfort d’adjectifs, de périphrases, de descriptions et de métaphores une situation, un personnage. Alors qu’en fait le lecteur, attend de l’action, du croustillant, de l’émotion voire de l’érotisme. Dons se relire, et se relire encore pour travailler nos phrases en allant à l’essentiel sans trop de fioritures qui noient nos potentiels lecteurs. Se construire notre propre style littéraire est ardu. Merci Pascal d’impulser une réflexion sur ce sujet. Et pourtant JPaul DUBOIS, prix Goncourt avec « Les hommes n’habitent pas tous la planète de la même façon », m’avait déjà fait ressentir cet épineux sujet dans son action en deux lieux dans cet ouvrage.

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