LIVRES EN NOUS (5) critique littéraire d’un club de lecture

Dernière réunion de notre club de lecture « Livres entre nous », nous avons débattu des ouvrages suivants :

 « La nature des choses », d'Antonio Antunes
 « A Lisbonne, autour de Iolanda, une jeune diabétique gravite tout un monde d'êtres misérables ou délirants, son amant de trente ans son aîné, son père un mineur à moitié fou, sa tante qui se meurt doucement et quelques autres laissés pour compte. Chacun joue sa partie, fait entendre sa voix, affirme sa vérité ; le résultat est une étrange polyphonie où entre satire et onirisme passent tous les rêves de grandeur du Portugal et ses errements dans des guerres coloniales et des luttes fratricides.»

Une très belle écriture, très inventive et innovante

♠ – Enormément de difficultés de tous les membres du club, déstabilisés justement par cette écriture novatrice  – jugée par certains comme un pur exercice de style – ; totalement égarés dans ces monologues entremêlés, cette mosaïque de personnages très difficiles à identifier, cette confusion passé-présent, cette absence d’histoire
– ce livre a même été purement et simplement détesté par certains
– la traduction a été également remise en cause.

– Seul un membre du club a eu la force, le courage et l’intérêt d’en terminer la lecture et suggère de lire cet ouvrage en se laissant aller par le fil du récit, sans se poser des questions et sans attendre quelque chose de cohérent et de cartésien

Impressionné par les entretiens de l’auteur – qui s’exprime au demeurant dans un excellent français –, ce lecteur pense que cet auteur très important mérite d’être découvert peut-être travers  d’autre ouvrages : « Le cul de Judas » « Connaissance de l’enfer »  « Le manuel des inquisiteurs » « Mémoire d’éléphant » pour n’en citer que quelques-uns

Il est regrettable  que le membre du club ayant proposé ce livre, mais absent le jour de la réunion, n’ait pas pu défendre cet ouvrage

 Ecouter l’interview d‘Antonio Lobo Antunes sur le site Babélio 

***

« Le liseur » de Bernhard Schlink

« A l’âge de quinze ans, Michaël – le narrateur – découvre l’amour dans les bras d’Hanna, une voisine de vingt ans son aînée ; pendant six mois, il la rejoint tous les jours et partage avec elle plaisirs de la chair et moments de lecture. Mais sa maîtresse, personnage secret, disparaît un jour mystérieusement. Sept ans plus tard, Michaël la retrouve par hasard, alors qu’il assiste à un procès pour crime de guerre, où elle figure au banc des accusés ; il découvre à cette occasion un fait qui pourrait atténuer sa condamnation, mais choisit de n’en rien dire, par respect pour celle qui a marqué si profondément sa vie. Il renouera leur relation au cours des dix-huit années d’incarcération de celle qu’il comprend enfin un peu mieux. »

   Contrairement au livre précédemment évoqué, la lecture est très aisée, très agréable et les membres du groupe n’ont eu aucune difficulté à entrer dans le récit grâce à une écriture simple, sans effet de style

–        le personnage d’Hannah complexe et complexé, est jugé, malgré l’horreur de son acte, attachant

–        le courage de l’auteur, allemand, d’évoquer un tel sujet rarement abordé dans son pays

–        les parties concernant le procès et l’entretien de Michael avec son père, philosophe, sur 

–        toutes les questions suggérées auxquelles aucune réponse n’est apportée

  • Fallait-il juger ces femmes ? Quel est leur degré de responsabilité ?
  • L’emprisonnement et même la mort sont-ils préférables à la honte d’être illettrée?
  • Pourquoi l’analphabétisme d’Hannah et les complexes qui lui sont liés sont-ils plus importants pour elle que la honte d’avoir commis un acte si ignoble ? Cette attitude est-elle crédible ?
  • Michael, en comprenant lors du procès le problème d’Hannah, s’est révélé moins perspicace  que le lecteur qui l’avait deviné bien plus tôt, a-t-il eu raison de ne pas dévoiler son secret la condamnant à la prison ?
  • Pourquoi Hannah se suicide-t-elle ?
  • Quel est le poids  de la responsabilité des parents impliqués dans la déportation des Juifs pour les jeunes générations ?
  • Quelle importance revêt la lecture que fait Michael à Hannah dans leur relation et dans le roman?
  • L’illettrisme d’Hannah explique-t-il sa psychologie et son engagement ?

Ces  questions ont suscité  un débat au sein du groupe, les différences d’interprétation ont enrichi la discussion

 – de la frustration en raison de l’absence d‘explication sur l’origine de l’analphabétisme d’Hannah.

– celui-ci  a été considéré par certains comme un artifice et jugé tendancieux car il pourrait éventuellement  justifier l’engagement d’Hannah comme gardienne dans les camps et même la barbarie de son acte

– cette histoire très forte qui évoque pourtant des sujets graves  – l’analphabétisme, la déportation des Juifs – est desservie par une écriture sans relief,  des dialogues d’une platitude consternante et une narration trop simple ont généré un certain ennui chez certains

***

 « L’odeur du gingembre » d’Oswald Wynd

« 1903, Mary Mackenzie, jeune Ecossaise de 20 ans, s’embarque sur un bateau, dûment chaperonnée par Mrs Carswell, pour aller à Pékin épouser l’attaché militaire britannique auquel elle a été promise. Dans ses lettres quotidiennes à sa mère, Mary décrit la vie à Pékin, l’insurrection des Boxers et les relations des Européens avec les Chinois »

Ce livre, hormis quelques réserves, a suscité un enthousiasme quasiment unanime

  – le portrait d’une femme à la psychologie complexe : courageuse, déterminée, de grandes facultés d’adaptation, cartésienne, dans un certain sens aventureuse mais totalement dénueé de sentimentalisme et inapte à montrer ses émotions. Sur ce point, un avis diverge : Mary n’est pas en cause, il s’agirait plutôt de la difficulté pour l’auteur à décrire certaines scènes et certaines émotions

–        son  parcours : ses échecs, les trahisons subies, son bannissement, le retrait de ses enfants et sa capacité à surmonter toutes ces déceptions pour atteindre une forme de libération et  un épanouissement final

–        le genre littéraire du livre : mi- journal intime, mi- roman épistolaire

–        malgré la dureté de cette histoire et tous les malheurs qui dégringolent sur l’héroïne le ton n’est jamais larmoyant

–        la scène finale où elle fait la connaissance de son fils est magnifique

♠   –   des évènements pourtant importants sont escamotés : la nuit de noce, le retour du mari trompé, les  relations avec le comte japonais etc.

–        contrairement aux personnages féminins qui sont fort, originaux et très foisonnants, les protagonistes  masculins sont desservis, peu d’épaisseur psychologique et guère sympathiques : le mari radin, coincé, le genre « la lumière éteinte » ; le consul français rêveur et amateur jardinage et de voitures  à qui son épouse a, par ambition, imposé la voie diplomatique ; le banquier américain malhonnête ; l’amant japonais empêtré dans les traditions et les codes sociaux

–        l’absence de regards extérieurs sur l’héroïne (ex : aucune lettre reçue n’est présentée)

–        la traduction été jugée médiocre : des erreurs de sens dans les mots en japonais ont été commises

–        beaucoup d’antipathie envers tous les Japonais  présentés dans le roman bien que l’auteur ait vécu longtemps au Japon

But du club de lecture  » Livre entre nous « 
– échanger sur des livres que l’on aime
– discuter d’ouvrages qui n’ont pas été appréciés
– faire découvrir et découvrir des auteurs inconnus

Le club peut également organiser des réunions traitant de films adaptés de romans

Contact : 06 99 70 60 94

9 réponses

  1. Françoise - Gare du nord dit :

    Merci à tous pour vos commentaires qui seront transmis aux membres du club

  2. Pascal Perrat dit :

    Blandine Dahéron, abonnée à notre blog, vient de publier aux Editions Salvator  » Ils m’ont révélé ton visage »
    Un témoignage personnel sur l’élaboration, par une aumônerie, d’une image du Christ
    devenue une icône.

  3. laurence noyer dit :

    À la fin des quatre jours du Salon [de Paris], les petits éditeurs remballent soigneusement les invendus. Les grosses maisons, en revanche, les jettent dans les bennes à ordure. En raison du transport et de la logistique, il coûterait plus cher de les réacheminer vers les distributeurs, sachant que beaucoup de livres sont abîmés après avoir été manipulés par les visiteurs.
    (Le Monde des livres, vendredi 21 mars 2014.)

  4. patricia dit :

    D’un auteur islandais Bergsveinn Birgisson je vous conseille la lecture de « la lettre à Helga » une écriture rude et pourtant pleine de poésie.

  5. Françoise - Gare du nord dit :

    Merci à tous pour vos commentaires et suggestions de lecture.
    A l’attention de Lestoir. Je comprends votre remarque : il est vrai que nos choix peuvent être considérés comme ceux de dames convenables. Mais nous ne détestons pas être bousculés

    Alors, n’hésitez pas, tous, à nous faire part de vos coups de coeur

  6. Lestoir dit :

    J’aime bien lire les avis de votre club mais je trouve que vous manquez d’audace dans le choix des livres.
    Puisque c’est le printemps des poètes j’en profite pour signaler aux amateurs de ce blog, un auteur oublié et c’est dommage : Henri Michaux.
    Ouvrez Plume, édité chez Gallimard (Poésies) un petit livre qui ravive notre imagination

  7. Sylvie dit :

    J’ai beaucoup aimé Le Liseur de Bernhard Schlink en version originale (Der Vorleser). La force de ce roman, c’est justement sa simplicité, ses non-dits, ses silences sur des sujets graves et sensibles. Du même auteur : Le week-end (Das Wochenende), roman, et Mensonges d’été (Sommerlügen), nouvelles. Sujets différents, mais dans un style toujours épuré et juste. De beaux moments de lecture.

  8. tarel dit :

    Hommage. Francois Cavanna nous a quitté, si vous aimez écrire c’est le moment de lire ou relire: Mignonne allons voir si la rose…
    En poche

  9. Pascal Perrat dit :

    Les remarques de ce club de lecture parisien sont toujours très intéressantes.
    Concernant Antonio Antunes, un auteur que j’apprécie beaucoup pour son style et son style original, je l’avais signalé sur ce blog : http://www.entre2lettres.com/antonio-lobo-antunes-ses-mots-dansent-le-fado/

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