Traduire la vie
Avez-vous remarqué qu’à certains moments de notre vie, nous vivons les mêmes situations ?
Il nous arrive, à très peu d’intervalle, de rencontrer des personnes ayant un point commun ou nous observons des situations similaires.
Cette année, lors des stages que nous avons animés nous avons rencontré, de nombreuses traductrices et traducteurs.
Et dernièrement, un auteur Canadien est venu à notre rencontre pour nous entretenir de la traduction de son prochain livre.
Même si la traduction est omniprésente dans nos diverses activités d’écriture, nous ne connaissions pas, jusque-là, les finesses de ce métier passionnant.
J’avais juste retenu la fameuse formule : « Traduire, c’est trahir ! »
Et plus sérieusement, les traductions de Paul-Louis Couchoud, agrégé de philosophie, grâce auxquelles, le haïku fut découvert puis imité partout en Occident.
La pratique de la traduction est complexe. On ne traduit pas un mode d’emploi comme les décisions de la Cour de justice européenne.
Parmi les particularités de ce métier, un point m’a particulièrement intéressé.
Pour la traduction d’un roman, par exemple, faut-il choisir la traduction littérale ou la traduction libre ?
Certains traducteurs sont pour une traduction littérale. Très scrupuleuse, mot pour mot.
D’autres pour une traduction de recréation, libre et créative.
Comme souvent, les avis sont partagés.
Mais tous les traducteurs sont unanimes sur ce point : aucune traduction ne peut être identique à sa source.
Voyez ci-dessous, 3 exemples d’incipits de « Gatsby le Magnifique » traduits par différents auteurs
(Source le Magazine Littéraire 518, avril 2012)
Dès mon âge le plus tendre et le plus facile à influencer, mon père m’a donné un certain conseil que je n’ai jamais oublié.
« Chaque fois que tu te prépares à critiquer quelqu’un, m’a-t-il dit, souviens-toi qu’en venant sur terre tout le monde n’a pas eu droit aux mêmes avantages que toi. »
Jacques Tournier
Quand j’étais plus jeune et plus influençable, mon père m’a donné un conseil que je n’ai cessé de méditer depuis.
« Chaque fois que tu as envie de critiquer quelqu’un, me dit-il, souviens-toi seulement que tout le monde n’a pas bénéficié des mêmes avantages que toi.»
Julie Wolkenstein
Quand j’étais plus jeune et plus vulnérable, mon père, un jour, m’a donné un conseil que je n’ai pas cessé de retourner dans ma tête.
« Chaque fois que tu seras tenté de critiquer quelqu’un, m’a-t-il dit, songe d’abord que tout un chacun n’a pas eu en ce bas monde les mêmes avantages que toi. »
Phillippe Jaworski
Pourquoi vous parler si longuement de la traduction ?
Parce que je suis convaincu qu’écrire un roman c’est traduire.
Traduire la réalité de la vie pour en faire une intrigue imaginative.
L’auteur d’un roman décode la vie, les événements, les situations, les ambiances; toute cette réalité plus forte que la fiction, puis il les recrée sur le papier ou à l’écran.
C’est un traducteur de vie.
Comme les traducteurs professionnels, certains auteurs traduisent la vie scrupuleusement et d’autres avec leur créativité.
Cela se perçoit nettement à la lecture…
Cette semaine, nous animons 2 stages pour les traducteurs à Paris :
– Enrichir et dépoussiérer son style ®
– L’écriture marketing ®
Notre prochain stage avec des traducteurs adhérents à la SFT, le Syndicat Français des Traducteurs, se déroulera à Clermont-Ferrand, les 28 et 29 novembre 2013
« Une œuvre non traduite n est qu’à moitié publiée » Ernest Renan
Cher Pascal,
Merci de consacrer votre billet à notre beau métier. La traduction, c’est un chemin, un passage, une barque qui va d’une rive à l’autre, d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, avec plus ou moins de houle et de remous. Et mon bonheur en tant que traductrice, c’est ce passage vers l’autre rive, la traversée de tempêtes de mots, de faux-amis et de sens cachés, le plaisir de les disséquer un à un et de reconstituer ici, plus ou moins fidèlement selon les goûts et les circonstances, un courant fluide, jailli de là-bas.
La traduction, c’est un pont jeté, une main tendue, pour la découverte d’un ailleurs : c’est Pouchkine et Tchekhov sous la plume d’André Markowicz, ou Erri De Luca sous celle de Danièle Valin.
« Une chanson douce, que me chantait ma maman », peut-être. C’est la transcription qu’en ferait Henri Savator. Et c’est bien cette chanson douce qui a tant manqué à notre pauvre Proust… juste un parfum fugitif et une joue qui s’éloigne alors qu’il s’est couché de bonne heure!
Merci Pascal, pour cette petite ode à la récréation créative.
Ci joint quelques exemples de traduction de Proust d’après Jean de Marque.
Un traducteur suisse: « Un jour, peut être, je me lèverai de bonne heure ??? »
Un traducteur belge: « J’essaierai une fois, de me lever de bonne heure, mais
pas avant 19h.
Un traducteur canadien: » ATTTENT….ionnnnn…..L’arbre dont on fera le lit où j’écrirai ces lignes … est en train de TOM…..ber de bien bonne heure! »
Etc…pas encore cerné la version guadeloupéenne!