Exercice inédit d’écriture créative 258
Un stylo en fin de vie a décidé de donner son corps à la science.
Rédigez la lettre dans laquelle il se déclare donneur d’organes et précise ceux qu’il ne souhaite pas donner.
Un stylo en fin de vie a décidé de donner son corps à la science.
Rédigez la lettre dans laquelle il se déclare donneur d’organes et précise ceux qu’il ne souhaite pas donner.
Je soussigné Monsieur Parker WATERMAN souhaite à ma mort faire don de mon corps à la faculté de médecine de Bruxelles.
Je lègue donc :
-mon capuchon aux Demoiselles de Concarneau et à la Marie du port pour qu’elles s’abritent des ondées bigoudènes
-mon encre sympathique à la Grande perche pour la remercier de me l’avoir si souvent tendue
-mes mines 4 couleurs à la veuve Couderc qui était si blafarde
-mon réservoir garanti sans fêlures à la vieille dame de Bayeux pour la protéger de ses fuites urinaires
-ma bille à l’adorable Bébé Donge pour enrichir sa collection
-ma plume à Tante Jeanne et à Félicie aussi pour agrémenter leurs chapeaux
J’aurais tellement aimé léguer quelque chose à Cécile mais, hélas, elle est morte.
En revanche, je ne désire pas céder ma cartouche. C’est ma dernière et j’en ai tant et tant usé pour l’homme aux 10.000 femmes et aux quelques 230 enfants, cet amant et époux infidèle, cet auteur prolifique, qui ne fut fidèle dans sa vie qu’une seule fois : moi.
Et à l’heure où le souffle ultime me quitte, je pars avec la certitude que cette cartouche témoignera de la fierté que j’ai ressentie à servir toute ma vie Georges Simenon
Vendredi 13 en soirée….
Mon amis Steve Oplume et moi étions affalés dans notre étui douillet, face à l’écran de la télévision. Nous avions décidé de regarder la retransmission des « Noces de Figaro » en direct de Berlin. La mise en scène nous plaisait, les voix étaient sublimes.
Tout à mon émerveillement, je me laissais encore envahir par mes désirs de don de moi.
Mon ami Steve Oplume me glissa… et pourquoi pas au Musée de l’Homme ? J’opinai. Je lègue :
– mon capuchon pour remplacer un étui pénien volé le jour de la réouverture,
– mon corps à l’Indien à la sarbacane étiolée,
– ma pointe à la femme des cavernes,
– mon poussoir au balcon des sciences
– mon ressort à la galerie des Homo sapiens
– mon tube à la réserve des éprouvettes.
Exception : mon encradéenne car je laisse le plaisir des futures découvertes génétiques aux chercheurs ambitieux.
Chérubino…Voi che sapete….et puis….Chérubino envoyé à la guerre afin de cesser de papillonner, quel cirque…
Et pourquoi pas le Cirque ? Ma vie n’avait-elle pas été un spectacle….
Je lègue…
– mon capuchon à la femme invisible,
– mon corps au canon de l’homme-canon
– ma pointe à la danseuse
– mon poussoir au dresseur d’otarie
– mon ressort au jongleur
– mon tube au trapéziste
Exception : mon encradéenne car elle peur révéler de nouvelles étoiles.
Les airs sublimes s’enchaînaient. A l’entracte, Steve zappa pour voir où en était le match de foot France-Allemagne. J’étais toujours dans mes cogitations….
Et tant qu’à faire, au CHU de ma ville, je fais don de…
– mon capuchon au stylo de l’infirmière de garde,
– mon corps au bloc de chirurgie réparatrice,
– ma pointe au laboratoire des recherches,
– mon poussoir au service des urgences,
– mon ressort au service cardiologique,
– mon tube au bloc de transfusion.
Exception : mon encradéenne car elle peut encore rédiger des ordonnances.
Les Noces. Suite.
Steve s’était légèrement assoupi lorsque je vis un bandeau passer au-dessus de l’écran. Je le réveillai d’un coup de coude. D’une voix grave, je lui dis :
– Une attaque sur Paris.
Nous changeâmes de chaîne pour découvrir l’effroi, l’horreur. Nous étions blêmes. Mes deniers désirs ressemblaient à une prémonition.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, les billes dans les billes, il me dit d’un ton ferme :
– Viens, je t’emmène chez Pol Temine, le papetier. Je t’offre une recharge ! Un rude combat nous attend….
Suite n°3
Je me demandais si je n’avais ps vu un peu trop grand, trop loin, trop….
Alors, à peine ces dons envisagés, je confiai une autre proposition à Steve Oplume…
D’une voix rêveuse, je déclamai….
Je lègue…
– mon capuchon à Gauthier Capuçon,
– mon corps au cor de Nico de M.,
– ma pointe à la baguette du Maestro C. A.
– mon poussoir à mon meilleur ami, le clarinettiste J-L V.,
– mon ressort au premier violon au cas où une corde céderait…
– mon tube au tuba de C.D.
Exception : mon encradéenne car elle peut encore servir à l’écriture de belles pages musicales…
Suite n°2
Toujours dans l’expectative d’un secours imminent, je devenais de plus en plus songeur mais aussi de plus en plus ambitieux….
Ainsi, un autre jour, je m’imaginais mécène au service des monuments historiques.
Je léguerais :
– mon capuchon à une partie du temple d’Angkor, amputé de son toit,
– mon corps à un montant de la Tour Eiffel,
– ma pointe en remplacement d’une boule décrépie de l’Atomium,
– mon poussoir à la Tour de Pise,
– mon ressort au téléphérique de La Paz,
– mon tube à Beaubourg,
Exception : mon encreadéenne car elle doit encore servir pour la signature de dons en espèces.
Suite n° 1
En attendant de recevoir mon précieux colis…
Je rentrai à la maison et allai me réfugier chez mon ami Steve Oplume. Il me recueillit dans son étui douillet après avoir entendu mon récit et mes attentes.
Dès que j’eus repris quelques forces, je me plaisais à imaginer les domaines dans lesquels je pourrais me réincarner.
Je priai Steve de noter mes desiderata en attendant de pouvoir rédiger moi-même ma lettre au directeur du Centre de dons d’organes…
J’imaginais mes dons au Centre de Revalidation cinématographique . Je lègue :
– mon capuchon pour réparer la déchirure du capuchon de Robin des Bois
– mon corps pour la restauration du fût d’un canon de Navarone,
– ma pointe pour raviver les neiges du Kilimandjaro,
– mon ressort pour réparer le parapluie de Catherine Deneuve
– mon poussoir pour restaurer le jouet de Pierre Richard,
– mon tube pour réparer le stylo-révolver de James Bond,
Exception : mon encradéenne car elle doit encore servir pour écrire, en 2016, les noms des Césarisés.
Ou encore…..attendez, que je réfléchisse, je suis épuisé….
lire :
… aucun de ces objets ne t’inspire ?
henriette
A la belle endormie
— Ohé ! Réveille-toi ! Tu es à la bourre, ils ont tous écrit de belles choses, et toi, tu dors ou quoi ?
— Non, je n’ai pas d’idée ! Ils ont tout dit, tout écrit, mes neurones sont endormis, je voudrais continuer à dormir.
— Pourtant le sujet est pour toi, tu les aimes tant les stylos, regarde autour de toi, ta belle collection, aucun de ces objets ne t’inspirent ?
— Ohé la Muse ! Laisse-moi du répit, ma tête aujourd’hui a pris les RTT accumulées au fil des ans, ses congés, ses… enfin tout ce qui parle d’absence.
— Continue de dormir, pourtant j’avais une idée et… !
— Silence, je te prie, je voudrais faire un pâté sur la page, il y a si longtemps que je ne me suis pas amusée.
— Non, mais à ton âge, comment oses-tu ? Tu deviens gâteuse, s’écria la Muse horrifiée ;
— Justement à mon âge je pense avoir le droit à une petite faveur, un caprice avant de plonger dans l’oubli.
— Bon je vais t’aider, te souviens-tu au fond de la boutique dans la réserve où l’on stockait les invendus ? Ces petits coffrets en bois ou en velours qui recélaient des trésors, auxquels ont ne doit pas toucher ?
— Oui, les vieux stylos, bons à jeter à la poubelle…
— Il y en a pourtant quelques-uns que je voudrais te présenter !
— Je t’écoute rabat-joie !
Agacée je fermais les yeux, et peu à peu le rêve m’emporta. La maison du Stylo s’ouvrait devant moi :
— Voilà, je suis le plus ancien, vierge de tout sang, le stylo oublié, laissé là à dormir au fond de mon coffret. Je n’ai jamais été utilisé et ne suis donc pas usé malgré mon grand-âge. J’ai 132 ans ne t’en déplaise, seul rescapé de mon illustre famille, abandonné depuis tout ce temps sur cette étagère au fond de l’entrepôt.
— Mais tu as donc connu les plumes d’oie ? Répliquai-je ;
— Certes, mes frères les ont remplacées, puis sont partis, ils ont eu des petits, et moi toujours puceau, mais brillant par l’or de ma plume et malgré ma bakélite sévère je voudrais bien enfin que l’on me permette d’écrire !
— Pourrais-tu retrouver les récits du passé ?
— Quenidouille, vide je suis, vide de tout, on m’a abandonné, oublié, mais je suis celui qui va te sortir de l’impasse où tu te trouves.
— Que va-t-on faire ?
— Tu as une lettre à écrire, me semble-t-il, mais je te préviens, n’accepte pas le sujet, car moi je suis UN, Entier et Indivisible, on ne m’autopsie donc pas, mes organes je les garde ils sont précieux, et n’iront pas à la science.
— Oui, mais que faire, c’est le sujet donné par un certain monsieur Perr…
— Donné ou pas, tu ne me décortiques pas !
— Je vais être hors sujet…
— La belle affaire, j’en appelle à mes frères qui ont fait des affaires…
— Présente-les-moi, cela fera un peu plus long.
— « Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue… »
— Oh le stylo de Rimbaud celui qui l’accompagna au cours de ses voyages ?
— Oui, tu as trouvé, et il y en a tant d’autres, qui ont laissé des traces.
— « … La vie recommença comme avant, et sans laisser de traces… »
— Oui, c’est Sagan, elle m’a toujours été fidèle dit le beau Waterman.
— Tu as une lettre à écrire, s’indigna la Muse !
— Halte là, je veux faire le point avec ces écritoires qui laisseront éternellement une trace d’idée, d’un amour sans faille, d’un rêve sur un bout de papier…
— Moi j’ai écrit des lettres d’amour, dit l’autre tout fier, je ressens encore la sensualité de la main qui m’enveloppait et me caressait rêvant déjà aux formes douces de sa belle ;
— Toi par contre, tu sévis entre les mains d’un politicien assoiffé de discours malhonnêtes, ou celui dont les idéaux futurs tombèrent dans l’abîme, insista la Muse ;
— J’en ai tant tracé des signes sur le papier que ma plume s’écorche quand m’en vient l’idée,
— Moi je n’ai servi qu’à signer des chèques et des courriers au bas d’un parapheur, se cabra le noir Dupont !
— Moi, des carnets de notes, et moi, et moi dit celui au bout rongé, des devoirs obligés au cours de mes jeunes années…
— J’ai pourtant souvent rêvé de changer le monde, j’ai signé des traités, véhiculant aussi des mots et des paroles insensées ;
— Moi je fus le stylo d’un écrivain raté, qui griffonna beaucoup sur le bord de la page ;
Chacun parlait pour soi, m’expliquant leur commerce.
Un Montblanc regimba :
— Notre principale qualité est sans doute la patience, nous attendons calmement au fond d’un tiroir ou d’un pot à crayons, on nous perd, on nous jette, on se lasse et nous remplace ;
— Tomberons-nous dans l’oubli avec tous ces claviers, ces pointes Bic, ces feutres et les autres ?
— Et aussi les textos sans élégance ;
— On m’a ignoré, et je suis toujours là s’imposa le jeune puceau ! Je voudrais bien aussi chatouiller un vélin ou même un papier quadrillé ;
— Oui, mais avant tu dois subir une transfusion, à toi de choisir la couleur, noire, bleue, rouge, verte… selon tes préférences.
Chacun soupirait dans son coin, mais la muse veillait…
— Arrêtez de gémir, la lettre n’est pas écrite et toi le jeunot tu n’as point décidé de ce que tu ne souhaites pas donner !
— Mais je ne donnerais RIEN ? J’ai traversé les temps dans ma globalité, je retourne au sommeil puisque vous m’y obligez.
Ainsi fut décidé, et mon stylo ne donnera rien à la postérité.
Henriette
Donneur d’or
D’organes seulement
Mais des organes en or !
Point vous ne le regretterez !
Je vous lègue le meilleur
Mon corps fin, ciselé,
D’or incrusté
Tenu par tant de mains
Ecrit tant de destins
Ouvert des lendemains
L’encre s’est usée enfin
Vous ne l’aurez point
Et c’est ainsi très bien
La plume ce matin
Au coucher de lune s’est éteinte
Jamais plus de fin
Prenez ceci est mon corps
Encore un petit effort
Je vous salue très fort
Un stylo en fin de vie a décidé à donner son corps à la science.
Rédigez la lettre dans laquelle il se déclare donneur d’organes et précise ceux qu’il ne souhaite pas donner.
POUR FAIRE VALOIR CE QUE DE DROIT.
Mes chers Amis, les humains,
– Pour moi est venu le temps de rejoindre mes ancêtres, plumes d’oies, canard, corbeau, calames et autres. Je les rejoins. Je passe à la postérité. Laissant à contre cœur mon allure fière et longtemps admirée. Je suis vieux, si vieux. Je vous lègue vous, les humains, vous qui fûtes mes amis, une toute petite partie de mon moi, celle que vous devinez à peine, peut-être même, celle que vous ignorez totalement, tellement elle fait partie intégrante de mon tout. Cependant, j’insiste, je vous prie de respecter ma prière.
– Que diable allez-vous penser ? Que veut- il nous offrir qui soit à ses yeux si important et qui pourrait nous être utile ?
– Continuez à me lire, j’y arrive. Je vois déjà vos yeux interrogateurs en pensant me serrer dans vos doigts.
– C’est le petit anneau qui enserre mes deux corps, celui du haut avec son capuchon et celui du bas qui maintient ma plume. C’est un bel anneau sur lequel il est tatoué un poinçon, sans doute le fruit d’un artisan à l’époque de ma naissance. Ils prenaient le temps autrefois, l’artisanat était monnaie courante. Le compte-temps n’existait pas. Ce temps qui aujourd’hui me relègue à une mort prévue et autorisée. Je laisse ma place aux stylos bille, rollers ou autres nouveautés fracassantes et je dois reconnaître si utiles comme les ordinateurs qui justement multiplient la vitesse au niveau de l’éclair. Je vous lègue cet anneau, je vous supplie de l’offrir à la science en tant qu’objet de réflexion. Je me vois déjà derrière la vitrine d’un musée, je m’y trouverai tout à fait bien. Je ne vous demande pas une place de choix. Au contraire, une toute place, je serai posé comme cela, humblement, sans emphase ni chichis. Ainsi, je suis reste persuadé qu’au gré d’une balade, des regards d’enfants s’arrêteront sur ma petite chose, demanderont à leur accompagnateur, un père ou encore mieux, un grand-père qui sera fier d’apprendre à son petit-fils comment mon anneau venait participer à l’élaboration d’un stylo plume ancien. Il déballera j’en suis sûr, moult histoires lui ayant appartenues et ainsi repartiront ils comblés de se connaître un peu plus. Grâce à moi, mon anneau satisferai-je peut-être un historique mis de côté. N’est-ce pas un peu de sciences ?
– Mais jamais, au grand jamais, vous n’aurez le reste de mon corps. Il est trop usé d’abord, je suis fait de corne, ma particularité. Depuis des décennies et des décennies, j’ai appartenu à la même famille. De Père en fils et ainsi de suite, je me suis transmis par leur intermédiaire. Je me souviens du premier, il m’avait acheté à cet artisan et avait dû économiser une partie de ses économies. Pour un paysan, c’était difficile. Mais il s’était toujours attaché aux belles lettres et le soir, à la lumière de la chandelle, il s’essayait aux pleins et aux déliés. Il s’appliquait tant que je souffrais de la force qu’il y mettait. Je sens encore la terre qui s’est incrusté en moi, à l’assurance qu’il se donnait comme les sillons de son champ qu’il labourait. Puis, il y a eu les autres, ses descendants. Des braves comme lui, des rustres et des plus malins. Puis, le temps des intellos est venu et aux doigts velus et terreux se sont succédé des doigts agiles, porteurs, prometteurs.
– J’ai un grand frisson quand une volupté soudaine a parcouru mon entier quand de doux doigts parfumés ont imprégné à jamais le prix de l’amour. Nous avons fait ensemble une longue route, elle s’appelait Maténa.
Le jour où elle a porté mon capuchon à ses lèvres humides, je crois bien que j’ai cru fondre. Je n’ai plus retrouvé aussi doux et beau partenaire.
Deux autres sont venus après elle. Efficaces, littéraires à souhait. Les mots, les phrases, les déclarations et les contraires s’affirmaient au gré du temps ! Mais Maténa, plus jamais.
Il a bien changé le temps où mon vieux paysan apprenait et où sa descendance, reconnue et affirmée revendique aujourd’hui sans fautes aucunes et avec véhémence et justifications.
– Vous me comprenez un peu, vous les scientifiques ? Je peux vous offrir mon cœur mais pas mon âme et mon corps qui est si déformé, si usé par tous ces hommes qui m’ont pris, m’ont serré à perdre mon sang bleu qui sortait par ma plume. Non, définitivement, non, je ne peux vous l’offrir. Alors brûlez mes deux corps, je vous en supplie pour que je fonde dans l’éternité.
ST ETIENNE, le 10 novembre 2015
Le temps presse et je ne veux pas finir parmi les immondices du quartier. Je sais combien vous m’avez aimé, je sais aussi votre détachement vis-à-vis des biens matériels. À la seconde où je rendrai mon ultime soupir, vous me remplacerez sans état d’âme. Sachez que je ne suis point de ces gadgets que l’on abandonne comme un kleenez usagé. Je vous ai donné la gloire, accordez-moi un peu d’humanité en respectant mes dernières volontés.
Je soussigné, Montblanc Maïerstuck, matricule 7923, de couleur bordeaux laqué, donne mon corps en bloc à la science littéraire. Je refuse d’être déchiqueté et de servir à rafistoler de moins vaillants que moi. J’émets cependant une réserve : mes cartouches iront à un écrivain qui, malgré les refus, persévère et s’escrime à peaufiner ses textes. Je mettrai toute mon ardeur afin qu’il accède à la notoriété.
Il me plairait de vous voir verser une larme lorsque je vous quitterai. J’en ai tant fait couler sous le joug de vos doigts !
Fait à Pointe-Noire, le 9 novembre 2015, premier jour de la saison des pluies. Paix à mon âme.
Un stylo en fin de vie a décidé à donner son corps à la science.
Rédigez la lettre dans laquelle il se déclare donneur d’organes et précise ceux qu’il ne souhaite pas donner.
Je n’en peux plus souffla-t-il. Une dernière coulée d’encre bleue s’étala sur la feuille, petite marre indélébile au bout de la rivière des mots. Il frissonna encore un moment entre les doigts de Jeanne, puis tomba doucement sur le bureau.
Tout était calme, le soleil filtrait en rayon d’or à peine voilé, la journée devenait crépuscule. Le rideau clair de la chambre s’envolait dans la brise de cette fin d’après-midi. Jeanne quitta sa chaise à regret, elle aimait tant écrire. Elle disparaissait dans un monde invisible et traversait les prairies de son âme. Elle vagabondait, riait, pleurait, voyageait dans des espaces infinis sans quitter sa chambre minuscule.
Son cher stylo, celui que lui offert son père pour ses 15 ans, sans lui, qu’allait-elle devenir ? Peut-être n’étais-ce pas si grave ? Peut-être, juste un moment de fatigue et Jacques allait y remédier. Il devait passer en fin de soirée , elle le lui montrerait. Jacques est un médecin renommé, il ferait surement quelque chose.
Jeanne regardait sa feuille quadrillée, elle était à peine recouverte de sa petite écriture fine, des pattes de mouche disait sa mère ! La tache qui c’était maintenant répandue jusqu’à la marge, ressemblait à un lac dénué de vie.
Pour tromper son chagrin, Jeanne décida de faire une promenade dans le parc près de l’immeuble, elle rencontra Juliette, son amie d’enfance, puis croisa quelques chats égarés qu’elle nourrissait chaque jour et qui la suivaient avec des miaulements plaintifs et des regards suppliants. Elle en caressa un ou deux machinalement et remonta chez elle aussi affligée qu’elle en était descendue.
La nuit était presque tombée. Jacques sonna à la porte et entra, jeanne avait les yeux rouges et les paupières gonflées. Elle expliqua, entre deux sanglots comment son stylo avait rendu l’âme en fin d’après-midi et tout l’espoir qu’elle osait mettre, encore, en la capacité de la médecine.
Jacques ajusta son masque, enfila ses gants, qui ne le quittaient jamais, ouvrit son grand sac et extirpa du fin fond une pince et des bistouris. Jeanne debout à côté de lui retenait son souffle et ses larmes.
: « Compresses, bistouri, non le petit ! éponge, attention non de non ! Pince. La plaie était large et l’encre coulait de plus belle. Mais éponges donc ! Tu ne vois pas que ça coule là ! Compresse, plus vite aspire ! Avec précaution bon sang ! Jeanne tremblait et n’y voyait plus rien.
Un crissement se fit entendre, le stylo agonisait. Jeanne sanglotait maintenant et jacques s’énervait contre elle, comme tout praticien qui se respecte, et qui, face au stress fait valoir sa supériorité sur l’assistante.
Laissez-moi en finir soupira le stylo.
Non ! Sans toi je en suis plus rien hurla Jeanne. Plus de voyage, plus d’échappatoire, rien. Je veux mourir moi aussi.
Jacques lui lança un regard noir et épongea son front têtu.
Il aimait bien Jeanne mais là c’en était trop, sa journée avait été épuisante, des patients qui mettaient tout leur avenir entre ses mains et échafaudaient des scénarios sans queue ni tête parce qu’ils avaient lu sur un forum de médecine vulgarisateur que leur maladie devait être rare et surtout inguérissable. Cela leur donnait un tel prestige, une importance qu’ils n’avaient jamais eue, pauvres quidams sans gloire !
Un soupir et un dernier jet d’encre bleue délavée, un faible grincement et quelques mots prononcés in extrémis : « prenez de mon corps ; les pièces qui peuvent aider à sauver d’autres congénères et laissez l’inutile Pour Jeanne en souvenir de moi .voici la liste à remettre au médecin légiste. »
Tout ce qui ne peux aider à la survie d’un autre sera remis à mon amie Jeanne pour la remercier de ses soins et de son amour, j’aimerai qu’elle mette mes restes dans un coffret garni de velours bleu nuit et recouvert d’une vitre
teintée de bleu très clair afin de me protéger de la trop grande luminosité…
Document à donner au receveur
« Conseils de conservation et d’entretien d’un stylo plume »
Comment conserver mon stylo plume pour obtenir des performances optimales ?
• Lorsqu’il n’est pas utilisé, le stylo doit être rangé la plume vers le haut.
• L’encre retombera ainsi dans le piston ou la cartouche.
• Cela évitera qu’elle ne sèche ou ne bouche la plume.
Comment dois-je nettoyer mon stylo plume et à quelle fréquence ?
• Nous vous conseillons de nettoyer votre stylo plume après chaque remplissage.
• Si c’est un stylo, trempez la plume et le grip dans une tasse d’eau froide.
• Laissez-les tremper toute la nuit.
• Nos encres étant solubles à l’eau, elles se dissoudront.
• Retirez le bloc de section de l’eau et rincez-le sous un léger filet d’eau froide.
• Soufflez légèrement dans la partie plume pour faire disparaître toute trace d’eau.
• Vous pouvez à présent insérer une nouvelle cartouche ou un piston à encre dans le bloc de section.
Alors une nouvelle vie commencera pour moi pleine de rêves, d’aventures d’histoires palpitantes.
Dans chaque pièce greffée demeurera le souvenir de Jeanne, de son écriture, fluide et secrète, de son imaginaire fragile.
Mon cœur bleu continuera de battre entre les mains d’un jeune écrivain, qui remarquera, étonné, que son inspiration c’est bien améliorée depuis qu’il a abandonné le clavier pour l’écriture manuelle.
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Un stylo en fin de vie a décidé à donner son corps à la science.
Rédigez la lettre dans laquelle il se déclare donneur d’organes et précise ceux qu’il ne souhaite pas donner.
Mon propriétaire, romancier célèbre, est nerveux comme un colibri. Il ne cesse de faire des ratures à vouloir écrire plus vite que son ombre !
Alors, dès que le computer devint un outil très personnel, comme son nom l’indique, mon propriétaire, pour mémoire, romancier célèbre, en acheta un.
C’est à partir de cette période qu’il me délaissa pour le « traitement de texte ». Je peux le comprendre ! Si j’avais été à sa place, j’aurais fait pareil.
Régulièrement, il me prenait entre se doigts, me faisait rouler doucement, levait sa main l’abattait rageusement pour griffonner je ne sais quoi. J’en avais mal à ma bille !
Ensuite, je retournai à ma somnolence automnale. Tranquillement. Jusqu’à ce que je me réveillai en plein hiver. J’étais arrivé à la fin de ma vie.
Il était temps de songer à mes lendemains. Vu mon expérience et mon vécu, je décidai de faire don de mon corps à la science. Je rédigeai ma lettre d’une main ferme.
Au moment de signer, il me sembla que les termes « mon corps » risquaient de nuire à mon intégrité. Dès lors, je recommençai mon écrit apportant quelques précisions.
– Je lègue mon poussoir à mon ami le jardinier afin qu’il puisse réparer la fermeture éclair de son pantalon (je spécifie que mon ami le jardinier est le descendant d’un illustre jardinier, amant d’une Lady dont je tairai le nom) ;
– je lègue mon capuchon couleur vert anis, suçoté à souhait, au fils de Serge Gainsbourg, en souvenir de la chanson qui a rendu célèbre une petite blonde, homonyme de deux équipes nationales de rugby.
– je lègue mon ressort à mon ami le coucou de la pendule, qui est trop fatiguée et qui lui cause, (au coucou, pas à la pendule) des accrocs sur le bec ;
– je lègue mon corps principal à Thierry Lhermitte en souvenir d’« Un Indien dans la ville » ;
– je lègue mon tube parfaitement curé de toute encre, au papé du bistrot du coin dont le conduit auditif (du papé, pas du bistrot) est endommagé.
– je lègue ma pointe, en forme de bille d’acier, à mon amie la cigale en guise de cochonnet, pour son club de pétanque.
Exception :
Je refuse que l’on touche à mon ADN de quelque façon que ce soit, afin de respecter la promesse que j’ai faite à mon propriétaire, pour mémoire – romancier célèbre et prolixe.
En effet, je ne voudrais pas que l’on découvre une concordance à 100 % entre mon ADN et l’ADN figurant sur les chèques qu’il glissait en toute discrétion à ….. Chuuuuut
Je datai et signai.
Enveloppe. Timbre.
Après avoir posté ma lettre, je fus saisi de tremblements (barré), de stupeur (barré), de tétanie (barré), d’effroi. Je venais de me rendre compte que, par ce don superbement hétéroclite et extraordinairement banal, je me privais de la jubilation de mille réincarnations….
J’étais anéanti. Il fallait que je trouve une solution. Je devais faire preuve de vélocité car j’étais en fin de vie, au seuil de la mort, « exencre ».
Certes, j’avais bien ouï dire qu’il existait quelque part une espèce de magicien de mots, d’enchanteur d’idées. Je sentais mon dernier souffle arriver, tel un chuintement de roulement à bille sur une page ….
J’eus encore la force de saisir un morceau de fusain que j’enfonçai maladroitement à l’embout de mon corps et traçai avec le plus grand désespoir (barré) espoir un ultime SOS…
« J’implore Monsieur P.P. ou toute personne proche de lui, d’intercéder en ma faveur afin de me fournir une dose infinitésimale de son élixir conservé dans une encrier encadré de deux ailes . Gratitude éternelle en remerciements.
© Clém————
Le fusain rendit l’âme.
j’aime beaucoup, Clémence , merci pour ce partage
Merci, eleonore !
C’est très joli Clémence. Merci
C’est très joli Clémence. Merci pour ce moment de lecture agréable.
– Ma mie, je m’étiole et je sens que mon encre se tarit…
– Mon ami, est-ce déjà l’heure de nous quitter ?
– Je le crois, hélas ! Mais point de regret, ma fidèle : j’ai tout donné et vécu pleinement ces trois années auprès de vous, heureux de m’épandre sur vos blanches pages, ma bille toujours alerte, fidèle à notre baron qui n’hésita pas à engager son nom et sa fortune pour créer ce simple objet d’écriture, désormais incontournable, dont j’ai eu l’honneur de porter l’illustre nom de Bic Cristal !
– Oui mon doux, vous pouvez en être fier. Vos ancêtres n’ont pas à rougir de vous, pas plus votre doyenne plume d’oie que la ravissante « plume sans fin » du XVIIe siècle ; encore moins le porte-plume et sa fidèle Sergent major, et pas davantage son alter-ego, le stylo-plume, objet précieux s’il en est. En quelques décennies, vous avez colonisé le monde, participé à l’éducation de tous les enfants – y compris dans les contrées reculées les plus pauvres – fréquenté toutes les couches de la société, sans distinction de race ni de couleur ; rempli les trousses d’écoliers, les poches des ouvriers, cadres ou dirigeants et celles des mères de famille ; accompagné dessinateurs, créateurs, musiciens, artistes, avant d’être exposé dans les plus grands musées de New-York et Paris comme œuvre d’art ! Votre succès est universel, planétaire… Tout cela à cause d’un jeu de billes, une pichenette dans une flaque d’eau qui a suffi à faire jaillir une étincelle d’inspiration dans le cerveau de votre créateur !
– C’est pourquoi je pars heureux d’avoir participé à cette incroyable aventure : un jour, j’en suis certain, nous irons conquérir le cosmos ! D’ici là, j’aurai rejoint la corbeille puis la déchetterie à l’instar des objets devenus inutiles qu’ils nomment dédaigneusement « déchets ». Mais avant le dernier voyage pour l’usine de retraitement, je veux dire à mes descendants la chance que nous avons de passer entre toutes ces mains, de maisons en maisons, de vivre aux antipodes ou simplement au bout de la rue. C’est notre destin d’objets périssables, et pourtant incontournables, en permanence au service de la création !
– N’aurez-vous rien d’autre à léguer, mon bien-aimé ?…
– Pas grand-chose, en effet, hormis peut-être mon capuchon, égaré si souvent par les distraits, ce qui d’ailleurs n’a jamais altéré notre bon fonctionnement : encore un prodige de nos géniaux inventeurs ! Je vais serein, ma précieuse, sachant que la relève est assurée : bien qu’ayant l’impatience de la jeunesse, nos petits derniers – feutres et rollers – sauront se montrer dignes de leur mission, j’en suis certain ! Alors que roulent leurs billes, loin et longtemps ! Adieu tous !
Bon lundi, Christine
À OUVRIR LA PROCHAINE FOIS QUE TU OUVRIRAS TON TIROIR
Très chère,
Voilà, après mûres réflexions, je me décide à te faire part de mes dernières volontés.
Non, ne prends pas cet air étonné. Je le sais que tu penses à te débarrasser de mon encombrante personne. Tu crois que je ne les ai pas deviné tes intentions. Je l’ai bien vu ton air, hier, quand tu farfouillais dans ton tiroir. Tu m’as examiné sur toutes les coutures, tu as hésité longuement à me balancer dans la corbeille à papier avec les disquettes, les crayons en bout de course, le papier carbone. Je pense que, la prochaine fois qu’il te prendra l’envie de faire du rangement, tu ne feras plus de sentiment.
Je me rappelle quand tu m’as eu en cadeau. Tu en avais marre de pomper sur le piston de ton vieux Waterman que tu n’as pas hésité à bazarder. J’ai donc décidé de faire don de mon corps à la science pour la postérité. Par contre, j’aimerais que tu gardes ma plume en souvenir de nos bons moments. Tu te rappelles sûrement que c’est grâce à elle que tu as écrit ton premier roman. Je ne vais pas faire mon prétentieux mais, depuis que tu laisses vagabonder tes doigts sur le clavier, l’inspiration t’a quittée, ma chère. Où est-il le second chef-d’œuvre que tu te promettais d’écrire ? Tu passes des heures sur facebook, sur les chats et autres blogs. Je te conseille d’aller sur le site d’un certain Pascal. Il saura te remotiver. Je sais qu’il utilise encore un stylo ; c’est ma languette qui me l’a dit. D’ailleurs, celle-ci, je ne souhaite pas la donner à la science car ton prénom y est gravé. En y réfléchissant bien, tu devrais également garder ma carapace irisée du plus bel effet lorsque j’étais dans ton pot à crayons.
J’en ai terminé avec ma plaidoirie. À toi de juger, ma très chère.
Ton fidèle et loyal serviteur.
Rey
Je te donne ma bille
car son trait se brindille;
prêtes-lui donc ta plume
pour un titre posthume.
Je te lègue mon encre
et mon corps cristallin
à seule fin que tu hantes
mes écrits de demain
Je donne mes couleurs
à ta prochaine fresque,
et puis tous mes ressorts
à tes frêles arabesques
Je veux bien être utile
et à la science donner
mes organes fossiles.
Pourtant de mon stylo
j’aurais préféré
ne donner que le o,
pour préserver mon style.
Très joli. On a envie de le chanter. Bravo
Merci, Bénédicte
sur l’air du tra, la, la , la
si c’est votre verdict
moi, ça me va et tralala
Madame, monsieur,enchantez vous. C est avec ma derniere encre que je desire exprimer mes dernières volontés. Aujourd hui sur le point de signer mon arret de mort, je souhaite avidement mettre un point final a mon vecu. Digne de moi, digne de vous mes createurs. Pour ce, je souhaite leguer certains fragments de mon moi a la science:mon bouchon, quoi qu un peu mâchonné,peu esthetique mais résistant, pourrait servir a ceux qui sèchent. Mon corps, quoi qu un peu cassé sur le bout, fin mais solide, pourrait sauver les cul de jatte. Enfin ma mine je vous la lègue: trouvez lui de bonnes mains. Je veux qu elle s use a bon escient, sauver une ame atrophiée. Qu elle rature toutes ses blessures, qu elle tache de noir ses impuretés, qu elle se dessine un nouveau monde et qu elle ecrive ses discours. Madame, monsieur, barrez mon nom a l hospice. Saisissez l inssaisissable de mon ame en partie incrustée sur ce papier-et sur tant d autres.
Mademoiselle Juliette Dupont – Schaeffer
1802 avenue Victor Hugo
75016 PARIS
à l’A.P.D.O.E.T.G
Monsieur,Madame
je vous adresse ce courrier afin de solliciter la possibilité de léguer à votre association mes principaux organes de stylographe en fin de vie.
Il s’agirait :
– d’un capuchon avec ornements plaqué or en bakélite
noire
– du corps principal assorti et ses organes internes vides de toute encre.
Etant n.m,ils ne m’importent en aucune façon.En revanche, je tiens à conserver la plume en or.
Elle a été la principale actrice de mon soutien sans faille envers Mme F.D qui m’a reçue en cadeau lors de son succès au concours d’entrée à la faculté de médecine,il y a fort longtemps.
Tout le travail effectué avec cette plume qui courrait sur les copies,les carnets de Mme D.a fait d’elle ,et de moi par la même occasion, des alter ego de cette chercheuse si attachante , d’une intelligence si novatrice.
Nous avons vécu ensemble une longue histoire passionnelle,nous ne nous quittions pas, j’avais toujours ma place auprès d’elle,dans son cartable d’étudiante,une de ses poches,sur son bureau ou sa table de conférence. Ceci pour vous expliquer que depuis sa disparition,je n’ai plus goût à la vie.
Je souhaite vous demander quelque chose de très important:
précisez bien dans votre reçu de don que je suis,comme vous avez pu le constater à mon en-tête, UNE stylo, aussi étonnant que cela puisse paraître.
C’est un dernier hommage que j’adresse à celle que j’ai considéré comme mon amie toutes ces années.Elle qui fut une des pionnière dans la reconnaissance de la libido chez les malheureuses qu’on appellait le sexe faible, juste bonnes à perpétuer la race humaine,sans plaisir la plupart du temps.
Oser parler de jouissance ,de désir féminin,il fallait le faire!
Mais je m’emballe, et mon pauvre corps se fatigue.
S’il vous plait,quand vous aurez prélevé les organes que je vous destine, veuillez déposer ma plume dans l’étui doublé de satin rouge posé sur la tablette du haut de la bibliothèque qui reste celle de Mme F.D, en espérant qu’un de ses descendant les trouve.
Avec mes remerciements pour m’avoir lu attentivement, du moins je l’espère,je compte sur votre bienveillance afin que mes modestes dernières volontés soient respectées.
Cordialement vôtre
J.Dupont – Schaeffer
Mes chers amis,
Au départ, je vous l’avoue je voulais donner tous mes organes à la science.
Je m’imaginais bienfaiteur de l’humanité, encensé par les médias, faisant le buzz sur Facebook et Twitter, figurant sur le livre des records et dans le Who’swho que sais-je. Mon égo en était tout émoustillé.
Sous mon capuchon, j’avais même fait ma répartition.
Mes plus belles taches d’encre sur un papier buvard retrouvé par miracle dans le tiroir d’une archiviste centenaire.
Mes alexandrins favoris intégrés dans un volume de la Pléïade sous le titre « les derniers vers d’un poète inconnu ».
Ma cartouche d’habitude si sagement noire rougissait d’émotion se voyant si honorée.
Mais ma plume en or se sentant devenir bijou rare et précieux refusa obstinément ma décision.
Alors je suis revenu sur tout ce que j’avais dit précédemment.
Messieurs les réparateurs de stylos s’il vous plait, faites moi une transfusion d’encre bleu flamboyant . Je veux encore servir, transmettre les pensées des poètes et surtout écrire des chansons d’amour.
J’aime beaucoup. C’est délié, poétique. Bravo !
Mes chers amis de trousse,
Lorsque ma fin viendra, je vous demande d’être vigilant car mon propriétaire voudra certainement me jeter à la poubelle,
Aussi je vous serais gré de me mettre en morceau et d’en partager les éléments selon mes dernières volontés,
Je désire plus que tout…
que mon encre abreuve un écrivain en panne
que mes cartouches ne parviennent pas jusqu’aux chasseurs
que mon réservoir soit une source de lettres
que ma bonne mine illumine un enfant malade
et que ma plume caresse un beau visage
Cers amis, nous avons écrit de belles lettres d’amour, des courriers de colère et des missives d’un autre temps. je me souviendrais de chacun d’entre vous,
Votre dévoué stylo noir »
J’aime beaucoup aussi.
Moi,sus-nommé TANK 400 fabriqué en 1947 dans les établissements Pierre Baignol ait décidé que:
1. Suite à l’échec de ma commercialisation et la quasi non utilisation de rares clients, je me dois de disparaître.
2. Malgré mon nom et une apparence rendant clairement hommage aux blindés de la seconde guerre mondiale, je n’ai d’une aucune manière participé à la victoire des alliés.Mes seules chaînes sont celles de l’amitié entre les peuples.
3. Je lègue donc la cartouche, le corps même de moi à la science de la paix.
4. Que si pour régler les guerres, il suffisait pour me recharger de visser au bloc-plume l’un des quatre « corps cartouche » en plexiglas fournis dans l’étui et de rédiger des missives d’entente, d’écoute et de partages.
5. Je suis un et entier et je souhaite le demeurer.De toute façon vous me vendrez plus cher neuf, complet avec mon élégant boîtier.
6. Et que ma plume neuve, jamais déterrée puisse financer sur toute la Terre de réels efforts de paix.
7. Stylos du monde entier, serrez les rangs des plumes.Ne signez pas tous ces papiers de compromission. Arrêtez de charger le papier des traces de l’obscurantisme.
M’avez vous compris ?
Le 20 Juillet 1948
TANK 400 n°22
BRAVO !
merci beaucoup
Chers amis
Je me déclare par cette lettre, donneur d’organes,
Que les enfants prennent mon corps pour sarbacane.
Au plumitif je lègue mon cerveau,
Mon imagination et son berceau.
La cartouche d’encre a l’imprimeur,
Qu’il puisse publier à l’heure.
Je rends ma plume à l’oie,
Vous la remercierez pour moi.
Pour léguer le capuchon,
Prévenez le rouge chaperon.
Quant à la science qu’elle garde mes fonctions,
Qu’elle continue pour nous, toutes ses fictions.
Merci d’avance
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