Exercice inédit d’écriture créative 111

J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud
quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.

Imaginez une petite histoire en partant de cette phrase.

13 réponses

  1. Clémence dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.
    Il prit une chambre dans un palace de Venise. Pour l’année.
    Il installa sa machine à écrire devant la fenêtre, la vue était splendide. Selon son habitude, il posa une série de fiches sur la table.
    Un croquis, quelques mots pour chacun de ses personnages et quatre photos
    d’ « Elle » dans des poses suggestives.
    Ce matin, il se leva de bonne humeur, la nuit n’avait pas été trop arrosée.
    Il engagea une feuille dans la machine et frappa… première ligne, deuxième ligne, premier paragraphe.
    « Il la bascula sur le lit… »
    – Stop ! s’écria le contrôleur de mots. Votre titre de transport, s’il vous plaît…
    Mais d’où sortait ce bonhomme rondouillard, gesticulant comme une poignée de pop-corn fusant d’une marmite à pression ?.
    L’écrivain obtempéra, tendit sa main vers le premier tiroir, sortit son titre de transport et le présenta au contrôleur.
    – Vous ne pouvez pas circuler dans ce type de transport. Je vous prie de descendre dès la prochaine strophe.
    L’écrivain retira la feuille à peine entamée, la déchira. Il replaça une nouvelle feuille et se recommença à dactylographier.
    «  Il la déshabilla du regard et s’apprêtait à… »
    On frappait à la porte. Il se leva et alla ouvrir.
    Un gendarme se tenait face à lui.
    Dans un français approximatif, il lui remit entre les mains un PV dont les motifs étaient : excès de vitesse et préliminaires grillés.
    L’écrivain sentit la colère gronder. La rédaction de ses pages quotidiennes était compromise.
    Il arracha la feuille, la roula en boule, replaça une nouvelle feuille entre les rouleaux et reprit son récit en tenant compte de l’avertissement du PV.
    «  Ils étaient face à face, un pouce caressait doucement l’arc de cupidon de sa bouche, l’autre faisait doucement glisser la bretelle de sa robe légère… »
    On frappa à la porte. Il se leva. Un groom était planté devant lui, tout sourire :
    – Monsieur, votre smoking pour ce soir ….
    Il revint à sa table, relut les derniers mots et frappa…
    «  La bretelle de sa robe légère et la chemise… Quelle chemise ?… »
    Il arracha la feuille en s’écriant :
    – La barbe, la barbe…  »
    La boule de feuille serrée, rejoignit la poubelle. La machine avala une page vierge. Il reprit là où… 
    « Leurs mains dansaient une ronde folle …Ses ongles remontaient du bas des reins… »
    On frappa à la porte. Tout vêtu de noir, Figaro :
    –  Veni per la barba è la manucura…
    – Plus tard, plus tard, per favore….
    Il appela la rédaction et demanda qu’on lui apporte un verre de whisky… non, une bouteille et un verre…
    La rage au ventre, les sens exaspérés, il continua d’écrire…
    «  Le satin des draps les accueillit dans un tourbillon, leurs jambes telles…… »
    Le téléphone sonna.
    –  Pronto…. Mille grazie… Merci aussi de me livrer mes chaussures faites sur mesure à la réception…
    « Ils n’en pouvaient plus, ils étaient ivres de…. »
    Deux pigeons se mirent à frapper frénétiquement sur la table du balcon, en quête de quelques miettes…
    On frappa à la porte. Il ne fit pas entrer le groom mais il réceptionna d’un geste vif la bouteille et le verre et claqua la porte d’un coup de pied.
    – Maudite scène … je ne parviendrai jamais à la finir !
    Un léger grattement à la porte se fit entendre…
    Il se leva, les cordes vocales tendues, prêtes à éructer une kyrielle de jurons bien pesés…
    Elle se tenait là, divine, sensuelle, féline. Formes sculpturales moulées dans une robe de soie ivoire. Un bras levé, main posée sur le chambranle, l’autre, voluptueusement sur sa hanche épanouie. Un sourire envoûtant sur ses lèvres carmin. Un parfum capiteux promettait des instants….
    Il lui prit la main, elle lova sa tête au creux de son épaule. Il la fit entrer et l’enlaça tendrement .
    Un brusque coup de vent claqua la porte.
    *********************************************************************************************
    Un clin d’œil malicieux à Ernest et Martha ou peut-être Mary.
    L’auteure espère qu’ils ne lui tiendront pas rigueur de publier cette anecdote aussi peu certaine qu’irréelle.

  2. Samia dit :

    – Mais on dirait que ça fume ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

    – J’ai les neurones qui bouillonnent.

    – Et tu écris quoi, là ?

    – Un récit.

    – Et ça parle de quoi ?

    – Eh bien… de moi.

    – Monsieur écrit sur LUI. Encore un qui pense avoir vécu des choses hors du commun. Je peux lire ?

    – Heu, non, pas tout de suite. Ce n’est qu’une ébauche.

    – En tout cas, tu y mets beaucoup d’ardeur. On pourrait y faire cuire un œuf, sur ton crâne.

    – J’ai toujours très chaud quand je suis dans un processus créatif.

    – Processus créatif, PROCESSUS créaaaaaaaaatif! T’en as d’autres comme ça dans ton sac ?

    – Bon, écoute, laisse-moi travailler. J’ai besoin de calme.

    – Attends voir. Mais c’est quoi toutes ces virgules ?

    – Je veux que mon texte respire, que le lecteur ne se sente pas dans l’urgence en le lisant.

    – Ah ben, il va respirer tranquillement ton lecteur. Prends garde à ce qu’il ne fasse pas un arrêt cardiaque. Ah! Ah ! Ah!

    – Bon, tu me lâches maintenant ! Je vais perdre mon inspiration.

    – Ouais, si elle n’a pas déjà grillé. Il fait une chaleur dans cette pièce.

    – Mets-la en sourdine, contrôleur de mots à la noix.

  3. Françoise -Gare du Nord dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.
    – Qu’écrivez-vous ?
    – Heu ! Un roman ?
    – Puis-je lire ?
    – Mais certainement, répondis-je, dans mes petits souliers, mais voulant me monter malgré tout obligeant.
    – Hou là ! Mais vous écrivez un roman érotique ! Ah non, ce n’est vraiment pas possible ! Je ne peux, en tant qu’inspecteur de l’Académie française qui a toujours défendu la liberté d’expression, condamner le fond – même si personnellement je le réprouve – mais la forme est inacceptable !
    – C’est la censure ? ripostai-je
    – Tout de suite les grands mots ! Non bien sûr que non. Mais vous devez seulement utiliser des termes plus châtiés. Songez une seconde à l’édification des jeunes générations.
    – … m’estomaquai-je
    – Et puis je constate ici et là et encore là les mots suivants « sexy », « string» « pin-up ». Vous ne pouvez utiliser, souvenez-vous en, des mots anglais !
    – Ah bon ! Et à quel titre ? m’insolentai-je
    – Mais au titre de la protection de la langue française, voyons !
    – … m’interloquai-je
    – Et puis dans le 3e chapitre, je lis, alors que vous évoquez clairement un personnage féminin, le terme « partenaire »
    – Qu’y a-t-il encore ? la moutarde au nez me montai-je
    – Mais vous devez vous obliger à la féminisation des noms, sur laquelle, je vous le rappelle, notre vénérable institution a décidé de porter des efforts dans le cadre de la parité
    – !!! soupirai-je
    – Mais que vois-je ?
    – Mais que voyez-vous donc ? m’énervai-je
    – « Marie couche toi-là » !
    – Mais il s’agit d’une expression très ancrée dans notre langage populaire ! m’exclamai-je
    – Ah oui, certainement mais le nouveau Pape s’est récemment indigné de l’emploi de noms –communs ou propres – chrétiens dans des expressions triviales
    – !!! soufflai-je
    – Mais c‘est pas vrai !!!
    – Quoi encore ! m’excédai-je
    – Je lis les mots « Marilynsexuellement » « clitérophobique ». Sans compter que vous créez de nouveaux mots, ce qui est rigoureusement proscrit par la B.R.N – Brigade de Répression des Néologismes-, vous utilisez des mots beaucoup trop longs
    – C’est interdit ??? explosai-je
    – Pas réellement mais les auteurs sont invités à employer des mots plus courts pour respecter – comme tout citoyen -les économies d’énergie
    – Je constate qu’aucun mot issu du vocabulaire de minorités n’est mentionné dans votre ouvrage
    – Le roman ne s’y prêtait pas répondis-je lassé
    – Oui mais vous vous devez, au nom de la mixité, mettre en avant des mots arabes, africains et asiatiques.

    Il termina mon livre en formulant, à chaque page, maints reproches.
    Je ne dus pas être le seul à avoir subi ce contrôle car huit jours plus tard, j’entendis, lors d’un flash infos, l’information suivante : « Hier, à l’aube, à bord d’un A320 de l’Aeroflot, embarquait tout un contingent de mots français qui avaient demandé, et obtenu, l’asile littéraire à l’Académie des Belles Lettres de Moscou. » Le groupe était mené par «Merde », le plus charismatique et plus tonitruant mot de notre vocabulaire.

  4. SoizeD dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau. Glacial, lèvres pincées, un peu austère dans son uniforme col en V (car il avait des lettres comme tout bon contrôleur qui se respecte), il m’avait tout l’air d’un pingouin échappé de sa banquise. C’est lui cependant, se penchant sur mon texte, qui rompit la glace :
    – Qu’est-ce que c’est que cette prose osée ? Vous voulez foutre le feu chez les libraires ?!.. Électriser les lecteurs ?.. Chauffer à blanc les critiques ?!.. Pyromane !
    – Holà, ne vous enflammez pas, vous êtes sur des charbons ardents ! Je voulais juste rédiger un petit texte chaleureux, qui allume un peu de lumière dans les yeux des lecteurs. Un petit truc pompier bon œil, entre Harry Potter et la coupe de feu et Fahrenheit 451.
    – Mais vous avez vu les lettres que vous utilisez ? Ça fait froid dans le dos ! Du X en veux-tu en voilà. Du Q partout ! Des auteurs comme vous, on brûle leurs livres en place publique. On leur gèle leurs avoirs. On s’arrange pour que leurs bouquins soient des fours et les voilà grillés pour toujours. Vous ne ferez pas long feu. Je m’en vais vous rafraîchir les idées, mon jeune ami ! Qui trop embrase mal éteint, croyez-en mon expérience.
    – Vous êtes sinistre. C’est tout de même pas un bouquin incendiaire. Juste un brin bouillonnant. C’est à vous dégoûter de la braise.
    – Écoutez, mon glaçon… je veux dire mon garçon. Comme c’est votre première fois, je veux bien être clément. Je vous propose d’étouffer l’affaire. Une sorte de cessez-le-feu… Vous retournez à vos chères étuves et vous revenez en pôle position. Vous vous en tirez ainsi à moindres frais et…
    Cependant, l’imprudent contrôleur s’étant trop approché de la cheminée où je faisais une flambée en ce beau soir frisquet, s’embrasa du fondement comme une brindille tant il était sec et cuisant. Je n’eus que le temps de lui dire :
    – Attention ! Vous avez le feu au derrière…
    Trop tard. Il fondit instantanément, ne laissant qu’une petite flaque devant l’âtre. Depuis il me plaît d’écrire près d’un bon feu. Au cas où. Les critiques avisés disent que j’ai le feu sacré.

  5. Jean de Marque dit :

    Alors Dugland, encore vos chaleurs littéraires! Faudrait voir à calmer vos ardeurs, à contrôler vos bouffées. Votre exaltation littéraire vous perdra!

    Poser la plume, passer voir Madame , exprimez lui votre ferme libido. La vraie vie n’est plus dans les livres…

    Et ouvrez moi cette fenêtre…c’est la fournaise ici…vous brûlez trop de papier!
    N’abusez pas, sinon on vous coupera les livres…pardon les vivres!

  6. Antonio dit :

    « Dites-donc, mais ça fume là !
    Han ! J’étais pris. Plus rouge que moi on mourrait. J’avais même de la sueur sur le front qui perlait. Je répondis très embarrassé tournant le dos à mes écrits.
    – Euh, oui, j’ai un peu de fièvre, je… euh…
    – Non mais là ! hurla-t-il affolé.
    Il pointait du doigt mes mots derrière moi.
    – Voyez, ils brûlent !
    Je me retournai.
    – Oh mais oui ! … Mon dieu, comment est-ce possible ?
    Une flamme embrasait le papier maintenant. Instinctivement je soufflai dessus ce qui eut l’effet d’animer ma flamme. Le contrôleur fronça les sourcils, suspectant des mots illicites, à première vue inflammable. Il prit son mouchoir qu’il trempa dans le pot d’eau devant lui avant de le jeter sur la feuille en feu.
    Je voulus l’arrêter mais trop tard. Le mouchoir s’enflammait à son tour, le bois de la table commençant à s’embraser de toute part.
    – Mais c’est de l’huile, malheureux, qu’avez-vous fait ?
    Le feu se propageait maintenant sérieusement dans la pièce.
    – Il faut un extincteur ! il faut un extincteur ! s’exclama-t-il en tournant en rond.
    – Là, dehors dans le couloir, il doit y en avoir un, dis-je sans être bien sûr.
    Une sirène se déclencha hurlant dans tout l’immeuble.
    – Sortez ! … Tout le monde doit sortir ! m’ordonna le contrôleur qui apparemment n’avait pas trouvé l’objet de destruction de ma flamme.
    En dix minutes, l’immeuble était vide et mon texte s’écrivait désormais en grosses flammes sur les murs du bureau qui se consumait de mon désir.

    D’en bas, ma collègue Gwendolyne rougissait en voyant le spectacle au quatrième étage. Se tournant vers moi, elle me sourit d’un air coquin. Mon cœur fit alors un de ces Boum ! …

    A moins que ce ne fut l’immeuble. Oups !

  7. gepy dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud
    quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.

    -« Vous ne suivez pas les consignes données. Qu’est-ce c’est que ce texte? »
    -« Un essai, Monsieur le contrôleur des mots, juste un essai »
    – « Voyons cela d’un peu plus près :
    une petite orpheline est élevée par sa belle-mère. Adulte, elle s’enfuit dans la forêt pour échapper aux avances de son beau-père.
    Peut-être pourriez modifier : elle s’enfuit pour éviter la cruauté de sa belle-mère.»
    – « Bon, je rectifie. Mais cela crée une autre ambiance », répondis-je à faible voix, un peu déçue.
    – « Dans cette forêt, elle est repérée par sept bûcherons. Ils l’invitent avec insistance dans leur cabane, parce que la nuit va tomber, qu’elle ne connaît pas cette forêt, qu’il va y faire froid, que les loups ont été réintroduits dans ce secteur… Elle se sent obligé d’accepter et se dit qu’après tout, elle va s’amuser avec ces bûcherons. Il y fait très chaud dans leur cabane. Elle se dévêtit un peu. Rectifiez : la maison est mal rangée. Elle entreprend de faire le ménage et cela lui donne chaud »
    -« Je m’exécute, je rectifie, Monsieur le contrôleur des mots, je rectifie. Ça perd, malgré tout, de son sens premier.»
    -«  les bûcherons commencent à être émoustillé par la présence de cette jeune femme. Leurs sept mains ont envie de la caresser. Pourquoi sept mains ? »
    -« Parce que chacun d’entre eux a envie de poser une main sur une partie délicate de son corps…»  
    « C’est du n’importe quoi ! Vous voulez aller jusqu’où comme cela ? Cela prend une tournure que je ne puis accepter, vociféra le contrôleur. Arrêtez-moi cette histoire de suite. Ou, plutôt, transformez les sept mains par les sept nains et … »

    Et, …Ainsi naquit Blanche-Neige et les sept m… non les sept nains.
    Petit détail : à l’origine, le prince était le patron des sept bûcherons. Ceci, me semble-t-il, devait être précisé.

  8. Saghey dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.
    Il ne pris même pas la peine de se présenter, agitant sous mon nez un papier.

    – « Monsieur, vous n’avez pas le droit d’écrire vos simagrées sans avoir rempli le formulaire E69 ! Rendez-vous compte ! Si tout le monde en faisait de même !
    – Mais il s’agit d’une lettre personnelle, en aucun cas je n’en ferais l’apologie !
    – Et nous y voilà ! C’est toujours la même rengaine ! Ce n’est qu’un test, c’est pour ma femme, je l’écris et je l’efface ! En l’occurrence, je vous ai pris sur le fait alors ne faites pas le malin !
    – Jeu de mains, jeu de vilain.
    – Et ça vous fait rire? Pour votre tentative de fraude vous allez le payer chère ! On ne badine pas avec…
    – L’amour ?
    – Exactement cher monsieur ! »

  9. Christine dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.

    Il hurlait, brandissant la feuille qu’il venait de me subtiliser et sur laquelle il y avait, disait-il, un texte indigne ! Interloqué, j’ai fait ma tête d’abruti, du genre de celle que j’ai le matin au réveil :
    – Indigne ? De qui ? De moi ou de vous ?
    Il n’a pas apprécié mon humour et s’est mis à sauter comme un beau diable à travers la pièce : un vrai petit gnome en rut. J’ai tenté de récupérer mes écrits en grimpant sur une chaise, sauf que le coquin était plus rapide que moi et je me suis étalé de tout mon long sur le parquet. Malgré la douleur de mon tarin ensanglanté, j’y sentais bien la moutarde monter. J’ai respiré un grand coup et me suis relevé aussi lentement que possible dans l’espoir d’impressionner mon adversaire à qui il devait manquer quelques cases car il a continué à vociférer et à me cracher au visage toutes les insultes d’un répertoire très fleuri, allant même jusqu’à me menacer des pires maux si j’osais poursuivre dans cette voie de luxure. C’est qu’il commençait à me chauffer le nain, ses hurlements avaient passés la cote d’alerte de mes décibels. Pressentant la difficulté à neutraliser ce bouffon, j’ai feins de l’ignorer et suis allé me rasseoir, en grimaçant de douleur, devant mon ordinateur. Par bonheur, le texte prétendu sulfureux était y encore affiché, je n’avais qu’à poursuivre. Mais c’était sans compter sur le tonus de l’enragé qui a planté son vilain postérieur sur la touche « suppr » de mon clavier : en un instant, l’intégralité de ma prose érotique a disparu. Là j’ai vu rouge et cette fois c’est moi qui ai proféré des mots, dont certains que j’ignorais jusqu’à ce jour.
    – Petite quoi ? Vous oseriez répéter ? Il était tétanisé.
    – Ah, ah ! Monsieur est touché ! Oui je pourrais le répéter car vous n’en êtes qu’une pour m’agresser de cette façon : que je sache, je ne vous ai pas autorisé à lire mon texte, encore moins à le commenter, à le vilipender devrais-je dire, ni à le réduire en bouillie et moi avec ! Oui, je le répète et n’hésiterai pas à le crier sur tous les toits : vous n’êtes qu’une petite…

    Le fou-rire qui s’empara de moi m’empêcha de prononcer le mot fatal qui avait fait mouche : le myrmidon en perdit d’un seul coup sa verve de censeur et tourna les talons, sa petite sans doute recroquevillée de honte entre ses jambes. Je ramassais ma feuille qu’il avait jetée rageusement avant de disparaître et rallumais l’ordinateur, finalement plutôt revigoré par l’incident qui ne manquerait pas de doper ma plume.

  10. eleonore dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud
    quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.

    Ses grandes mains sombres allaient et venaient avec frénésie sur le cuivre du saxophone. Elles en tiraient des plaintes profondes, des accords puissants qui se terminaient en soupirs.
    Au-delà de ses paupières fermées, l’artiste voyait «La Femme ». Une longue chevelure croulant sur ses épaules, les torsades de jais s’enroulaient à ses hanches. Il regardait, et ses doigts vibraient. Ses lèvres gonflées et humides cherchaient le long baiser qui le ferait mourir.
    Elle était là, belle et ardente, cambrait les reins, révélait son corps. Et lui jouait. Il ne savait plus rien. Il laissait vivre la volupté. Les longs doigts noirs frôlaient à peine l’instrument et le faisait gémir.
    « La Femme » mouvante comme une ombre, laissait glisser le voile qui recouvrait encore les pointes ardentes de ses seins parfumés.
    Le rythme de la musique s’accélérait, la sueur perlait à son front, et ses mains exaltaient l’extase. Elle naissait. S’ouvrait telle une fleur, ses pétales de chair palpitaient sous la mousse d’ombre. Elle donnait tout son être à l’artiste enfiévré, offrant à ses doigts fous la source jaillissante.
    Je continuais de taper sur mon clavier, les mots fusaient de mon cerveau et le flot de mes pensées m’emportait. Mes mains n’arrivaient qu’à peine à suivre le délire !
    Quand épuisée, je levais les yeux sur l’écran je m’aperçus qu’il manquait une grande partie de mon texte. Je vérifiais le branchement du clavier, les piles de la souris, tout semblait en ordre. Je ne comprenais pas. (Mais depuis longtemps je ne cherchais même plus à comprendre ces machines capricieuses.) C’est alors qu’un clignotement attira mon attention, puis l’écran devint rouge, et je vis une curieuse tête se poster devant moi. Un homme au regard sévère coiffé d’un képi bleu marine à l’insigne inconnu me fixait, puis un rire glacial sorti de mon ordinateur. Il me montra ses mains armées d’une paire de ciseaux et d’une énorme gomme.
    : « C’est moi, l’inspecteur payé par l’office de censure des disques durs. Vous n’avez pas remarqué que j’ai déjà dévoré plusieurs de vos écrits ? »
    Ben, si…pas plus tard que la semaine dernière, mon exercice 110 a disparu complètement, je m’en suis même ouverte à mon professeur d’écriture !
    : « Et vos anciennes nouvelles avez-vous vérifié ? »
    Heu !… non pas toutes. »
    Je me précipitais sur (mes documents, mes textes.) et là je pris conscience des dégâts.
    Que des mots banals du quotidien gisaient dans mes histoires, plus de poésie, plus d’érotisme, rien.
    J’étais atterrée. Lui me scrutait froidement.

    J’attrapais furieuse, le clavier, l’écran, l’unité centrale je jetais le tout dans la cour, me munis d’une grosse pierre, et frappais de toutes mes forces. Je laissais un tas immondes de débris fumants qui dégageait une odeur infecte de soufre. Je toussais et remontais dans ma chambre.

    J’ouvre avec précipitation mes armoires m’empare de mes anciens dicos poussiéreux, de mes livres d’arts. Je suis heureuse. C’est à moi de rire maintenant, de vivre ma liberté retrouvée. Ma table est pleine, plus un espace de libre. Mes vieux cahiers d’écolières sortis des tiroirs sont couverts de petits signes souvent illisibles et raturés. La plume de mon stylo peut à nouveau glisser sur le papier
    .
    J’ai 15 ans !

    J’emporte sous mon bras mon carnet et ma lampe de poche. Je vais retrouver la joie d’écrire dans la moiteur secrète de mon lit. Bien à l’abri des indiscrétions
    Et Mes amis, recevront, par la poste, des enveloppes pleines de rêves.
    .

  11. isabelle hosten dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud
 quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau. J’ai manqué avaler ma cravate. Imaginez le cliché : costard bon marché, engoncé dans un imper version Colombo mal fagoté, le cheveu lissé en vague, raie décalée pour camoufler la calvitie naissante…Vous n’y êtes pas du tout. Mes demi-lunes ont failli décrocher du bout de mon nez à l’instar de ma mâchoire. En un éclair, j’ai vu défiler le catalogue de mes fantasmes littéraires, de Salammbô à Lady Mac Beth en passant par Circé…Une chevelure baudelairienne, des courbes de Walkyrie soulignées par un tailleur cintré, perchées sur des talons italiens vertigineux. J’ai d’abord cru à une erreur d’aiguillage. Moi le scribouillard, un rang A, un nègre en somme, relégué dans un obscur bureau du huitième étage…J’ai bafouillé un truc pathétique du style : « je peux vous aider ?… ». La créature m’a débité tout de go son pedigree en brandissant sa carte officielle, les ongles manucurés de frais d’un rouge insolent.
    « -Sophie Hâ…H-A articula-t-elle avec une chuintante quasi extatique- inspection générale des lettres… »
    – Ah !!!…Enfin, je veux dire…Enchanté, asseyez-vous ».
    Elle a planté son ordinateur sur mon bureau, posé ses attributs de déesse sur ma chaise visiteur en plexi bon marché et croisé les jambes. Elle a entamé une longue diatribe à propos de l’objet de sa visite. J’avoue avoir totalement décroché dès les premières secondes. Son genou nonchalant, découvert, au ras de sa jupe tendue, oscillait au grès du balancement lascif de son pied. La mécanique hypnotique de la rondeur de sa rotule…Une île, un havre, où mes mains vagabondes s’imaginaient déjà se perdre. Entre lubricité et stupeur béate, j’ignore quelle expression je pouvais bien afficher. Elle a soudain marqué une pause. Il m’a semblé reconnaître mon nom. Subitement reconnecté au réel, j’ai entendu clairement la question :
    « Vous n’avez pas l’air au mieux, si vous voulez je peux revenir demain ? »
    Le regard vitreux, planté dans la trémie de son décolleté, me vautrant dans la fange de mon incapacité cuisante à sauver la face, je marmonnais un « oui » que je vis atterrir sur sa lippe sensuelle, avalé par un sourire méphistophélique.

  12. Sylvie H. dit :

    Allez, un petit pour le samedi soir, avant d’aller manger…

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud 
quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.
    L’homme m’a semblé habile. Esprit classique, peu tenté de sortir par les chemins creux ni curieux d’inventer de feintes, mais apte à saisir les substantifs, à contraindre tout adjectif flamboyant. Bref, à vérifier sans état d’âme le degré d’énergie d’un phonème quelle qu’en soit la dangerosité.
    C’est ce qu’il fallait.
    En quelques mots je l’enrôle : il s’équipe, se harnache, se protège. Le voilà penché sur la marmite au graillon. Un, deux, trois voyages, il a tiré du feu tous les mots que je n’osais pas servir à mes amis par peur de les échauder.
    La Fontaine en a été le plus friand. Le goût lui rappelait quelque chose.

  13. Smoreau dit :

    J’étais en train d’écrire un texte un peu chaud
    quand un contrôleur des mots a surgi dans mon bureau.
    Il était beau comme un Dieu ! Je lui aurai bien ôté son petit costume vert dégueu.
    Son sourire me faisait fondre, sa carrure rêver, ses mains fantasmer.
    Pourvu qu’il ne parle pas. Il pourrait peut-être tout gâcher. Je plongeais sur mon cahier et en qq lignes je brossai un portrait de l’homme. Il serait mon héros. Mon érotique !
    J’avais chaud, jetais des pts coups d’oeil vers lui. Il ne parlait pas. Me fixait avec ses yeux pétillants qui disait long. La scène devenait torride. Plus hot que mon écrit. L’homme alimentait mes émotions, mes émois. Les mots venaient facilement sous mes doigts. Le texte glissait comme une robe de satin sous ses mains. Dans un instant, il allait contrôler mon texte. Je frémissais de peur et d’envie. Envoie-t-il un homme en imper si vous écrivez un policier. Un homme en blouse blanche pour un roman plein de malades ? Un moine pour un écrit religieux. Il approcha sa main de mon épaule. Un frisson me paralysa. Il la posa. Je levais ma bouche entrouverte vers lui. Le Nirvana… L’homme de ma vie ? de ma vie sexuelle. Je fermai les yeux à moitié évanouie.
    Il lâcha mon épaule et en un geste brusque presque brutale, se saisit de mon cahier. Et me quitta.

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