La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…
Ah, comment vous narrer cette aventure, ou, plutôt cette mésaventure sans vous faire éclater de rire !
Je plante donc le décor, et, à parler de planter le décor, l’image est très pertinente.
Côté nord, une grande cour de caillasse blonde s’épanouit paresseusement, bordée de restanques riches des parfums des thyms, des romarins et des doux cistes…
Côté sud… (oui, ça fait un peu cliché!) : un jardin encore un peu sauvage . Ce qui avait peut-être été un jour de la pelouse était devenu de l’herbe, une herbe un peu folle, remplie de pâquerettes et de muscaris, tantôt tapis blanc tantôt tapis bleu. Une folie, mais un régal pour les yeux et le moral.
Le pourtour de cet espace vert est bordé de fleurs bien installées dans leur bordure de terre rouge :jonquilles et crocus au printemps auxquels succèdent les tulipes et les forsythias. Les petites plantes grasses sont là, en tout temps, pour accueillir les giroflées, iris, romarins, thyms, euryops, salvias, gauras, gazanias, pervenches, et autres surprises telles que les lys et les majestueuses roses trémières… sans oublier bien sûr, les traditionnelles lavandes chatoyantes et enivrantes.
Mais, me direz-vous, que viennent faire ce jardin et cette cour avec cette première expulsion ? Dites-donc, vous êtes bien pressés de savoir !
Sachez, pour votre gouverne, que ce décor est indispensable pour comprendre la suite de l’aventure ! Je poursuis donc ma création!
Ma jardinière préférée, ma Douce, ma patronne aime jardiner. Elle fait cela avec le plus grand sérieux, avec le plus grand amour et le plus grand professionnalisme qu’un amateur puisse concrétiser au quotidien, avec quelques outils basiques : petite pioche, petite pelle, sécateur et gants de protection…et juste un peu d’huile de coude pour que ça roule bien !
Aujourd’hui, vêtue de sa salopette rose et d’un T shirt blanc impeccable, ses Crocs vert pomme aux pieds , la voila sur son terrain de jeu…avec ses joujoux et le seau à déchets verts… Elle sur son terrain de jeu, moi aussi , autrement dit, nous nous le partageons mutuellement . En cette belle journée, c’est aussi avec un sens égal du partage que nous accueillons Mistral , un peu sauvage cartes, mais pas au point d’écorner les bœufs ! Tout de même, une pincée de bonnes manières ne ne peut qu’amender les relations territoriales !
Le campanile vient de chanter quatre fois de sa petite voix légèrement fêlée, je l’entends….Je vois aussi qu’à sa manière de froncer le nez et de faire son dernier tour d’inspection quotidien, Belle décide que la journée de jardinage touche à sa fin. Mais c’était sans compter ce dernier petit coup de vent….
Enfin, je peux faire mon entrée en scène, très discrète, je le reconnais puis je m’empresse de me blottir tout en douceur, sans tambour ni trompette !
Et voilà !
Et voilà quoi ? Elle est où cette première expulsion ?
J’y viens, j’y viens, je me bichonne… je fourbis mes armes, vous savez, ces petits trucs pointus que Julien Clerc n’aime pas….Je pousse un brin de chansonnette pour préciser?
« Assez de ces machins qui piquent,
Serpents-pythons et porc-épics,
Du hérisson microscopique,
Assez de ces machins qui piquent…
Assez, assez, assez, assez… »
Ma Douce est au salon ; sur la table basse, théière et mots fléchés. Elle sur le canapé, le crayon en l’air, la main tendue vers la tasse de porcelaine…
J’entre en jeu avec Alphonse et le premier paragraphe d’un poème au titre inédit *
« Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! ….
…………………………………………………………………………………………………………………………. ;
* Atchoum ou l’expulsion d’un grain d’ocre….
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas, un peu comme la foudre qui vous tombe dessus.
En fait, on croit toujours que c’est comme pour le loto, que ça n’arrive qu’aux autres. Hé Ben non… Là, c’était bien pour moi.
Sur le coup vous ne comprenez pas, sa siffle autour de vous, les gens vous regardent bizarrement, certain ont le sourire d’une justice rendue, d’autres savent ce que cela représente. Puis quand j’ai pris conscience de la situation, le monde s’est arrêté. Plus de bruit. Je n’entendais plus rien.
Certains interpellaient l’homme orchestre de la situation, pour essayer de le faire changer d’avis, mais c’était inutile de contester la décision est irrévocable, on le sait tous.
La tête baissée, j’ai alors pensé au chemin du retour, avec un sentiment d’abandon, l’impression de quitter un truc inachevé. J’allais laisser ici maintenant ma seconde famille derrière moi. Et impossible de faire le tour de tout le monde, fallait partir de suite. Mais comment vont-il faire sans moi ? Qu’il va me sembler long et interminable ce chemin. L’envie de courir vous vient même à l’esprit, mais ça deviendrait ridicule, on fait ça quand on est gamin.
A mi chemin, j’ai senti une petite tape amicale sur l’épaule, pour tenter certainement de me soutenir, mais sans dire un mot pour autant. Quoi dire dans ces moments là. Et je ne me rappelle plus si la foule sifflait, huait ou applaudissait… De toute façon je ne cherchais pas un soutien, je savais ce que j’avais fait. « Quand on fait une erreur faut savoir l’assumer », ce que j’entendais petit. Il paraît qu’on grandit après ça… Tu parles… Pour le coup, j’avais plutôt envie de devenir le plus petit possible.
Puis est venue le moment de s’engouffrer dans ce tunnel, au milieu de cette foule. Ça y est, j’étais seul. Plus que quelques mètres avant de pouvoir m’asseoir et commencer à réfléchir à tout ça. Faire un bilan.
Et curieusement, une fois assis, au lieu de m’effondrer en m’apitoyant sur mon sort, j’ai réalisé que ce n’étais pas si grave. C’est vrai qu’il y a plus grave dans le monde que d’avoir été sanctionné pour une tacle injustifiable.
Expulsé, certes, mais que d’un terrain de foot finalement…
Du coup la deuxième fois où j’ai été expulsé d’un terrain, j’ai repensé a tout ça, cela m’a fait sourire… 😉
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais pas…
Jugez plutôt :
Par une matinée fraiche et brumeuse , je tentai une brève sortie ; je tendis l’oreille alentour pour constater…que tout était tranquille . Enfin, disons plutôt que tout grondait et vibrait comme d’habitude :
En effet, sur ma terre à moi , le calme est vite remplacé par un vrombissement tonitruant qui s’accompagne souvent d’intenses vibrations souterraines ; puis ce vacarme décroît pour retrouver la quiétude initiale. Ce processus se répète continuellement toute la journée ; cela commence avant les premiers rayons du soleil pour s’interrompre seulement bien après la tombée de la nuit . Et c’est ainsi depuis la nuit des temps ( je n’ai rien connu d’autre ) ; je n’y prête guère attention.
Rien à signaler donc .
Mais ce matin-là , je jugeais qu’il faisait un peu trop frais pour une promenade ; après réflexion , je décidais de m’accorder un temps de repos : tapis dans mon abri , je me laissais plonger doucement dans le sommeil ; je glissais lentement dans l’engourdissement ; progressivement , je revoyais le joli papillon qui voletait longuement autour de moi … Parfois il disparaissait pour réapparaitre à nouveau comme par enchantement … Puis presque sans transition, je frôlais maintenant de gros rochers violets et glissants ; je m’arretais un instant pour scruter l’horizon : rien à signaler. Alors, je me roulais dans l’herbe fraiche et parfumée … je m’interrompais à nouveau pour déchiqueter goulûment quelques pissenlits goûteux ; puis j ‘exécutais deux ou trois sauts dans la mousse bien moelleuse… Quand soudain (et cela me réveilla ) j’hurlai de douleur :
Un museau pointu avait saisi mon cou et ne le lâchait plus . Je tentais quelques mouvements pour me dégager … en vain !
Chaque essai me faisait souffrir davantage et l’étau ne desserrait pas .
Un oeil rond fixait ma détresse.
Je restais immobile . Je me sentais perdu .
Une grande faiblesse m’envahissait lentement … ( je me vidais de mon sang )
Mais soudain l’oeil rond se ferma .
La mâchoire s’ouvrit : L’intrus , comme ivre, s’était assoupi .
J’en profitai pour m’échapper et courir dans la galerie la plus large, autant que mes forces me le permettaient , pour rejoindre la surface .
A la sortie , je déboulai contre un filet que j’arrachai au passage .
Deux jurons retentirent.
Sans prendre le temps de souffler , je m’enfuis à vive allure …
Je laissais derrière moi , près du tarmac de l’aéroport , deux piètres chasseurs de lapins vociférant et tentant en vain de rappeler leur furet coincé dans mon terrier !
Je l’avais échappé belle .
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…pourtant dès le début de mon existence on m’avait préparé à une possibilité d’expulsion.
Je fais partie d’une sorte d’armée masculine créée pour une fonction bien particulière dont nous sommes tous très fiers.
Il faut être fort et ambitieux.
D’après ce que l’on m’a dit, il se peut que le début de ma tâche soit brutal. D’autre part, je ne sais jamais lorsqu’elle va avoir lieu. Je dois toujours me tenir prêt.
Le printemps s’installait tout doucement avec ses alternances de pluie, de soleil et de vent. Je me balançais mollement lorsqu’une bourrasque m’éjecta avec violence. Comme je n’avais ressenti aucun signe précurseur, lorsque le choc est intervenu, ce fut extrêmement désagréable.
J’ai dû mettre quelques dixièmes de secondes pour me remettre et comprendre que je partais, en fait que nous partions tous accomplir la plus belle des missions.
Nous entonnâmes l’hymne que nous étions si impatients de chanter :
Va pollen
Doucement au gré du vent
Va pollen
Confiant et rêvant
À la terre fertile qui t’attend
Va pollen
Doucement au gré du vent
Volant fièrement
Préparer le mystère du commencement
Va pollen
Doucement au gré du vent
Engendré le miracle du vivant
La première fois où j’ai été expulsé
je ne m’y attendais pas.
J’étais paisiblement en train de dormir, profitant du calme de ma nouvelle demeure. Soudain, tout s’est mis à trembler autour de moi. Avant même que je ne comprenne ce qui se passe, j’étais emporté par le courant d’une rivière sortie de son lit. J’avais beau résister de toutes mes forces, j’étais inéluctablement aspiré par des sables mouvants. Rien auquel m’accrocher pour me retenir.
J’étais pétrifié. J’imaginais un monstre m’attirant vers lui pour me dévorer.
Et ces tremblements qui reprenaient toujours de plus belle. Et qui m’entraînaient plus loin dans les entrailles de la terre.
Je compris plus tard que c’étaient celles de ma mère.
Comme tous les mammifères de cette planète, ma première expulsion fut celle de ma naissance.
Alors que je me pensais perdu, le monstre ayant eu raison de moi, j’atterris enfin. Sensation immédiate de volupté dès le premier contact avec l’odeur et le sein maternels.
Après la peur et le désarroi, une sérénité emprunte d’ivresse, celle d’être en vie.
Le contraste fut le même lors de ma deuxième incarnation sur terre. Et pour toutes les suivantes. Quels que soient les époques ou les lieux, le même scénario se reproduisait.
D’abord violence, résistance, stupeur. Puis douceur, ouverture, plénitude.
A chaque fois je croyais mourir et pourtant c’était tout l’inverse.
La première fois que j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas… J’étais pourtant sage, lové dans le coin chaud à droite au fond, mon endroit préféré….Le professeur commença par se racler la gorge. J’ouvre un œil ; je me réinstalle confortablement. Mais il prend un verre d’eau. Et vlan. Je reçois l’eau sur la tête. Je ne dis rien, je reste peinard, en espérant me faire oublier et profiter encore du coin. Mais il veut absolument parler à tous ses élèves ! Tous ! Alors il commence à tousser. Impossible de roupiller tranquillement en boule, je suis trop chahuté. Et 2è verre d’eau ; 2è douche froide ! Alors je commence à sortir les griffes ! Il tousse de plus en plus fort, encore et encore. Je m’agrippe mais mon petit coin est sans dessus dessous. Puis il émet un raclement de gorge à faire dresser les poils sur la tête, crache et réussit à m’expulser dans les airs ! Heureusement que je retombe toujours sur mes pattes. Je trouverai bientôt un autre coin chaud, à droite au fond d’une gorge.
Ma première expulsion
Un coup de sonnette. Il n’est même pas sept heures et je suis en train de prendre mon petit déjeuner.
Je me précipite vers l’entrée. Qui à cette heure peut bien déranger le monde?
Je regarde à travers l’œilleton et je vois deux policiers, un maigre et un ventripotent attendre en tapant du pied.
J’ouvre.
—Vous êtes bien Monsieur T… ?
Pas de Bonjour. Mauvais signe.
—Euh oui, Bonjour Messieurs, que se passe-t’il ?
C’est le gros qui prend la parole.
— Bon, on n’a pas que ça à faire. Tu prends tes affaires, Toto et vite fait. On t’emmène.
—Mais écoutez, il doit s’agir d’une erreur. Et je ne me nomme pas Toto…
—Mais non, tous les noms qui commencent par T sont regroupés intervient le petit, Vous n’êtes pas au courant, je vois du décret pris par le nouveau gouvernement. Il est sorti ce matin. Tous les gens dont le nom commence par un T doivent être regroupés dans le Tarn et le Tarn et Garonne, Les S ont en Haute Saône et ainsi de suite…
— Vous vous foutez de moi ? Articulai-je. Je suis partagé entre l’envie de rire et une certaine panique.
Le gros a gueulé.
— Tu vas voir si on fout de toi, je vais te passer les menottes moi ! Tu vas moins faire le cador ! Crapule !
— Tu te calmes José, fait le petit. Afin de reconstruire le pays et de mieux l’organiser, Le gouvernement à décidé de regrouper les gens par la lettre de famille qui correspond à leur département…
C’est bien ce que je pensais. Il confirme cette absurdité.
— Hein ? Mais c’est idiot !
— Ta gueule ! fait le gros.
— -Enfin, continue le petit pour vous, vous devrez vous rendre en…il regarde son papier dans le Tarn, à…Mazamet !
—Mais mon boulot, ma famille…
— Le gouvernement y pourvoira. N’ayez crainte, un logement vous est déjà attribué. Des nommés Charroux doivent gagner le Cantal. Vous occuperez leur logement.
—Et moi ? Fait ma compagne, je peux l’accompagner…
— Ta gueule, la grognasse fait José, toujours aussi impoli.
— Mais enfin, fait-elle, vous n’avez pas à être aussi grossier !
— Excusez le, Madame mais vous, votre nom commence par D, vous devez aller donc dans les Deux Sèvres, j’ai vérifié, mais comme vous êtes nombreux les D, vous ne partirez pas avant trois semaines.
— T’as compris, pétasse ? Enchaîne le gros
— Vous n’avez pas un vocabulaire étendu, mon vieux… intervins-Je
Je vois le petit policier faire des signes de calme à son confrère
— Mais fait ma femme, j’ai une copine dans la Drôme, je ne peux pas aller là-bas ?
— Non, en plus votre «copine » va devoir sûrement déménager, elle aussi.
— Mais c’est une histoire de fous!
— Bon, Monsieur, dépêchons, on vous attend à Mazamet. Vous êtes passible de plusieurs années de prison si vous ne vous exécutez pas….
— T’as compris Ducon ? . C’est encore le gros qui semble à deux doigts de l’explosion. IL est tout rouge.
Je n’en peux plus d’être traité de tous les noms par cet abruti.
— Dites, fis je à l’adresse du petit, est ce que votre collègue pourrait au moins être poli?
Le petit me prend par la manche et me murmure.
— Ben, le pauvre comme son nom commence par un Z, il a été décidé de l’envoyer aux îles Kerguelen.
Le fou rire me prend. Je ressens aussitôt une vive douleur. José a sorti sa matraque et m’en assène plusieurs coups…
Je hurle et me réveille. C’est le matin. Ma compagne accourt…
—Tu as fait un cauchemar ?
Au même moment, on sonne à la porte.
Un silence, puis je murmure.
— Peux-tu aller ouvrir ?
la première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas
j’ai été projeté la tête la première au plafond sous des exclamations de joie !
Ils fêtaient les 80 ans de la mami Cochin qui avait la larme à l’œil.
les bulles! ce n’était pas pour moi qui essuyait les plâtres .
Je n’étais qu’un vulgaire bouchon de liège venu du Portugal arraché de son arbre natal pour protéger le vin de l’oxydation ; pas un des convives ne s’est occupé de moi ;c’est vrai qu’ils ne pouvaient pas me sentir car ils étaient déjà bien éméchés ; je suis retombé sur le carreau au milieu des autres congénères de mon espèce . J’ai roulé sur le dos et je me suis fait poursuivre par le chat de la voisine qui me griffait le corps ; un bambin m’a ficelé avec un cordon pour en faire un jouet et la corde au cou, je restai suspendu dans le vide , humilié.
Finis les arômes de vin! ; j’étais projeté au milieu des cris des enfants et ma vie ne tenait plus qu’à un fil .
Un petit homme m’a saisie fermement dans ses deux mains. Derrière un grand rideau noir, il a ouvert une trappe et m’a jetée dans le trou. Transie de froid et de peur, j’ai roulé dans un tunnel qui n’en finissait pas. Un courant d’air, une aspiration m’emportait malgré moi. Des sons, des paroles abracadabrantes, de la lumière là-bas au fond, des voix, des cris, là où j’allais malgré moi. La voix m’envahissait, me tirait vers elle, vers lui, ça y est, l’air libre, j’allais enfin sortir du noir, du grand chapeau sous une pluie de lumière et d’applaudissements. C’était assourdissant. Je voulais voler, planer dans un ciel pur, mais la lumière m’éblouissait, je me débattais, je voletais, je tremblais, apeurée. Il y avait là un homme mystérieux tout de noir vêtu, au visage poudré. Je tournai autour de lui. Il me saisit, il me leva en signe de victoire. Il fut acclamé. Il avait réussi son tour : j’étais sortie de son grand chapeau, née de rien, expulsée du néant, j’étais la colombe du magicien. Depuis cette grande première, où j’ai eu le trac de ma vie, je suis apparue des centaines de fois, sous un foulard, dans une boîte à miroirs ou dans les pages d’un livre. J’ai pris goût à l’aventure, aux caprices de mon maître, au spectacle, à la lumière des projecteurs. La gloire me fait chaud aux ailes, je me prends pour une étoile. Mais depuis quelque temps, je dois dire que je rêve à d’autres cieux. J’ai maintenant une compagne. Ensemble nous avons réalisé nos plus beaux numéros, mais le temps est venu pour nous de quitter la scène. Nous concoctons en secret une sortie en fanfare pour le prochain tour : déjouer la ruse du magicien, prendre un autre chemin et convoler où bon nous semble, sous une pluie d’applaudissements.
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais vraiment pas
Ce fut bref et violent, un arrachement.
Je sentais bien que depuis quelques temps
Elle me regardait drôlement, bizarrement.
Quand elle passait devant un miroir
C’est toujours moi qu’elle dévisageait
Et son regard frôlait parfois le désespoir
Pourtant, elle et moi on s’aimait vraiment
Elle me caressait souvent
Le matin, dans la salle de bains, quand elle faisait glisser son peignoir
Juste avant d’enjamber la baignoire
Je sentais ses doigts m’étreindre avec douceur
Je ressens encore cette vague de chaleur …
Toute sa vie elle m’en a fait voir de toutes les couleurs
Je suis passé par toutes les nuances de l’arc-en-ciel
Au gré de ses amours et de ses humeurs
J’aimais cela d’ailleurs
Même si, de temps en temps, j’ai eu quelques frayeurs !
J’ai aussi changé de longueur
Par « nécessité existencielle » disait-elle
Véritables rites sacrificiels.
Mais maintenant ce n’est plus la même histoire
Noir, blanc, blanc, noir
Son cœur ne balance plus entre les deux
Dorénavant
Son choix est fait, même si c’est douloureux
Jamais de blanc dans ses cheveux.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. Je venais juste de me réveiller. J’étais douillettement installé. Je me souviens, ça sentait bon.
Tout à coup, tout s’est mis à bouger autour de moi. Je me suis agrippé comme j’ai pu à de fins fils dorés. Puis une explosion a retenti. Un souffle énorme m’a atteint en plein visage. Une odeur étouffante a commencé à m’asphyxier. C’est alors que j’eus la bonne idée de sauter.
C’était mon premier saut. Mais quel saut! Je n’ai pas eu le temps de réfléchir. J’aurais pu me casser le dos!…. Allez savoir?… Je me suis retrouvé dans les airs une fraction de seconde. J’ai rebondi sur une surface douce et moelleuse. L’horrible odeur était loin derrière moi. Je me suis faufilé dans l’une des multiples cavernes qui s’offraient à moi. Je n’ai même pas eu besoin de me poser la question! Là ni vu ni connu. J’ai repris mon souffle, et n’ai pas tardé à m’endormir.
Le lendemain matin, j’ai senti mon refuge bouger. J’ai retrouvé l’agréable parfum de la veille. La porte à claqué. L’ai froid de l’extérieur m’a surpris, mais j’étais chaudement protégé. Ce n’est qu’au milieu de la matinée que j’ai compris. Lorsque la maitresse a dit prenez vos cahiers de texte et notez: alerte aux poux….
alors j’ai sauté de la douillette écharpe où je m’étais réfugié et me suis précipité entre deux lames de parquet.
J’ai mis la journée pour atteindre la porte et sortir. Le silence s’est fait dans la cours de récréation. La nuit commençait à tomber. J’avais faim. Depuis la veille je n’avais rien mangé. Quand derrière un pilier j’aperçus une boule de poils… et une fois de plus je n’ai rien planifié. J’ai sauté et de ce saut j’allais me souvenir longtemps!…car là, on ne penserait pas à m’expulser de si tôt!
Geneviève T. mesmotsdoubs
rectificatif: 2ème ligne: entre été et la virgule, figure un espace mais le traitement de texte, visiblement, n’en a rien à faire de mes délires typographiques
Ce matin je reprends mon livre pour continuer ma lecture là où je l’avais laissée.
« La première fois où j’ai été , je ne m’y attendais pas »
Quoi ? Mais il manque un mot, là ! Je n’en crois pas mes yeux.
Par réflexe, je referme le livre. Le temps de reprendre mes esprits.
Le mot était bien là hier soir.
J’ouvre à nouveau lentement le livre et j’observe attentivement la phrase amputée.
Il me semble que les mots ont une sorte d’impulsion qui les pousse à se soulever, comme s’ils voulaient se détacher de la page.
Prise de panique, je referme le livre violemment.
Que se passe-t-il ?
Je n’ose plus ouvrir le livre de peur que les mots s’envolent.
Mon regard tout à coup pique vers le sol, le mot git là : expulsé.
Et tout devient clair.
Hier soir, après ma lecture, ne trouvant pas mon marque-page, j’ai retourné mon livre, OUVERT sur la table de chevet.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. D’aucuns diront, avec raison peut-être, ‘tu l’as bien cherché avec tes idées d’un autre monde, à faire sans cesse ton intéressant’. Ce qu’il ne faut pas entendre ! J’ai peut-être un peu exagéré, c’est vrai. Mais aussi, il faut bien s’occuper non ? Et puis, tout n’est pas perdu: après tout, quand je dis « la première fois », c’est une façon de parler puisque je n’ai été expulsé qu’une seule fois…du paradis.
Lulu
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. La deuxième fois non plus, d’ailleurs. Ni les suivantes. Mais ceci est un autre problème. J’étais pourtant persuadé de tout avoir fait pour ne plus l’être, jamais. D’ailleurs, qui s’attend à être expulsé, une fois où plusieurs? La première fois la surprise est totale. La seconde et les suivantes, on commence, sinon à s’habituer, du moins à relativiser le phénomène. Même si on ne peut pas s’habituer à être une victime systématiquement désignée, et sans recours possible encore! Vous me direz sans doute que nous sommes en démocratie et donc que tout citoyen face à un abus a droit à une défense. Mais outre qu’il n’est pas toujours simple de trouver un défenseur, compétent qui plus est, il faut disposer de temps pour monter un dossier, de témoins complaisants pour appuyer vos arguments, de preuves pour consolider votre plainte. Et il faut surtout, surtout, qu’on vous laisse vous défendre, et donc qu’on vous laisse la parole. Voilà une évidence, me direz-vous! Mais comment voulez-vous vous défendre quand on refuse de vous laisser exposer votre point de vue et qu’on vous reproche, justement, de trop parler et de monopoliser la parole? Et que c’est précisément pour cette raison, encore, qu’on décide en pleine réunion de vous exclure et de vous pousser manu militari vers la sortie?? Se faire expulser d’une réunion ouverte à tous, sans autre motif qu’on a osé prendre la parole, et qu’on vous juge trop bavard!! Mais, dans une réunion, où donc finit le discours, et où commence le bavardage? Qu’en pensez-vous, hein? Eh bien justement, tiens! Parlons-en! Donc…
Mesdames, Messieurs, ministres de l’agriculture, de l’écologie, que sais-je encore.
Qu’est-ce que j’apprends ce matin ? Je suis révolté, indigné. Sachez, Mesdames, Messieurs, qu’à force d’être expulsés du trou du cul des vaches, les pets ne sont plus ignares. La première fois que je suis sorti, je ne dis pas : j’en suis resté bouche bée. Mais depuis j’ai fait du chemin. Je l’ai vu, votre monde. Je me suis instruit.
Or, ce matin, accoudé au zinc devant mon quotidien, je lis à la une qu’il faut limiter de toute urgence les pets des vaches, responsables de l’effet de serre. !!!! Vous ne nous voyez pas, ne nous entendez pas, vous ne nous sentez même pas et vous voulez nous éliminer ? Par contre, vos voitures, vos avions et vos usines, je les ai vus, entendus et sentis, moi. Vous feriez bien de commencer par là.
Et comment voulez-vous qu’elles ne nous expulsent plus, les vaches ? Eradiquer les pets des vaches…Laissez-moi rire et occupez-vous de vos fesses, si je puis me permettre.
Re moi : Le livre de Zafon, c’est « Le jeu de l’ange ». Pris dans le feu de la narration, j’ai confondu deux titres. Le premier est « L’ombre du vent ». Aussi phénoménal que le Jeu de l’ange.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas… Je savais pourtant qu’on m’attendait avec impatience dehors, on me chouchoutait, m’aguichait par des mots tendres. Je me suis laissé bercer par les discours : quand j’ai senti l’heure venir, j’ai vérifié que je n’oubliais rien, et d’une poussée joyeuse je me suis élancé. La suite… on avait oublié de m’en parler ! Si j’avais su… Il fallait vraiment être fou pour s’insérer dans un tunnel sombre et gluant, avoir les oreilles broyées par les craquements alentour. Je croyais qu’un tapis rouge serait déroulé. Ah, pour être rouge, ça, c’était rouge ! Mais point de tapis. À la place, une immense claque sur les fesses en signe de bienvenue, J’ai gueulé, les autres ont eu l’air enchantés. J’en ai conclu que si je voulais plaire, je n’aurais qu’à beugler, brailler, me bousiller les cordes vocales.
Quelques années plus tard, j’ai été expulsé de la salle de cours : élève trop bruyant. Cela ne m’a fait aucun effet : de rouge il n’y en avait point, ma gueule était toujours la même. J’ai omis de vous dire que la première fois, on m’a enserré autour des tempes des pinces qui ont transformé ma frimousse en poire. Ne manquaient que les feuilles.
Ce soir, je viens d’être expulsé de chez moi, de mon lit, de ma vie, de mon amour. Là, sur le paillasson, me revient subitement une phrase de Carlos Ruiz Zafon (cf. L’ombre du jeu, pour ceux que cela intéresserait) : « L’avantage des cœurs brisés c’est qu’ils ne peuvent véritablement se briser qu’une fois. Les suivantes ne sont que des égratignures. » Eh bien, il a raison le père Carlos, quand on a eu le cœur brisé une fois, on affronte aisément les redites ; on a pris le pli. Pareil en matière d’expulsion : la première, celle que l’on vit tous, a été bigrement traumatisante. Après, il en faut beaucoup pour être roulé et esquinté ! la vie s’en est chargée dès les premières secondes. Ne me demandez pas pourquoi j’ai pensé à Zafon à ce moment-là. Le cerveau a mille ficelles pour nous sortir des emmerdes.
J’ai quitté le paillasson, pris mon baluchon, et je suis parti vers ma prochaine victoire et… ma prochaine peau de banane ! J’ai souri en pensant que je n’avais pas été méfiant la première fois où j’ai été expulsé. Jusqu’à la mort, j’en subirai les conséquences. Ce qui me console, c’est qu’on est tous de la même étoffe. On a tous été embobinés pour le meilleur et pour le rire !
En effet, j’étais installé là depuis quelques temps et tout se passais bien, je mangeais, je dormais, je baignais dans le bonheur, bercé par le ballotement de ces pas qui se faisaient de plus en plus rares, mais il est vrai que je commençais à manquer de place ! Elle m’a donc éjecté ce matin là, même si le mot vous paraît fort, je trouve qu’il n’y a pas d’autres termes. Sur ce coup là, le chirurgien m’avait démit l’épaule, rien de grave bien sûr, mais tout de même. J’ai su qu’elle avait souffert lorsque je l’ai entendu éructer et si je pouvais émettre une opinion, moi aussi j’étais fatigué.
En quelques mois, j’exprimais quelques émotions mais dès mon « expatrie ment » j’ai su excréter, comme un don du ciel, je n’ai pas eu à apprendre !! Quelques années ont passées, j’étais à l’école et nous devions préparer une kermesse, l’institutrice m’évinça du rôle principal, grâce à mon asthme, elle trouvait que j’expectorais trop ! J’avais cette drôle de sensation d’être ostracisé…
Mes années «collèges » ont jouées un grand rôle dans ma vie, je balançais des vannes ça et là, je découvrais ce que j’aimais et ce que j’exécrais : l’exclusion, le rejet mais je les provoquais inconsciemment.
Mon tabagisme me sauva car pour ne pas être ridicule et avoir quelques amis, je réussis à m’intégrer dans ce groupe : c’était sans compter sur le pion qui me surpris dans les toilettes avec ma grande blonde ; ce qui me valut d’être virée trois jours pour m’apprendre à « entrer dans le moule » ! J’avais déshonoré mon père, la honte s’était abattue sur la famille, rien que pour une bouffée de blonde ! Je fus donc destitué de mon devoir de gérer mes frère et sœur, bannie de cette « sainte famille ». Avec le temps, je balançais mes idées noires sur feuille et ma mère finit par en lire le contenu… telle une hérétique je fus excommunier , contrainte à prendre un appartement et à trouver un emploi, enfin, voler de mes propres ailes et m’exiler loin. Je prenais l’habitude d’évacuer les soucis, telles que les factures, les loyers et surtout l’obligation de me lever chaque matin pour bosser. Sale manie qui me forçat à me déloger, suite à ce patron non complaisant qui me congédia sans préavis.
Dans l’avenir, je projette d’extrader notre plus grand meurtrier du 19° siècle, il me faudra encore m’expatrier à Londres, cette fois, en partant de la tamise du London Bridge, à la recherche de ce cher Jack ….
La première fois que j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. D’aucun dirait que l’on pouvait s’ y attendre. Luigi réunissait en un seul corps toutes les terreurs de l’enfance. Expert en punitions, orfèvre de la bêtise collégiale, il collectionnait à dix ans une quantité de radiographies de ses fractures à faire pâlir un orthopédiste pédiatrique. Il avait d’ailleurs punaisé sur son mur de chambre les clichés de son anatomie comme autant de trophées de sa malfaisance traumatique. Au grand dam de ses géniteurs qui comptaient les plâtres plus que les bonnes notes, Luigi pavanait fièrement devant ses petits camarades, exposant cicatrices et autres stigmates de ses cascades mémorables. Tout petit, sa mère avait acheté un casque préventif, un genre de couvre chef à lanière de cuir molletonné qui avait eu le mérite de le sauver d’un traumatisme crânien sans toutefois le sauver du ridicule. A dix ans, la tenue de cycliste n’était plus de mise. Elle avait baissé les bras, la mort dans l’âme, tremblant à chaque coup de fil de l’annonce d’un nouvel accident. Par un miracle tout à fait inexpliqué ou intimement lié aux prières maternelles, Luigi avait une gueule d’ange, de grands yeux bleus, des joues de chérubin, une lèvre rouge et gonflée comme s’il croquait sans cesse des pastèques. Sa peau de lait n’avait pas encore croisé le fil d’un bistouri ni la pointe d’une aiguille de suture. Ce fameux samedi, sa mère accueilla donc avec horreur, au bord de l’évanouissement, son diablotin la bouche en sang, bavant et pleurant, bafouillant des « maman » désespérés. Cherchant vainement la cause de cette nouvelle débauche d’hémoglobine, d’autant plus préoccupante que Luigi hoquetant était plongé dans une angoisse indicible et inhabituelle. Avec la dextérité d’une infirmière diplômée, elle essuya les joues souillées, prodigua un lavage de bouche forcé pour tenter d’y voir plus clair. Alors, elle se mit à rire, embrassa son fils interdit. Telle une perle, brillante d’un éclat virginal, la première canine de lait du rejeton, se balançait fièrement au bout d’un fil de gencive. Pour la première fois le sang avait jailli tout seul. Sans l’aide d’une quelconque violence extérieure, dans la plus pure séquence biologique, laissant le garnement pantelant et sidéré, Luigi venait de perdre sa première dent.
La première fois que j’ai été expulsée … je ne m’y attendais pas. J’étais dans le liquide, j’entendais des cris et même des hurlements, je ressentais une horrible pression sur tout mon corps, dans une odeur âcre de sang … Je me devais de quitter ce nid aquatique où je m’étais nourrie, abreuvée pendant neuf mois …
Mais je ne pouvais plus reculer. Il me fallait sortir, dans les lumières crues du néon et je ne savais pas où j’allais atterrir, dans quel monde allais-je me retrouver …
Finalement, je suis née un 6 mars à 9h 20 du matin, et j’ai poussé un cri et me suis mise à pleurer.
La première fois que j’ai été expulsé… je ne m’y attendais pas.
À bien y penser : personne ne peut fraterniser avec l’échec en soi.
Et, par conséquent, la deuxième puis n’ième fois ce fut pareil.
Je continuais à ne pas m’y faire et je ne saurai être fier des détails.
Mais à mi-chemin on croit savoir que le truc c’est y voir aussi un fruit beau et mûr,
une nouvelle recette, de bonnes nouvelles, et qu’au fond tout n’est pas si mal foutu.
…
La dernière fois que j’ai été expulsé… je ne m’y attendais pas.
Chacun est à son volant… zut ! ce moteur ne sait toujours pas où l’on va.
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais pas… C’est vrai ; c’était incroyable ! Inimaginable… ce cataclysme soudain . Presque sans crier gare .
Il faut dire que je m’y étais habitué à cette vie douillette, blotti contre ces douces parois si réconfortantes… Bercé dans une eau tiède , je l’aimais bien cette existence rythmée de sons souvent réguliers, souvent familiers …
Bien-sûr, il y eut ces étranges pressions : ce n’était pas anodin ; j’aurais dû m’en douter ! Je ne le savais pas mais elles signalaient la fin d’un monde … Mon monde à moi . J’aurais dû m’en méfier.
Bien-sür ces contractions apparurent progressivement… D’ailleurs , je n’arrive plus à me souvenir de la première fois (J’ai dû être distrait ) ; ces mouvements s’intensifièrent doucement : bref , j’eus le temps de m’y habituer . Ainsi de plus en plus ballotté , ce n’est que tardivement que j’ai commencé à trouver la situation plutôt inconfortable…
Et puis tout a basculé : La lumière a jailli ! Blanche . Tranchante . Eblouissante .
J’ai pleuré . (Je n’avais jamais vu cela )
J’ai respiré : j’ai crié . Tout était nouveau.
Je ne m’y attendais pas… : je venais de naître .
J’ai choisi d’inventer un mot en ajoutant à la consigne un espace…Un peu de liberté pour alimenter l’imaginaire…
J’errais depuis un long moment dans un état comateux. Plus rien ne m’intéressait. Un rien m’épuisait. Je me sentais vide, immensément creux, tout juste retenu par la mince pellicule de mon enveloppe humaine. Une chair en mode survie. Mon entourage s’alarmait, mes amis essayaient vainement de m’entraîner sur les chemins qu’ils savaient me rendre heureux. A bout d’arguments ils m’engueulaient en me traitant de mauviette : je n’avais qu’à me bouger. Moi, j’en étais incapable, je dérivais, sans volonté vers un monde inconnu dans lequel la passivité était loi. Je vous évite les détails sur des symptômes improbables qui laissaient la médecine désemparée. Son docte colporteur appelé à la rescousse, dubitatif malgré ses titres gravés en lettres d’or sur la plaque de marbre à l’entrée de son cabinet, dégaina une batterie d’examens complexes et parfois douloureux. Après une lecture commentée des résultats, il laissa tomber son diagnostic : vous êtes atteint du syndrome de l’ex-pulsé ! Je ressortis de là flanqué d’une ordonnance à l’écriture serrée qui débordait de noms improbables suivis d’une posologie détaillée. J’ai ingurgité la palette colorée des bonbons censés mettre un terme à mon expulsion de ma vie d’avant.
Sonné, j’ai passé la nuit devant mon ordinateur à chercher sur la toile des explications, des témoignages. J’ai bien trouvé des blogs de dépressifs, mais rien sur ma maladie. Elle était orpheline. Comme moi depuis la perte de mes illusions.
Peu à peu de douces pulsations ont de nouveau envahi mon corps. L’exil prenait fin et l’espoir volage réintégrait mon cœur. J’étais re-pulsé !
La première fois où j’ai été expulsée, je ne m’y attendais pas.
J’ai toujours été clairement acceptée, appréciée même, ovationnée souvent. Je m’étais installée dans ce studieux, cet appartenant de bobos parisiens où je m’émancipais avec une liberté totale et quelques-uns, on développait notre musique, dérangeant tantôt le voisinage mais toujours avec un respect mutuel.
« Comme vous y allez !
– Excusez-moi, je vais baisser de ton »
Quand ils sont arrivés, avec leur police taillée de gras, brandissant un titre qui leur donnait tous les droits et à moi tous les torts.
« Dehors ! »
J’ai été frappée de voir avec quelle virulence ils m’ont grapho-militari sortie de mon contexte.
Je n’étais plus rien, je ne voulais plus rien dire. Je me sentais salie, humiliée. J’étais à la rue désormais, à hauteur du caniveau aux yeux du monde. Seules quelques amies, rares, m’hébergeaient sur leurs sites.
On les pointait du doigt, ça n’était pas facile pour elles d’affronter leurs congénères qui elles, respectaient les conventions en vigueur.
Pourtant il leur était tellement facile et tentant de s’arrêter et s’asseoir à la table de la première qui leur viendrait à l’esprit… au bureau de la rédaction, quoi ! Jusqu’au bout elles m’ont soutenue.
Quant à moi, je me tracte dans les rues avec la même conviction et le même courage, graphitant de la vie dès qu’il m’est possible pour que mon message soit lu d’une manière ou d’une autre, au nom de la liberté de mon expression.
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…
en effet, une assemblée sérieuse, apparemment très concentrée, écoutait avec un recueillement quasi religieux, un discours fleuve, déjà plus de deux heures, lénifiant, lyrique, quand un participant de première ligne, éructant, au bord de l’apoplexie, m’a propulsé avec puissance , les voûtes ont tremblé, les rêveurs ont sursauté. L’orateur médusé a enfin levé les yeux de son tas de papiers, l’assistance horrifiée, en apnée, se demandait si Cambronne aurait osé ??
Depuis je fais partie de moult débats ……
J’étais bien au chaud, au centre de ma galaxie, et Big Bang, me voilà expulsé comme un malpropre, sans la moindre excuse de ma logeuse : circulez, y’a rien à voir ! Tout ça parce qu’il lui a pris une envie de fusionner avec ses voisines ! Je croyais pourtant avoir quelques milliards d’années devant moi, pénard, et que c’était passé de mode ce genre de distractions interstellaires, mais faut croire que les « vieilles », elles ont la nostalgie des pétards !
Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? La concurrence promet d’être rude. A l’ANPE (Agence Nucléaire pour l’Emploi), on m’a bien fait comprendre que j’ai pas assez d’expérience, que les autres candidats sont plus…, mieux…, bref que je ferais mieux d’aller voir ailleurs. Mais où ? Il me reste bien l’option «pouponnière d’étoiles» sauf que j’ai pas la formation. Et puis les mouflets, c’est pas trop mon truc : ça braille, ça s’agite et on passe son temps à ranger leurs rayons X !
Moi je vous le dis : la vie d’un trou noir, c’est pas rose tous les jours !
La première fois que j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas. Je ne pensais que ce soit possible, qu’il oserait.
Depuis le temps. Il en avait tellement supporté. Des cris, des humiliations, des menaces, des représailles. Il s’était trop courbé sur l’exigence de son travail, sur ce qui permettait à chacun de bouffer.
Mais pas dans la même gamelle. Et pas la même racine, pas le même gras de la terre.
Il vivait près des cochons, il mangeait comme eux, il grognait comme eux. On le traitait comme eux, à coups de restes de repas, de coups de pied dans le cul.
A force d’être traité en moins que rien on en deviendrait convaincu.
Mais ce jour là, défaite pour défaite, lui était remonté du fond de la gorge une boule de jus de tabac, presque aussi noire que lui.
Et il lui avait craché dessus..même pas à la figure…juste sur les pieds. On ne relève pas la tête, comme çà, d’un seul coup.
Pour la première fois…l’autre s’était tu…il avait juste reculé de deux pas, essuyé ses godasses sur l’herbe…..son herbe…l’herbe de sa prairie…de sa propriété.
Et il avait armé son fusil avec son seul doigt d’éliminer la mauvaise herbe.
Mes exercices sont des accélérateurs de particules imaginatives. Ils excitent l'inventivité et donnent l’occasion d’effectuer un sprint mental. Profitez-en pour pratiquer une écriture indisciplinée.
Ces échauffements très créatifs vous préparent à toutes sortes de marathons : écrire des fictions : nouvelles, romans, séries, etc.
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…
Ah, comment vous narrer cette aventure, ou, plutôt cette mésaventure sans vous faire éclater de rire !
Je plante donc le décor, et, à parler de planter le décor, l’image est très pertinente.
Côté nord, une grande cour de caillasse blonde s’épanouit paresseusement, bordée de restanques riches des parfums des thyms, des romarins et des doux cistes…
Côté sud… (oui, ça fait un peu cliché!) : un jardin encore un peu sauvage . Ce qui avait peut-être été un jour de la pelouse était devenu de l’herbe, une herbe un peu folle, remplie de pâquerettes et de muscaris, tantôt tapis blanc tantôt tapis bleu. Une folie, mais un régal pour les yeux et le moral.
Le pourtour de cet espace vert est bordé de fleurs bien installées dans leur bordure de terre rouge :jonquilles et crocus au printemps auxquels succèdent les tulipes et les forsythias. Les petites plantes grasses sont là, en tout temps, pour accueillir les giroflées, iris, romarins, thyms, euryops, salvias, gauras, gazanias, pervenches, et autres surprises telles que les lys et les majestueuses roses trémières… sans oublier bien sûr, les traditionnelles lavandes chatoyantes et enivrantes.
Mais, me direz-vous, que viennent faire ce jardin et cette cour avec cette première expulsion ? Dites-donc, vous êtes bien pressés de savoir !
Sachez, pour votre gouverne, que ce décor est indispensable pour comprendre la suite de l’aventure ! Je poursuis donc ma création!
Ma jardinière préférée, ma Douce, ma patronne aime jardiner. Elle fait cela avec le plus grand sérieux, avec le plus grand amour et le plus grand professionnalisme qu’un amateur puisse concrétiser au quotidien, avec quelques outils basiques : petite pioche, petite pelle, sécateur et gants de protection…et juste un peu d’huile de coude pour que ça roule bien !
Aujourd’hui, vêtue de sa salopette rose et d’un T shirt blanc impeccable, ses Crocs vert pomme aux pieds , la voila sur son terrain de jeu…avec ses joujoux et le seau à déchets verts… Elle sur son terrain de jeu, moi aussi , autrement dit, nous nous le partageons mutuellement . En cette belle journée, c’est aussi avec un sens égal du partage que nous accueillons Mistral , un peu sauvage cartes, mais pas au point d’écorner les bœufs ! Tout de même, une pincée de bonnes manières ne ne peut qu’amender les relations territoriales !
Le campanile vient de chanter quatre fois de sa petite voix légèrement fêlée, je l’entends….Je vois aussi qu’à sa manière de froncer le nez et de faire son dernier tour d’inspection quotidien, Belle décide que la journée de jardinage touche à sa fin. Mais c’était sans compter ce dernier petit coup de vent….
Enfin, je peux faire mon entrée en scène, très discrète, je le reconnais puis je m’empresse de me blottir tout en douceur, sans tambour ni trompette !
Et voilà !
Et voilà quoi ? Elle est où cette première expulsion ?
J’y viens, j’y viens, je me bichonne… je fourbis mes armes, vous savez, ces petits trucs pointus que Julien Clerc n’aime pas….Je pousse un brin de chansonnette pour préciser?
« Assez de ces machins qui piquent,
Serpents-pythons et porc-épics,
Du hérisson microscopique,
Assez de ces machins qui piquent…
Assez, assez, assez, assez… »
Ma Douce est au salon ; sur la table basse, théière et mots fléchés. Elle sur le canapé, le crayon en l’air, la main tendue vers la tasse de porcelaine…
J’entre en jeu avec Alphonse et le premier paragraphe d’un poème au titre inédit *
« Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! ….
…………………………………………………………………………………………………………………………. ;
* Atchoum ou l’expulsion d’un grain d’ocre….
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas, un peu comme la foudre qui vous tombe dessus.
En fait, on croit toujours que c’est comme pour le loto, que ça n’arrive qu’aux autres. Hé Ben non… Là, c’était bien pour moi.
Sur le coup vous ne comprenez pas, sa siffle autour de vous, les gens vous regardent bizarrement, certain ont le sourire d’une justice rendue, d’autres savent ce que cela représente. Puis quand j’ai pris conscience de la situation, le monde s’est arrêté. Plus de bruit. Je n’entendais plus rien.
Certains interpellaient l’homme orchestre de la situation, pour essayer de le faire changer d’avis, mais c’était inutile de contester la décision est irrévocable, on le sait tous.
La tête baissée, j’ai alors pensé au chemin du retour, avec un sentiment d’abandon, l’impression de quitter un truc inachevé. J’allais laisser ici maintenant ma seconde famille derrière moi. Et impossible de faire le tour de tout le monde, fallait partir de suite. Mais comment vont-il faire sans moi ? Qu’il va me sembler long et interminable ce chemin. L’envie de courir vous vient même à l’esprit, mais ça deviendrait ridicule, on fait ça quand on est gamin.
A mi chemin, j’ai senti une petite tape amicale sur l’épaule, pour tenter certainement de me soutenir, mais sans dire un mot pour autant. Quoi dire dans ces moments là. Et je ne me rappelle plus si la foule sifflait, huait ou applaudissait… De toute façon je ne cherchais pas un soutien, je savais ce que j’avais fait. « Quand on fait une erreur faut savoir l’assumer », ce que j’entendais petit. Il paraît qu’on grandit après ça… Tu parles… Pour le coup, j’avais plutôt envie de devenir le plus petit possible.
Puis est venue le moment de s’engouffrer dans ce tunnel, au milieu de cette foule. Ça y est, j’étais seul. Plus que quelques mètres avant de pouvoir m’asseoir et commencer à réfléchir à tout ça. Faire un bilan.
Et curieusement, une fois assis, au lieu de m’effondrer en m’apitoyant sur mon sort, j’ai réalisé que ce n’étais pas si grave. C’est vrai qu’il y a plus grave dans le monde que d’avoir été sanctionné pour une tacle injustifiable.
Expulsé, certes, mais que d’un terrain de foot finalement…
Du coup la deuxième fois où j’ai été expulsé d’un terrain, j’ai repensé a tout ça, cela m’a fait sourire… 😉
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais pas…
Jugez plutôt :
Par une matinée fraiche et brumeuse , je tentai une brève sortie ; je tendis l’oreille alentour pour constater…que tout était tranquille . Enfin, disons plutôt que tout grondait et vibrait comme d’habitude :
En effet, sur ma terre à moi , le calme est vite remplacé par un vrombissement tonitruant qui s’accompagne souvent d’intenses vibrations souterraines ; puis ce vacarme décroît pour retrouver la quiétude initiale. Ce processus se répète continuellement toute la journée ; cela commence avant les premiers rayons du soleil pour s’interrompre seulement bien après la tombée de la nuit . Et c’est ainsi depuis la nuit des temps ( je n’ai rien connu d’autre ) ; je n’y prête guère attention.
Rien à signaler donc .
Mais ce matin-là , je jugeais qu’il faisait un peu trop frais pour une promenade ; après réflexion , je décidais de m’accorder un temps de repos : tapis dans mon abri , je me laissais plonger doucement dans le sommeil ; je glissais lentement dans l’engourdissement ; progressivement , je revoyais le joli papillon qui voletait longuement autour de moi … Parfois il disparaissait pour réapparaitre à nouveau comme par enchantement … Puis presque sans transition, je frôlais maintenant de gros rochers violets et glissants ; je m’arretais un instant pour scruter l’horizon : rien à signaler. Alors, je me roulais dans l’herbe fraiche et parfumée … je m’interrompais à nouveau pour déchiqueter goulûment quelques pissenlits goûteux ; puis j ‘exécutais deux ou trois sauts dans la mousse bien moelleuse… Quand soudain (et cela me réveilla ) j’hurlai de douleur :
Un museau pointu avait saisi mon cou et ne le lâchait plus . Je tentais quelques mouvements pour me dégager … en vain !
Chaque essai me faisait souffrir davantage et l’étau ne desserrait pas .
Un oeil rond fixait ma détresse.
Je restais immobile . Je me sentais perdu .
Une grande faiblesse m’envahissait lentement … ( je me vidais de mon sang )
Mais soudain l’oeil rond se ferma .
La mâchoire s’ouvrit : L’intrus , comme ivre, s’était assoupi .
J’en profitai pour m’échapper et courir dans la galerie la plus large, autant que mes forces me le permettaient , pour rejoindre la surface .
A la sortie , je déboulai contre un filet que j’arrachai au passage .
Deux jurons retentirent.
Sans prendre le temps de souffler , je m’enfuis à vive allure …
Je laissais derrière moi , près du tarmac de l’aéroport , deux piètres chasseurs de lapins vociférant et tentant en vain de rappeler leur furet coincé dans mon terrier !
Je l’avais échappé belle .
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…pourtant dès le début de mon existence on m’avait préparé à une possibilité d’expulsion.
Je fais partie d’une sorte d’armée masculine créée pour une fonction bien particulière dont nous sommes tous très fiers.
Il faut être fort et ambitieux.
D’après ce que l’on m’a dit, il se peut que le début de ma tâche soit brutal. D’autre part, je ne sais jamais lorsqu’elle va avoir lieu. Je dois toujours me tenir prêt.
Le printemps s’installait tout doucement avec ses alternances de pluie, de soleil et de vent. Je me balançais mollement lorsqu’une bourrasque m’éjecta avec violence. Comme je n’avais ressenti aucun signe précurseur, lorsque le choc est intervenu, ce fut extrêmement désagréable.
J’ai dû mettre quelques dixièmes de secondes pour me remettre et comprendre que je partais, en fait que nous partions tous accomplir la plus belle des missions.
Nous entonnâmes l’hymne que nous étions si impatients de chanter :
Va pollen
Doucement au gré du vent
Va pollen
Confiant et rêvant
À la terre fertile qui t’attend
Va pollen
Doucement au gré du vent
Volant fièrement
Préparer le mystère du commencement
Va pollen
Doucement au gré du vent
Engendré le miracle du vivant
8.05.14 N°181
La première fois où j’ai été expulsé
je ne m’y attendais pas.
J’étais paisiblement en train de dormir, profitant du calme de ma nouvelle demeure. Soudain, tout s’est mis à trembler autour de moi. Avant même que je ne comprenne ce qui se passe, j’étais emporté par le courant d’une rivière sortie de son lit. J’avais beau résister de toutes mes forces, j’étais inéluctablement aspiré par des sables mouvants. Rien auquel m’accrocher pour me retenir.
J’étais pétrifié. J’imaginais un monstre m’attirant vers lui pour me dévorer.
Et ces tremblements qui reprenaient toujours de plus belle. Et qui m’entraînaient plus loin dans les entrailles de la terre.
Je compris plus tard que c’étaient celles de ma mère.
Comme tous les mammifères de cette planète, ma première expulsion fut celle de ma naissance.
Alors que je me pensais perdu, le monstre ayant eu raison de moi, j’atterris enfin. Sensation immédiate de volupté dès le premier contact avec l’odeur et le sein maternels.
Après la peur et le désarroi, une sérénité emprunte d’ivresse, celle d’être en vie.
Le contraste fut le même lors de ma deuxième incarnation sur terre. Et pour toutes les suivantes. Quels que soient les époques ou les lieux, le même scénario se reproduisait.
D’abord violence, résistance, stupeur. Puis douceur, ouverture, plénitude.
A chaque fois je croyais mourir et pourtant c’était tout l’inverse.
La première fois que j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas… J’étais pourtant sage, lové dans le coin chaud à droite au fond, mon endroit préféré….Le professeur commença par se racler la gorge. J’ouvre un œil ; je me réinstalle confortablement. Mais il prend un verre d’eau. Et vlan. Je reçois l’eau sur la tête. Je ne dis rien, je reste peinard, en espérant me faire oublier et profiter encore du coin. Mais il veut absolument parler à tous ses élèves ! Tous ! Alors il commence à tousser. Impossible de roupiller tranquillement en boule, je suis trop chahuté. Et 2è verre d’eau ; 2è douche froide ! Alors je commence à sortir les griffes ! Il tousse de plus en plus fort, encore et encore. Je m’agrippe mais mon petit coin est sans dessus dessous. Puis il émet un raclement de gorge à faire dresser les poils sur la tête, crache et réussit à m’expulser dans les airs ! Heureusement que je retombe toujours sur mes pattes. Je trouverai bientôt un autre coin chaud, à droite au fond d’une gorge.
Ma première expulsion
Un coup de sonnette. Il n’est même pas sept heures et je suis en train de prendre mon petit déjeuner.
Je me précipite vers l’entrée. Qui à cette heure peut bien déranger le monde?
Je regarde à travers l’œilleton et je vois deux policiers, un maigre et un ventripotent attendre en tapant du pied.
J’ouvre.
—Vous êtes bien Monsieur T… ?
Pas de Bonjour. Mauvais signe.
—Euh oui, Bonjour Messieurs, que se passe-t’il ?
C’est le gros qui prend la parole.
— Bon, on n’a pas que ça à faire. Tu prends tes affaires, Toto et vite fait. On t’emmène.
—Mais écoutez, il doit s’agir d’une erreur. Et je ne me nomme pas Toto…
—Mais non, tous les noms qui commencent par T sont regroupés intervient le petit, Vous n’êtes pas au courant, je vois du décret pris par le nouveau gouvernement. Il est sorti ce matin. Tous les gens dont le nom commence par un T doivent être regroupés dans le Tarn et le Tarn et Garonne, Les S ont en Haute Saône et ainsi de suite…
— Vous vous foutez de moi ? Articulai-je. Je suis partagé entre l’envie de rire et une certaine panique.
Le gros a gueulé.
— Tu vas voir si on fout de toi, je vais te passer les menottes moi ! Tu vas moins faire le cador ! Crapule !
— Tu te calmes José, fait le petit. Afin de reconstruire le pays et de mieux l’organiser, Le gouvernement à décidé de regrouper les gens par la lettre de famille qui correspond à leur département…
C’est bien ce que je pensais. Il confirme cette absurdité.
— Hein ? Mais c’est idiot !
— Ta gueule ! fait le gros.
— -Enfin, continue le petit pour vous, vous devrez vous rendre en…il regarde son papier dans le Tarn, à…Mazamet !
—Mais mon boulot, ma famille…
— Le gouvernement y pourvoira. N’ayez crainte, un logement vous est déjà attribué. Des nommés Charroux doivent gagner le Cantal. Vous occuperez leur logement.
—Et moi ? Fait ma compagne, je peux l’accompagner…
— Ta gueule, la grognasse fait José, toujours aussi impoli.
— Mais enfin, fait-elle, vous n’avez pas à être aussi grossier !
— Excusez le, Madame mais vous, votre nom commence par D, vous devez aller donc dans les Deux Sèvres, j’ai vérifié, mais comme vous êtes nombreux les D, vous ne partirez pas avant trois semaines.
— T’as compris, pétasse ? Enchaîne le gros
— Vous n’avez pas un vocabulaire étendu, mon vieux… intervins-Je
Je vois le petit policier faire des signes de calme à son confrère
— Mais fait ma femme, j’ai une copine dans la Drôme, je ne peux pas aller là-bas ?
— Non, en plus votre «copine » va devoir sûrement déménager, elle aussi.
— Mais c’est une histoire de fous!
— Bon, Monsieur, dépêchons, on vous attend à Mazamet. Vous êtes passible de plusieurs années de prison si vous ne vous exécutez pas….
— T’as compris Ducon ? . C’est encore le gros qui semble à deux doigts de l’explosion. IL est tout rouge.
Je n’en peux plus d’être traité de tous les noms par cet abruti.
— Dites, fis je à l’adresse du petit, est ce que votre collègue pourrait au moins être poli?
Le petit me prend par la manche et me murmure.
— Ben, le pauvre comme son nom commence par un Z, il a été décidé de l’envoyer aux îles Kerguelen.
Le fou rire me prend. Je ressens aussitôt une vive douleur. José a sorti sa matraque et m’en assène plusieurs coups…
Je hurle et me réveille. C’est le matin. Ma compagne accourt…
—Tu as fait un cauchemar ?
Au même moment, on sonne à la porte.
Un silence, puis je murmure.
— Peux-tu aller ouvrir ?
la première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas
j’ai été projeté la tête la première au plafond sous des exclamations de joie !
Ils fêtaient les 80 ans de la mami Cochin qui avait la larme à l’œil.
les bulles! ce n’était pas pour moi qui essuyait les plâtres .
Je n’étais qu’un vulgaire bouchon de liège venu du Portugal arraché de son arbre natal pour protéger le vin de l’oxydation ; pas un des convives ne s’est occupé de moi ;c’est vrai qu’ils ne pouvaient pas me sentir car ils étaient déjà bien éméchés ; je suis retombé sur le carreau au milieu des autres congénères de mon espèce . J’ai roulé sur le dos et je me suis fait poursuivre par le chat de la voisine qui me griffait le corps ; un bambin m’a ficelé avec un cordon pour en faire un jouet et la corde au cou, je restai suspendu dans le vide , humilié.
Finis les arômes de vin! ; j’étais projeté au milieu des cris des enfants et ma vie ne tenait plus qu’à un fil .
Un petit homme m’a saisie fermement dans ses deux mains. Derrière un grand rideau noir, il a ouvert une trappe et m’a jetée dans le trou. Transie de froid et de peur, j’ai roulé dans un tunnel qui n’en finissait pas. Un courant d’air, une aspiration m’emportait malgré moi. Des sons, des paroles abracadabrantes, de la lumière là-bas au fond, des voix, des cris, là où j’allais malgré moi. La voix m’envahissait, me tirait vers elle, vers lui, ça y est, l’air libre, j’allais enfin sortir du noir, du grand chapeau sous une pluie de lumière et d’applaudissements. C’était assourdissant. Je voulais voler, planer dans un ciel pur, mais la lumière m’éblouissait, je me débattais, je voletais, je tremblais, apeurée. Il y avait là un homme mystérieux tout de noir vêtu, au visage poudré. Je tournai autour de lui. Il me saisit, il me leva en signe de victoire. Il fut acclamé. Il avait réussi son tour : j’étais sortie de son grand chapeau, née de rien, expulsée du néant, j’étais la colombe du magicien. Depuis cette grande première, où j’ai eu le trac de ma vie, je suis apparue des centaines de fois, sous un foulard, dans une boîte à miroirs ou dans les pages d’un livre. J’ai pris goût à l’aventure, aux caprices de mon maître, au spectacle, à la lumière des projecteurs. La gloire me fait chaud aux ailes, je me prends pour une étoile. Mais depuis quelque temps, je dois dire que je rêve à d’autres cieux. J’ai maintenant une compagne. Ensemble nous avons réalisé nos plus beaux numéros, mais le temps est venu pour nous de quitter la scène. Nous concoctons en secret une sortie en fanfare pour le prochain tour : déjouer la ruse du magicien, prendre un autre chemin et convoler où bon nous semble, sous une pluie d’applaudissements.
©Sylvie Wojcik
Affaire de couleur
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais vraiment pas
Ce fut bref et violent, un arrachement.
Je sentais bien que depuis quelques temps
Elle me regardait drôlement, bizarrement.
Quand elle passait devant un miroir
C’est toujours moi qu’elle dévisageait
Et son regard frôlait parfois le désespoir
Pourtant, elle et moi on s’aimait vraiment
Elle me caressait souvent
Le matin, dans la salle de bains, quand elle faisait glisser son peignoir
Juste avant d’enjamber la baignoire
Je sentais ses doigts m’étreindre avec douceur
Je ressens encore cette vague de chaleur …
Toute sa vie elle m’en a fait voir de toutes les couleurs
Je suis passé par toutes les nuances de l’arc-en-ciel
Au gré de ses amours et de ses humeurs
J’aimais cela d’ailleurs
Même si, de temps en temps, j’ai eu quelques frayeurs !
J’ai aussi changé de longueur
Par « nécessité existencielle » disait-elle
Véritables rites sacrificiels.
Mais maintenant ce n’est plus la même histoire
Noir, blanc, blanc, noir
Son cœur ne balance plus entre les deux
Dorénavant
Son choix est fait, même si c’est douloureux
Jamais de blanc dans ses cheveux.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. Je venais juste de me réveiller. J’étais douillettement installé. Je me souviens, ça sentait bon.
Tout à coup, tout s’est mis à bouger autour de moi. Je me suis agrippé comme j’ai pu à de fins fils dorés. Puis une explosion a retenti. Un souffle énorme m’a atteint en plein visage. Une odeur étouffante a commencé à m’asphyxier. C’est alors que j’eus la bonne idée de sauter.
C’était mon premier saut. Mais quel saut! Je n’ai pas eu le temps de réfléchir. J’aurais pu me casser le dos!…. Allez savoir?… Je me suis retrouvé dans les airs une fraction de seconde. J’ai rebondi sur une surface douce et moelleuse. L’horrible odeur était loin derrière moi. Je me suis faufilé dans l’une des multiples cavernes qui s’offraient à moi. Je n’ai même pas eu besoin de me poser la question! Là ni vu ni connu. J’ai repris mon souffle, et n’ai pas tardé à m’endormir.
Le lendemain matin, j’ai senti mon refuge bouger. J’ai retrouvé l’agréable parfum de la veille. La porte à claqué. L’ai froid de l’extérieur m’a surpris, mais j’étais chaudement protégé. Ce n’est qu’au milieu de la matinée que j’ai compris. Lorsque la maitresse a dit prenez vos cahiers de texte et notez: alerte aux poux….
alors j’ai sauté de la douillette écharpe où je m’étais réfugié et me suis précipité entre deux lames de parquet.
J’ai mis la journée pour atteindre la porte et sortir. Le silence s’est fait dans la cours de récréation. La nuit commençait à tomber. J’avais faim. Depuis la veille je n’avais rien mangé. Quand derrière un pilier j’aperçus une boule de poils… et une fois de plus je n’ai rien planifié. J’ai sauté et de ce saut j’allais me souvenir longtemps!…car là, on ne penserait pas à m’expulser de si tôt!
Geneviève T. mesmotsdoubs
rectificatif: 2ème ligne: entre été et la virgule, figure un espace mais le traitement de texte, visiblement, n’en a rien à faire de mes délires typographiques
Ce matin je reprends mon livre pour continuer ma lecture là où je l’avais laissée.
« La première fois où j’ai été , je ne m’y attendais pas »
Quoi ? Mais il manque un mot, là ! Je n’en crois pas mes yeux.
Par réflexe, je referme le livre. Le temps de reprendre mes esprits.
Le mot était bien là hier soir.
J’ouvre à nouveau lentement le livre et j’observe attentivement la phrase amputée.
Il me semble que les mots ont une sorte d’impulsion qui les pousse à se soulever, comme s’ils voulaient se détacher de la page.
Prise de panique, je referme le livre violemment.
Que se passe-t-il ?
Je n’ose plus ouvrir le livre de peur que les mots s’envolent.
Mon regard tout à coup pique vers le sol, le mot git là : expulsé.
Et tout devient clair.
Hier soir, après ma lecture, ne trouvant pas mon marque-page, j’ai retourné mon livre, OUVERT sur la table de chevet.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. D’aucuns diront, avec raison peut-être, ‘tu l’as bien cherché avec tes idées d’un autre monde, à faire sans cesse ton intéressant’. Ce qu’il ne faut pas entendre ! J’ai peut-être un peu exagéré, c’est vrai. Mais aussi, il faut bien s’occuper non ? Et puis, tout n’est pas perdu: après tout, quand je dis « la première fois », c’est une façon de parler puisque je n’ai été expulsé qu’une seule fois…du paradis.
Lulu
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. La deuxième fois non plus, d’ailleurs. Ni les suivantes. Mais ceci est un autre problème. J’étais pourtant persuadé de tout avoir fait pour ne plus l’être, jamais. D’ailleurs, qui s’attend à être expulsé, une fois où plusieurs? La première fois la surprise est totale. La seconde et les suivantes, on commence, sinon à s’habituer, du moins à relativiser le phénomène. Même si on ne peut pas s’habituer à être une victime systématiquement désignée, et sans recours possible encore! Vous me direz sans doute que nous sommes en démocratie et donc que tout citoyen face à un abus a droit à une défense. Mais outre qu’il n’est pas toujours simple de trouver un défenseur, compétent qui plus est, il faut disposer de temps pour monter un dossier, de témoins complaisants pour appuyer vos arguments, de preuves pour consolider votre plainte. Et il faut surtout, surtout, qu’on vous laisse vous défendre, et donc qu’on vous laisse la parole. Voilà une évidence, me direz-vous! Mais comment voulez-vous vous défendre quand on refuse de vous laisser exposer votre point de vue et qu’on vous reproche, justement, de trop parler et de monopoliser la parole? Et que c’est précisément pour cette raison, encore, qu’on décide en pleine réunion de vous exclure et de vous pousser manu militari vers la sortie?? Se faire expulser d’une réunion ouverte à tous, sans autre motif qu’on a osé prendre la parole, et qu’on vous juge trop bavard!! Mais, dans une réunion, où donc finit le discours, et où commence le bavardage? Qu’en pensez-vous, hein? Eh bien justement, tiens! Parlons-en! Donc…
Mesdames, Messieurs, ministres de l’agriculture, de l’écologie, que sais-je encore.
Qu’est-ce que j’apprends ce matin ? Je suis révolté, indigné. Sachez, Mesdames, Messieurs, qu’à force d’être expulsés du trou du cul des vaches, les pets ne sont plus ignares. La première fois que je suis sorti, je ne dis pas : j’en suis resté bouche bée. Mais depuis j’ai fait du chemin. Je l’ai vu, votre monde. Je me suis instruit.
Or, ce matin, accoudé au zinc devant mon quotidien, je lis à la une qu’il faut limiter de toute urgence les pets des vaches, responsables de l’effet de serre. !!!! Vous ne nous voyez pas, ne nous entendez pas, vous ne nous sentez même pas et vous voulez nous éliminer ? Par contre, vos voitures, vos avions et vos usines, je les ai vus, entendus et sentis, moi. Vous feriez bien de commencer par là.
Et comment voulez-vous qu’elles ne nous expulsent plus, les vaches ? Eradiquer les pets des vaches…Laissez-moi rire et occupez-vous de vos fesses, si je puis me permettre.
Bien à vous.
Le pet anonyme.
©Margine, un peu écolo sur les bords.
Re moi : Le livre de Zafon, c’est « Le jeu de l’ange ». Pris dans le feu de la narration, j’ai confondu deux titres. Le premier est « L’ombre du vent ». Aussi phénoménal que le Jeu de l’ange.
La première fois où j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas… Je savais pourtant qu’on m’attendait avec impatience dehors, on me chouchoutait, m’aguichait par des mots tendres. Je me suis laissé bercer par les discours : quand j’ai senti l’heure venir, j’ai vérifié que je n’oubliais rien, et d’une poussée joyeuse je me suis élancé. La suite… on avait oublié de m’en parler ! Si j’avais su… Il fallait vraiment être fou pour s’insérer dans un tunnel sombre et gluant, avoir les oreilles broyées par les craquements alentour. Je croyais qu’un tapis rouge serait déroulé. Ah, pour être rouge, ça, c’était rouge ! Mais point de tapis. À la place, une immense claque sur les fesses en signe de bienvenue, J’ai gueulé, les autres ont eu l’air enchantés. J’en ai conclu que si je voulais plaire, je n’aurais qu’à beugler, brailler, me bousiller les cordes vocales.
Quelques années plus tard, j’ai été expulsé de la salle de cours : élève trop bruyant. Cela ne m’a fait aucun effet : de rouge il n’y en avait point, ma gueule était toujours la même. J’ai omis de vous dire que la première fois, on m’a enserré autour des tempes des pinces qui ont transformé ma frimousse en poire. Ne manquaient que les feuilles.
Ce soir, je viens d’être expulsé de chez moi, de mon lit, de ma vie, de mon amour. Là, sur le paillasson, me revient subitement une phrase de Carlos Ruiz Zafon (cf. L’ombre du jeu, pour ceux que cela intéresserait) : « L’avantage des cœurs brisés c’est qu’ils ne peuvent véritablement se briser qu’une fois. Les suivantes ne sont que des égratignures. » Eh bien, il a raison le père Carlos, quand on a eu le cœur brisé une fois, on affronte aisément les redites ; on a pris le pli. Pareil en matière d’expulsion : la première, celle que l’on vit tous, a été bigrement traumatisante. Après, il en faut beaucoup pour être roulé et esquinté ! la vie s’en est chargée dès les premières secondes. Ne me demandez pas pourquoi j’ai pensé à Zafon à ce moment-là. Le cerveau a mille ficelles pour nous sortir des emmerdes.
J’ai quitté le paillasson, pris mon baluchon, et je suis parti vers ma prochaine victoire et… ma prochaine peau de banane ! J’ai souri en pensant que je n’avais pas été méfiant la première fois où j’ai été expulsé. Jusqu’à la mort, j’en subirai les conséquences. Ce qui me console, c’est qu’on est tous de la même étoffe. On a tous été embobinés pour le meilleur et pour le rire !
En effet, j’étais installé là depuis quelques temps et tout se passais bien, je mangeais, je dormais, je baignais dans le bonheur, bercé par le ballotement de ces pas qui se faisaient de plus en plus rares, mais il est vrai que je commençais à manquer de place ! Elle m’a donc éjecté ce matin là, même si le mot vous paraît fort, je trouve qu’il n’y a pas d’autres termes. Sur ce coup là, le chirurgien m’avait démit l’épaule, rien de grave bien sûr, mais tout de même. J’ai su qu’elle avait souffert lorsque je l’ai entendu éructer et si je pouvais émettre une opinion, moi aussi j’étais fatigué.
En quelques mois, j’exprimais quelques émotions mais dès mon « expatrie ment » j’ai su excréter, comme un don du ciel, je n’ai pas eu à apprendre !! Quelques années ont passées, j’étais à l’école et nous devions préparer une kermesse, l’institutrice m’évinça du rôle principal, grâce à mon asthme, elle trouvait que j’expectorais trop ! J’avais cette drôle de sensation d’être ostracisé…
Mes années «collèges » ont jouées un grand rôle dans ma vie, je balançais des vannes ça et là, je découvrais ce que j’aimais et ce que j’exécrais : l’exclusion, le rejet mais je les provoquais inconsciemment.
Mon tabagisme me sauva car pour ne pas être ridicule et avoir quelques amis, je réussis à m’intégrer dans ce groupe : c’était sans compter sur le pion qui me surpris dans les toilettes avec ma grande blonde ; ce qui me valut d’être virée trois jours pour m’apprendre à « entrer dans le moule » ! J’avais déshonoré mon père, la honte s’était abattue sur la famille, rien que pour une bouffée de blonde ! Je fus donc destitué de mon devoir de gérer mes frère et sœur, bannie de cette « sainte famille ». Avec le temps, je balançais mes idées noires sur feuille et ma mère finit par en lire le contenu… telle une hérétique je fus excommunier , contrainte à prendre un appartement et à trouver un emploi, enfin, voler de mes propres ailes et m’exiler loin. Je prenais l’habitude d’évacuer les soucis, telles que les factures, les loyers et surtout l’obligation de me lever chaque matin pour bosser. Sale manie qui me forçat à me déloger, suite à ce patron non complaisant qui me congédia sans préavis.
Dans l’avenir, je projette d’extrader notre plus grand meurtrier du 19° siècle, il me faudra encore m’expatrier à Londres, cette fois, en partant de la tamise du London Bridge, à la recherche de ce cher Jack ….
La première fois que j’ai été expulsé, je ne m’y attendais pas. D’aucun dirait que l’on pouvait s’ y attendre. Luigi réunissait en un seul corps toutes les terreurs de l’enfance. Expert en punitions, orfèvre de la bêtise collégiale, il collectionnait à dix ans une quantité de radiographies de ses fractures à faire pâlir un orthopédiste pédiatrique. Il avait d’ailleurs punaisé sur son mur de chambre les clichés de son anatomie comme autant de trophées de sa malfaisance traumatique. Au grand dam de ses géniteurs qui comptaient les plâtres plus que les bonnes notes, Luigi pavanait fièrement devant ses petits camarades, exposant cicatrices et autres stigmates de ses cascades mémorables. Tout petit, sa mère avait acheté un casque préventif, un genre de couvre chef à lanière de cuir molletonné qui avait eu le mérite de le sauver d’un traumatisme crânien sans toutefois le sauver du ridicule. A dix ans, la tenue de cycliste n’était plus de mise. Elle avait baissé les bras, la mort dans l’âme, tremblant à chaque coup de fil de l’annonce d’un nouvel accident. Par un miracle tout à fait inexpliqué ou intimement lié aux prières maternelles, Luigi avait une gueule d’ange, de grands yeux bleus, des joues de chérubin, une lèvre rouge et gonflée comme s’il croquait sans cesse des pastèques. Sa peau de lait n’avait pas encore croisé le fil d’un bistouri ni la pointe d’une aiguille de suture. Ce fameux samedi, sa mère accueilla donc avec horreur, au bord de l’évanouissement, son diablotin la bouche en sang, bavant et pleurant, bafouillant des « maman » désespérés. Cherchant vainement la cause de cette nouvelle débauche d’hémoglobine, d’autant plus préoccupante que Luigi hoquetant était plongé dans une angoisse indicible et inhabituelle. Avec la dextérité d’une infirmière diplômée, elle essuya les joues souillées, prodigua un lavage de bouche forcé pour tenter d’y voir plus clair. Alors, elle se mit à rire, embrassa son fils interdit. Telle une perle, brillante d’un éclat virginal, la première canine de lait du rejeton, se balançait fièrement au bout d’un fil de gencive. Pour la première fois le sang avait jailli tout seul. Sans l’aide d’une quelconque violence extérieure, dans la plus pure séquence biologique, laissant le garnement pantelant et sidéré, Luigi venait de perdre sa première dent.
La première fois que j’ai été expulsée … je ne m’y attendais pas. J’étais dans le liquide, j’entendais des cris et même des hurlements, je ressentais une horrible pression sur tout mon corps, dans une odeur âcre de sang … Je me devais de quitter ce nid aquatique où je m’étais nourrie, abreuvée pendant neuf mois …
Mais je ne pouvais plus reculer. Il me fallait sortir, dans les lumières crues du néon et je ne savais pas où j’allais atterrir, dans quel monde allais-je me retrouver …
Finalement, je suis née un 6 mars à 9h 20 du matin, et j’ai poussé un cri et me suis mise à pleurer.
La première fois que j’ai été expulsé… je ne m’y attendais pas.
À bien y penser : personne ne peut fraterniser avec l’échec en soi.
Et, par conséquent, la deuxième puis n’ième fois ce fut pareil.
Je continuais à ne pas m’y faire et je ne saurai être fier des détails.
Mais à mi-chemin on croit savoir que le truc c’est y voir aussi un fruit beau et mûr,
une nouvelle recette, de bonnes nouvelles, et qu’au fond tout n’est pas si mal foutu.
…
La dernière fois que j’ai été expulsé… je ne m’y attendais pas.
Chacun est à son volant… zut ! ce moteur ne sait toujours pas où l’on va.
GK
Tout à fait étonnant ce dernier texte !
Une autre façon d’envisager la suite:
La première fois où j’ai été expulsé
Je ne m’y attendais pas… C’est vrai ; c’était incroyable ! Inimaginable… ce cataclysme soudain . Presque sans crier gare .
Il faut dire que je m’y étais habitué à cette vie douillette, blotti contre ces douces parois si réconfortantes… Bercé dans une eau tiède , je l’aimais bien cette existence rythmée de sons souvent réguliers, souvent familiers …
Bien-sûr, il y eut ces étranges pressions : ce n’était pas anodin ; j’aurais dû m’en douter ! Je ne le savais pas mais elles signalaient la fin d’un monde … Mon monde à moi . J’aurais dû m’en méfier.
Bien-sür ces contractions apparurent progressivement… D’ailleurs , je n’arrive plus à me souvenir de la première fois (J’ai dû être distrait ) ; ces mouvements s’intensifièrent doucement : bref , j’eus le temps de m’y habituer . Ainsi de plus en plus ballotté , ce n’est que tardivement que j’ai commencé à trouver la situation plutôt inconfortable…
Et puis tout a basculé : La lumière a jailli ! Blanche . Tranchante . Eblouissante .
J’ai pleuré . (Je n’avais jamais vu cela )
J’ai respiré : j’ai crié . Tout était nouveau.
Je ne m’y attendais pas… : je venais de naître .
J’ai choisi d’inventer un mot en ajoutant à la consigne un espace…Un peu de liberté pour alimenter l’imaginaire…
J’errais depuis un long moment dans un état comateux. Plus rien ne m’intéressait. Un rien m’épuisait. Je me sentais vide, immensément creux, tout juste retenu par la mince pellicule de mon enveloppe humaine. Une chair en mode survie. Mon entourage s’alarmait, mes amis essayaient vainement de m’entraîner sur les chemins qu’ils savaient me rendre heureux. A bout d’arguments ils m’engueulaient en me traitant de mauviette : je n’avais qu’à me bouger. Moi, j’en étais incapable, je dérivais, sans volonté vers un monde inconnu dans lequel la passivité était loi. Je vous évite les détails sur des symptômes improbables qui laissaient la médecine désemparée. Son docte colporteur appelé à la rescousse, dubitatif malgré ses titres gravés en lettres d’or sur la plaque de marbre à l’entrée de son cabinet, dégaina une batterie d’examens complexes et parfois douloureux. Après une lecture commentée des résultats, il laissa tomber son diagnostic : vous êtes atteint du syndrome de l’ex-pulsé ! Je ressortis de là flanqué d’une ordonnance à l’écriture serrée qui débordait de noms improbables suivis d’une posologie détaillée. J’ai ingurgité la palette colorée des bonbons censés mettre un terme à mon expulsion de ma vie d’avant.
Sonné, j’ai passé la nuit devant mon ordinateur à chercher sur la toile des explications, des témoignages. J’ai bien trouvé des blogs de dépressifs, mais rien sur ma maladie. Elle était orpheline. Comme moi depuis la perte de mes illusions.
Peu à peu de douces pulsations ont de nouveau envahi mon corps. L’exil prenait fin et l’espoir volage réintégrait mon cœur. J’étais re-pulsé !
Graphiter de la vie … quel art !
La première fois où j’ai été expulsée, je ne m’y attendais pas.
J’ai toujours été clairement acceptée, appréciée même, ovationnée souvent. Je m’étais installée dans ce studieux, cet appartenant de bobos parisiens où je m’émancipais avec une liberté totale et quelques-uns, on développait notre musique, dérangeant tantôt le voisinage mais toujours avec un respect mutuel.
« Comme vous y allez !
– Excusez-moi, je vais baisser de ton »
Quand ils sont arrivés, avec leur police taillée de gras, brandissant un titre qui leur donnait tous les droits et à moi tous les torts.
« Dehors ! »
J’ai été frappée de voir avec quelle virulence ils m’ont grapho-militari sortie de mon contexte.
Je n’étais plus rien, je ne voulais plus rien dire. Je me sentais salie, humiliée. J’étais à la rue désormais, à hauteur du caniveau aux yeux du monde. Seules quelques amies, rares, m’hébergeaient sur leurs sites.
On les pointait du doigt, ça n’était pas facile pour elles d’affronter leurs congénères qui elles, respectaient les conventions en vigueur.
Pourtant il leur était tellement facile et tentant de s’arrêter et s’asseoir à la table de la première qui leur viendrait à l’esprit… au bureau de la rédaction, quoi ! Jusqu’au bout elles m’ont soutenue.
Quant à moi, je me tracte dans les rues avec la même conviction et le même courage, graphitant de la vie dès qu’il m’est possible pour que mon message soit lu d’une manière ou d’une autre, au nom de la liberté de mon expression.
La première fois où j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas…
en effet, une assemblée sérieuse, apparemment très concentrée, écoutait avec un recueillement quasi religieux, un discours fleuve, déjà plus de deux heures, lénifiant, lyrique, quand un participant de première ligne, éructant, au bord de l’apoplexie, m’a propulsé avec puissance , les voûtes ont tremblé, les rêveurs ont sursauté. L’orateur médusé a enfin levé les yeux de son tas de papiers, l’assistance horrifiée, en apnée, se demandait si Cambronne aurait osé ??
Depuis je fais partie de moult débats ……
J’étais bien au chaud, au centre de ma galaxie, et Big Bang, me voilà expulsé comme un malpropre, sans la moindre excuse de ma logeuse : circulez, y’a rien à voir ! Tout ça parce qu’il lui a pris une envie de fusionner avec ses voisines ! Je croyais pourtant avoir quelques milliards d’années devant moi, pénard, et que c’était passé de mode ce genre de distractions interstellaires, mais faut croire que les « vieilles », elles ont la nostalgie des pétards !
Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? La concurrence promet d’être rude. A l’ANPE (Agence Nucléaire pour l’Emploi), on m’a bien fait comprendre que j’ai pas assez d’expérience, que les autres candidats sont plus…, mieux…, bref que je ferais mieux d’aller voir ailleurs. Mais où ? Il me reste bien l’option «pouponnière d’étoiles» sauf que j’ai pas la formation. Et puis les mouflets, c’est pas trop mon truc : ça braille, ça s’agite et on passe son temps à ranger leurs rayons X !
Moi je vous le dis : la vie d’un trou noir, c’est pas rose tous les jours !
Bon week-end, Christine
Zut, j’ai raté un pas…à la première ligne…après pensais. Ca présageait peut être du faux pas ?
La première fois que j’ai été expulsé je ne m’y attendais pas. Je ne pensais que ce soit possible, qu’il oserait.
Depuis le temps. Il en avait tellement supporté. Des cris, des humiliations, des menaces, des représailles. Il s’était trop courbé sur l’exigence de son travail, sur ce qui permettait à chacun de bouffer.
Mais pas dans la même gamelle. Et pas la même racine, pas le même gras de la terre.
Il vivait près des cochons, il mangeait comme eux, il grognait comme eux. On le traitait comme eux, à coups de restes de repas, de coups de pied dans le cul.
A force d’être traité en moins que rien on en deviendrait convaincu.
Mais ce jour là, défaite pour défaite, lui était remonté du fond de la gorge une boule de jus de tabac, presque aussi noire que lui.
Et il lui avait craché dessus..même pas à la figure…juste sur les pieds. On ne relève pas la tête, comme çà, d’un seul coup.
Pour la première fois…l’autre s’était tu…il avait juste reculé de deux pas, essuyé ses godasses sur l’herbe…..son herbe…l’herbe de sa prairie…de sa propriété.
Et il avait armé son fusil avec son seul doigt d’éliminer la mauvaise herbe.