Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Lundi : Date mémorable que ce lundi. Moi, tas de sable légèrement aggloméré sur le plateau de Gizeh, j’avais une vue imprenable sur les grandes Pyramides et le Sphinx ! Lors d’une visite privée avec guide une dame, d’une grande beauté, toute vêtue de lin blanc est passée à mes pieds, le bord de son pantalon m’a frôlé délicatement… et… je n’oublierai jamais son petit « oh » quand sa chaussure fine a heurté un petit caillou.
Mardi : branle-bas de combat, la belle dame n’est pas revenue, c’est dommage. En revanche, est arrivée une nué d’hommes vêtus pantalons beige et veste aux poches multiples, munis de loupes, de rouleaux de papier et toute une batterie d’instruments. Je ne comprenais rien à leur conversation : c’était le remake de la tour de Babel ! En soirée, j’ai entendu des coups de marteau…
Mercredi, calme absolu, je suis en quarantaine…je m’effondre doucement.
Jeudi : journée exceptionnelle commencée aux aurores. Un groupe de jeunes gens (en shorts et polos) sont arrivés avec des petites pelles, des pinceaux, des grattoirs… et des gens du coin (je les ai reconnus avec leurs djellabas) avaient apporté de paniers de paille…Je me sentais fondre . Oserais-je dire de plaisir ? car leurs mains, leurs gestes étaient très pondérés, très doux, voire sensuels…
Vendredi : en plus des frôlements, des balayages et des grattouilles agréables qui me faisaient frissonner, je me sentais dans un état second, je me suis tâté… mes rondeurs avaient disparu. Étrange phénomène : plus je maigrissais à vue plus les cris de joie s’amplifiaient…
Samedi : confusions, explosions, rires, embrassades… liesse générale, sans aucun égard pour moi, qui étais quasiment réduit à rien… mais une joie profonde persistait dans chacun de mes petits grains !
J’avais été, des siècles durant, l’écrin d’une merveilleuse statuette d’Isis, moi, petit monticule de sable légèrement aggloméré…
Dimanche : la foule déferle auprès de mes ruines et s’extasieavec des « Oh » et des « Ah » sur tous les tons, dans toutes les langues. Je suis devenu une star .
Dimanche : Mon cher journal, tu es le seul à qui je peux adresser mes pensées les plus intimes. Tu le sais suffisamment, je te le rabâche assez souvent, chaque année, j’attends cette période avec impatience : l’été et ses grandes vacances scolaires bénies ! Et tu sais aussi exactement pourquoi c’est ainsi. Je t’en ai longuement parlé. Et voila, que la période estivale a commencé hier! Enfin ! Pour l’instant, pas trop de mouvement sur la plage, je guette. Le cabanon familial semble encore inhabité pour le moment. Peut-être arriveront-ils ce soir? J’ai tellement hâte de la revoir…Elle a du grandir depuis l’année dernière…Un an de plus…Cela lui fait quel âge déjà? Peu importe, pour moi, elle restera à jamais la gamine de 3 ans au maillot de bain rose fuchsia qui faisait de moi des pâtés et les aplatissait avec son râteau vert-pomme. … Les années ont passé…et je la guette chaque été.
Lundi : Mon cœur se serre. J’ai aperçu sa mère qui allait se baigner. Ils sont arrivés ! Ils sont arrivés ! Je vais me rapprocher de la maison, je ne voudrais la rater pour rien au monde.
Mardi : Mon cher journal, j’ai attendu toute la journée d’hier en vain. Elle n’est pas apparu. J’espère la voir aujourd’hui.
Mercredi : Toujours rien. Je me demande même si elle est venue avec sa famille cette année…
Jeudi : Je me console en regardant son frère jouer au ballon sur la plage. Quel grand nigaud celui-là, ce qu’il a grandit, dis donc… Et elle, où est-elle ? Ma princesse ! Celle pour qui je me dore tout l’année au soleil pour être à son goût l’été venu…
Vendredi : Je crains de devoir me résigner. Toujours pas là. C’est sûr, elle a choisi un autre sable dans un ailleurs… Elle ne viendra pas cette fois-ci se réchauffer contre moi comme chaque année. Elle ne viendra pas s’allonger directement peau contre grain à la recherche de ma chaleur naturelle…
Samedi : J’ai le teint qui a viré au gris. Je me suis détaché un peu du reste des grains. Je me suis éloigné pour vivre mon chagrin à l’abri des regards. Les vacanciers me contournent pour ne pas avoir à me marcher dessus…Ils contournent ce petit tas de sable qui ne ressemble plus à rien…Je dois être bien ragoutant…Tout est fichu ! Elle ne viendra plus… Il pourrait pleuvoir demain, en plein mois d’août, cela ne me dérangerait pas !
Dimanche : Mon cher journal, quelque chose d’extraordinaire est arrivé ce matin. Je l’ai vue ! Elle est là ! Elle est arrivée hier tard dans la nuit. Et ce matin, elle est descendue sur la plage…ce qu’elle est belle du haut de ses 18 printemps, avec ses longs cheveux blonds, ses grands yeux brun, et sa bouche, couleur framboise ! Elle est passé devant moi, s’est arrêté, m’a observé un court instant, puis de ses jolies mains fines, elle m’a rapproché du reste du sable…histoire de me mélanger et de reprendre des couleurs…J’en étais toute chose…Mais je rosis de plaisir puisqu’elle est là….maintenant…les vacances peuvent enfin commencer….
Halima BELGHITI
Lundi : je suis fatigué ce matin, les enfants n’ont pas arrêté hier, il faut dire qu’il faisait beau mais toutes ces allées et venues mouillées, puis sèches puis remouillées m’ont lessivé ! Heureusement Gérard doit passer ce matin pour me ratisser et retirer tout ce qui me gêne : les jouets, les papiers, la bouteille d’eau vide, mais aussi les feuilles de mon ami l’arbre qui me tient compagnie les jours de grands froids.
Mardi : Refait à neuf hier, ces caresses « ratales » m’ont apportées que du bonheur ! J’ai entendu Gégé dire à sa femme qu’aujourd’hui serait une grand journée de retournement à coup de pelle : sentir cette grande langue venir me frôler dans mes profondeurs me rappelle un souvenir lointain, eh oui c’était il y a déjà 3 mois…
Mercredi : Gérard s’en ai donné à cœur joie et ce ne fût pour me déplaire j’adore tout ces retournements ! En plus, à ma plus grande joie, il est venu avec quelques amis grains qu’il m’a rajouté, ces derniers tellement heureux d’être près de moi m’ont câlinés pendant de longues heures : c’était merveilleux. Aujourd’hui les enfants sont de retour , et me voilà de nouveau piétiné, foulé, écrasé, tassé. Oh là là… pour ces sales gosses je ne suis vraiment pas grand-chose !
Jeudi : Gérard revient très tôt ce matin pour mes papouilles matinales, il travaille cet après midi. C’est l’éternel recommencement, ramassages quotidiens des déchets qui viennent amoindrir mon extrême beauté ! Michèle pourra venir tantôt me masser avec ses pieds ; elle est d’une délicatesse désarmante .
Vendredi : Gérard est fatigué et je l’entends discuter avec Michèle de ma situation ; ils n’ont pas l’air d’accord mais il a l’air bien décidé à me virer… il en a assez de passer le râteau, de surveiller le chien pour qu’il ne vienne pas faire ses déjections et des enfants qui font les « cons » sachant que lui seul viendra me nettoyer pour que ses mioches puissent jouer en toute sécurité. Ca fait seulement deux ans que je suis là… mais apparemment pour lui c’est déjà trop !
Samedi : Hier Mossieur Gérard à fait un prélèvement dans mes entrailles, pour me trouver une maladie, j’espère que je n’ai rien sinon l’affaire sera vite réglée et il aura gagné ! Nous attendons le résultat pour ce soir . En attendant, Mossieur a bien voulu me caresser mais vite fait car il avait du monde à manger et moi, avec tous les enfants qu’il y a je vais encore souffrir, mais je ne dirai rien car si je me plains… GARE A MOI !
Dimanche : Et voilà… mon sort est joué : Yvan Audouard ne disait il pas : « C’est à ce signe qu’on distingue les vrais héros: ils ne se plaignent jamais de leur sort. » Demain il me jette aux oubliettes, transporté dans sa remorque, je sentirai une dernière fois les allers et venus de sa pelle rugueuse dans mes entrailles pour retomber, tel un vieux déchets dans ce gros tas qu’il fera de moi. Adieu mes chérubins, en fait, je vous aimais bien.
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Jour 1
Ma vie était ce qu’elle était. Je n’avais pas d’avis, c’était la mienne et voilà tout. J’habitais un fond marin, ma famille, mes voisins, quelques amis m’entouraient. C’était tranquille, des poissons venaient parfois se frotter le ventre sur nous et ça nous réjouissait. Puis la mer, prise d’une colère sauvage, nous embarqua dans ses rouleaux pour enfin me jeter violemment sur un banc de sable. Le voyage fut très pénible, chahuté, secoué, choqué, j’étais effrayé.
Cette aventure inattendue méritait bien que j’écrive mon journal.
Jour 2
Au-dessus de moi, le spectacle est étonnant. Ce n’est plus de l’eau mais un gaz inconnu. Il fait clair et chaud. Je suis seul, c’est un paradoxe car la plage est immense et très peuplée par des grains qui me ressemblent. Mais je suis séparé de tous ceux que je connaissais, perdu au milieu d’inconnus.
Jour 3
Je ne me sens pas bien : habitué à être toujours humide, j’ai très mal vécu l’assèchement provoqué par la chaleur qui règne ici quand la mer se dérobe pendant plusieurs heures. J’ai cru mourir. Quel pays !
Jour 4
Je n’ai pas d’autres solutions que de m’adapter. J’en ai parlé à mes voisins. Certains sont là depuis longtemps : la vie est agréable ici m’ont-ils dit si on a la chance d’y rester.Ca m’a plus inquiété que rassuré.
Jour 5
Aujourd’hui, ça a été l’enfer : dès la grosse boule rouge sortie de l’eau, un bruit inconnu a empli l’espace. D’énormes roues transportant sur leur dos des engins avec de longs bras ont envahi une partie de la plage. J’imaginais la douleur de tous mes congénères écrasés par ces monstres. Puis le bras a sorti un godet bordé de griffes. Et de grandes pelletées furent extraites de notre plage pour disparaître dans des bacs à plus petites roues qui s’éloignaient très vite. J’étais terrifié. Pourquoi cette rafle ? Où allaient ces pauvres grains de sable ? Mes voisins m’expliquèrent que les Hommes avaient besoin de nous pour construire leurs maisons en béton. Ils venaient nous faire payer un tribut à leur développement, comme ils disaient.
Jour 6
Heureusement les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Ce matin notre plage a de nouveau été envahie, mais par des cris, des petits pieds potelés, des corps presque nus, des seaux et des pelles. La joie de tous ces bambins et de leurs jolies mamans a enchanté ma journée. J’ai profité, jusqu’à ce que la marée ne les emporte, des châteaux de sable et autres pâtés qu’ils avaient créés. Dommage, ils ne nous ont pas dit merci.
Jour 7
Une lumière inconnue a accompagné ma nuit. Le spectacle de la voûte étoilée et cette parfaite boule blanche m’a presque fait oublier les profondeurs marines de mon enfance.
Nous existions déjà auparavant, mais nous étions des milliers sans aucune conscience collective, tous égaux sous le soleil qui nous brulait, sous la pluie que nous buvions, sous le vent qui nous dispersait. Tous égaux à écouter le bruit de la mer qui venait parfois nous lécher. Et puis il est arrivé.
Nous avons d’abor du des pieds puis une pelle bleue comme le ciel de ce mois d’Aout n’aurait jamais osé. Nous nous sommes retrouvés dans un cylindre -seau, disait-il- avec des milliers et des milliards de nos frères puis la « pelle » nous a frappés longuement. Alors nous nous sommes soudés. Et puis brusquement, il nous a retournés.. Et ce fut le miracle. Tout à coup, nous étions un et nous vîmes toute l’étendue devant nous et même la mer au loin, très loin…
Cette nuit là nous crûmes avoir compris que nous avions été désignés pour régner sur cette étendue.
Et le matin suivant sous le soleil que nous tutoyions, nous étions très fiers de notre nouvelle position.
Nos sujets se tenaient à notre base et nous rendaient, nous le sentions un silencieux hommage.
Le lendemain, la pelle bleue était revenue et elle entreprit de me rendre encore plus visible. D’autres frères nous rejoignirent mais j’étais plus haut et on m’adjoignit autour de moi plusieurs petits seigneurs qui m’entouraient pour me garder.
Le quatrième jour, Pelle Bleue creusa des fossés autour de moi et m’apporta l’eau même de l’Océan que je bus pour le remercier de l’hommage qu’il me rendait, tel un féal..
Tout au long de cette journée, j’attins le sommet de mon règne magnifique : grains de sable autour, océan ,soleil qui me chauffait, j’étais au comble de la fierté…
Et puis le matin du cinquième jour, je vis tout à coup, le ciel virer au gris. La pluie commença à tomber et je me sentis m’amollir sur ma base. Je n’étais plus le roi, mais au moins nous avions encore conscience de notre unité. Et puis le vent se leva et impitoyable, nous dispersa à nouveau. Et depuis nous attendons le retour de Pelle Bleue pour quà nouveau il nous unisse
Cette semaine devrait être la bonne. On y croit ! Du coup je vais essayer de tenir un journal de bord, pour vous raconter notre ascension !
Dimanche, beau soleil, vent d’EST
Aujourd’hui, c’était notre dernier jour sur le banc. Enfin, on l’espère… Le vent vient de tomber, la nuit va arriver et on est trop haut pour que la marée suivante nous entraine avec elle. Donc si tout va bien, demain, on sera les premiers à se faire emporter par le vent, pour à notre tour, former la plus haute dune d’Europe ! On fera parti des 60 millions de mètres cubes de sable, étalés sur près de 3km de long et 500m de large et culminer à plus de 110m.
Pour nous c’est une première, d’autres ont déjà plusieurs traversées à leur actif. Alors on angoisse un peu… C’est vrai qu’elle impressionne cette dune, d’ici c’est un vrai mur.
Lundi, ciel nuageux, pas de vent.
Tout compte fait, toujours ici. Le vent ne s’est pas levé. Bref, on a pas bougé d’un grain. Une journée très calme et longue. Nous on est ok, tous les grains sont bien secs et prêts à décoller. Faudrait pas qu’il pleuve maintenant… Du coup, rien de bien long à écrire dans mon journal aujourd’hui…
Mardi, vent Fort, beau soleil, bref de bonnes conditions pour un vol !
C’est bon, on est en face. Cool ! Le vent nous a emporté ce matin puis déposé à mi hauteur de la dune. C’est impressionnant de passer au dessus de l’eau pendant des centaines de mètres. C’est même magique !
Mais certain sont tombés avant. Pour eux, le cycle du retour est déjà en marche. D’autres sont tombés sur le petit banc de sable, juste devant la plage. Pas cool… Ils auront la triste tâche, de participer aux nouvelles baïnes, si dangereuses chaque saison…
Sinon, pour nous, ce n’est pas gagné pour autant. Maintenant on veut arriver à monter tout en haut. Depuis le temps qu’on nous en parle, on veut la voir cette vue nous aussi… ça doit être superbe de contempler ça et se dire, j’y suis !
Mercredi, quelques éclaircies, vent calme.
Petite frayeur ce matin…. Vers 11h, 3 jeunes hommes, sont descendus de tout en haut en courant et en rigolant. Ils sont passés sur nous, on a croisés nos grains… Ouf, on a juste glissé de quelque mètres en contrebas. C’est l’angoisse à chaque fois. On redoute de voir un pied atterrir juste a côté, s’enfoncer profondément et du coup se retrouver emporter à l’intérieur d’une chaussure.
Alors, pour les plus chanceux, ils ressortent tout en bas, quand l’homme vide ses chaussures de suite après sa course folle. D’autres ratent tout et retombent juste avant l’allée qui va au parking… La où tout le monde vide ses poches, ses chaussures. Et le pire, c’est de ressortir des chaussures sur le parking, juste avant que l’homme ne remonte dans son véhicule. Alors pour eux, aucune chance de revenir ici… Sans compter qu’ils ne reformeront pas forcément un tas bien longtemps… Bref, on préfère ne pas y penser.
Jeudi, grans ciel bleu,
Ça y est, on a réussi, le vent a bien soufflé toute la journée, du coup on est monté rapidement ! Mais il faut faire attention à ne pas aller trop vite, beaucoup ont dépassé le sommet pour atterrir sur les pins à des centaines de mètres derrière. Pour eux, c’est pas beaucoup mieux que le parking. Quoique, à la vitesse où la dune avance on finira par les retrouver un jour…
Wouaaa, que c’est beau vue d’ici !!! On est tout en haut. D’un côté la mer, à perte de vue avec le banc d’Argin en premier plan, juste en bas. Notre point de départ. Il paraît tout petit d’ici. Et les bateaux sont limites ridicules avec leur traînées blanches derrière eux…
Et de l’autre côté, cette forêt de pins à perte de vue aussi… Un tapis vert.
Bref, pas étonnant que l’homme vienne autant profiter de cette vue. Même si hors saison il s’enlève lui même l’escalier pour monter, il vient quand même ! Quant au superbe couché de soleil, qui plonge dans l’océan, ça ne va certainement pas le décourager non plus…
Vendredi, très beau temps, pas de vent ou presque.
Petit sursis pour nous… Avec tout ce monde aujourd’hui, on s’attendait vraiment à redescendre d’un côté ou de l’autre. Ou se retrouver dans une chaussure. Ben non ! Il faisait chaud, donc beaucoup de pieds nus, de chaussettes, du coup même si on a bougé un peu, on est resté toute la journée en haut. Mais avec le week-end de l’homme qui arrive… on ne tiendra pas très longtemps en place.
Samedi, beau soleil et du vent l’après-midi
Beaucoup, beaucoup de monde… Trop diront certain… Alors on a fini par arriver en bas de la dune, côté forêt. Comme beaucoup d’entre nous. On a même retrouvé de vieux tas rencontrés plus tôt dans la semaine.
C’était quand même une belle semaine, pleine de rencontres. Ce contact avec l’homme, même s’il ne fait pas attention à tout, était agréable finalement. De le sentir courir sur nous, l’entendre rire, le voir prendre des photos, jouer avec ses enfants ou nous prendre entre ses doigts… Bref, on lui procurait une joie qui faisait plaisir à voir.
Voilà, c’est la fin de ce petit journal concernant notre participation quelques jours à cette dune.
On peut désormais dire, j’ai fait le « Pilat » ! 😉
lundi le vent me transporte
mardi, écrasé au sol par une bande de joyeux randonneurs
mercredi l’eau m’inonde, j’ai froid!
jeudi, perforé de tranchées et de tunnels avec pont levis et passerelles; je suis devenu château fort
vendredi le soleil fait briller mes multiple facettes sous le vol des oiseaux éblouis
samedi soir c’est la grande sortie ; mes compagnons de vie sautillent sur mon ventre , hilares! et je leur souris
dimanche, je me recueille devant la beauté du paysage , cadre de ma vie ,la mer s’étire à mes pieds comme une langoureuse maîtresse et me caresse de son écume légère ; dans un vertige partagé nous nous donnons l’un à l’autre en sachant le précieux de ce moment présent ;
dimanche soir je peux m’endormir repus de tant de gloire éternelle
la mer : gouttelettes d’eau à l’infini et le sable: poussières d’étoiles inaltérables donnent tord au néant
Dimanche
Aujourd’hui est un mauvais jour pour moi
Les enfants sont rois
Ils vont m’écraser à coups de pelle
Ils ne font jamais dans la dentelle.
Lundi
Il pleut, je suis tout mouillé
Aussi dur qu’un tas de graviers
Personne pour me réchauffer
Personne pour me dorloter.
Mardi
Changement de temps, changement de ton
Le soleil exhibe ses plus beaux rayons
Divine, elle s’assoit à côté de moi
Et songeuse, laisse filer mes grains entre ses doigts.
Mercredi
Ils sont tous revenus dès les devoirs terminés
Je les entends rire, pleurer, hurler
La bataille fait rage entre bandes organisées
Vivement ce soir qu’ils me fichent la paix.
Jeudi
Le vent s’est levé, je ne tiens pas en place
Valet, dame, roi, as
Il a mélangé toutes les cartes
Au loin, le plongeon de la fière jubarte.
Vendredi
On annonce une accalmie
Mes deux vieux préférés vont plier leurs parapluies
Et venir s’installer à petits pas comptés
Je vais faire le dos rond pour qu’ils puissent se reposer.
Samedi
Le week end est là avec tout son tra la la
La fête est programmée
Les plaisirs, l’amour, l’amitié
Et moi, petit tas de sable, qui va m’enserrer
Me choyer
Me tripoter
Me malaxer
Me peloter
Me caresser
Me faire rêver
Ben oui quoi, qui va m’aimer ?
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Lundi – Je suis né aujourd’hui, alors que rien ne m’y prédisposait, à cause d’un tout petit grain, semblable à un grain de folie. Une erreur ?
Mardi – La journée m’a parue interminable. 480 fois exactement je me suis écoulé, toutes les 3 minutes, dans un sens puis dans l’autre à travers le col étroit d’un sablier. J’en ai encore la tête toute retournée. Et des haut-le-cœur !
Mercredi – La journée des enfants. La vie de château ! Que du bonheur !
Jeudi – J’ai décroché mon bac. Et les honneurs !
Vendredi – Des milliards de mes congénères, originaires du Sahara, sont venus s’agglutiner autour de moi. Impossible de nous différencier. Comment me distinguer de ces copies conformes? L’horreur !
Samedi – Ce soir, peu après le coucher du soleil, à l’heure où l’on souhaite « bonne nuit » aux petits enfants, le marchand de sable est passé et s’est abondamment déversé sur moi. Quelle impudeur !
Dimanche – Et voilà ! En une semaine seulement, parti de rien, d’un tout petit grain de sable, je suis devenu la Dune du Pilat. La grandeur !!!
Mercredi 1er juin 2005
Me voici arrivé. Pour l’instant je ne suis qu’un tas de sable, plutôt mouillé, apporté au bord de la promenade des piétons, à l’abri des vagues.
Jeudi 2 juin 2005
Et voilà. Je suis sculpté et très réussi. Ils y ont passé la journée car il fallait faire vite : lundi prochain c’est le 60e anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie. Les touristes sont déjà là. Moi je suis transformé en une troupe de soldats américains descendants d’une barge.
Vendredi 3 juin 2005
Les touristes, très nombreux, s’extasient devant moi, surtout devant le travail effectué par mes sculpteurs. Un vieux monsieur m’a ému. Il est arrivé sur un fauteuil roulant poussé par sa fille. Il m’a regardé longtemps, en pleurant doucement. Il est reparti sans un mot, emportant son secret.
Samedi 4 juin 2005
Il a plu ce matin. Mon sommet est un lég.rement abîmé. Les employés de la commune se sont empressés de monter une tonn.lle pour me protéger. Il n’y a pa. trop de dégâts.
Dimanche 5 juin 2005
La plage est noire de monde. Les commém.rations ont lieu demain, mais demain c’est l.ndi, les gens seront au tr.vail. Je me porte bien, malgré le p.tit coup de vent de cet.e nuit.
Lundi 6 juin 2005
C’est le gr.nd jour. Les off.ciels font leur di.cours sur l’estrade installée sur le parki.. de la plage. Il y a beauc..p de vent aujourd’hui. Les partitions de la fanf.r se sont envol..s et ont atterri sur moi. Ell.. m’ont un peu éraflé.
Mardi 7 juin 2005
On a d monté l’estr..e et la ton.. le. Les fêt.. sont fin…. Quelq… badau.. traînent enco.. sur la plage. Je ne res..mble plus à gra..d-chose. Plu. pers..ne ne s’ext.sie.
Lundi : au clair de lune, ils se sont mis en route, ils sillonnent ma peau granuleuse, je les sens, ils sont là, leur regard bleu traverse mes dunes.
Mardi : là-bas, des hommes blancs ont percé mes entrailles, ils ont hurlé de joie parce qu’a jailli du plus profond de moi la source tant attendue. J’ai mal, ma blessure est ouverte à jamais.
Mercredi : au creux de moi, silence, pas un bruit, pas un souffle, le serpent enroulé s’éveille et se déroule pour sinuer sournoisement et étouffer sa proie.
Jeudi : le vent se lève, près de ma bordure occidentale, ils m’envahissent à tour de rôle, je suis déchiré, meurtri, j’ai la gangrène, j’ai déclenché la haine.
Vendredi : contre mes flancs, ils ont élu domicile. Ils sont là pour m’admirer, photographier mon teint couleur de feu, glisser leurs mains dans ma chevelure rouge, reporters de l’extrême, et donner à tous ceux qui ne sont pas là un avant-goût d’une nuit au Sahara.
Samedi : les alizés font place à des vents déchaînés, la caravane des hommes bleus, tenace, poursuit son sillon, ride ma peau.
Dimanche : je ferme les yeux, je rêve d’être traversé par une tempête qui balayerait tout sur son passage et m’apporterait un grain noble venu d’ailleurs, nouvelle jeunesse, nouveau départ.
début avril, à Erdeven (Morbihan), un petit tas de sable à l’abri de ses aînés, est ému:
il vient de retrouver sous un galet son journal, qu’il croyait emporté par Ulla cet hiver. Les pages sont pêle-mêle, un peu abîmées mais encore lisibles.
Mardi 4 février 20 4
Le vent a soufflé avec fureur tou la nuit, la mer mugissante vient sans relâche saper ma base
Jeudi 6 février 2014
Un peu de calme aujour i mais ce sont les piétine ts qui viennent achever le désastre de la tempête
Lundi 3 f 2014
Il est 15 heures, il fait déj presque nuit. Que va-t-il se passer encore?
Vendredi 7 février 2014
Au secours la temp revient! J’ai l’impression de me dissoudre dans un bain d f rie
Mercredi 5 févr 2014
C’est le matin,je suis recou de varech.Il a l’air aussi désemparé que moi.Nous nous reconfor mutuellement
Sam 8 février 2014
Me voilà réduit à une peti chose sans force, je suis diminué de moitié.J’arrive heureus quand même à écrire ayant pu sauv ma plume de mouette . Sinon,si je disparaissais tout à fait, qui se souviend de moi?
Dimanche 9 février 2014
Merci mon Dieu la mer m’a rassemblé,me voilà remis quasim à neuf.
Je revis,séchant au soleil.
VU D’UN TAS DE SABLE…
LUNDI: La mer monte et vient m’embrasser.
MARDI: Les parasols sur la plage font tourner leurs jupes multicolores.
MERCREDI: La mer a étalé sa nappe d’eau sur la plage.
JEUDI: La mer est un immense terrain d’vagues.
VENDREDI: La marée est montée si vite qu’elle s’est brisée sur les rochers.
SAMEDI: La mer en montant balaie les châteaux de sable…
DIMANCHE: …et en redescendant, les rêves des enfants.
6h21. Début du jour. Mer descendante. Sommes toujours le tas de sable que nous étions hier.
8h34. Attendons sans rien faire. Avons l’impression de ne pas servir à grand chose. Regardons la mer.
10h42. Toujours rien. Il fait pourtant beau. Ni vent, ni pluie, ni personne. Nous sommes un désert et nous n’aimons pas ça.
14h24 puis 18h35 puis 21h52. Nuit. La journée est foutue. N’avons pas bougé d’un centimètre. Sommes morts d’ennui tous autant que nous sommes.
Mardi 22 mai.
6h45. Début du jour. Réveil de mauvaise humeur. Attendons que la journée commence. Vent frais. Restons groupés. Pas question que l’on nous disperse à tord et à travers. Nous sommes une communauté, pas une foule.
12h31. Sommes toujours en état de stupefaction devant l’absence de promeneurs qui sévit depuis des jours.
17h44. Où sont les gens? Qu’on les mette dehors !
Mercredi 23 mai.
10h27. Réveillés tard. Sommes déprimés.
13h30. Réunion au sommet de notre monticule. Nous revendiquons le droit à servir à quelque chose. Notre communauté perd patience et s’affaiblit. Certains grains menacent de partir.
14h10. Aucun changement. Le temps passe.
15h20. Le temps passe.
16h40. Le temps passe encore.
17h15 Là-bas ! Deux enfants ! Un père et une mère ! Ils arrivent !
17h45 Nous sommes heureux. Avons été transformés en château fort à deux tours crénelées. Pas de rempart hélàs. Il va falloir tenir sans ça.
Jeudi 24 mai.
6h11. Avons passé la nuit à nous demander si on allait tenir sans rempart. Au rapport : Tour sud complètement effondrée. Basse cour emportée par la mer. Nous nous efforçons de croire que nous sommes toujours un chateau.
11h20. Marée montante. Tour nord détruite. Ne ressemblons plus à rien. Ne sommes plus digne d’aucun Moyen-Age.
16h50. Les deux enfants d’hier reviennent. Sommes retransformés en château avec trois tours, deux donjons, un tunnel de secours et toujours pas de rempart. La mère appelle. Les enfants s’éloignent.
Vendredi 23 mai.
6h27. Mer descendante. Avons perdu la moitié de nos murs. Sommes déconcertés devant l’incompétence des enfants en matière d’achitecture militaire. Un chateau sans rempart, c’est de l’auto-sabottage ! Décidons de dormir toute la journée pour ne plus y penser.
Samedi 24 mai.
6h12. Adieu tours et donjons. La marée a eu raison de nos ruines. Sommes redevenu un tas. Qu’allons-nous devenir aujourd’hui ? Allons-nous périr encore ? Allons-nous durer ? Aurons-nous droit à un peu d’éternité ?
10h35. Les deux enfants reviennent. Forment avec nous une tour.
10h40. Sautent sur la tour.
10h52. Forment à nouveau une tour.
10h57. Sautent sur la tour.
Et ainsi de suite jusqu’à 11h32.
11h32. Sommes épuisés par la bêtise humaine. Décidons d’arrêter ici la journée.
Dimanche 25 mai.
6h07. Début du jour. Rien à dire d’autre.
11h00. Des cloches sonnent. Une messe commence. N’avons même pas la force de prions. A quoi bon.
11h15. Un jeune homme vient. S’agenouille devant nous. De notre tas, forme 4 tours, un donjon, un pont-levis. Quelqu’un appelle.
– « Vauban » tu viens ?
– Oui, attend, je termine le rempart et j’arrive.
15h44. marée montante. Avons tenu et tiendrons encore. Il nous semble que nous venons d’entrer dans l’histoire.
Lundi : Enfin un peu de tranquillité, c’est pas trop tôt ! Tous ces gens qui s’agglutinaient sur la plage, et les gamins qui n’en finissaient pas de vouloir faire de moi une citadelle imprenable ! Il y en a même un qui a oublié son seau et sa pelle… Tu peux y aller, monsieur soleil, lève-toi, rien que pour moi : regarde comme les vagues sont jolies quand elles viennent s’alanguir à mes pieds. Belle journée.
Mardi : Il pleut. Le crachin breton, un grain comme ils disent les vieux. Plutôt rafraîchissant à cette saison. La pluie est douce, elle fait des petits trous à la surface de mon tas qui s’affale doucement et affine ses rondeurs, ça me fait féminin. Le ciel graphite se reflète sur l’océan. Soudain, un large arc-en-ciel s’empare de la baie. Les mouettes en sont toutes émoustillées et font un long cortège derrière le bateau de Jules qui quitte le port, la pêche sera bonne.
Mercredi : Jour des enfants. Jour trépidant. La terre tremble sous leurs petits pas et l’air s’emplit de leurs cris. Ils courent chercher l’eau, dont ils perdent la moitié au retour, pour arroser mes fossés qui se vident invariablement. Ils s’échinent à me remonter, me réparent, créent des murailles imprenables avec des canonnières aux quatre coins pour repousser l’assaillant. Dieu, que la guerre m’épuise !
Jeudi : Nouveau répit. Je gis, démantelé, éparpillé : en fin d’après-midi, un petit diable s’est acharné sur moi comme sur un trampoline, au grand dam de sa petite sœur qui pleurait de me voir réduit en bouillie. Elle était si jolie, la mignonne : rien que pour ses larmes, je me laissais démolir. Rappelés à l’ordre par une voix autoritaire, ils sont rentrés main dans la main et je me suis endormi, en rêvant de ma princesse.
Vendredi : Ça sent déjà le parfum du week-end, celui de la fête et des bains de minuit. Je me fais voyeur et mes grains s’émoustillent devant ces corps nus qui plongent et replongent dans les vagues argentées. Plus loin, un couple marche lentement au bord de l’eau en se tenant la main. Ils ont un peu bu et goûtent simplement le plaisir d’être deux, d’être là, comme hier, comme demain.
Samedi : Les voilà revenus, ces touristes affamés de vacances, prêts à boire la mer et à lézarder au soleil jusqu’à la rougie du ciel et de leur peau. Dès la fin de la matinée, après le marché, ils viennent au littoral comme s’ils étaient d’ici, comme si tout ça était à eux. Chacun marque son territoire, parasols et nattes de pailles à l’appui. Déjà les enfants s’impatientent, enfilent les maillots et courent vers moi : ça va être ma fête !
Dimanche : Ils ont mis leurs jolis habits pour arpenter la corniche. Les enfants font semblant d’être sages en se fichant des remontrances et des « si tu n’es pas sage… » rabâchés. Ils devront pourtant attendre la fin du déjeuner avant de venir me reconstruire en se racontant les légendes des vaillants chevaliers et des princesses au petit grain. Au fond, j’aime leurs petites mains qui me caressent et me fabriquent à moi aussi une histoire. Je suis leur imaginaire, éphémère, un bout de leurs rêves qu’ils oublieront en rentrant, épuisés et joyeux. Sous la lune montante, la marée achèvera la débâcle et je me fondrai dans l’immensité sablonneuse, sous la houle encore chaude et mousseuse, pour y mourir avec délectation.
Un coeur de pierre.
Lundi 31 mars.
Ca y est, je bouge. JE BOUGE !
Il y a des milliers de litres d’eau que je dormais à huit mètres sous le lit de la Loire, et là, je n’en crois pas mes yeux.
Je bouge !
Eh bien oui, j’ai des yeux !
Le sable a des yeux.
Chaque grain de sable a des yeux.
Les murs ont bien des oreilles, nous pouvons avoir des yeux.
Et puis, ne parle-t-on pas, également, de coeur de pierre ?
Coeurs de pierres, oreilles de murs, yeux de sable !
D’où peut-être cette propension à se glisser dans ceux des hommes et à les faire pleurer.
Ces larmes, mêlées aux nôtres, innombrables, leur permettent de voir ce que nous, nous voyons…
J’ai connu le fond des océans, il y a fort longtemps.
J’ai connu le somment des montagnes, quand celles-ci se sont soulevées.
Et puis, un jour, décollé de mon sommet par le froid, par le vent ou quelque secousse du sol en gésine, j’ai roulé les torrents, caressé, lissé, poli par les courants.
De torrents en rivières, j’ai rejoint le grand fleuve et définitivement cessé mon errance pour me déposer avec des milliards d’autres, mes frères de grès, de mica, de schiste, dans ce coude de Loire, juste devant Langeais.
Il y a huit mètres de mes semblables, là, au dessus.
Je n’en crois pas mes yeux !
Un énorme godet vient de m’arracher à ma sombre humidité et m’a déposé, en tas, sur cette berge de Loire, à Langeais, près du pont suspendu, où je m’égoutte en plein soleil, tout en vous écrivant…
Mardi 1er avril.
Je bouge. Je bouge de nouveau !
Hier, j’ai doré, j’ai blanchi au soleil.
Une grande partie de notre eau – je vis en tas, après avoir vécu en couche ! – s’est répandue sur le berge et a rejoint la Loire.
Nous, une pelle mécanique nous a chargés dans un gros camion-benne, et nous roulons, nous roulons, vers où ?
Quelques uns ont glissé par les interstices, secoués par les cahots du chemin qui saccadent mon écriture – pardonnez-moi ! -mais, dans l’ensemble, nous roulons de conserve.
Mercredi 2 avril.
Je bouge.
J’ai l’habitude, à présent.
Mais nous ne sommes plus entre nous.
Une fine, très fine poussière grise se colle à nous, de l’eau et de plus gros cailloux nous agglomèrent.
Ca bouge, ça vit, c’est bien !
Jeudi 3 avril.
Nous sommes dans un mouvement continuel, une espèce de grosse toupie d’acier berce nos heures grises.
Nous nous déplaçons de nouveau, mais ensemble, eau, cailloux, sable et poussière.
Et ça chuinte agréablement.
Je frotte mon dos à un long ruban de caoutchouc noir qui me mène au ciel, allongé sur le dos.
Mais pas longtemps !
Une cascade nous entraîne au fond d’un étroit couloir où enfin, tout cesse de remuer.
Vendredi 4 avril.
L’immobilité.
L’obscurité..
Le silence.
L’humidité, peu à peu, nous quitte en s’égouttant.
Les yeux grands ouverts dans les ténèbres, je m’assèche, enfin.
Lundi 8 septembre.
Une oreille d’enfant vient de se poser sur le mur franchement peint de d’école, l’école toute neuve où, désormais, je vivrai, embétonné.
Il a cru entendre le murmure de la mer.
C’est ce qu’il confie à son amie.
Elle aussi pose son oreille, ils se font face et sourient.
C’est mon coeur de pierre qu’ils entendent battre…
Mon petit coeur de pierre.
Lundi. Visite d’un professeur avec ses étudiants. Il nous met dans un grand pot et puis devant son groupe de jeunes curieux il nous laisse tomber d’un mètre de haut sur le sol sans brusquerie. On forme un amas de grains de sable stable mais à partir d’un certain volume les derniers grains de sable tombés se mettent à dégringoler et forment donc le début d’une avalanche. Le professeur fait donc noter que si le grain de sable ne porte en lui-même aucune propriété de l’avalanche un grand nombre de grains en quelque sorte peut inventer le phénomène de l’avalanche.
Mardi. Ils sont de retour. Ce jour-là on nous jette dans une cuve et nous mélange avec d’autres liquides. Grand tumulte avec brassage vigoureux. Séchage au grand soleil. On devient (plus ou moins) des briques. Leçon du jour: chaque grain de sable ne donne aucun signe de pouvoir participer à la construction d’un mur et puis d’une maison, mais un grand nombre sont capables d’acquérir cette nouvelle propriété.
Mercredi. On est soumis à une manipulation fort différente et nous devenons du papier sur quoi écrire.
Jeudi. On nous colle au papier pour nous transformer en une espèce de lime.
Vendredi. On devient des boules pour une partie de pétanques.
Samedi. De nouveau dans l’eau pour donner libre cours à quelques jeunes désireux de construire un beau chateau au bord de l’eau.
Dimanche. Leçon conclusive. Le professeur demande à chaque étudiant de résumer ce qu’il retient des expériences faites avec notre tas de grains de sable. Les réponses ne tardent pas. La majorité a bien compris la morale des leçons : l’union permet de faire de nouvelles choses. Un petit nombre d’étudiants répondent : on a toujours besoin d’un plus petit que soi. Un seul remarqua : ces nouvelles propriétés ne dépendent-elles pas aussi de celui qui nous verse ou mélange ou nous massage ?
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Cette semaine, pas d’évènement majeur, attentif, je veille,
Dimanche soir, je disperse à grandes envolées des rêves, des souvenirs tout
doux, des idées originales pour une nouvelle semaine. Je reprends mes observations, divagations, distributions de billes , billets apaisants. Longs périples, vers les futurs endormis des chalets enneigés en montagne, des bateaux chahutés par les vagues, avec une attention particulière pour les tentes dans les dunes ,( clin d’oeil aux ancêtres ). Je survole la planète, la tête dans les étoiles. Dans les régions très agitées je voudrai tellement enrayer ces engrenages de violence, mais tous mes grains n’y suffiraient pas . J’éparpille alors des nuées de paillettes dorées, pour quelques instants de beauté dans ce monde de brutes. La nuit s’efface et je reprends le cycle autour du monde, moi , réserve de sable du marchand qui passe, furtivement, tous les soirs,
Où est donc passé mon Petit Prince ??
Mercredi 12 février, elle est particulièrement agitée, elle fait beaucoup de vagues pour rien autour d’elle. Je la regarde de loin, comme d’habitude.
Jeudi 13 février, elle me provoque, me cherche, me taquine, je ne sais pas vraiment, elle me touche presque, ça la fait fortement marée, je ne suis pas indifférent, mais tout de même !
Vendredi 14 février à midi, elle se jette littoralement sur moi, excitée comme je ne l’avais jamais vue, je suis gêné, d’abord, elle m’enlace, puis m’embrasse avec sa lagune, c’était ma première fois, c’était salé. J’aimais, mais la suite m’a totalement remué, elle m’a complètement mis sens dessus dessous, arraché tous mes composants, j’avais honte, elle a même exhibé mes culots d’obus, mes bijoux de famille, faut pas charrier quoi !
Samedi 15 février, elle s’est retirée cette nuit, j’ai encore son écume qui colle à mes grains de sable, pas une puce de sable à l’horizon, je me sens tout petit, pourtant j’ai cru toucher le ciel bien des fois, je suis à plat, je pense à elle, je la regarde au loin, trop loin.
Dimanche 16 février. Je n’aime pas les dimanches, on me piétine d’habitude, me souille de leurs excréments alimentaires qu’on cache dans les pores de ma peau. Aujourd’hui, on me regarde de loin, comme un pestiféré, une bête curieuse. Sans doute ils savent. J’ai honte. Le vent m’aide à cacher mes obus. En vain. Impuissant, on me les retire. J’ai mal.
Lundi 17 février. Elle ne me regarde plus. Elle fait son arrogante, excitant les mouettes et les surfeurs. Je les hais tous. Comment osent-ils ? Comment ose-t-elle ? Pourquoi m’avoir fait ça, si ce n’était pas pour m’emmener avec elle ?
Mardi 18 février. Les tractopelles se mettent en route, ramassent le tas de merde que je suis devenu, une loque, quand j’étais un bloc fort qui inspirait le respect aux rochers alentours. Forts de leurs résistances physiques et morales, ils me regardent désormais de haut, comme des âmes pieuses et irréprochables en soutanes noires priant le ciel que je me repente de ma faiblesse, pauvre pêcheur naufragé que j’étais.
Mercredi 19 février. Je côtoie un tas d’ordures dans une décharge voisine. Je ne la vois plus. Parfois, quelques mouettes viennent me saluer et me parler d’elle. Cela me donne encore une raison d’exister.
Rédigez le journal
tenu par un tas de sable
pendant une semaine.
Lundi : grise mine. La horde de gamins qui a défilé samedi et dimanche m’a chamboulé, retourné dans tous les sens. J’attends le service de nettoyage pour redevenir présentable. Aujourd’hui, je vais pouvoir souffler. Il paraît que les écureuils de Central Park sont tristes le lundi ; les tas de sable sont joyeux : pour une fois, on les oublie.
Mardi : le temps se gâte, nuages dans le ciel, pluie annoncée. Midi : la pluie s’est installée. Elle avait disparu pendant quatre jours, elle revient, requinquée. Brrr ! Pas sympathique, cette pluie : humidité frisquette, mes grains se collent, ma toilette du lundi est un doux souvenir.
Mercredi : jour des enfants, jour de saccage. Et vas-y que je te poignarde de ma pelle, et vas-y que je te piétine. Non mais, un peu de respect, que diable !
Jeudi : accalmie. Les bipèdes m’ignorent, les oiseaux prennent le relais. Attention où vous posez vos fientes !
Vendredi : soleil sur la planète. Je sèche. Des doigts de petites filles me caressent ; c’est agréable, la délicatesse. Cure de massage : petons et menottes s’agitent en douceur.
Samedi : jour de relâche chez les terriens : les bureaux sont fermés, je suis le lieu de prédilection. Ça piaille, ça crie, ça me torture. Vivement lundi !
Dimanche : humeur maussade. Je hais les dimanches ! Les mémères sortent leurs chienchiens… me voilà salopé ! Si cela pouvait dégoûter les mioches ! Mais les mioches, ils s’en tapent de jouer dans un bac à merde. Ils slaloment entre les crottes pendant que leurs parents jacassent sans avoir l’idée de retirer les bubons qui me filent de l’urticaire.
Je rêve de vacances, de solitude, d’île déserte. Je rêve de considération. Dans une autre vie, je serai blond, fin, j’aurai des palmiers au-dessus de la tête, un doux friselis comme symphonie, je m’abreuverai d’embruns et de sel marin. Vivement l’autre vie !
« T’es un tas », m’a-t-il lancé méchamment, lundi matin en buvant sa première tasse.
Mardi, chez mon psy, je pleurais toutes les vagues de mon corps. Mon rêve d’enfant, tout petit grain de sable qui roulait sur la plage, c’était rejoindre un bac à sable pour enfant. Mon avenir était là, sous les petites mains potelées. Faire des châteaux…
Mercredi, je désespère, un horrible machine m’arrache à ma plage natale. Je me suis recroquevillée sous un galet mais la pelleteuse bruyante et puante m’a délogé.
Jeudi, je pleure encore. On est tous entreposé dans une benne.
Vendredi, transis, on attend notre sort. Où est ma mer ?
Samedi, un homme s’approche, il sifflote. Prend sa pelle. Je me sens hissée. J’ai le vertige.
Dimanche : Je suis un tas ! Le rocher avait raison.
Mes exercices sont des accélérateurs de particules imaginatives. Ils excitent l'inventivité et donnent l’occasion d’effectuer un sprint mental. Profitez-en pour pratiquer une écriture indisciplinée.
Ces échauffements très créatifs vous préparent à toutes sortes de marathons : écrire des fictions : nouvelles, romans, séries, etc.
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Lundi : Date mémorable que ce lundi. Moi, tas de sable légèrement aggloméré sur le plateau de Gizeh, j’avais une vue imprenable sur les grandes Pyramides et le Sphinx ! Lors d’une visite privée avec guide une dame, d’une grande beauté, toute vêtue de lin blanc est passée à mes pieds, le bord de son pantalon m’a frôlé délicatement… et… je n’oublierai jamais son petit « oh » quand sa chaussure fine a heurté un petit caillou.
Mardi : branle-bas de combat, la belle dame n’est pas revenue, c’est dommage. En revanche, est arrivée une nué d’hommes vêtus pantalons beige et veste aux poches multiples, munis de loupes, de rouleaux de papier et toute une batterie d’instruments. Je ne comprenais rien à leur conversation : c’était le remake de la tour de Babel ! En soirée, j’ai entendu des coups de marteau…
Mercredi, calme absolu, je suis en quarantaine…je m’effondre doucement.
Jeudi : journée exceptionnelle commencée aux aurores. Un groupe de jeunes gens (en shorts et polos) sont arrivés avec des petites pelles, des pinceaux, des grattoirs… et des gens du coin (je les ai reconnus avec leurs djellabas) avaient apporté de paniers de paille…Je me sentais fondre . Oserais-je dire de plaisir ? car leurs mains, leurs gestes étaient très pondérés, très doux, voire sensuels…
Vendredi : en plus des frôlements, des balayages et des grattouilles agréables qui me faisaient frissonner, je me sentais dans un état second, je me suis tâté… mes rondeurs avaient disparu. Étrange phénomène : plus je maigrissais à vue plus les cris de joie s’amplifiaient…
Samedi : confusions, explosions, rires, embrassades… liesse générale, sans aucun égard pour moi, qui étais quasiment réduit à rien… mais une joie profonde persistait dans chacun de mes petits grains !
J’avais été, des siècles durant, l’écrin d’une merveilleuse statuette d’Isis, moi, petit monticule de sable légèrement aggloméré…
Dimanche : la foule déferle auprès de mes ruines et s’extasieavec des « Oh » et des « Ah » sur tous les tons, dans toutes les langues. Je suis devenu une star .
Dimanche : Mon cher journal, tu es le seul à qui je peux adresser mes pensées les plus intimes. Tu le sais suffisamment, je te le rabâche assez souvent, chaque année, j’attends cette période avec impatience : l’été et ses grandes vacances scolaires bénies ! Et tu sais aussi exactement pourquoi c’est ainsi. Je t’en ai longuement parlé. Et voila, que la période estivale a commencé hier! Enfin ! Pour l’instant, pas trop de mouvement sur la plage, je guette. Le cabanon familial semble encore inhabité pour le moment. Peut-être arriveront-ils ce soir? J’ai tellement hâte de la revoir…Elle a du grandir depuis l’année dernière…Un an de plus…Cela lui fait quel âge déjà? Peu importe, pour moi, elle restera à jamais la gamine de 3 ans au maillot de bain rose fuchsia qui faisait de moi des pâtés et les aplatissait avec son râteau vert-pomme. … Les années ont passé…et je la guette chaque été.
Lundi : Mon cœur se serre. J’ai aperçu sa mère qui allait se baigner. Ils sont arrivés ! Ils sont arrivés ! Je vais me rapprocher de la maison, je ne voudrais la rater pour rien au monde.
Mardi : Mon cher journal, j’ai attendu toute la journée d’hier en vain. Elle n’est pas apparu. J’espère la voir aujourd’hui.
Mercredi : Toujours rien. Je me demande même si elle est venue avec sa famille cette année…
Jeudi : Je me console en regardant son frère jouer au ballon sur la plage. Quel grand nigaud celui-là, ce qu’il a grandit, dis donc… Et elle, où est-elle ? Ma princesse ! Celle pour qui je me dore tout l’année au soleil pour être à son goût l’été venu…
Vendredi : Je crains de devoir me résigner. Toujours pas là. C’est sûr, elle a choisi un autre sable dans un ailleurs… Elle ne viendra pas cette fois-ci se réchauffer contre moi comme chaque année. Elle ne viendra pas s’allonger directement peau contre grain à la recherche de ma chaleur naturelle…
Samedi : J’ai le teint qui a viré au gris. Je me suis détaché un peu du reste des grains. Je me suis éloigné pour vivre mon chagrin à l’abri des regards. Les vacanciers me contournent pour ne pas avoir à me marcher dessus…Ils contournent ce petit tas de sable qui ne ressemble plus à rien…Je dois être bien ragoutant…Tout est fichu ! Elle ne viendra plus… Il pourrait pleuvoir demain, en plein mois d’août, cela ne me dérangerait pas !
Dimanche : Mon cher journal, quelque chose d’extraordinaire est arrivé ce matin. Je l’ai vue ! Elle est là ! Elle est arrivée hier tard dans la nuit. Et ce matin, elle est descendue sur la plage…ce qu’elle est belle du haut de ses 18 printemps, avec ses longs cheveux blonds, ses grands yeux brun, et sa bouche, couleur framboise ! Elle est passé devant moi, s’est arrêté, m’a observé un court instant, puis de ses jolies mains fines, elle m’a rapproché du reste du sable…histoire de me mélanger et de reprendre des couleurs…J’en étais toute chose…Mais je rosis de plaisir puisqu’elle est là….maintenant…les vacances peuvent enfin commencer….
Halima BELGHITI
Lundi : je suis fatigué ce matin, les enfants n’ont pas arrêté hier, il faut dire qu’il faisait beau mais toutes ces allées et venues mouillées, puis sèches puis remouillées m’ont lessivé ! Heureusement Gérard doit passer ce matin pour me ratisser et retirer tout ce qui me gêne : les jouets, les papiers, la bouteille d’eau vide, mais aussi les feuilles de mon ami l’arbre qui me tient compagnie les jours de grands froids.
Mardi : Refait à neuf hier, ces caresses « ratales » m’ont apportées que du bonheur ! J’ai entendu Gégé dire à sa femme qu’aujourd’hui serait une grand journée de retournement à coup de pelle : sentir cette grande langue venir me frôler dans mes profondeurs me rappelle un souvenir lointain, eh oui c’était il y a déjà 3 mois…
Mercredi : Gérard s’en ai donné à cœur joie et ce ne fût pour me déplaire j’adore tout ces retournements ! En plus, à ma plus grande joie, il est venu avec quelques amis grains qu’il m’a rajouté, ces derniers tellement heureux d’être près de moi m’ont câlinés pendant de longues heures : c’était merveilleux. Aujourd’hui les enfants sont de retour , et me voilà de nouveau piétiné, foulé, écrasé, tassé. Oh là là… pour ces sales gosses je ne suis vraiment pas grand-chose !
Jeudi : Gérard revient très tôt ce matin pour mes papouilles matinales, il travaille cet après midi. C’est l’éternel recommencement, ramassages quotidiens des déchets qui viennent amoindrir mon extrême beauté ! Michèle pourra venir tantôt me masser avec ses pieds ; elle est d’une délicatesse désarmante .
Vendredi : Gérard est fatigué et je l’entends discuter avec Michèle de ma situation ; ils n’ont pas l’air d’accord mais il a l’air bien décidé à me virer… il en a assez de passer le râteau, de surveiller le chien pour qu’il ne vienne pas faire ses déjections et des enfants qui font les « cons » sachant que lui seul viendra me nettoyer pour que ses mioches puissent jouer en toute sécurité. Ca fait seulement deux ans que je suis là… mais apparemment pour lui c’est déjà trop !
Samedi : Hier Mossieur Gérard à fait un prélèvement dans mes entrailles, pour me trouver une maladie, j’espère que je n’ai rien sinon l’affaire sera vite réglée et il aura gagné ! Nous attendons le résultat pour ce soir . En attendant, Mossieur a bien voulu me caresser mais vite fait car il avait du monde à manger et moi, avec tous les enfants qu’il y a je vais encore souffrir, mais je ne dirai rien car si je me plains… GARE A MOI !
Dimanche : Et voilà… mon sort est joué : Yvan Audouard ne disait il pas : « C’est à ce signe qu’on distingue les vrais héros: ils ne se plaignent jamais de leur sort. » Demain il me jette aux oubliettes, transporté dans sa remorque, je sentirai une dernière fois les allers et venus de sa pelle rugueuse dans mes entrailles pour retomber, tel un vieux déchets dans ce gros tas qu’il fera de moi. Adieu mes chérubins, en fait, je vous aimais bien.
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Jour 1
Ma vie était ce qu’elle était. Je n’avais pas d’avis, c’était la mienne et voilà tout. J’habitais un fond marin, ma famille, mes voisins, quelques amis m’entouraient. C’était tranquille, des poissons venaient parfois se frotter le ventre sur nous et ça nous réjouissait. Puis la mer, prise d’une colère sauvage, nous embarqua dans ses rouleaux pour enfin me jeter violemment sur un banc de sable. Le voyage fut très pénible, chahuté, secoué, choqué, j’étais effrayé.
Cette aventure inattendue méritait bien que j’écrive mon journal.
Jour 2
Au-dessus de moi, le spectacle est étonnant. Ce n’est plus de l’eau mais un gaz inconnu. Il fait clair et chaud. Je suis seul, c’est un paradoxe car la plage est immense et très peuplée par des grains qui me ressemblent. Mais je suis séparé de tous ceux que je connaissais, perdu au milieu d’inconnus.
Jour 3
Je ne me sens pas bien : habitué à être toujours humide, j’ai très mal vécu l’assèchement provoqué par la chaleur qui règne ici quand la mer se dérobe pendant plusieurs heures. J’ai cru mourir. Quel pays !
Jour 4
Je n’ai pas d’autres solutions que de m’adapter. J’en ai parlé à mes voisins. Certains sont là depuis longtemps : la vie est agréable ici m’ont-ils dit si on a la chance d’y rester.Ca m’a plus inquiété que rassuré.
Jour 5
Aujourd’hui, ça a été l’enfer : dès la grosse boule rouge sortie de l’eau, un bruit inconnu a empli l’espace. D’énormes roues transportant sur leur dos des engins avec de longs bras ont envahi une partie de la plage. J’imaginais la douleur de tous mes congénères écrasés par ces monstres. Puis le bras a sorti un godet bordé de griffes. Et de grandes pelletées furent extraites de notre plage pour disparaître dans des bacs à plus petites roues qui s’éloignaient très vite. J’étais terrifié. Pourquoi cette rafle ? Où allaient ces pauvres grains de sable ? Mes voisins m’expliquèrent que les Hommes avaient besoin de nous pour construire leurs maisons en béton. Ils venaient nous faire payer un tribut à leur développement, comme ils disaient.
Jour 6
Heureusement les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Ce matin notre plage a de nouveau été envahie, mais par des cris, des petits pieds potelés, des corps presque nus, des seaux et des pelles. La joie de tous ces bambins et de leurs jolies mamans a enchanté ma journée. J’ai profité, jusqu’à ce que la marée ne les emporte, des châteaux de sable et autres pâtés qu’ils avaient créés. Dommage, ils ne nous ont pas dit merci.
Jour 7
Une lumière inconnue a accompagné ma nuit. Le spectacle de la voûte étoilée et cette parfaite boule blanche m’a presque fait oublier les profondeurs marines de mon enfance.
Danielle 78
TAS de SABLE
Nous existions déjà auparavant, mais nous étions des milliers sans aucune conscience collective, tous égaux sous le soleil qui nous brulait, sous la pluie que nous buvions, sous le vent qui nous dispersait. Tous égaux à écouter le bruit de la mer qui venait parfois nous lécher. Et puis il est arrivé.
Nous avons d’abor du des pieds puis une pelle bleue comme le ciel de ce mois d’Aout n’aurait jamais osé. Nous nous sommes retrouvés dans un cylindre -seau, disait-il- avec des milliers et des milliards de nos frères puis la « pelle » nous a frappés longuement. Alors nous nous sommes soudés. Et puis brusquement, il nous a retournés.. Et ce fut le miracle. Tout à coup, nous étions un et nous vîmes toute l’étendue devant nous et même la mer au loin, très loin…
Cette nuit là nous crûmes avoir compris que nous avions été désignés pour régner sur cette étendue.
Et le matin suivant sous le soleil que nous tutoyions, nous étions très fiers de notre nouvelle position.
Nos sujets se tenaient à notre base et nous rendaient, nous le sentions un silencieux hommage.
Le lendemain, la pelle bleue était revenue et elle entreprit de me rendre encore plus visible. D’autres frères nous rejoignirent mais j’étais plus haut et on m’adjoignit autour de moi plusieurs petits seigneurs qui m’entouraient pour me garder.
Le quatrième jour, Pelle Bleue creusa des fossés autour de moi et m’apporta l’eau même de l’Océan que je bus pour le remercier de l’hommage qu’il me rendait, tel un féal..
Tout au long de cette journée, j’attins le sommet de mon règne magnifique : grains de sable autour, océan ,soleil qui me chauffait, j’étais au comble de la fierté…
Et puis le matin du cinquième jour, je vis tout à coup, le ciel virer au gris. La pluie commença à tomber et je me sentis m’amollir sur ma base. Je n’étais plus le roi, mais au moins nous avions encore conscience de notre unité. Et puis le vent se leva et impitoyable, nous dispersa à nouveau. Et depuis nous attendons le retour de Pelle Bleue pour quà nouveau il nous unisse
Cette semaine devrait être la bonne. On y croit ! Du coup je vais essayer de tenir un journal de bord, pour vous raconter notre ascension !
Dimanche, beau soleil, vent d’EST
Aujourd’hui, c’était notre dernier jour sur le banc. Enfin, on l’espère… Le vent vient de tomber, la nuit va arriver et on est trop haut pour que la marée suivante nous entraine avec elle. Donc si tout va bien, demain, on sera les premiers à se faire emporter par le vent, pour à notre tour, former la plus haute dune d’Europe ! On fera parti des 60 millions de mètres cubes de sable, étalés sur près de 3km de long et 500m de large et culminer à plus de 110m.
Pour nous c’est une première, d’autres ont déjà plusieurs traversées à leur actif. Alors on angoisse un peu… C’est vrai qu’elle impressionne cette dune, d’ici c’est un vrai mur.
Lundi, ciel nuageux, pas de vent.
Tout compte fait, toujours ici. Le vent ne s’est pas levé. Bref, on a pas bougé d’un grain. Une journée très calme et longue. Nous on est ok, tous les grains sont bien secs et prêts à décoller. Faudrait pas qu’il pleuve maintenant… Du coup, rien de bien long à écrire dans mon journal aujourd’hui…
Mardi, vent Fort, beau soleil, bref de bonnes conditions pour un vol !
C’est bon, on est en face. Cool ! Le vent nous a emporté ce matin puis déposé à mi hauteur de la dune. C’est impressionnant de passer au dessus de l’eau pendant des centaines de mètres. C’est même magique !
Mais certain sont tombés avant. Pour eux, le cycle du retour est déjà en marche. D’autres sont tombés sur le petit banc de sable, juste devant la plage. Pas cool… Ils auront la triste tâche, de participer aux nouvelles baïnes, si dangereuses chaque saison…
Sinon, pour nous, ce n’est pas gagné pour autant. Maintenant on veut arriver à monter tout en haut. Depuis le temps qu’on nous en parle, on veut la voir cette vue nous aussi… ça doit être superbe de contempler ça et se dire, j’y suis !
Mercredi, quelques éclaircies, vent calme.
Petite frayeur ce matin…. Vers 11h, 3 jeunes hommes, sont descendus de tout en haut en courant et en rigolant. Ils sont passés sur nous, on a croisés nos grains… Ouf, on a juste glissé de quelque mètres en contrebas. C’est l’angoisse à chaque fois. On redoute de voir un pied atterrir juste a côté, s’enfoncer profondément et du coup se retrouver emporter à l’intérieur d’une chaussure.
Alors, pour les plus chanceux, ils ressortent tout en bas, quand l’homme vide ses chaussures de suite après sa course folle. D’autres ratent tout et retombent juste avant l’allée qui va au parking… La où tout le monde vide ses poches, ses chaussures. Et le pire, c’est de ressortir des chaussures sur le parking, juste avant que l’homme ne remonte dans son véhicule. Alors pour eux, aucune chance de revenir ici… Sans compter qu’ils ne reformeront pas forcément un tas bien longtemps… Bref, on préfère ne pas y penser.
Jeudi, grans ciel bleu,
Ça y est, on a réussi, le vent a bien soufflé toute la journée, du coup on est monté rapidement ! Mais il faut faire attention à ne pas aller trop vite, beaucoup ont dépassé le sommet pour atterrir sur les pins à des centaines de mètres derrière. Pour eux, c’est pas beaucoup mieux que le parking. Quoique, à la vitesse où la dune avance on finira par les retrouver un jour…
Wouaaa, que c’est beau vue d’ici !!! On est tout en haut. D’un côté la mer, à perte de vue avec le banc d’Argin en premier plan, juste en bas. Notre point de départ. Il paraît tout petit d’ici. Et les bateaux sont limites ridicules avec leur traînées blanches derrière eux…
Et de l’autre côté, cette forêt de pins à perte de vue aussi… Un tapis vert.
Bref, pas étonnant que l’homme vienne autant profiter de cette vue. Même si hors saison il s’enlève lui même l’escalier pour monter, il vient quand même ! Quant au superbe couché de soleil, qui plonge dans l’océan, ça ne va certainement pas le décourager non plus…
Vendredi, très beau temps, pas de vent ou presque.
Petit sursis pour nous… Avec tout ce monde aujourd’hui, on s’attendait vraiment à redescendre d’un côté ou de l’autre. Ou se retrouver dans une chaussure. Ben non ! Il faisait chaud, donc beaucoup de pieds nus, de chaussettes, du coup même si on a bougé un peu, on est resté toute la journée en haut. Mais avec le week-end de l’homme qui arrive… on ne tiendra pas très longtemps en place.
Samedi, beau soleil et du vent l’après-midi
Beaucoup, beaucoup de monde… Trop diront certain… Alors on a fini par arriver en bas de la dune, côté forêt. Comme beaucoup d’entre nous. On a même retrouvé de vieux tas rencontrés plus tôt dans la semaine.
C’était quand même une belle semaine, pleine de rencontres. Ce contact avec l’homme, même s’il ne fait pas attention à tout, était agréable finalement. De le sentir courir sur nous, l’entendre rire, le voir prendre des photos, jouer avec ses enfants ou nous prendre entre ses doigts… Bref, on lui procurait une joie qui faisait plaisir à voir.
Voilà, c’est la fin de ce petit journal concernant notre participation quelques jours à cette dune.
On peut désormais dire, j’ai fait le « Pilat » ! 😉
lundi le vent me transporte
mardi, écrasé au sol par une bande de joyeux randonneurs
mercredi l’eau m’inonde, j’ai froid!
jeudi, perforé de tranchées et de tunnels avec pont levis et passerelles; je suis devenu château fort
vendredi le soleil fait briller mes multiple facettes sous le vol des oiseaux éblouis
samedi soir c’est la grande sortie ; mes compagnons de vie sautillent sur mon ventre , hilares! et je leur souris
dimanche, je me recueille devant la beauté du paysage , cadre de ma vie ,la mer s’étire à mes pieds comme une langoureuse maîtresse et me caresse de son écume légère ; dans un vertige partagé nous nous donnons l’un à l’autre en sachant le précieux de ce moment présent ;
dimanche soir je peux m’endormir repus de tant de gloire éternelle
la mer : gouttelettes d’eau à l’infini et le sable: poussières d’étoiles inaltérables donnent tord au néant
Journal de bord d’un petit tas de sable
Dimanche
Aujourd’hui est un mauvais jour pour moi
Les enfants sont rois
Ils vont m’écraser à coups de pelle
Ils ne font jamais dans la dentelle.
Lundi
Il pleut, je suis tout mouillé
Aussi dur qu’un tas de graviers
Personne pour me réchauffer
Personne pour me dorloter.
Mardi
Changement de temps, changement de ton
Le soleil exhibe ses plus beaux rayons
Divine, elle s’assoit à côté de moi
Et songeuse, laisse filer mes grains entre ses doigts.
Mercredi
Ils sont tous revenus dès les devoirs terminés
Je les entends rire, pleurer, hurler
La bataille fait rage entre bandes organisées
Vivement ce soir qu’ils me fichent la paix.
Jeudi
Le vent s’est levé, je ne tiens pas en place
Valet, dame, roi, as
Il a mélangé toutes les cartes
Au loin, le plongeon de la fière jubarte.
Vendredi
On annonce une accalmie
Mes deux vieux préférés vont plier leurs parapluies
Et venir s’installer à petits pas comptés
Je vais faire le dos rond pour qu’ils puissent se reposer.
Samedi
Le week end est là avec tout son tra la la
La fête est programmée
Les plaisirs, l’amour, l’amitié
Et moi, petit tas de sable, qui va m’enserrer
Me choyer
Me tripoter
Me malaxer
Me peloter
Me caresser
Me faire rêver
Ben oui quoi, qui va m’aimer ?
Catherine
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Lundi – Je suis né aujourd’hui, alors que rien ne m’y prédisposait, à cause d’un tout petit grain, semblable à un grain de folie. Une erreur ?
Mardi – La journée m’a parue interminable. 480 fois exactement je me suis écoulé, toutes les 3 minutes, dans un sens puis dans l’autre à travers le col étroit d’un sablier. J’en ai encore la tête toute retournée. Et des haut-le-cœur !
Mercredi – La journée des enfants. La vie de château ! Que du bonheur !
Jeudi – J’ai décroché mon bac. Et les honneurs !
Vendredi – Des milliards de mes congénères, originaires du Sahara, sont venus s’agglutiner autour de moi. Impossible de nous différencier. Comment me distinguer de ces copies conformes? L’horreur !
Samedi – Ce soir, peu après le coucher du soleil, à l’heure où l’on souhaite « bonne nuit » aux petits enfants, le marchand de sable est passé et s’est abondamment déversé sur moi. Quelle impudeur !
Dimanche – Et voilà ! En une semaine seulement, parti de rien, d’un tout petit grain de sable, je suis devenu la Dune du Pilat. La grandeur !!!
Aïe aïe aïe… Je poste mon texte, puis je lis les textes postés avant moi. Nadine et moi avons eu la même idée!!!
Parfois, on croit être super original…
Je suis désolée, Nadine, la prochaine fois je lirai avant de poster.
Bonne continuation.
sabine
Mercredi 1er juin 2005
Me voici arrivé. Pour l’instant je ne suis qu’un tas de sable, plutôt mouillé, apporté au bord de la promenade des piétons, à l’abri des vagues.
Jeudi 2 juin 2005
Et voilà. Je suis sculpté et très réussi. Ils y ont passé la journée car il fallait faire vite : lundi prochain c’est le 60e anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie. Les touristes sont déjà là. Moi je suis transformé en une troupe de soldats américains descendants d’une barge.
Vendredi 3 juin 2005
Les touristes, très nombreux, s’extasient devant moi, surtout devant le travail effectué par mes sculpteurs. Un vieux monsieur m’a ému. Il est arrivé sur un fauteuil roulant poussé par sa fille. Il m’a regardé longtemps, en pleurant doucement. Il est reparti sans un mot, emportant son secret.
Samedi 4 juin 2005
Il a plu ce matin. Mon sommet est un lég.rement abîmé. Les employés de la commune se sont empressés de monter une tonn.lle pour me protéger. Il n’y a pa. trop de dégâts.
Dimanche 5 juin 2005
La plage est noire de monde. Les commém.rations ont lieu demain, mais demain c’est l.ndi, les gens seront au tr.vail. Je me porte bien, malgré le p.tit coup de vent de cet.e nuit.
Lundi 6 juin 2005
C’est le gr.nd jour. Les off.ciels font leur di.cours sur l’estrade installée sur le parki.. de la plage. Il y a beauc..p de vent aujourd’hui. Les partitions de la fanf.r se sont envol..s et ont atterri sur moi. Ell.. m’ont un peu éraflé.
Mardi 7 juin 2005
On a d monté l’estr..e et la ton.. le. Les fêt.. sont fin…. Quelq… badau.. traînent enco.. sur la plage. Je ne res..mble plus à gra..d-chose. Plu. pers..ne ne s’ext.sie.
Mercredi 8 juin 2005
C’e.. la t..pêt.. J’ago.is..
Jeudi 9 juin 2005
……….
© Margine, nostalgique de ses plages et du grand vent.
Lundi : au clair de lune, ils se sont mis en route, ils sillonnent ma peau granuleuse, je les sens, ils sont là, leur regard bleu traverse mes dunes.
Mardi : là-bas, des hommes blancs ont percé mes entrailles, ils ont hurlé de joie parce qu’a jailli du plus profond de moi la source tant attendue. J’ai mal, ma blessure est ouverte à jamais.
Mercredi : au creux de moi, silence, pas un bruit, pas un souffle, le serpent enroulé s’éveille et se déroule pour sinuer sournoisement et étouffer sa proie.
Jeudi : le vent se lève, près de ma bordure occidentale, ils m’envahissent à tour de rôle, je suis déchiré, meurtri, j’ai la gangrène, j’ai déclenché la haine.
Vendredi : contre mes flancs, ils ont élu domicile. Ils sont là pour m’admirer, photographier mon teint couleur de feu, glisser leurs mains dans ma chevelure rouge, reporters de l’extrême, et donner à tous ceux qui ne sont pas là un avant-goût d’une nuit au Sahara.
Samedi : les alizés font place à des vents déchaînés, la caravane des hommes bleus, tenace, poursuit son sillon, ride ma peau.
Dimanche : je ferme les yeux, je rêve d’être traversé par une tempête qui balayerait tout sur son passage et m’apporterait un grain noble venu d’ailleurs, nouvelle jeunesse, nouveau départ.
©Sylvie Wojcik
belle originalit Nadine
j’ador
Rédigez le journal…..
début avril, à Erdeven (Morbihan), un petit tas de sable à l’abri de ses aînés, est ému:
il vient de retrouver sous un galet son journal, qu’il croyait emporté par Ulla cet hiver. Les pages sont pêle-mêle, un peu abîmées mais encore lisibles.
Mardi 4 février 20 4
Le vent a soufflé avec fureur tou la nuit, la mer mugissante vient sans relâche saper ma base
Jeudi 6 février 2014
Un peu de calme aujour i mais ce sont les piétine ts qui viennent achever le désastre de la tempête
Lundi 3 f 2014
Il est 15 heures, il fait déj presque nuit. Que va-t-il se passer encore?
Vendredi 7 février 2014
Au secours la temp revient! J’ai l’impression de me dissoudre dans un bain d f rie
Mercredi 5 févr 2014
C’est le matin,je suis recou de varech.Il a l’air aussi désemparé que moi.Nous nous reconfor mutuellement
Sam 8 février 2014
Me voilà réduit à une peti chose sans force, je suis diminué de moitié.J’arrive heureus quand même à écrire ayant pu sauv ma plume de mouette . Sinon,si je disparaissais tout à fait, qui se souviend de moi?
Dimanche 9 février 2014
Merci mon Dieu la mer m’a rassemblé,me voilà remis quasim à neuf.
Je revis,séchant au soleil.
VU D’UN TAS DE SABLE…
LUNDI: La mer monte et vient m’embrasser.
MARDI: Les parasols sur la plage font tourner leurs jupes multicolores.
MERCREDI: La mer a étalé sa nappe d’eau sur la plage.
JEUDI: La mer est un immense terrain d’vagues.
VENDREDI: La marée est montée si vite qu’elle s’est brisée sur les rochers.
SAMEDI: La mer en montant balaie les châteaux de sable…
DIMANCHE: …et en redescendant, les rêves des enfants.
Cahier de voyage d’un tas de sable parti visiter les 7 arts sur l’île des Muses Antiques.
Lundi: Architecture. Château de sable
J’ai rajouté mon grain au contrefort avant la marée montante.
Mardi: Sculpture. Rose des sables
Toujours pas fanée.
Mercredi: Peinture. Bac à sable
Le pinceau c’est mon doigt, m’a dit un enfant qui traçait des arabesques
Jeudi: Musique. Maracas sable
Mais c’est Woodstock, ici!
Vendredi: Poésie. Poudre de sable
Saut en parachute sur une encre à assécher, avant l’apparition du buvard.
Samedi: Danse. Grain de sable
Je me suis glissée dans la chaussure d’une valseuse… qui a glissé
Dimanche: Cinéma. Le marchand de sable
Excellent film. Je crois que j’ai oublié la FIN
Lundi 21 mai. Une plage quelque part.
6h21. Début du jour. Mer descendante. Sommes toujours le tas de sable que nous étions hier.
8h34. Attendons sans rien faire. Avons l’impression de ne pas servir à grand chose. Regardons la mer.
10h42. Toujours rien. Il fait pourtant beau. Ni vent, ni pluie, ni personne. Nous sommes un désert et nous n’aimons pas ça.
14h24 puis 18h35 puis 21h52. Nuit. La journée est foutue. N’avons pas bougé d’un centimètre. Sommes morts d’ennui tous autant que nous sommes.
Mardi 22 mai.
6h45. Début du jour. Réveil de mauvaise humeur. Attendons que la journée commence. Vent frais. Restons groupés. Pas question que l’on nous disperse à tord et à travers. Nous sommes une communauté, pas une foule.
12h31. Sommes toujours en état de stupefaction devant l’absence de promeneurs qui sévit depuis des jours.
17h44. Où sont les gens? Qu’on les mette dehors !
Mercredi 23 mai.
10h27. Réveillés tard. Sommes déprimés.
13h30. Réunion au sommet de notre monticule. Nous revendiquons le droit à servir à quelque chose. Notre communauté perd patience et s’affaiblit. Certains grains menacent de partir.
14h10. Aucun changement. Le temps passe.
15h20. Le temps passe.
16h40. Le temps passe encore.
17h15 Là-bas ! Deux enfants ! Un père et une mère ! Ils arrivent !
17h45 Nous sommes heureux. Avons été transformés en château fort à deux tours crénelées. Pas de rempart hélàs. Il va falloir tenir sans ça.
Jeudi 24 mai.
6h11. Avons passé la nuit à nous demander si on allait tenir sans rempart. Au rapport : Tour sud complètement effondrée. Basse cour emportée par la mer. Nous nous efforçons de croire que nous sommes toujours un chateau.
11h20. Marée montante. Tour nord détruite. Ne ressemblons plus à rien. Ne sommes plus digne d’aucun Moyen-Age.
16h50. Les deux enfants d’hier reviennent. Sommes retransformés en château avec trois tours, deux donjons, un tunnel de secours et toujours pas de rempart. La mère appelle. Les enfants s’éloignent.
Vendredi 23 mai.
6h27. Mer descendante. Avons perdu la moitié de nos murs. Sommes déconcertés devant l’incompétence des enfants en matière d’achitecture militaire. Un chateau sans rempart, c’est de l’auto-sabottage ! Décidons de dormir toute la journée pour ne plus y penser.
Samedi 24 mai.
6h12. Adieu tours et donjons. La marée a eu raison de nos ruines. Sommes redevenu un tas. Qu’allons-nous devenir aujourd’hui ? Allons-nous périr encore ? Allons-nous durer ? Aurons-nous droit à un peu d’éternité ?
10h35. Les deux enfants reviennent. Forment avec nous une tour.
10h40. Sautent sur la tour.
10h52. Forment à nouveau une tour.
10h57. Sautent sur la tour.
Et ainsi de suite jusqu’à 11h32.
11h32. Sommes épuisés par la bêtise humaine. Décidons d’arrêter ici la journée.
Dimanche 25 mai.
6h07. Début du jour. Rien à dire d’autre.
11h00. Des cloches sonnent. Une messe commence. N’avons même pas la force de prions. A quoi bon.
11h15. Un jeune homme vient. S’agenouille devant nous. De notre tas, forme 4 tours, un donjon, un pont-levis. Quelqu’un appelle.
– « Vauban » tu viens ?
– Oui, attend, je termine le rempart et j’arrive.
15h44. marée montante. Avons tenu et tiendrons encore. Il nous semble que nous venons d’entrer dans l’histoire.
Journal d’un tas de sable.
Lundi : Enfin un peu de tranquillité, c’est pas trop tôt ! Tous ces gens qui s’agglutinaient sur la plage, et les gamins qui n’en finissaient pas de vouloir faire de moi une citadelle imprenable ! Il y en a même un qui a oublié son seau et sa pelle… Tu peux y aller, monsieur soleil, lève-toi, rien que pour moi : regarde comme les vagues sont jolies quand elles viennent s’alanguir à mes pieds. Belle journée.
Mardi : Il pleut. Le crachin breton, un grain comme ils disent les vieux. Plutôt rafraîchissant à cette saison. La pluie est douce, elle fait des petits trous à la surface de mon tas qui s’affale doucement et affine ses rondeurs, ça me fait féminin. Le ciel graphite se reflète sur l’océan. Soudain, un large arc-en-ciel s’empare de la baie. Les mouettes en sont toutes émoustillées et font un long cortège derrière le bateau de Jules qui quitte le port, la pêche sera bonne.
Mercredi : Jour des enfants. Jour trépidant. La terre tremble sous leurs petits pas et l’air s’emplit de leurs cris. Ils courent chercher l’eau, dont ils perdent la moitié au retour, pour arroser mes fossés qui se vident invariablement. Ils s’échinent à me remonter, me réparent, créent des murailles imprenables avec des canonnières aux quatre coins pour repousser l’assaillant. Dieu, que la guerre m’épuise !
Jeudi : Nouveau répit. Je gis, démantelé, éparpillé : en fin d’après-midi, un petit diable s’est acharné sur moi comme sur un trampoline, au grand dam de sa petite sœur qui pleurait de me voir réduit en bouillie. Elle était si jolie, la mignonne : rien que pour ses larmes, je me laissais démolir. Rappelés à l’ordre par une voix autoritaire, ils sont rentrés main dans la main et je me suis endormi, en rêvant de ma princesse.
Vendredi : Ça sent déjà le parfum du week-end, celui de la fête et des bains de minuit. Je me fais voyeur et mes grains s’émoustillent devant ces corps nus qui plongent et replongent dans les vagues argentées. Plus loin, un couple marche lentement au bord de l’eau en se tenant la main. Ils ont un peu bu et goûtent simplement le plaisir d’être deux, d’être là, comme hier, comme demain.
Samedi : Les voilà revenus, ces touristes affamés de vacances, prêts à boire la mer et à lézarder au soleil jusqu’à la rougie du ciel et de leur peau. Dès la fin de la matinée, après le marché, ils viennent au littoral comme s’ils étaient d’ici, comme si tout ça était à eux. Chacun marque son territoire, parasols et nattes de pailles à l’appui. Déjà les enfants s’impatientent, enfilent les maillots et courent vers moi : ça va être ma fête !
Dimanche : Ils ont mis leurs jolis habits pour arpenter la corniche. Les enfants font semblant d’être sages en se fichant des remontrances et des « si tu n’es pas sage… » rabâchés. Ils devront pourtant attendre la fin du déjeuner avant de venir me reconstruire en se racontant les légendes des vaillants chevaliers et des princesses au petit grain. Au fond, j’aime leurs petites mains qui me caressent et me fabriquent à moi aussi une histoire. Je suis leur imaginaire, éphémère, un bout de leurs rêves qu’ils oublieront en rentrant, épuisés et joyeux. Sous la lune montante, la marée achèvera la débâcle et je me fondrai dans l’immensité sablonneuse, sous la houle encore chaude et mousseuse, pour y mourir avec délectation.
Bon dimanche, Christine
Un coeur de pierre.
Lundi 31 mars.
Ca y est, je bouge. JE BOUGE !
Il y a des milliers de litres d’eau que je dormais à huit mètres sous le lit de la Loire, et là, je n’en crois pas mes yeux.
Je bouge !
Eh bien oui, j’ai des yeux !
Le sable a des yeux.
Chaque grain de sable a des yeux.
Les murs ont bien des oreilles, nous pouvons avoir des yeux.
Et puis, ne parle-t-on pas, également, de coeur de pierre ?
Coeurs de pierres, oreilles de murs, yeux de sable !
D’où peut-être cette propension à se glisser dans ceux des hommes et à les faire pleurer.
Ces larmes, mêlées aux nôtres, innombrables, leur permettent de voir ce que nous, nous voyons…
J’ai connu le fond des océans, il y a fort longtemps.
J’ai connu le somment des montagnes, quand celles-ci se sont soulevées.
Et puis, un jour, décollé de mon sommet par le froid, par le vent ou quelque secousse du sol en gésine, j’ai roulé les torrents, caressé, lissé, poli par les courants.
De torrents en rivières, j’ai rejoint le grand fleuve et définitivement cessé mon errance pour me déposer avec des milliards d’autres, mes frères de grès, de mica, de schiste, dans ce coude de Loire, juste devant Langeais.
Il y a huit mètres de mes semblables, là, au dessus.
Je n’en crois pas mes yeux !
Un énorme godet vient de m’arracher à ma sombre humidité et m’a déposé, en tas, sur cette berge de Loire, à Langeais, près du pont suspendu, où je m’égoutte en plein soleil, tout en vous écrivant…
Mardi 1er avril.
Je bouge. Je bouge de nouveau !
Hier, j’ai doré, j’ai blanchi au soleil.
Une grande partie de notre eau – je vis en tas, après avoir vécu en couche ! – s’est répandue sur le berge et a rejoint la Loire.
Nous, une pelle mécanique nous a chargés dans un gros camion-benne, et nous roulons, nous roulons, vers où ?
Quelques uns ont glissé par les interstices, secoués par les cahots du chemin qui saccadent mon écriture – pardonnez-moi ! -mais, dans l’ensemble, nous roulons de conserve.
Mercredi 2 avril.
Je bouge.
J’ai l’habitude, à présent.
Mais nous ne sommes plus entre nous.
Une fine, très fine poussière grise se colle à nous, de l’eau et de plus gros cailloux nous agglomèrent.
Ca bouge, ça vit, c’est bien !
Jeudi 3 avril.
Nous sommes dans un mouvement continuel, une espèce de grosse toupie d’acier berce nos heures grises.
Nous nous déplaçons de nouveau, mais ensemble, eau, cailloux, sable et poussière.
Et ça chuinte agréablement.
Je frotte mon dos à un long ruban de caoutchouc noir qui me mène au ciel, allongé sur le dos.
Mais pas longtemps !
Une cascade nous entraîne au fond d’un étroit couloir où enfin, tout cesse de remuer.
Vendredi 4 avril.
L’immobilité.
L’obscurité..
Le silence.
L’humidité, peu à peu, nous quitte en s’égouttant.
Les yeux grands ouverts dans les ténèbres, je m’assèche, enfin.
Lundi 8 septembre.
Une oreille d’enfant vient de se poser sur le mur franchement peint de d’école, l’école toute neuve où, désormais, je vivrai, embétonné.
Il a cru entendre le murmure de la mer.
C’est ce qu’il confie à son amie.
Elle aussi pose son oreille, ils se font face et sourient.
C’est mon coeur de pierre qu’ils entendent battre…
Mon petit coeur de pierre.
Journal d’un tas de sable.
Semaine exceptionnelle.
Lundi. Visite d’un professeur avec ses étudiants. Il nous met dans un grand pot et puis devant son groupe de jeunes curieux il nous laisse tomber d’un mètre de haut sur le sol sans brusquerie. On forme un amas de grains de sable stable mais à partir d’un certain volume les derniers grains de sable tombés se mettent à dégringoler et forment donc le début d’une avalanche. Le professeur fait donc noter que si le grain de sable ne porte en lui-même aucune propriété de l’avalanche un grand nombre de grains en quelque sorte peut inventer le phénomène de l’avalanche.
Mardi. Ils sont de retour. Ce jour-là on nous jette dans une cuve et nous mélange avec d’autres liquides. Grand tumulte avec brassage vigoureux. Séchage au grand soleil. On devient (plus ou moins) des briques. Leçon du jour: chaque grain de sable ne donne aucun signe de pouvoir participer à la construction d’un mur et puis d’une maison, mais un grand nombre sont capables d’acquérir cette nouvelle propriété.
Mercredi. On est soumis à une manipulation fort différente et nous devenons du papier sur quoi écrire.
Jeudi. On nous colle au papier pour nous transformer en une espèce de lime.
Vendredi. On devient des boules pour une partie de pétanques.
Samedi. De nouveau dans l’eau pour donner libre cours à quelques jeunes désireux de construire un beau chateau au bord de l’eau.
Dimanche. Leçon conclusive. Le professeur demande à chaque étudiant de résumer ce qu’il retient des expériences faites avec notre tas de grains de sable. Les réponses ne tardent pas. La majorité a bien compris la morale des leçons : l’union permet de faire de nouvelles choses. Un petit nombre d’étudiants répondent : on a toujours besoin d’un plus petit que soi. Un seul remarqua : ces nouvelles propriétés ne dépendent-elles pas aussi de celui qui nous verse ou mélange ou nous massage ?
Rédigez le journal tenu par un tas de sable pendant une semaine.
Cette semaine, pas d’évènement majeur, attentif, je veille,
Dimanche soir, je disperse à grandes envolées des rêves, des souvenirs tout
doux, des idées originales pour une nouvelle semaine. Je reprends mes observations, divagations, distributions de billes , billets apaisants. Longs périples, vers les futurs endormis des chalets enneigés en montagne, des bateaux chahutés par les vagues, avec une attention particulière pour les tentes dans les dunes ,( clin d’oeil aux ancêtres ). Je survole la planète, la tête dans les étoiles. Dans les régions très agitées je voudrai tellement enrayer ces engrenages de violence, mais tous mes grains n’y suffiraient pas . J’éparpille alors des nuées de paillettes dorées, pour quelques instants de beauté dans ce monde de brutes. La nuit s’efface et je reprends le cycle autour du monde, moi , réserve de sable du marchand qui passe, furtivement, tous les soirs,
Où est donc passé mon Petit Prince ??
Mercredi 12 février, elle est particulièrement agitée, elle fait beaucoup de vagues pour rien autour d’elle. Je la regarde de loin, comme d’habitude.
Jeudi 13 février, elle me provoque, me cherche, me taquine, je ne sais pas vraiment, elle me touche presque, ça la fait fortement marée, je ne suis pas indifférent, mais tout de même !
Vendredi 14 février à midi, elle se jette littoralement sur moi, excitée comme je ne l’avais jamais vue, je suis gêné, d’abord, elle m’enlace, puis m’embrasse avec sa lagune, c’était ma première fois, c’était salé. J’aimais, mais la suite m’a totalement remué, elle m’a complètement mis sens dessus dessous, arraché tous mes composants, j’avais honte, elle a même exhibé mes culots d’obus, mes bijoux de famille, faut pas charrier quoi !
Samedi 15 février, elle s’est retirée cette nuit, j’ai encore son écume qui colle à mes grains de sable, pas une puce de sable à l’horizon, je me sens tout petit, pourtant j’ai cru toucher le ciel bien des fois, je suis à plat, je pense à elle, je la regarde au loin, trop loin.
Dimanche 16 février. Je n’aime pas les dimanches, on me piétine d’habitude, me souille de leurs excréments alimentaires qu’on cache dans les pores de ma peau. Aujourd’hui, on me regarde de loin, comme un pestiféré, une bête curieuse. Sans doute ils savent. J’ai honte. Le vent m’aide à cacher mes obus. En vain. Impuissant, on me les retire. J’ai mal.
Lundi 17 février. Elle ne me regarde plus. Elle fait son arrogante, excitant les mouettes et les surfeurs. Je les hais tous. Comment osent-ils ? Comment ose-t-elle ? Pourquoi m’avoir fait ça, si ce n’était pas pour m’emmener avec elle ?
Mardi 18 février. Les tractopelles se mettent en route, ramassent le tas de merde que je suis devenu, une loque, quand j’étais un bloc fort qui inspirait le respect aux rochers alentours. Forts de leurs résistances physiques et morales, ils me regardent désormais de haut, comme des âmes pieuses et irréprochables en soutanes noires priant le ciel que je me repente de ma faiblesse, pauvre pêcheur naufragé que j’étais.
Mercredi 19 février. Je côtoie un tas d’ordures dans une décharge voisine. Je ne la vois plus. Parfois, quelques mouettes viennent me saluer et me parler d’elle. Cela me donne encore une raison d’exister.
Rédigez le journal
tenu par un tas de sable
pendant une semaine.
Lundi : grise mine. La horde de gamins qui a défilé samedi et dimanche m’a chamboulé, retourné dans tous les sens. J’attends le service de nettoyage pour redevenir présentable. Aujourd’hui, je vais pouvoir souffler. Il paraît que les écureuils de Central Park sont tristes le lundi ; les tas de sable sont joyeux : pour une fois, on les oublie.
Mardi : le temps se gâte, nuages dans le ciel, pluie annoncée. Midi : la pluie s’est installée. Elle avait disparu pendant quatre jours, elle revient, requinquée. Brrr ! Pas sympathique, cette pluie : humidité frisquette, mes grains se collent, ma toilette du lundi est un doux souvenir.
Mercredi : jour des enfants, jour de saccage. Et vas-y que je te poignarde de ma pelle, et vas-y que je te piétine. Non mais, un peu de respect, que diable !
Jeudi : accalmie. Les bipèdes m’ignorent, les oiseaux prennent le relais. Attention où vous posez vos fientes !
Vendredi : soleil sur la planète. Je sèche. Des doigts de petites filles me caressent ; c’est agréable, la délicatesse. Cure de massage : petons et menottes s’agitent en douceur.
Samedi : jour de relâche chez les terriens : les bureaux sont fermés, je suis le lieu de prédilection. Ça piaille, ça crie, ça me torture. Vivement lundi !
Dimanche : humeur maussade. Je hais les dimanches ! Les mémères sortent leurs chienchiens… me voilà salopé ! Si cela pouvait dégoûter les mioches ! Mais les mioches, ils s’en tapent de jouer dans un bac à merde. Ils slaloment entre les crottes pendant que leurs parents jacassent sans avoir l’idée de retirer les bubons qui me filent de l’urticaire.
Je rêve de vacances, de solitude, d’île déserte. Je rêve de considération. Dans une autre vie, je serai blond, fin, j’aurai des palmiers au-dessus de la tête, un doux friselis comme symphonie, je m’abreuverai d’embruns et de sel marin. Vivement l’autre vie !
Journal d’un tas de sable!
(dans les 20 kgs de décomposition de granit et de quartz certifiés, avec un fossile de 0,001mm)
Lundi: Déplacé de l’entreprise des frères Dumont au 33 rue des Capucines.
Mardi: Installé entre la maison et le garage. Belle vue sur le potager.
Mercredi: En ce moment s’éloigner des grosses marées, c’était le bon plan.
Jeudi: Je n’ai pas reçu de nouvelles d’un tas de copains évacués au grand large.
Vendredi: Contrairement à ce qu’on peut croire je n’ai pas un grain.
Samedi: On m’a présenté un sac de ciment.
Dimanche: Pour nous tous, le mortier est au bout du chemin.
Lundi: Vlà l’équipe…. adieu…….!
« T’es un tas », m’a-t-il lancé méchamment, lundi matin en buvant sa première tasse.
Mardi, chez mon psy, je pleurais toutes les vagues de mon corps. Mon rêve d’enfant, tout petit grain de sable qui roulait sur la plage, c’était rejoindre un bac à sable pour enfant. Mon avenir était là, sous les petites mains potelées. Faire des châteaux…
Mercredi, je désespère, un horrible machine m’arrache à ma plage natale. Je me suis recroquevillée sous un galet mais la pelleteuse bruyante et puante m’a délogé.
Jeudi, je pleure encore. On est tous entreposé dans une benne.
Vendredi, transis, on attend notre sort. Où est ma mer ?
Samedi, un homme s’approche, il sifflote. Prend sa pelle. Je me sens hissée. J’ai le vertige.
Dimanche : Je suis un tas ! Le rocher avait raison.