Exercice inédit d’écriture créative 173
Il dormait profondément dans ma mémoire,
quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu,
il faisait plus vieux que son âge…
Il dormait profondément dans ma mémoire,
quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu,
il faisait plus vieux que son âge…
Il dormait profondément dans ma mémoire,
quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, mon père .
il faisait plus vieux que son âge… C’était la première fois que je le voyais sans masque .
La première fois que je le voyais tel qu’il était , tel que je ne l’avais jamais vu . Tel que je n’imaginais pas qu’il pouvait être .
On est resté un bon moment sans rien se dire . Dix ans peut-être .
C’est qu’il nous fallait du temps pour faire connaissance par le regard .
Maintenant je peux dire qu’il était magnifique . Je n’avais jamais pensé qu’il pouvait être mieux que ce qu’il était déjà . C’ était un crime d’imaginer un père meilleur . Le critiquer revenait à me rabaisser moi -même , j’avais besoin de l’admirer .
Quand il s’est réveillé dans ma vie , j’ai pris conscience du lien extrao – ordinaire qui unit quelquefois une fille et son père . Et j’ai senti que j’existais sans lui . Et lui sans moi ! Cet homme – là n’avait pas du tout besoin d’être admiré . Il avait besoin de transmettre et il aimait .
C’était reposant . Et à partir de ce moment là ma vraie vie a commencé . . .
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé. Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge…
En hommage à F.T.
Elle était à la dérive, familiale, scolaire et sociale. Une révoltée, une écorchée vive qui cherchait à comprendre ce qui lui arrivait dans un monde pour lequel nul n’avait pris le temps ni la peine de lui donner le mode d’emploi le plus élémentaire.
Lui, il lui a offert le plus beau cadeau de vie : la résilience.
Elle la cultiva avec la plus grande persévérance, la plus grande application et le soutien indéfectible de son mentor.
Elle prit son envol pour une carrière qui s’avéra réussie.
Lui finit la sienne puis s’adonna à sa passion : la sculpture.
L’histoire fit une pause pour eux durant dix ans.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle le retrouva lors d’un vernissage à Rome.
Elle posa pour lui.
Il repartit vers son atelier, elle regagna son bureau.
La vie alla son cours, les souvenirs les unissaient. Ils jouissaient paisiblement de cette Force transmise et partagée.
Paris, vingt ans plus tard, séance de signature d’un premier roman.
Discrètement, elle glissa une mèche blanche et rebelle derrière l’oreille. Elle leva les yeux et son stylo: une main tendue, un regard si pur, le visage buriné nimbé d’une chevelure neigeuse, une voix grave, ….Il avait fait le voyage expressément.
Le temps avait réussi son œuvre !
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge. Son émergence tombait vraiment mal, à vrai dire. Je suis surbookée en ce moment. Faut trier les souvenirs, ranger les chagrins, recycler les joies et gérer l’immédiat…Et tout ça en 24h ! Y’a du boulot dans une cervelle, faut pas croire! Et moi, je suis toute seule, je ne peux pas tout faire! Je ne suis qu’une mémoire ordinaire d’un esprit normalement constitué. Demain en plus, il fête ses 50 ans ! Non pas que je lui fasse défaut, loin de là, mais je me méfie toujours de ses états d’âme au moment de ses anniversaires. Il a tendance à faire des bilans bidons sur sa vie et être nostalgique. Et c’est ce moment qu’il choisit celui-là pour se réveiller ? Non, mais je rêve ! Maintenant que je l’ai entre les pattes, impossible de lui fausser compagnie. Le refouler de nouveau ou l’esquiver n’est pas une solution, c’est évident. Il est là et bien là et il réclame sa part de souvenir.
– Salut, bienvenue sur mon territoire, je suis la mémoire de Paul. Puis-je savoir qui tu es et ce que tu veux ?
– Salut dame mémoire. Je suis un vieux compagnon de route, je suis un vieux souvenir
– Oui, ça je me doute puisque tu loges sous mon toit. Tu m’a l’air bien poussiéreux, en effet
– Oui, les années ont passé, la poussière s’est accumulée…
– Un vieux, souvenir ? Vieux de combien? Cela ne me dit rien. Je du te zapper de ma base de données. Je la renouvelle chaque décennie…
– Zappé peut-être, mais pas effacé puisque je suis là
– J’ai du te laisser dans un coin…
– Je t’ai marqué à une époque, puisque je suis là
– Tu es là depuis longtemps ?
– Oh, oui, je date de l’adolescence de Paul. Je suis un souvenir d’adolescence que tu as gardé pour lui
– Ah, je vois, un souvenir d’Hélène, son premier amour
– Non, pas ça
– Sa première surprise-partie ?
– Non, non
– La fête pour l’obtention de son bac ?
– Non, pas ça non plus
– Son départ de la maison pour suivre ses études ?
– Non, pas ça du tout
– Dis-moi, vieux, tu ne veux pas plutôt repasser une autre fois, la semaine prochaine par exemple? Il sera plus dispo et moi aussi
– Pourquoi, je dérange ?
– Ben oui, demain c’est son anniversaire, il n’a aucune envie de ressasser de vieux souvenirs
– Quel âge ?
– 50 ans
– Demain ? Il était temps que je me réveille moi, j’ai failli rater le coche !
– Que veux- tu dire ?
– Je me suis réveillé car j’ai quelque chose à lui rappeler pour ces 50 ans
– Cela ne peut vraiment pas attendre ? Sois chic, tu n’es pas à une semaine près
– Ecoute, je tombe à pic. Il est grand temps qu’il se souvienne
– De quoi ?
– De son vœu d’adolescent. Paul avait 15 ans, ça s’est passé un été en colo. Lors d’un de ces stupides jeux de questions-réponses dont les jeunes sont friands. Chacun à son tour fait un vœu secret et les autres doivent essayer de le découvrir en posant des questions.
– Qu’a souhaité Paul ?
– Quand le tour de Paul est arrivé, il a secrètement fait le voeu d’être heureux. Aucun de ses petits camarades n’a réussit à le deviner.
– Mais pourquoi te ravives-tu aujourd’hui ?
– Pour me rappeler à son bon souvenir, lui faire savoir qu’il est toujours temps d’être heureux !
Halima BELGHITI
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge.
Il faut dire que l’on ne s’était pas croisés depuis un moment, lui et moi. Je me suis pourtant approchée et l’ai serré dans mes bras comme on accueille un vieil ami.
Comme la vieillesse lui allait bien! Il avait su conserver bien des choses durant toutes ces années : son odeur de pluie sur l’asphalte de juillet, son rire clair, sa façon de se mouvoir avec grâce, sa musique entraînante « palala palala papapa » et surtout l’insouciance de ce moment unique.
Je me laissais entraîner, un peu malgré moi, dans une danse langoureuse et bientôt arriva l’heure de se quitter de nouveau.
Il me fît la promesse de revenir me voir de temps en temps, lorsque l’adulte que je suis devenue aura besoin, pour quelques instants encore, d’un moment de douceur et de légèreté.
Le loir dormait comme une marmotte dans ma mémoire d’éléphant
Quand soudain, foi d’animal, il s’est réveillé, le chat qui dort!
Sur le coup du lapin, je ne l’ai pas reconnu comme le loup blanc
Il faisait plus vieux (un vrai temps de chien) que son âge (comme un poisson dans l’eau)
Quand on ne sait pas
si c’est du lard ou du cochon
c’est qu’un certain Perrat
nous renvoient à nos moutons
Ces textes sans ni queue ni tête
qui cherchent la p’tite bête.
Vivement les légumes!
Poil à la plume
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge…
Je l’ai apostrophé
– Mais qui êtes-vous ?
– Tu ne me reconnais pas ?
Je fouillais dans ma mémoire et soudain :
– Non je ne le crois pas ! C’est toi ?
– Ah ! Tout de même !
– Oui, ta tête me dit vaguement quelque chose. Mais tu as pris un sacré coup de vieux ? Quel âge as-tu ?
– 54 ans
– Pourquoi ne surgir que maintenant ? Qu’as-tu fabriqué durant tout ce temps ?
– Mais pendant toutes ces années, je me suis efforcé de venir à ta connaissance mais c’est un sacré foutoir chez toi !
– Que me racontes-tu là ?
– Entre tes idées noires et pourtant tellement reçues, tes arrière-pensées si vite fanées, tes complexes si peu sportifs, tes cauchemars à dormir debout, tes colères à l’aveugle, tes déceptions tellement attendues, tes rancunes fugaces, tes bobos à l’âme, tes chagrins d’amour propre, tu te regardes souffrir et tu ne t’offres pas la ch…
– Mais qui es-tu pour me juger ainsi ? Repars d’où tu viens !
Piqué au vif, il ne se le fit pas dire deux fois. C’était le premier et unique souvenir heureux de mon existence que je laissais ainsi partir.
Il dormait profondément dans ma mémoire quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge.
Je l’avais déjà croisé, il y a quelques années. Chaque fois, subrepticement, insidieusement il m’avait traversé. En silence et bruyamment.
Ces fois là aussi il faisait plus vieux que son âge.
En silence il s’était imprégné de mes moments, de mes instants. Bruyamment, il s’était exprimé en larmes, en rires, en affirmations, en doutes aussi. Mais en joie surtout oui en joie parce que chaque fois malgré sa violence et son mal-être, au plus profond de lui, au plus profond de moi grandit une joie de vivre plus forte que tout, plus forte que tout.
Je ne l’avais pas reconnu mais c’est bien lui, ce sentiment qui se réveille : celui de grandir à vingt ans, celui de murir à quarante et celui de vieillir aujourd’hui.
C’est ce matin devant la glace que j’y ai à nouveau songé…
Il a suffit d’une chanson pour le faire à nouveau affleurer à la vie, une vieille rengaine pop… « Daydream » …
Et soudain, en la chantonnant à mi-voix, tout m’est revenu…Les balades à l’ombre de la foret de sapins non loin du lycée, les baisers à la dérobée dans les couloirs, les serments d’amour sur les quais de gare…
Tout çà était plus loin que je ne le pensais mais tout m’est revenu come à ces premiers jours de novembre si jeune, si frais. Une grosse boule esr remonté dans ma gorge pour me crever dans la bouchecomme un haut de cœur de bonheurqui aurait un gout de fraise des bois et un parfum de muguet…
C’était à seize ans, il ya plus de quarante ans mais ce jour, c’était hier…
J’ai fermé la porte et suis parti avec mes souvenirs. Je crois que j’ai couru pour monter dans le train comme autrefois nous courions pour ne pas rater la fermeture des portes du lycée.
Je me suis assis, et ai regardé à travers la fenetre le paysage qui défilait ; Je me plongais encore dans une douce nostalgie lorsque soudain j’ai senti un regard. Lentement, j’ai tourné les yeux et j’ai à nouveau entendu la chanson ; Une dame me regardait, inconnue et chére, jeune et ancienne, gaie et grave…
-« Héléne? »
Exercice 173
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé. Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge, c’est vous dire à quel point j’avais tourné la page…
Aujourd’hui, je suis tellement loin de cette vie d’avant.
C’est drôle la manière dont les souvenirs peuvent soudain et sans préavis, revenir à la surface ! En tout cas, avec ce souvenir, je vais pouvoir apporter une réponse à la question que se posait Paul Valéry…
Je m’explique,
C’était le soir d’un 13 février… Une date facile à retenir. J’étais bien tranquille renfermée sur moi même, comme à mon habitude et j’attendais le prochain besoin de mes services. J’avais de la marge, vu l’heure, ce n’était pas avant le lendemain matin, pour madame. Oui à force avec les années, on connaît bien les habitudes de ses propriétaires.
Alors quand vers 19h30, après sa journée de boulot, monsieur est venu me solliciter… c’était déjà une surprise. Mais bon, même tout massif que je suis, j’ai ouvert les portes sans grincer.
Il ne venait pas récupérer des affaires côté penderie, mais pour déposer côté lingerie, un beau Bouquet de roses rouges sur une de mes étagères. Encore une nouvelle idée pour surprendre madame pour la st Valentin certainement !
Puis referma les portes.
Au bout de quelques secondes, cette odeur de roses fraîchement coupées a embaumé tout mon intérieur. Ce n’est pas tant l’odeur qui a fait remonter ce souvenir, mais le contact avec toutes ses pétales, toutes ses feuilles. Ce contact à dû mettre en contact d’anciennes connexions en moi, inconsciemment. Et là, ce fameux souvenir est remonté quasi de l’au-delà !
Mais oui, en effet, je connais cette sensation avec des feuilles. Surtout moi, à l’origine je suis quand même un feuillu, j’avais presque oublié ! Même si à chaque automne je les perdais comme tout « caduc » qui se respecte, j’ai vécu de très bons moments avec elles…
Comment vous décrire toutes ces sensations différentes… Entre les voir naître, puis grandir. Ou quand le vent s’engouffre dans vos feuilles et le bruit que cela donne. Ou quand il pleut et que les gouttes d’eau ruissellent de la cime aux racines en passant par toutes vos branches… Même quand elles tombent finalement c’est un moment important aussi.
Bref, c’était quand même une autre vie. Rien à voir avec aujourd’hui. En plus, j’avais une autre utilité, plus naturelle que pratique dirons nous.
Wouaaa tant de souvenirs qui reviennent du coup… Plus j’en parle et plus cela revient.
Alors à la question « La vieille armoire en chêne se souvient-elle du temps où elle avait des feuilles ? » je peux vous répondre « oui » monsieur Paul Valéry. On s’en souvient ! 😉
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé. Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge… Il a pris son temps le fumiste ! D’abord il a sonné quelques mesures anonymes, juste le piano et un peu de caisse claire. Je n’ai rien vu venir. Quand les cuivres ont fait leur entrée, c’était tellement anonyme que je n’ai pas bronché non plus. C’est sa voix qui m’a tirée du sommeil. Dés les premiers mots j’ai ressenti comme une chute brutale de l’âme, un arrêt sur image qui vous fait broncher les idées. C’est vrai, au premier abord il faisait plus vieux que son âge, enfin… que notre âge ! Le son était râpeux, craquant, lointain comme sorti de la gorge d’un fantôme. Mais au bout des premières mesures, il était soudain comme avant. Il m’a enlacée avec la même force, j’ai perdu le sens du temps, de l’espace et moi aussi j’avais à nouveau 20 ans. Le rythme s’est emparé de mes pieds, puis de mes jambes et pour finir à capturé ma tête. Ma chevelure tombait à nouveau sur mes reins et le soleil jouait au pyromane dedans. Mon corsage moulait audacieusement mes seins et ma jupe volait plus haut que mes cuisses. Mes fines ballerines sautaient sans effort sur le bon contretemps et je retrouvais sans erreur la main tendue de mon partenaire. Mon cœur ne m’a pas fait faux-bond et j’ai suivi le tempo jusqu’au bout. Quand il s’est tu, le silence s’est posé sur ma vie, comme un long voile gris. J’ai croisé dans la glace le regard éteint d’une vieillesse aux aguets, je lui jeté un sort en lui criant :
Hit the road Jack, and don’t you come back no more, no more, no more !
Traduction : Prends la route Jack et ne reviens jamais, jamais, jamais.
Chanson de Ray Charles
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé. Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge…
Il ressemblait à son père. Il était beau. Très beau. Très grand, très fort. Les épaules et le cou larges. Des mains énormes et puissantes. Le regard sombre.
Je ne l’ai pas aimé. Je l’ai abandonné, ce fils qui ressemble tant à son père. Un jour qu’il avait 20 ans, il m’a retrouvée. Sans explication je lui ai dit de ne pas revenir.
Je ne peux pas aimer le fruit d’un viol.
© Margine
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge…
C’était surtout son regard qui lui donnait l’air vieux. On pouvait y voir toutes les années qu’il avait vécues pleinement. Ses yeux bleus étaient doux et profonds, comme de nombreux secrets qu’il pouvait nous livrer d’un coup avec joie, gratuitement. Il souriait tout le temps. Je le revois encore assis sur du bois coupé, adossé au mur ocre et irrégulier de la maison. Il scrutait l’horizon comme s’il n’attendait plus rien, comme s’il avait déjà tout. « L’horizon est la promesse de l’avenir que l’on ne vivra plus. » m’avait-il dit en souriant encore. Comme s’il savait que nous nous retrouverions plus tard, après mon départ, sur d’autres plans que celui de la terre que nous foulions ensemble à cet instant. En réalité, il avait déjà l’air plus vieux que son âge ce matin-là lorsque je l’ai quitté. Il savait par exemple que je devais partir, il savait bien que les terres inconnues m’appelaient depuis toujours et qu’il fallait que je m’accomplisse à travers les nombreux voyages qui m’attendaient. Lui, n’était jamais parti plus loin que la fin du village. Ses vies, ils les avaient passées sur les chemins de son enfance, qu’il avait usé chaque jour de ses pas quotidiens. Ils étaient maintenant plus creusés que jamais. Péripatéticien, il invoquait son imagination et sa sensibilité pour retrouver en lui-même la sagesse des temps révolus. Il partait sur les bords de sa conscience pour toucher au plus près l’essentiel qu’il fallait vivre avant de partir pour de bon. Nous avions choisis chacun, deux routes menant à deux voyages bien distincts, seule l’impulsion de départ était identique : « Découvrir ce qui nous manquait, apprendre ce qui nous aiderait, s’abreuver d’une source incontournable, vivre. » Je savais que j’avais ce visage en mémoire, je l’avais seulement laissé reposer tranquillement, sans jamais le solliciter. Je voulais pour cela une occasion particulière… Mais le temps avait fait entre temps son travail de sape car il n’aime pas les détails. Je n’avais plus pu retrouver ce souvenir et en avais été meurtri. Une forme informe me parvenait maigrement, le sourire brièvement mais point l’éclat de ses yeux. Jusqu’à ce jour où il m’apparu à nouveau. Avec toute sa chair. J’ai pu le toucher aussi vivement, aussi vivant que cela puisse être possible.
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge… Mais lorsque son regard s’est plongé dans le mien, mon coeur a implosé dans ma chair, mon sang n’a fait qu’un tour, et un frisson chaud a traversé ce corps engourdi par le froid, depuis la pointe de mon crâne jusqu’aux petit orteil.
Son regard, je le reconnaîtrai parmi mille, dans la pénombre, en plein brouillard, éblouie par un coucher de soleil montagnard.
Par dessus ses lunettes de skieur, il restait immobile, figé dans la prunelle de mon coeur, planté au sommet de mon âme.
Je ne sais combien de temps nous sommes restés ainsi, dans ce duel hypnotique, ce trou intemporel, mais lorsque j’ai repris mes esprits, mon souffle s’est coupé au contact de ses lèvres. Ses mains. Sa peau. Son odeur. Tout ces détails, c’était lui.
Il me serrait si fort, presque à m’étouffer. Mes larmes ruisselaient sur ses joues, oh il n’était pas mort. Non, il ne m’avait pas quittée.
Les partitions de nos corps retrouvaient en silence les notes du passé, quand un bruit assourdissant nous a fait sursauter.
Ce n’est rien mon amour, que mon réveil matin qui vient de s’allumer.
A ce soir mon trésor je te retrouverai dans les bras de Morphée.
il dormait profondément dans ma mémoire quand soudainement il s’est réveillé Sur le coup je ne l’ai pas reconnu
Il a suffi d ‘une pensée, d’une envie irrésistible de faire la paix avec moi même et de lui écrire, 52 ans après son acte, pour qu’il réapparaisse. Ma lettre où je lui exprimai tout mon mépris et mon pardon associé resta dans mon sac quelques jours ne sachant où il vivait
Et puis soudain dans la semaine , l’appel imprévu de Milou , cet homme qui avait trop aimé de façon inavouable la petite fille que j’étais
Il me demanda à trois reprises : »tu vas bien? »
je ne reconnaissais plus sa voix qui était devenue frêle , fragile presque féminine ,expirante . C’était comme si avant de mourir il venait s’assurer que ma vie de femme allait bien .
« oui , je vais bien » :lui ai je répondu calmement avec douceur. J’étais dans la paix et je voulais qu’il parte en paix .
Puis il me dit: Je t’embrasse ma chérie » avec une telle tendresse que je me suis sentie aimée comme jamais
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge… Saperlipopette ! Ce mot a surgi subitement pendant que je feuilletais un album de famille. Est-ce de voir mon grand-père figé en gris et blanc sur le cliché ? Mon grand-père qui, à tout bout de champ, claironnait : saperlipopette ! Quelle qu’en fût la raison, l’interjection marquait l’allégresse ou la fureur, la surprise ou le découragement. Enfant, je me réjouissais de ce juron qui ressemblait à un coup de pétard. Je lorgnais mon aïeul pour savoir quelle attitude adopter : le contentement me permettait de rire aux éclats, dans le cas contraire, je me carapatais sous la table en espérant que la foudre ne me tomberait pas dessus. Quarante ans après, je souris à l’évocation de ce saperlipopette qui porte des rides et sent la naphtaline. Comme quoi, les mots subissent eux aussi l’assaut du temps : ils se rabougrissent et deviennent des antiquités. À cette pensée, je me suis senti incroyablement jeune ! La réalité m’a rattrapé : mes enfants m’ont traité de papy, car durant une semaine, je n’ai eu que ce mot à la bouche. Saperlipopette ! Mon grand-père continuait ses farces : grâce à lui, un vieux mot reprenait du galon. Par tout le quartier, il a retenti. La nouvelle génération s’en est emparée, le trouvant « trop fun », et, de jour en jour, ce saperlipopette fait plus jeune que mon âge.
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge.
Et puis je l’ai reconnu. C’était moi, simplement moi. En beaucoup plus vieux.
En beaucoup plus mûr aussi. Mais l’inconscience, l’espoir, les illusions n’étaient plus là.
Je décidais de le laisser là, de le laisser se rendormir et je passais mon chemin. Pour tenter de retrouver des espérances, des ailleurs….
Il dormait profondément dans ma mémoire, quand soudainement il s’est réveillé.
Sur le coup, je ne l’ai pas reconnu, il faisait plus vieux que son âge… Etonnée de le retrouver, là, où je l’avais laissé, je le parcourais. C’était comme si ce n’était pas le mien. Il y avait si longtemps. Mes cheveux avaient blanchi. Il avait comme jauni. Ses pages s’étaient collées entre elles. Je découvrais des mots désuets, un langage d’un autre temps. J’avais oublié des passages entiers. Au détour d’une phrase, je souriais. « Comment ai-je pu t’oublier ? Je vais te déterrer. Te dépoussiérer et t’éditer. Les temps ont changé, les éditeurs froids et sévères n’ont plus le monopole. Je vais te relooker en e-book. »
Merci mon Mac, grâce à ta grande mémoire, le récit de mon enfance va renaître !
J’ai apprécié la profondeur et la légèreté de ton du « petit cheval ». Bravo
Le petit cheval.
La vie m’est passée dessus, et quand je me retourne, là, à quatre-vingt dix ans, je me dis : « Que laisseras-tu, mon vieux ? Que laisseras-tu ? »
Non, je n’ai pas fait d’enfants.
Il y a eu des femmes, dans ma vie, oui, il y a eu des femmes mais aucune n’a senti en moi ce désir d’enfant.
Alors, pas d’enfant.
A quoi bon laisser un enfant qui souffrirait du mal de père ?
C’est ce que j’ai toujours pensé.
Un enfant ?
Pour fermer mes paupières ?
Non.
Tant pis.
Qui me fermera les paupières, alors ?
J’ai quatre-vingt dix ans.
Quatre-vingt dix ans !
Allons, j’ai bien vécu !
Est-ce bien important, les paupières ?
Chaque soir, quand je les laisse se clore, je pense que peut-être, je ne me réveillerai pas.
Mourir tranquille, comme ça, apaisé, dans sa nuit.
Apaisé.
Une belle mort, dit-on…
Mais je ne laisserai rien, derrière moi.
Rien !
Si.
Tiens !
Un cheval.
Il dormait profondément dans ma mémoire.
Mais il s’est réveillé, le petit cheval.
« Viens voir !
Tiens-toi tranquille, là.
Sur le coup, je ne t’ai pas reconnu.
Tu fais plus vieux que son âge… »
J’avais cinq ans, je crois.
Mon père avait réchappé à la Grande Guerre, alors, j’étais là, pardi.
Il aimait les fêtes, mon père.
Une revanche à prendre sur la Gueuse qui avait fauché tant et tant de jeunes hommes avides de s’amuser, de faire sauter des bouchons, et pfuiiit ! Ils n’avaient plus que ce goût de terre dans la bouche.
Alors, mon père faisait sauter les bouchons.
Pour eux.
In memoriam.
Sa commémo à lui !
Et avec le muselet, il fabriquait un petit cheval.
Les cinq branches du muselet faisaient les quatre pattes et la tête du petit cheval. Il recouvrait même la structure de ferraille avec le papier d’étain qui habillait le bouchon. La peau du petit cheval paraissait un peu tannée, mais c’est elle qui lui donnait une vie saisissante.
Alors, il me prenait sur ses genoux, faisant sauter le petit cheval sur la table.
« A dada sur le cheval de mon papa !
Il a tant mangé de blé
Que son nez est tout pelé.
Pelé, pelé, pelé ! »
Et je ris, je ris à perdre haleine, à hoqueter.
Et puis, à mon tour, j’ai fait sauter les bouchons.
Et j’ai appris à fabriquer des petits chevaux avec les muselets.
Mais je n’ai jamais fait sauter d’enfants sur mes genoux.
Non, je vous l’ai déjà expliqué.
Pas d’enfant derrière moi.
D’autres s’en chargeaient, tandis que je leur délivrais mon petit cheval.
Il a causé beaucoup d’admiration.
On me disait : « Merci, Monsieur Robert ! Vous êtes fort, vous ! »
J’ai vu des yeux briller, et des enfants rire sur les genoux de leur papa.
Voilà.
C’est ça que je laisserai derrière moi.
Allez, je vous le montre…
On prend une bouteille.
Champagne, tant qu’on y est.
Allez, Champagne !
La vie est belle !
Le muselet…
Viens, viens, mon petit cheval.
Sur le coup je ne l’ai pas reconnu, c’est vrai, il faisait plus vieux que son âge, il faisait dépassé, has-been comme on dit de nos jours.
J’étais gêné pour lui, pour moi aussi, sous mon air hébété qui exaspérait ma femme, sur le pas de la porte nous observant tous les deux.
« Et tu veux en faire quoi maintenant ? »
C’est vrai, qu’allions-nous en faire, qu’allais-je en faire tellement je sentais dans son regard que ça restait mon problème désormais ?
Je décidai de ne pas le laisser sur le palier, livré à lui-même, à l’angoisse des remords, de la culpabilité, je lui trouverai un toit, une raison d’exister.
Et nous voilà repartis, le vieux et moi, bras dessus bras dessous, à la recherche d’une boulangerie ouverte à 21h, rue Oberkampf.
Trente-cinq ans… C’est l’âge qu’il avait quand…
Ses cheveux avaient poussé, son visage, forci et la monture de ses lunettes revêtaient à présent des reflets d’ambre et de bronze mais c’était bien lui, plus beau que jamais.
Sa voix était la même, tendre à mon oreille «tu vois, petite sœur, je suis encore ! ». C’est sa voix qui me bouleversa. Plus que l’apparition de son visage à côté de mon oreiller, une nuit où je peinais à dormir.
Es-tu heureux là où tu es ? lui ai-je demandé.
Cette platitude sortit de ma bouche alors que tout mon être s’extasiait sur le fait qu’il soit là, à mes côtés par je ne sais quel fait inexplicable pour la raison humaine.
Il ne répondit pas mais son sourire emplit la chambre et me gagna toute entière.
Je pus m’endormir, ce sourire et cette voix en mémoire, avec la promesse intérieure de les réveiller de temps en temps.
Il était encore.
mais il était bien là, tout au fond de ma mémoire
ce vertige du temps passé;
dois-je m’y attarder ou devrais-je l’oublier à tout jamais ?
du haut de ce building, cette pensée méritait bien une autre réflexion
et si je descendais, tout simplement.
je prends l’escalier et je descends, sans me retourner,
ainsi, il pourra s’endormir à nouveau tout au fond de ma mémoire
ce vertige des temps nouveaux.
nathalie