305e exercice d’écriture créative imaginé par Pascal Perrat

grille de motsUne virgule avait trempé dans une sale affaire.
Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois…

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14 réponses

  1. Françoise - Gare du Nord dit :

    Une virgule avait trempé dans une salle affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches.

    Elle était bien connue des services de polices de caractère – la Gothic en particulier qui pourtant en avait vu de ces rebelles vêtus de noir corbeau, cloutés des paupières jusqu’au clitoris et outrageusement grimés – et n’en était pas à sa première incartade

    La liste de ses méfaits était logue : elle s’était acoquinée avec un point noir pour produire un spectacle coquin de 3e catégorie au Théâtre du Point-Virgule ; avait provoqué la rupture d’un trait d’union et le divorce de 2 mots ; avait, par ambition, délogé une apostrophe pour prendre sa place et la condamner ainsi au chômage ; avait usurpé l’identité de tirets ; provoqué une rixe mortelle entre points d’exclamation et interrogation, fait disparaître deux parenthèses..

    Elle a été interpellée alors qu’elle tentait de fuir à l’étranger espérant une nouvelle carrière en se collant au-dessous et au-dessus de certaines lettres, permission tolérée en français uniquement pour la lettre C.

    Les signes de ponctuation étant, sans être désobligeant, des caractères mineurs de notre écriture, il ne s’agissait que de délits véniels.

    Mais cette fois, l’affaire était plus grave. Il était question de mots, éléments majeurs de la langue française. L’affaire est plaidée en Cour d’Assises. L’acte d’accusation : Virgule se serait glissée dans une kyrielle de mots obscènes qu’elle avait ensuite introduits dans la cour de récréation d’une école primaire.

    L’avocat général n’eut pas de mots assez durs pour condamner la prévenue : « Mme Virgule doit être jugée et sévèrement punie pour ce qui peut s’apparenter à des violences non seulement verbales mais, en raison du caractère clairement libidinal des mots entendus, à des violences sexuelles envers mineurs. En effet, plusieurs témoignages attestent que les mots bat.. , put.., sal…enc., péd.., enc.. bord..mer.., chi..,enf.. ont été prononcés. N’ayons pas peur des mots, des mots trop gros pour sortir de la bouche des petits enfants et trop choquants pou être entendus par des oreilles enfantines.

    « Monsieur le Président, clama l’avocat de la défense. Il est inconcevable de tenir Mlle Virgule coupable de faits qui, sauf erreur de ma part, ne sont toujours avérés. Mesdames et Messieurs les jurés peuvent constater quelle est bien trop trop gracile, trop délicate pour avoir commis le forfait qui lui est reproché.
    Mais, je tiens à rétablir la vérité : jamais il n’ été question de bat.. , put.., sal…enc., péd.., enc.. bord..mer.., chi..,enf.. .
    La réalité est tout autre et beaucoup plus simple : les mots prononcés, des noms propres, Mesdames et Messieurs les jurés  étaient : Bataclan, Condorcet, Gueugnon, Sala, Puteaux, Encyclopédie, Peter Sagan, Bordas, Mercury, Chine, Enfer. Des mots en rapport avec leur programme scolaire et parfois l’actualité.
    La bonne foi de ma cliente ne peut plus être niée et je demande donc sa relaxe pure et simple»

    A l’heure actuelle, les jurés se sont retirés pour délibérer. Nous vous tiendrons informés du verdict dès que nous aurons connaissance.

  2. françoise dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire.
Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais, cette fois-ci, elle risquait de ne plus figurer dans les signes de ponctuation de la langue française. Il fallait absolument qu’elle trouve un avocat, féru de grammaire française, pour la défendre. Un point-virgule lui recommanda Maître bastiani qui avait défendu une caissière licenciée pour une erreur de virgule en 2013.
    Celui-ci, conscient de l’importance de la virgule dans les textes, accepta immédiatement.
    Après une longue plaidoirie, pendant dans laquelle il agita une pétition signée par la majorité des professeurs de français conscients de son importance, il termina par ces mots : « que deviendraient nos textes sans ce signe de ponctuation ; i a sa place dans tous, on ne peut le remplacer par aucun autre ».
    Il fut applaudi par toute l’assemblée.
    Malgré tout, quand les jurés se retirèrent pour délibérer, son inquiétude était grande : ceux-ci ne semblaient pas être très au fait de la langue française et de sa ponctuation.
    Au bout de deux heures (de quoi avaient-ils pu discuter si longtemps),le verdict fut prononcé : pendant huit jours, la virgule ne pourrait être employée dans les articles de journaux, dans les textes scolaires et même dans les livres édités pendant cette période.
    Ce fut un tollé général dans l’assistance. .
    L’avocat fit appel près du conseil constitutionnel puis près du Conseil de l’Europe car on ne pouvait se séparer de la virgule.
    Il obtint gain de cause, la virgule fut reconnue signe indispensable.
    Les victimes, si l’on peut dire, furent les élèves du primaire que leurs professeurs d’école grondaient sévèrement quand une virgule était mal placée.
    ——————-

  3. Clémence dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois…

    Le commandant de police Lecoq somnolait, avachi dans son fauteuil de cuir noir patiné. Les dernières notes de l’Adagio d’Albinoni agonisaient dans le vieux poste de radio. La journée avait été rude et mouvementée. Il lui restait encore une heure avant de rejoindre ses pénates. La porte grinça doucement. Elle entra. Il ouvrit les yeux.
    Elle était devant lui. Il manqua de s’étouffer.
    – Diable, s’exclama-t-il, en se demandant s’il allait devoir la conduire en cellule de dégrisement.
    Grande et mince. Des bottillons blancs s’arrêtant à mi mollet. Des bas blancs montaient jusqu’à l’ourlet de sa robe aux rayures rouges et or. Un poireau traversait son sac à main de couleur crème.
    Il lui sembla qu’elle avait de longs gants, assortis au rouge de sa robe.
    Elle avança d’un pas tellement lourd qu’on l’aurait crue mue par un palan.

    Elle s’arrêta en face de lui. Il crut rêver. Une tignasse rousse dépassait d’un masque de carton blanc au nez en virgule, copie conforme des masques des médecins soignant la peste au quatorzième siècle. Elle haussa une épaule et frotta sa main contre sa hanche…
    – Quelle affaire ! nasilla-t-elle, en continuant de frotter sa hanche.
    Le commandant regarda ses mains et écarquilla ses yeux aux paupières tristes.
    – Quelle affaire répéta-t-elle, j’ai trempé dans un crime….
    – ….
    – C’est moche, hein….
    – ….
    – Il est mort, c’est moche, hein….
    – …
    – Ça vous fait rien ? Ça vous touche pas ?
    – …
    – Moi non plus, c’est moche, hein….
    – Maintenant, ça suffit, Madame… Madame….
    – C’était mon mari… tellement gentil… tellement gentil que j’avais rien à lui reprocher… c’est moche, hein, mon poussin, balbutia-t-elle en frottant son ventre de ses mains rouges de sang….

    Le commandant Lecoq se leva et la saisit par … le coude…
    – Hé, là ! Virgule, déclama-t-elle sous son bec d’oiseau. J’ai trempé dans un crime, mais toi, mon poussin, tu dois tremper ta plume dans l’encrier…
    – Suffit….
    – Je veux un beau procès-verbal avec ma signature en bas. C’est comme ça. C’est la loi. De l’autre côté, ils disent… Liberté, fraternité en zo voort…

    A ces mots, le commandant s’écria :
    – Mais c’est sûr… vous n’en êtes pas à votre première et encore moins à votre dernière…
    – Doucement mon poussin, doucement …sinon gare ! La mère, elle peut monter…et quand la mer monte….
    – Mais c’est sûr, répétait le commandant en ouvrant un tiroir dont il ressortit un dossier à la couverture écarlate et au logo discret.
    – J’ai trempé dans un crime…C’est moche, hein….Il est mort… ça ne vous fait rien ? Moi non plus… c’est moche, hein, mon poussin…
    – Cessez de m’appeler « Mon poussin », je suis le commandant Lecoq !
    – C’est moche… de …. se …. fâcher ainsi……
    – Un imbroglio de mots plus ou moins louches, je vous remets ! Vous n’en êtes pas à votre première incartade !
    – Vous n’êtes pas mon mari, mais …vous êtes aussi gentil que lui .. trop gentil, même… Allez, viens mon poussin, dit-elle en glissant son bras sous son bras… Viens, je te jure, jamais plus je ne tremperai dans un crime…
    – ….
    – C’est moche, hein, pour ta promotion…. C’est moche, hein, mon poussin ….

    En hommage à Yolande Moreau qui, en 1982, a fait rire des dizaines de gamins au grand désespoir des professeurs des écoles, qui,à leur tour, riaient sous cape !

    © Clémence.

  4. Monsieur le chef de toutes les polices
    Je m’adresse à vous pour me disculper d’une sale affaire dans laquelle on cherche à me faire tremper. Je connais votre haute compétence et je compte sur la finesse de votre jugement. Je conçois sans mal que pour occuper votre fonction il faut un sens aigu de la psychologie : comment sans cela faire régner l’entente entre nos polices de caractères si diverses? Comment faire régner un ordre harmonieux bien que hiérarchique dans nos signes ? Sans vous le monde des lettres nagerait dans la confusion la plus totale.
    Cependant et malgré le bon ordre que vous assurez il semblerait que certains signes cherchent à nuire à leur prochain. J’ai ainsi été inculpé – à tort assurémment – de certains faits que je n’ai jamais commis. Je me serais mélé de propos intolérables et j’aurais soutenu quelques mots louches. Or je ne bois pas de cette encre là. Vous connaissez ma haute moralité : Si je m’étais trouvé en présence de tels écrits j’aurais immédiatement séparé le bon grain de l’ivraie : ma fonction – modeste mais honorable – de virgule ne consiste-t-elle pas justement à séparer des différents éléments  pour éclaircir les textes? Ne suis-je pas un défenseur de l’ordre des mots dans la phrase? Je me reconnais donc un rôle d’arbitre que j’aurais mis à profit dans un tel cas.
    L’accusation dont je suis la malheureuse victime n’a donc pas lieu d’être. Vous en conviendrez.
    Et je mets cette médisance sur le seul compte de la jalousie. Je pense même connaître le nom de mon accusateur . Depuis un moment déjà je surveille de près la parenthèse. Avec sa manie de se mettre continuellement à l’écart elle se permet des apartés et des double jeux qui ne me plaisent pas.
    En doublant les phrases sans en avoir l’air elle se permet des bavardages inconséquents. Et elle est prompte à accuser n’importe qui sans preuve. Je la soupçonne donc d’être à l’origine de cette affaire qui me touche. C’ est une véritable commère qui bavarde sans fin et toujours mal à propos. Mais le vieil adage le dit : Quand on sait l’ouvrir il faut savoir la fermer !: une leçon que la parenthèse ferait bien à mon avis de méditer !
    Je ne serais pas étonnée par ailleurs qu’elle mène par dessous ses propres affaires pas toujours reluisantes. Et à ce propos j’aurais une proposition à vous faire. J’ai accès à de nombreux textes très divers car je suis indispensable à tous les écrits. Je change peu d’une police de caractères à l’autre. Et ce contrairement à de nombreux autres signes. Je suis d’un graphisme simple et sans ostentation. Aussi on ne me remarque pas et je peux me faufiler partout. Car je sais me faire très discrète et même invisible : Vous aurez remarqué que dans cette missive je n’apparais nulle part bien qu’on me devine partout. Reconnaissez que je suis l’agent secret idéal.
    Aussi je me permets de vous proposer d’exploiter mes compétences à votre profit : je peux vous renseigner sur les agissements quotidiens de divers signes qui mériteraient une enquête de vos services. Et ce en toute discrétion. Reconnaissez que nos intérêts se rejoignent…
    J’ose espérer simplement qu’en échange de cet accomodement vous voudrez bien mettre de côté les soupçons qui accablent ma personne et reporter à plus tard l’étude du dossier qui m’accuse à tort.
    Je ne doute pas de votre compréhension et j’attends avec confiance votre réponse.
    Je reste votre très dévoué.
    Signé : Virgule.

  5. tissier mireille dit :

    Une virgule avait trempé dans une salle affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois.

    Les points (enquêteurs) en perdirent leur latin, profitant d’un relâchement des forces de l’ordre, la virgule avait réussi à leur faussée compagnie. Celle-ci, après maintes gardes à vues avait appris à repérer la moindre faille du système. Dans sa fuite, elle bouscula un point d’exclamation qui riposta d’un « oh » tonitruant. Sautant sur le trottoir, elle contourna avec une souplesse à faire pâlir de jalousie un contorsionniste tous les obstacles, les points à ses trousses.
    Son choix était fait,la virgule ne voulait plus être mêlée à des affaires embrouillées avec la bande des mots.
    -Stop! arrêtez-vous. Vous n’irez pas loin. Je vous sommes de stopper là où vous êtes, cria un point légèrement enveloppé.
    -Cause toujours, pensa la virgule
    Celle-ci, farouchement décidée à mettre fin à ses incartades ne se disposait pas à obéir. Pour l’heure, il lui fallait régler certaines choses pour se libérer de l’emprise mafieuse des mots. Elle parvint, non sans peine à semer ses poursuivants et se retrouva sur un petit sentier en rase campagne. Exténuée,après une telle course, elle s’octroya une pause. A présent, la virgule avait tout son temps, le repère des mots n’étaient plus très loin. Elle apercevait, au loin, les pages d’un dictionnaire ou les mots communs faisaient un odieux chantage aux mots familiers qui voulaient conserver leur liberté d’expression. La virgule voulait mettre un terme à cet harcèlement qui les privaient de leurs droits.
    Se sentant reposée, elle sauta aux beaux milieux des pages , bousculant au passage le mot commun de l’estrade ou il faisait un discours. La virgule y prit place sous les regards médusés de l’assemblée. Elle prit à son tour la parole, expliqua, jura, menaça, s’égosilla, tentant de faire entendre la voix de la raison. Des murmures s’élevaient entre les feuilles. Il y eu soudain un beau remue ménage où les mots se mélangeaient, se bousculaient à tout va. Puis ce fut le silence.
    Un accord avait été trouvé pour la paix entre les mots communs et les mots familiers.
    La virgule avait triomphé.

    Mireille

  6. ourcqs dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire.
    Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois…

    Insaisissable par la police qui avait tout essayé, méthodes Académique, Helvéthic, Gothic, elle était toujours là, même pour les journées Comics. Rien ne changeait, toujours présente et facétieuse, elle se jouait du sens imposé, elle adorait les « pas de côté » qui réservaient toujours des surprises , et ses contre-sens , cauchemars des contrôles . Elle essayait de mettre en valeur des amis simples qui passaient souvent inaperçus , des mots listés que personne ne remarque !! Elle avait même essayé de s’associer à un banal point, mais les pauses étaient trop longues .
    Cette fois malgré toutes les polices de forts caractères, elle a décidé de pirater les codes des utilisateurs forcenés de textos et autres virtuelles écritures reniant la ponctuation, pour apparaître ou disparaître de façon aléatoire .
    Jouissive expérience !!

  7. Nadine de Bernardy dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire,un imbroglio de mots plus ou moins louches.Bien connue des services de police,elle n’en était pas à sa première incartade,mais cette fois,son compte était bon.
    La notice était sur les chicots,en bigardait son satin.
    Mais de quoi boutait parler cette mirdule avec ses mots plus floucheux que sensés?
    Ce n’était pas une mirdule sans verlogne qui allait leur bénir la trachée haute encore sitemps.
    Il fallait que tresse cette sicultation avec ses verbatimes flouches et ses callacades incessantes.
    Son combiture était bon,elle allait malveiller une bonne moise pour tourte.
    Ils l’enfermèrent à triple combination dans une cabalice à batereaux avec un meringo et du jalier en lui ordonnant de copier 200 foisons:
    Je ne me paieraient plus la tête de la polisse – VIRGULE – en faisant des embrolios – VIRGULE – et autres uncartades incessantes – VIRGULE – à toute faim de me mettre en valeur.

  8. Hélène Macedo dit :

    « Une virgule avait trempé dans une sale affaire.
    Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de
    police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois,
    assommée d’un point sur la tête qui temporisa brièvement
    l’interrogatoire, elle dut passer aux aveux. Mais la rebelle ne voulait
    pas en finir de sitôt et continuait de laisser espérer une suite que les
    inspecteurs ne parvenaient pas à lui faire dire.
    Soumise à de nombreuses interrogations, elle multipliait les
    exclamations pour clamer son innocence. C’est alors que, deux coups de
    points lui enjoignirent une réponse immédiate. La virgule, serrant les
    points, consentit à laisser imaginer une suite prometteuse qui
    dévoilerait tout le sens de l’affaire. Les inspecteurs espéraient
    cependant des réponses claires et afin de ne pas recevoir le coup de
    point final, elle finit par lâcher prise et libérer les mots de la fin.
    Bien qu’impliquée, la virgule n’était finalement pas coupable et n’avait
    été qu’une intermédiaire ; l’auteur des faits fut rapidement identifié
    car il avait laissé sa signature sur les lieux, bien après
    l’intervention de la virgule. Celle-ci, ayant bien compris avoir été
    utilisée, prit soin, à l’avenir, de n’intervenir qu’à bon escient. Elle
    évita ainsi les lourdeurs de la procédure »

  9. Michel ROBERT dit :

    « UNE VIRGULE AVAIT TREMPE DANS UNE SALE AFFAIRE »
    Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Connu des services de police, il n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois, c’était plus sérieux. Il y avait eu mort dans l’âme. C’était à n’y rien comprendre, les ouï-dire était tellement nombreux que le commissaire Cordier l’avait enfin pris dans ses filets. Sur le point d’être mis sur la touche, il se prenait la tête en rallumant sa pipe une énième fois. Dans une volute, il ne put s’empêcher de maugréer devant ses sous-fifres : « Il s’y est pris comme un manche, maintenant qu’il est au violon, il doit se mettre à table ! »
    – Hem ! Etonnant qu’il se soit laissé prendre aussi facilement.
    – Larcher ! Tu vas retracer son parcours, je voudrais savoir s’il a agi de son propre chef. Toi, tu vas recenser tous ceux qui ont trempé dans les trafics de cuivre, ajouta-t-il en s’adressant à Dubois. Je veux la tête ! Cordier réfléchit cinq secondes, il était malin, ce méli-mélo devait faire partie de son plan, il fallait trouver la clé… Toi, Chevalet tu vas aller voir ce journaliste, le préfet n’aime pas les couacs ! Cet écrivaillon s’est permis de mettre ça à la une, lui dit-il en lançant le canard sur son bureau, avec une note épinglée avec un trombone. Essaye de savoir s’il est pas en cheville, c’est classique ! Quant à moi, je vais aller voir dans le quartier de l’Embouchure; il y a eu une prise de bec là-bas, je veux avoir le fin mot de cette histoire. Des questions ?
    – Commissaire, il y a eu une vraie boucherie là-bas, faites attention !
    – Toi, Bécarre tu viens avec moi, lui répondit Cordier dans une quinte de toux.
    – Vous fumez trop commissaire ! Lui dit Franck d’un ton moqueur.
    Franck Bécarre était le dernier arrivé dans l’équipe. Il lui avait été recommandé par Bruckner, un collègue de la BAC. Le quartier de l’Embouchure était le plus chaud de la ville, Cordier se sentait vieillissant et la délinquance allant crescendo, il fallait toujours être sur ses gardes. Ils n’étaient plus dans l’improvisation, arrivés dans la rue Blanche, il observèrent un peu de recul. La rue des paradoxes était noire de monde. Ils firent un crochet pour se retrouver face à l’appartement de La Virgule. La troupe fit son théâtre. Il y avait tout une gamme de fifrelots dont le trio que Cordier avait alpagué l’an passé, suite à leur fugue de l’école Notre-Dame. A la vue du commissaire, le groupe fit silence. Mais Rémi Doré, le célèbre accordéoniste qui avait mal tourné à cause de l’alcool lui lança comme un défi du haut de sa fenêtre du deuxième :
    – Commissaire ! Tu viens boire un canon !
    – Je ne t’ai pas sonné. Puis s’adressant à la foule, rentrez chez vous ou je vous mets une contredanse, il n’y a rien à voir !
    – Arrête ta romance commissaire ! On sait tous que tu viens pour La Virgule, lui répliqua le soliste déchu.
    – Justement !… Le commissaire ne finissant pas sa phrase, s’approcha de Nini au corps de rêve et qui, à l’occasion poussait la chansonnette accompagnée de cette cloche de Rémi. De sa voix de violoncelle, il lui chuchota dans l’oreille : « La Virgule ! Il ne te ferait pas chanter par hasard ? »
    Nini n’eut pas le temps de répondre que Rémi l’intercepta :
    – Flûte ! Commissaire, ne joue pas les grandes orgues avec moi, je connais ton refrain !
    – Faites pas attention commissaire, il vient de siffler une bouteille, lui répondit Nini. Il aime bien se mettre en scène.
    Cordier ne se démontait pas pour si peu. En tournant vers Nini, les pieds rivés au sol, il la regarda droit dans les yeux, il voulait sa version. Sur le même ton, il l’interrogea de nouveau :
    – Parle-moi des associés.
    – Quels associés commissaire, avec des trémolos dans la voix.
    – Tu sais bien ! Les associés : « Mozart-Viandes ». Comment peut associer Mozart à de la viande ? A la place du trait d’union, ils auraient pu mettre La Virgule, non ! C’est une association contre nature.
    – Tout à fait d’accord avec vous commissaire, depuis l’ouverture de cette boîte, c’est la cacophonie ici. Mais je vous assure, La Virgule n’y est pour rien !

  10. Sylvie dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois-ci, ils l’avaient serrée de près. Postés en embuscade dans les bas-fonds de la page, ils l’avaient repérée dans une bande d’adjectifs qui traînaient là sur la ligne, insultaient les verbes et soudoyaient les noms. Espérant mettre un point final à cette affaire, ils avaient fait appel aux unités d’élite qui l’avaient aussitôt coincée entre parenthèses avant de fermer les guillemets. On la tenait, enfin.

    La demoiselle était agile. Elle se tordait dans tous les sens. Elle essaya même de se faire passer pour une apostrophe mais le tribunal ne voulut rien savoir : elle sera incarcérée. L’avocat commis d’office tenta d’atténuer sa faute : venant d’un milieu familial défavorisé, elle avait été livrée à elle-même dans la page et avait subi la mauvaise influence des voyous des quartiers.

    Après délibération, la cour décida que la maison de correction ne servirait à rien, voire aggraverait sa situation, au contact de caïds de la ponctuation. Comme l’avait recommandé l’expert psycho-syntaxique, la virgule fut condamnée à une détention provisoire chez les chiffres : redressement garanti, tolérance zéro. Si par malheur sa conduite ne s’améliorait pas, elle serait placée à l’isolement, à perpétuité, au centre mathématique fermé. On cherchait justement une remplaçante entre 3 et 14, l’ancienne détenue venant de suicider dans sa cellule après des siècles d’emprisonnement.

    ©Sylvie Wojcik

  11. Christine Macé dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois…

    – Cette fois, tu ne m’échapperas pas : à nous deux, ma jolie !
    L’inspecteur se frottait les mains. Depuis le temps qu’il la pistait ! Des mois, de jour comme de nuit, embusqué dans des phrases glauques, entre un nom et un article mal accordés, un adverbe obstinément invariable ou une majuscule importune. Il en avait parcouru des pages. Interminable ! Croyant à chaque fois l’avoir repérée : mais la futée se carapatait entre les lignes.
    Il rentrait alors au poste, penaud, insensible aux quolibets de ses collègues. S’enfermant dans son bureau et refusant de s’intéresser aux autres affaires. Ça frôlait la mutation disciplinaire. Mais le divisionnaire lui reconnaissait une opiniâtreté sans faille, n’hésitant pas à le citer en exemple aux nouvelles recrues. Navré pourtant de voir que tout ça mettait parfois son adjoint dans des états proches de la démence. Plus d’une fois, il l’avait entendu parler tout seul, et même se taper la tête contre les murs. Certains soirs, mieux valait éviter le bureau de l’inspecteur sous peine d’asphyxie. Il fumait beaucoup trop, de l’avis du médecin, une gentille donzelle à qui le commissaire aurait bien conté fleurette. Mais celle-là aussi était réticente. De nos jours, les demoiselles portaient plainte à la moindre caresse furtive, sous le fallacieux prétexte de « harcèlement ». Tout foutait le camp !
    Ce jour-là, l’inspecteur était rentré tout sourire : avait-il abusé de la chopine ? Le patron était plutôt tolérant sur le sujet, l’intégrité de ses hommes nécessitant certains accommodements avec le règlement. Le métier était difficile, les troupes parfois dépassées. Il fallait leur donner du cœur à l’ouvrage, et, tant que cela ne sortait pas du commissariat…
    Il suivit le gaillard, impatient :
    – Du nouveau, Jobert ?
    L’inspecteur prit son temps pour suspendre son vieil imper à la patère déglinguée, avant de se retourner, toujours nanti de ce petit sourire mystérieux.
    – On la tient ! claironna-t-il brusquement, en sortant deux verres sales et une bouteille de whisky déjà bien entamée.
    – Racontez-moi, quémanda le commissaire.
    Soudain, le téléphone sonna. Le divisionnaire sursauta mais son adjoint ne broncha pas. A plusieurs reprises, il avait réclamé le renouvellement de cet appareil antédiluvien dont la sonnerie vrillait les nerfs. A la quatrième sonnerie, espérant que son supérieur avait enfin compris la nécessaire modernisation de ce matériel, il consentit à décrocher.
    Progressivement son visage s’illuminait pendant qu’il écoutait patiemment son interlocuteur.
    Le commissaire avala une deuxième rasade de whisky, sentant monter en lui l’euphorie du breuvage mêlé à celui des « grandes affaires ». On touchait au moment crucial où la nasse se referme. L’estocade. Définitivement isolé par son grade, il n’avait malheureusement plus accès au terrain, ce qui lui manquait secrètement. A cet instant, il se délectait de partager l’excitation grandissante de son adjoint, ne le quittant pas des yeux et arborant, comme par mimétisme, un sourire béat autant que carnassier.
    L’inspecteur raccrocha, gardant les yeux fermés, semblant en proie à une vision séraphique. A moins qu’il ne se soit laissé aller à fumer un joint, voire à sniffer une ligne de coke ? Le lieu ne manquait pas de tentations.
    Le divisionnaire se racla la gorge pour signifier à Jobert qu’il était temps de le mettre au parfum. L’inspecteur émergea :
    – Nos hommes sont sur place, ce n’est plus qu’une question de minutes. Tous ses contacts l’ont lâchée : en premier lieu, le point-virgule qui visait la place. Mademoiselle pensait mener la troupe, contrôler le rythme. Osant braver le clan des points : Final, Interrogation et Exclamation, les caïds du milieu. Se disant garante de la belle syntaxe, prétendant que sans elle, point de littérature ! Une « has-been », rien d’autre. Bonne à mettre au placard !
    Sur ce, il se leva et, grisé par la victoire, traversa lentement la pièce.
    Le commissaire, lui aussi, était aux anges : un succès qui lui promettait la gloire, les honneurs du ministère, son nom dans les manuels scolaires et, plus que tout, la reconnaissance éternelle de générations entières enfin délivrées du joug de cette despote !
    – Je suis un grand libérateur, se dit-il crânement en refermant la porte derrière lui.

    Bon week-end, Christine

  12. durand dit :

    Une virgule avait trempé dans une sale affaire. Un imbroglio de mots plus ou moins louches. Bien connue des services de police, elle n’en était pas à sa première incartade, mais cette fois, les flics la tenaient et ne semblaient pas vouloir la lâcher.

    L’interrogatoire avait commencé tôt. Sans son croissant et sa petite larme de café, ils espéraient la faire craquer rapidement. Mais ce n’était pas avec leur questions idiotes, qu’ils risquaient de la faire parler. Et toute cette pause, au sein de leurs propositions vaseuses, pouvait être employée pour permettre aux autres membres de la phrase de se mettre au vert, de s’isoler. C’était toujours ça de pris!

    La ponctuation des fonctionnaires était très aléatoire. Et leur suite d’exclamations, de menaces entre parenthèses, d’affirmations en forme de point final, ça ne l’impressionnait pas du tout.

    Elle en avait vu d’autres. Sa présence là, au milieu de cette affaire sous-entendait peut-être quelque chose de plus précis, mais c’était bien à eux de trouver où pouvait bien se situer le sujet. A chacun son boulot.

    « Ou elle cédera, ou c’est le trou » balança un inspecteur.

    Pour une fois, la virgule figurait à la bonne place, pour exprimer l’alternative.
    Et pour elle, il n’en existait pas d’autre, elle n’était pas une balance »

  13. laurence noyer dit :

    Les poules étaient sorties dès qu’on leur avait ouvert la porte…

    UNE VIRGULE A TREMPE DANS UNE SALE AFFAIRE :
    « Et si on mangeait les enfants ?
    Et si on mangeait, les enfants ? »

    UN IMBROGLIO DE MOTS PLUS OU MOINS LOUCHES :
    « Le poète chante la nuit et il mange une glace au café.
    Le poète chante, la nuit et il mange une glace, au café. »

    BIEN CONNUE DES SERVICES DE POLICE, ELLE N’EN EST PAS A SA PREMIERE INCARTADE :
    « Le maire, dit l’instituteur, est un imbécile.
    Le maire dit : l’instituteur est un imbécile. »

    MAIS CETTE FOIS…
    « les poules étaient sorties, des cons leur avaient ouvert la porte. »

    LA JUSTICE A TRANCHE :
    « Pendez pas, gracié !
    Pendez ! pas gracié »

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