Les castrats de l’écriture

Jusqu’au début du XVIIIe siècle, notamment en Italie, on castrait certains enfants
pour éviter que leur voix ne mue.
Ainsi, une fois adultes, les castrats gardaient le timbre d’un enfant.

Cette castration phonique n’a heureusement plus cours de nos jours, nous avons évolué…
Mais la castration cérébrale existe toujours, je le constate fréquemment lors des accompagnements
littéraires que je réalise.

Ce que j’entends par castration cérébrale, exemple :
dernièrement, j’ai accompagné une personne ayant un goût très vif pour l’écriture,
une inclination pour un projet littéraire.
Diplômée en lettres modernes, helléniste et latiniste,
elle détient toutes les aptitudes pour réaliser son projet.

Mais des castrateurs pédagogues ont émasculé sa spontanéité créatrice.

Au cours des deux jours passés ensemble, cette personne se montra souvent incapable
de s’affranchir des règles inculquées à perpétuité, impuissante à se libérer de l’impératif d’écrire parfaitement.
Dans l’impossibilité de « se lâcher , comme on dit familièrement.
Son style ne parvenait pas à s’affranchir des interdits.
Les castrateurs pédagogues avaient bien fait leur travail.

Méfions-nous, ces castrateurs, à l’œuvre dès notre petite enfance.
Ils châtrent inconsciemment notre créativité spontanée

D’abord à la maternelle, dès la 1re année, avec des horaires, par exemple,
alors qu’on ne saisit pas encore la notion du temps !

Puis à l’école primaire, avec des règles, des notes, des classements, des comparaisons entre élèves.
On ne joue plus ou presque.
L’agenda est rempli par les activités parascolaires.
Aucune place n’est laissée à l’ennui.

Et pour finir, au collège, lycée et université ou l’on passe son temps à analyser,
disserté, considérer, étudier, et cela, sans un seul cours de créativité au programme !

Mais ne désespérons pas, l’enseignement va bientôt se remettre en question, Internet s’en charge déjà…
La fin des castrats de l’écriture est peut-être pour demain.

Je ne sais plus qui à dit : « Il serait dommage de colorier la table alors que le dessin est fini ».
Je suis toujours étonné par celles et ceux qui « colorient la table » à n’en plus finir

Ne cherchez pas la perfection mais l’amour ! 
Vous devez tomber amoureux de l’histoire que vous racontez et écrire d’instinct, tel un dyslexique*
L’instinct, comme vous le savez, est une impulsion indépendante de notre réflexion,
elle est souvent contraire aux règles et aux lois de l’écriture.

« Maintes fois avant cet instant, j’avais pris ma plume pour commencer à écrire, mais toujours j’abandonnais de suite; chaque fois la peur m’envahissait. Oui, que Dieu me pardonne, mais les lettres de l’alphabet m’effrayaient terriblement. Elles sont sournoises, d’impudiques démons, et dangereuses ! Vous ouvrez l’encrier et les libérez; elles s’enfuient, et comment en reprendre contrôle ? Elles prennent vie, s’assemblent, se séparent, ignorent vos ordres, s’organisent entre elles comme bon leur semble sur la page, noires, avec des queues et des cornes. Vous leur criez après en les implorant, mais en vain; elles font ce qu’il leur plaît. Caracolant, elles s’accouplent impudiquement devant vous, elles exposent avec duplicité ce que vous ne souhaitiez pas révéler, et elles refusent de transcrire ce qui lutte, au plus profond de vos tripes, pour émerger et s’exprimer à l’humanité. »

 Nikos Kazantakis « God’s Pauper : St. Francis of Assisi » publié en 1951

* Je suis dyslexique, l’orthographe me gâche sans cesse « l’avis ».
Si vous trouvez des « fotes » dans ce billet merci de me les signaler
et de me les indiquer. Je corrigerai aussitôt.  

4 réponses

  1. George Kassabgi dit :

    Regardons au loin. La castration cérébrale existe depuis longtemps et fut, probablement, introduite par intérêt (je veux dire, d’un groupe d’humains en voie de controler un autre… il y a de cela bien longtemps). La castration cérébrale qui mène à une créativité littéraire amoindrie ou éliminée est un sous-chapitre de celle-là qui en est l’origine ainsi que la référence fondamentale et dont l’objectif est surtout politique ou stratégique. Autrement dit, ce que Pascal nous dit dans ce billet est important mais je crains que si les semences et les racines de la castration dont les motivations sont d’ordre politique et stratégique ne sont pas remises en question et corrigées (oui, je suis conscient que cela exigera un travail de longue haleine… une génération ou même deux) alors tout effort pour combattre le sous-chapitre de la castration concernant la créativité littéraire risque d’avoir « bocoup de fotes d’aurtografe » et, par conséquent, d’être fort limité quant à son impact positif.
    GK

  2. Béryl Dupuis-Méreau dit :

    Les castrateurs sont là dès qu’on a suivi une scolarité, disons, classique. Et ça ça se dit, et ça ça se dit pas, … Je sais ainsi que si mes premiers jets ont le mérite d’être spontanés (avec tous leurs défauts), tourner sept fois ma plume dans mon encrier avant d’écrire ne réussit la plupart du temps qu’à empeser mes phrases de tous les poncifs de l’écriture « noble » que ma scolarité m’a inculqué. Et me voilà alors en précieuse ridicule dissertant « du bel air des choses »!

  3. durand dit :

    Vrêment euxroeux queue lorstôtgraf noeud soie pà les sansciel hais meuh

    permaîte caenm’aime deux raieditgeai mont chaix deuvre!

    Mèrescie Passecale.

  4. Marie Remande dit :

    Merci Pascal pour ce billet coup de voix, pas castrée. J’adhère à 100%! des fôtes d’ortograf? Non je ne vous les signalerai pas Monsieur 😉 car je m’en fiche! En plus il n’y en a qu’une me semble t-il et on voit que c’est une erreur de frappe. Je dis toujours aux personnes dans les ateliers d’écriture que j’anime : peu importe l’orthographe, on est pas là pour ça, ici c’est la créativité et l’expression qui comptent. Et j’entends des soupirs de soulagement 🙂 Ce qui ne m’empêche pas de mettre à disposition un dictionnaire si on a des doutes ou si qqn se pose une question sur comment s’écrit tel mot.

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