Ecrire est un métier
Pour les anglo-saxons, notamment aux Etats-Unis, l’écriture est un métier, il s’apprend comme les autres. C’est un job nécessitant un savoir-faire, de l’expérience, des procédés et beaucoup de travail. Savez-vous, par exemple, que c’est John Irving, dans son atelier d’écriture, qui a enseigné l’art d’écrire une fiction à T.C. Boyle, l’auteur de Water Music ?
Chez nous, pays littéraire, on a tendance à croire qu’on naît avec le don d’écrire des fictions. Que si notre ADN ne contient pas un trait distinctif hérité de quelque scribe, plus ou moins lointain, perché dans notre arbre généalogique, il ne faut pas rêver, on ne sera jamais un auteur reconnu.
Contrairement à une idée reçue, l’habilité à écrire n’est pas une faculté innée, on en perçoit jamais les signes avant-coureurs dans les maternités.
Disons qu’il y a un terrain favorable sur lequel l’’envie d’écrire germe mystérieusement, elle commence souvent dans l’imitation d’un modèle, d’un maître. C’est un plaisir instinctif, une attirance inexplicable pour cette forme de narration. Quand l’intérêt pour l’écriture se confirme, vient alors une période de tâtonnements, de recherches.
A ce stade, c’est un tournant de vie. Soit on abandonne et on passe à autre chose, soit cela devient finalement une évidence, « Je suis fait pour écrire ». C’est ma joie, mon bonheur, ma passion »
Bientôt s’installe une manière d’écrire et de décrire, un style qui ne soucie pas de la virtuosité : « J’écris comme je le sens, comme il me plaît » Généralement, on commence par écrire des poèmes ou des histoires pour les enfants, puis on finit pas s’enhardir et s’attaquer à un roman.
C’est souvent une histoire, dans laquelle l’auteur raconte indirectement sa vie, ses amis, ses amours.
Une histoire qui devrait plaire à tout monde, ça ne peut pas être autrement « puisque je l’ai écrite avec mes tripes »
Seulement voilà, sauf si l’on est surdoué, écrire un roman n’est pas à la portée du premier « aimant-écrire » venu.
L’envie, l’assiduité, la maîtrise de la grammaire, la volonté d’aller jusqu’au bout, sont des atouts, mais ils ne suffisent pas.
Comme le souligne Roger Grenier *, auteur de nouvelles : « C’est facile à faire, difficile à réussir »
La plupart des manuscrits qu’on me demande de lire, manquent d’épaisseur, de souffle, de surprise. Ce ne sont pas des romans, mais des rédactions, des autobiographies déguisées en roman.
Chacun y va d’un petit sujet sur sa vie, sa famille, son village, ses voyages. C’est trop souvent de l’intime, des pensées personnelles, des petits émois, des phantasmes.
C’est de l’écriture anorexique, l’aventure n’existe pas.
Bien raconter une histoire, que ce soit un polar, un conte, une romance ou de la science fiction, ne s’improvise pas. Chaque genre obéit à des principes qu’un auteur doit connaître. Pareillement, écrire des dialogues, camper des personnages, décrire des lieux, installer des climats, etc., demande un savoir-faire, du métier.
Mettre ses lignes dans celles des grands, s’apprend.
Nous avons pris modèle sur les anglo-saxons pour apprendre l’écriture journalistique dans des écoles spécialisées comme le CFPJ, pour les romans, ça viendra…
* Brefs récits pour une longue histoire, Roger Grenier, Editions Gallimard
Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com
Une évidence joyeuse suivie d’heures de travail, de découragement souvent, d’envolées d’adrénaline parfois… pour aller au bout de l’histoire. Parce que tu as 1000 fois raison cher Pascal, écrire n’est pas raconter. Bonne journée à tous
J’écrivais. Rien que pour moi…je le croyais! Aussi pour le reflet des hirondelles.
Elles m’embarquaient vers d’autres horizons dégagés des brumes.
A l’autre bout d’un continent, on en faisait des brochettes, de mes textes
volants, on s’en foutait!
J’écrivais contre le vent, accroché au lampadaire de la plage. Les mouettes
picoraient mon cerveau. Les goélands adaptés à nos poubelles ramassaient les
détritus, sarclaient l’étendue de nos phrases improbables, nos ratées.
J’écrivais bien au delà de ma petite personne, une romance imaginée, à deux,
un dicton solitaire, une pâmoison de groupe réuni autour d’un plus juste mot…
un trou dans la feuille!
A cheval, sur la non selle, sur le cru de sa peau, j’écrivais!
Descendu de cheval, à pied…
J’écris!
texte réaliste
bonjour,
Cela résume bien ce que je pensais. Ecrire est avant tout pour soit même, un grand plaisir ( et mal de tête) et non pour être édité avant tout, là c’est une autre histoire (du moins pour moi, mais je persévère).J’ai beaucoup appris grâce à votre blog et ma façon d’écrire et de penser à totalement changer. Je réécrit totalement mon roman. J’écris aussi beaucoup pour les enfants (histoires et documentaires, en attente de réponse chez l’éditeur.
Bonne journée et encore merci monsieur Perrat pour vos bons conseils
Mireille
Pascal, grand maître du savoir-faire ;o)
Pour ma part, j’apporterais quelques distinctions :
1) Ecrire, ce n’est pas publier ; cela répond à des normes et des exigences différentes.
2) Ecrire est avant une passion ; tout comme peindre, faire du parapente, de la physique quantique ou de la pâtisserie.
3) Ecrire vient d’abord des tripes, ensuite du cerveau.
4) Ecrire commence par un exercice purement égoiste ; on écrit d’abord pour soi, pour s’exprimer, pour ventiler, pour vivre… On doit se plaire dans ce qu’on écrit et s’en réjouir, avant tout commentaire d’autrui.
5) Partager vient ensuite, une fois satisfait de notre bébé ; alors là, s’ouvre tous les possibles, jusqu’à l’édition – mais les règles alors auront changé.
L’écriture, un métier à tisser, bien sûr ! … des histoires qui nous habilleront pour l’hiver au coin d’un feu, un métier avec un fil de trame solide qui nous tiendra en la laine avec de jolis motifs jusqu’à faire tapisserie dans les salons… de livres.
Y a un peu de ça, non ? 😉
C’est vrai quand on pratique un peu (à peine), la part de créativité parait moindre par rapport à celle du travail qu’il y a derrière. Et qui dit travail, dit savoir-faire, méthodes, compétences… donc un métier en perspective…
J’approuve ce message, Pascal !
Bonjour Pascal,
Vous m’avez ôté les mots du clavier…
En ce qui concerne mon approche de l’écriture littéraire versus journalistique, l’une s’enrichit de l’autre. L’écriture journalistique m’a ouverte à d’infinies possibilités littéraires. L’écriture littéraire a enrichi ma plume de rédactrice. Le CFPJ m’a appris à écrire clair, net et précis. Le « joli » je l’avais déjà en moi.
Ce qui me manque le plus pour le littéraire, c’est l’inspiration. Pour le journalistique, c’est le renoncement11.
Le « 11 » final, c’est pour 7+4. J’ai bon !!!!