Exercice inédit d’écriture créative 224
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac,
une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Inventez la suite
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac,
une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Inventez la suite
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années. Devenu inutile, on m’avait oublié là… Ma couverture était déchirée, toutes les pages avaient été recouvertes d’une écriture rendue illisible car l’encre, au fil des années, s’était peu à peu décolorée, libérant les mots de ces lignes devenues trop étroites, pour qu’ils voyagent au gré de leur fantaisie.
Lorsque Suzanne me sortit de son vieux cartable, je la reconnus immédiatement. Elle avait gardé ses boucles blondes qui encadraient son visage rond et ses yeux bleus étaient toujours aussi transparents. Elle poussa un cri de joie en me voyant. Tout d’abord, elle me caressa pour ôter la poussière qui m’écrasait depuis si longtemps. Puis, elle feuilleta toutes mes pages les unes après les autres pour retrouver les parfums de son enfance. Je senatis ses doigts m’effleurer avec une extrême délicatesse. Toute la vie et tous les secrets de cette petite fille à jamais disparue étaient posés là. Elle allait retrouver tous ses rêves d’enfants pour enfin écrire sa vie de femme.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Voilà comment en cette journée triste et pluvieuse, je ressortis au grand jour.
Margaret tournait en rond.
Personne à qui parler, personne pour jouer. Maman avait emmener les jumeaux chez le docteur pour des vaccins.
‘Reste là Margaret’ dit elle en partant ‘je n’en ai pas pour longtemps, fais tes devoirs, je regarderai en rentrant. Ton goûter est sur la table de la cuisine. Sois sage !’
Et sa copine Babeth qui était punie. Interdiction de sortir ! Elle avait tiré la langue dans le dos de la maîtresse qui venait de lui dire que sa copie était un torchon. Celle ci l’avait vue dans le reflet de la fenêtre ! Cinq exercices de français pour Babeth, à remettre ‘propres’ pour demain. La poisse !
Margaret avait vite terminé ses leçons, elle apprenait vite, elle travaillait bien, mais maintenant, que faire ? Aucun de ses livres, jouets, peinture ne l’attiraient. La télé, elle n’aimait pas. Juste le chat pour la distraire le temps d’un câlin. Mais il avait repris rapidement son indépendance en allant s’installer en deux petits bonds en haut du buffet. Elle était morose. La ferme lui paraissait immense et inintéressante. Mamie n’était plus là pour l’occuper avec un rien.
Elle aimait tant rester à la regarder préparer, et goûter d’une goutte encore chaude versée dans la paume de sa main, ses fameuses confitures de quetsches, l’observer manipuler habilement sa machine à coudre et confectionner ses jolis tailleurs élégants, ou encore faire sa broderie sur son fauteuil à l’angle de la fenêtre.
Elle aimait plus que tout partir, bras dessus bras dessous cueillir au dehors une brassée de fleurs des champs en babillant de tout et de rien..
Que faire ?
Quand une idée provoqua un frisson qui lui parcourut le dos. Elle allait monter au grenier, c’était excitant et un peu terrorisant. Elle n’y était jamais allée seule.
Quand maman l’appela dans l’escalier, elle descendit prestement, heureuse de retrouver du monde, me tenant serré contre elle, vieux cartable d’écolier au cuir tanné.
Maman sembla émue en me voyant.
‘Où as tu trouvé cela Margaret ? Je ne pensais pas que ma mère l’avait gardé..’
‘Au grenier maman, dans un vieux coffre.. Il y a un trésor dedans’
‘Un trésor ma chérie, ça m’étonnerait.. De quoi s’agit il ?’
‘Je ne sais pas exactement maman, on dirait une toute petite robe avec sa pelote de laine, rose profond, encore toute douce malgré la poussière… et ça !’ elle tenait dans sa main des aiguilles à tricoter bleu ciel avec un bout argenté.
‘C’était enveloppé dans ce chiffon’ dit Margaret ‘C’est quoi ? C’est à qui ? Pourquoi dans ce vieux cartable ?’
Maman eut un air bizarre, comme si elle allait pleurer.
Elle me prit par la main, dit aux garçons d’enfiler leurs bottes en caoutchouc, leurs cirés et d’aller jouer dans la cour, puis m’entraîna sur ses genoux sur le gros fauteuil crapaud au coin de l’âtre.
‘C’est un tricot ma chérie, mon tricot.. Le dernier que j’ai commencé.. Et jamais fini.
Celui que je faisais assise sur ce petit trépied à côté de ma grand mère.. Elle m’apprenait, patiemment, le soir après avoir fait mes devoirs. J’ai d’abord fait des petits carrés unis, au point mousse, je me rappelle, une maille à l’endroit, une maille à l’envers.. Puis elle m’a appris à faire des petits habits pour ma poupée.. Elle récupérait habilement les mailles que je perdais, ou défaisais et remontais mon travail si je faisais des erreurs..’
Elle se tut, perdue dans ses pensées.
‘Pourquoi est ce dans ce vieux cartable ?’ demanda la petite
‘Mon cartable ma chérie, mon vieux cartable.. C’était celui de mon grand père, il me l’avait donné quand il a pris sa retraite. J’en étais très fière, le cartable du directeur d’école ! Mes amies ne l’aimaient pas, mais cela m’était égal.. Et il était assez grand pour y cacher mes secrets.’
Elle sembla encore partie ailleurs, puis elle reprit.
‘Quand j’étais petite, ta Mamie, ma mère, tenait son magasin de sport en centre ville. Mon père était rarement là, toujours en meeting ou aux matchs de basket de son équipe. Le matin avec maman je prenais le trolley, je l’accompagnais au magasin tôt le matin, je m’asseyais sur les boîtes à chaussures près de l’escalier, là où je ne gênais personne en attendant l’heure de rejoindre l’école. Le soir mon grand père venait me chercher à la sortie des classes avec son vélo et nous rejoignions tranquillement la ferme, notre ferme aujourd’hui, ma main dans la sienne, l’autre main poussant le vélo inutile. Bien plus tard le soir, ma mère venait me récupérer, souvent à la nuit tombée, toujours à la hâte. Nous sautions dans le dernier bus pour rentrer à la maison. Je détestais ça. Quitter la ferme ou souvent je m’étais endormie sur le sofa, m’habiller, récupérer mon cartable et sortir dans le froid. Il faisait toujours froid pour moi quand nous partions ainsi.. Par contre j’aimais par dessus tout ces soirées avec ma grand mère, mon grand père s’étant éclipser sculpter dans son établi. Et jamais le matin en faisant mon sac, je n’oubliais de prendre mon tricot. Je l’enveloppais dans un chiffon et l’enfouissais au fond de mon cartable, sous mes livres, me délectant d’avance de reprendre mes aiguilles et d’apprendre de nouveaux points, de faire de nouveaux modèles, de mélanger les couleurs ou de coudre de merveilleux petits boutons sur les vêtements terminés’
‘Mais maman, je ne t’ai jamais vu faire ça’ s’étonna Margaret ‘pourquoi celui ci n’est il pas fini ? Tu ne sais plus tricoter ?’
‘Oh ma chérie, si, je pense.. Mais il arrive que les choses les plus belles aient une fin car elles s’associent à un souvenir si douloureux que celui ci les empêchent de vivre.. Ce jour de février ou ma grand mère est partie brutalement, ce jour là, j’ai enfoui mon vieux cartable vidé de mes livres, mes cahiers et ma trousse au fin fond de mon armoire. Je n’y ai laissé que mon tricot, celui là même que tu as sur tes genoux et je n’ai plus jamais pris d’aiguilles à tricoter de ma vie… Aujourd’hui il n’y a plus guère que des petites grands mères pour tricoter encore.’
Elle s’est tu.
Elle a pris des mains de sa fille son trésor, elle a caressé la laine, elle a délicatement attrapé les aiguilles, elle a entouré la laine autour de son auriculaire, ses mains se sont mises en mouvement et les larmes doucement ont roulé sur ses joues. Larmes de joie profonde d’une douceur retrouvée.
Margaret, elle, s’est assise sur le trépied à ses côtés ‘dis maman, tu m’apprendras ?
© Gwenaëlle Joly
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
J’avais échoué là, un beau jour, et on m’avait oublié. Les vacances étaient arrivées, le cartable s’était retrouvé dans le fond d’un placard, jeté aux oubliettes, avec moi dedans!
Au début, je pensais qu’avec la rentrée des classes, le cartable reprendrait du service et qu’on me retrouverait.
L’été passa, l’automne aussi…
J’ai perdu le compte des saisons, puis des années. Tel un prisonnier qui désespère de ne jamais quitter sa cellule, j’ai fini par croire que je ne connaîtrais plus rien d’autre que ce cartable usé.
Remarquez, je n’étais pas seul! J’avais pour compagnie un morceau de papier chiffonné et raplati qui tapissait le sol de notre prison. Un crayon de bois, raccourci par d’innombrables tailles d’un côté et par des dents acérées de l’autre, une bille de verre, une plume rouge de Cardinal et quelques moutons de poussières de sac formaient le reste de notre petite communauté d’isolés.
Pour nous faire passer le temps, nous nous racontions nos histoires et ressassions nos souvenirs.
Le crayon nous rapportait tout ce qu’il avait écrit. Il y en avait pour tous les goûts! Français, mathématique, histoire, géographie… et même quelques petits mots doux destinés à une certaine Marie! Désormais, il ne servait à rien et regrettait le temps où il parcourait, agile, les feuilles lignées des cahiers d’écolier.
La bille nous décrivait la cour d’école, les trous entre les racines des arbres dans lesquels elle était projetée d’une pichenette, les autres billes de toutes les couleurs qu’elle y retrouvait, certaines de terre, d’autres de plomb. Elle aimait surtout nous raconter les doigts des enfants qui la caressaient et la faisaient miroiter au soleil. Elle se souvenait, émue, de l’admiration dont elle était l’objet. Elle avait souvent changé de main. On se disputait pour la gagner! Certains garçons jouaient toutes leurs billes en espérant l’avoir grâce à leur habileté! Jamais elle n’aurait cru finir au fond d’un sac, seule et oubliée! Non, pas elle!
La plume partageait avec nous ses souvenirs de voyage. Elle avait survolé toute la région et connaissait bien les jardins, les buissons et les haies du secteur. Son premier propriétaire, un mâle, fier de son allure et de sa couleur rouge vif, était un habitué du parc qui jouxtait la Mairie où s’élevait un arbre centenaire. La pauvre plume restait traumatisée de la rencontre qu’il fit un beau matin avec un des chats du quartier. L’oiseau s’en était sorti, mais elle était restée sur le carreau. Seul le vent désormais pourrait la faire s’envoler. Si belle et colorée, elle ne fut pas perdue pour tout le monde. Un jeune garçon la ramassa et, tel un trophée, l’exhiba pendant des jours, fièrement, comme l’avait fait avant lui le Cardinal, désormais amputé d’une de ses rectrices. Puis, avec le temps, elle avait été reléguée au rang des reliques et s’était trouvée abandonnée dans ce réduit en peau d’animal mort. Fini pour elle la brise jouant dans ses barbules et la lumière du jour révélant son éclat!
Alors que les innombrables fibres et poussières enchevêtrées en une masse informe, tapie dans un coin, radotaient leur autobiographie respective dans une cacophonie incompréhensible, la feuille de papier, elle, restait muette. Repliée sur elle-même tout ce temps, comme retirée du monde et désintéressée de son propre sort, jamais elle ne dévoila ce qu’elle recelait et gardait comme un trésor. Si bien qu’à la longue, on oublia jusqu’à son existence.
Moi, avant de me retrouver dans ce cartable, j’avais été transporté dans des sacs, des sacoches et des musettes, comme tant d’autres de mon espèce. Dans des poches aussi! Je rendais service, je me prêtais sans me plaindre à l’usage qu’on voulait me donner. Je restituais fièrement tout ce qu’on m’avait confié. Je ne m’expliquais pas cette retraite forcée. J’avais été victime d’une erreur, il n’en pouvait être autrement! Juste avant d’être confiné là où je devais finalement rester dans l’oubli, j’avais encore servi, je m’en souviens comme si c’était hier! Le garçon qui m’utilisa en dernier en fut ravi, j’en suis sûr!
Un beau jour, alors qu’on ne l’espérait plus, notre monde reclus bougea. La lumière jaillit et un air neuf nous enveloppa, chassant l’odeur viciée des années d’isolement et de désespoir. Une main tâtonna et délicatement nous sortit un à un de notre captivité, à l’exception des moutons de saleté qui, d’après ce que j’ai su plus tard, continuent de bêler leurs mémoires dans le fond du cartable.
Aujourd’hui, le crayon jouit d’une retraite paisible. Même s’il ne sert plus qu’occasionnellement, la tablette remplissant désormais sa fonction, il a retrouvé la main du petit garçon, devenu homme, et sait maintenant l’attachement qu’il lui porte. Cela suffit à lui faire oublier toutes ces années d’exil.
La plume s’est vue offrir une place de choix, près de la fenêtre. Un Cardinal passe devant de temps en temps. Peut-être est-il un descendant de celui à qui elle fût arrachée jadis! Celui-là n’a pas connu les bosquets du parc de la Mairie, ni son arbre centenaire. À leur place aujourd’hui s’élèvent un centre d’achats et un stationnement. La belle restera pour toujours nostalgique.
La bille, radieuse dans la lumière du jour, rayonne du bonheur de se savoir encore admirée. Certes, elle ne jouerait plus comme avant et ne bondirait plus, propulsée par des petits doigts experts, trop occupés à actionner des manettes ou à tapoter sur des écrans tactiles. Elle se contenterait de chatoyer sur le bureau de celui qui fut assez habile pour la gagner, autrefois.
Quant à moi, j’ai repris du service, avec joie! Je me sens un peu moins utile qu’avant, toutefois. Aujourd’hui, les cartes de crédit font l’essentiel du travail. Mais, tout de même, il a encore besoin d’un peu de change de temps en temps et c’est à moi qu’il le confie, maintenant! J’avais conservé, toutes ces années, la monnaie que la marchande lui avait rendue le jour de la fin des classes, quand il s’était offert ce sucre d’orge pour fêter les vacances. Quand il m’a retrouvé, moi, son vieux porte-monnaie en cuir souple, fidèle au poste, fiable comme au premier jour et pratique comme pas un, il abandonna sa bourse en tissus synthétiques et me rendit ma place dans sa poche. J’y suis toujours!
Et la feuille de papier, me direz-vous? Qu’est-il donc advenu d’elle?
Quand il la trouva recroquevillée dans le fond de son vieux cartable d’écolier, il hésita, troublé. Puis, délicatement, il la déplia en prenant soin de ne pas la déchirer. Il l’étala sur sa table de travail, la défroissa avec précaution et parcouru les lignes inscrites à l’encre bleue dans une écriture fine, en pattes de mouche.
Que les hommes sont étranges! Celui-ci riait et pleurait en même temps!
Puis il appela : « Marie! Viens voir ce que j’ai trouvé! »
Une femme entra, souriante. Il lui montra la lettre. Elle la lut et s’en trouva, elle aussi, tout émue. Elle se retourna vers lui. Ils échangèrent un regard puis un baiser plein de tendresse.
« Je l’avais tellement cherchée! », dit-il. « C’est vrai que du jour où tu me l’avais donnée, cette lettre ne me quittait plus. Elle était restée dans mon sac d’école et quand j’ai retiré mes livres et mes cahiers, je n’ai pas dû la voir. À la rentrée suivante, j’ai eu un cartable neuf et je n’ai pas retouché à celui-ci avant aujourd’hui, en déménageant le grenier de mes parents. »
La page manuscrite, qui n’avait jamais consenti à nous dévoiler son message, l’affiche maintenant aux yeux de tous au mur du bureau, encadré et sous verre. La réponse de Marie aux mots d’amour d’un soupirant. Une lettre enfantine qui promettait qu’un jour, quand ils seraient tous les deux grands, ils seraient amoureux, vivraient heureux et auraient beaucoup d’enfants. Une promesse sincère et tenue, finalement!
De tous les rescapés du sac d’écolier, ces souvenirs d’enfance, le morceau de papier est le seul à avoir conservé intacte, la valeur qu’il avait autrefois.
Comme quoi, même sur un vieux papier froissé, les mots et les émotions qu’ils provoquent sont indémodables!
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Je dis « Je » mais je devrais dire plus exactement « Nous », moi et mes 25 sœurs :
A la moyenne maximale
La doublement sexy B
C la classe !
La vitaminée D
Le E muet
F la profondeur rêvée d’un bonnet
L’érogène point G
H l’aspiré
La rectiligne I
Je le jour J
Citizen K
La quinquagénaire … et romaine L
M… l’impolie
L’entier naturel N
La marquise O
P et Q : lettres jumelles …et hygiéniques
Le nombre réel R
Le sulfureux S
La corpulente T
Le systémique U
V le victorieux
W ses sœurs siamoises
X l’anonyme
Y le demi-homme
Z le vengeur masqué
sommes demeurées oubliées dans son cartable et n’avons pu être ni écrites ni, à plus forte raison, expédiées.
Combien
– de lettres circulaires ont tourné en rond,
– de lettres d’amour non reçues ont donné lieu à des lettres de rupture,
– de lettres modernes sont demeurées lettres classiques,
– de lettres de créances non réglées ont entraîné de lettres de rappel,
– de faire-part de décès n’ont pas été suivies de condoléances,
– de lettres manuscrites n’ont pu être dactylographiées,
– de lettres au beau jambage ont été prises au pied … de la lettre,
– de lettres en caractère gras ont pris avec le temps du surpoids,
– de lettres recommandées ont été accusées de non- réception
– de lettres correctement affranchies ont été jugées timbrées
– de lettres de démission ont succédé aux lettres d‘embauche non réceptionnées
– de lettres de noblesse ont lettres de cachet ?
Voici contées les mésaventures d’une fratrie de lettres que la négligence d’un préposé à l’acheminement du courrier à condamnées à rester lettres mortes
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette. Moi, je traînais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Mais qui donc sont les pluriels de la première partie pour qu’ils deviennent singulier en seconde partie ? Voilà une énigme à résoudre, je vais devoir m’y atteler, trouver un peu de cohérence !
Les indices :
– Les « les-le » sont gris, gris….
– Je sais, ce sont des grigris….
– Non, même si c’est un peu tiède, comme dans le jeu « Tu brûles»
– Les « les-le » sont gris, gris, noir, un peu paf…
– Non, même pas éméchés pour un sou, tu gèles….
– Les « les-le », en coquilles, petits gris de Bourgogne…
– Non, mais, tu les imagines dans un cartable !
– Les « les-le » sont blanc+noir ou noir+blanc si tu préfères…
– Ça commence à chauffer, mais il faudrait ajouter une pointe de bleu…
– Bien maigres comme indices, je donne ma langue au chat…
– Je t’en fournis un de taille… Pb 82.
– Tu veux dire les problèmes que j’ai connu en 1982 ?
– Pfiou…. Ce n’est pas facile de travailler avec toi !
Je vais prendre d’autres indices…les contenants, par exemple.
Dans le sac du pêcheur, il y en a…de toutes les dimensions, mais tous gris ! Enfant, j’adorais les monter sur le fil de nylon : on glisse ce dernier dans la fente et hop, un petit coup de pince, cela fait un petit bracelet… attention, les poissons, j’arrive….
Dans la gibecière du chasseur, il y en a aussi, de toutes les formes, mais toujurs gris… attention, les canards… attention aussi à mes dents !
Dans le cendrier tout cabossé sur le stand de tir à la fête foraine, il chantent tels de petits grelots : une poignée pleine de petits gris qui rebondissent. Ma Belle… et l’ours en peluche sera pour vous. Il ne croit pas si bien dire, je suis championne de tir depuis belle lurette. Qui t’as appris à tirer ? Secret de famille !
Dans la trousse de maquillage, mais là, cela flirte avec le danger : le blanc de céruse pour les belles marquises se jouant de la mouche et du rose aux joues ! En ce temps-là, il était de bon ton d’avoir le teint pâle….
Dans la sacoche de l’arracheur de dents, devenu dentiste, un peu aussi en amalgame… mais pas chez l’enfant, sous peine de saturnisme. Quelle idée de donner ce nom de Saturnin à un canard de bande dessinée pour enfant ! Vraiment, on ne respecte plus rien de nos jours…
Dans la musette, quelques miettes du pique-nique ; une pâte mignonnette qui porte ce nom pétaradant…qui commence par une explosive et finit dans le potage…
Toujours pas trouvé, Sherlock Holmes, ce que sont les « les-le » ?
Cette fois, je réveille mes souvenirs . A cette époque, j’avais quinze ans, aujourd’hui, j’en ai le double. J’assistais à une rencontre littéraire avec Bernard T. Un phénomène tant pour son physique (je le voyais bien en Godefroid de Bouillon réincarné) que pour son palmarès… écrivain, acteur , chanteur mais surtout maître verrier. . Je crois que c’est avec le passeur de lumières que j’ai le plus conversé. Au moment du départ, il me glissa quelque chose dans la main en murmurant « Ce sera ton armature ».
Les « les » devenait enfin « le »
Le temps d ‘ouvrir ma main, Bernard avait disparu. J’ai glissé ce « le » dans mon vieux cartable , patiné plus qu’il n’en faut, car il m’avait été transmis… à la petite dernière, comme toujours !
Dès lors, ce petit « le » m’accompagna partout, si souvent tourné et retourné dans ma main qu’il était devenu pareil à un galet roulé par le torrent…
Dès que j’éprouvais quelque difficultés, je l’appelais au secours….afin qu’il me mette un peu de plomb dans la cervelle, afin qu’il devienne fil à plomb pour mes problèmes de math ou de physique. Il donnait un coup de pouce à la mine de mon vieux crayon lorsque je séchais sur un dessin scientifique avec projections, rotations et rabattements.
Ce petit « le » faisait de son mieux pour éviter que je ne pète un plomb lors de ma post-adolescence. Il ne fallait pas que moi, petit soldat de plomb, partante pour toutes les guerres, j’aie du plomb dans l’aile ! Quand, parfois, j’avais des jambes de plomb, je m’imaginais mettre du plomb dans mon carburant en avalant des tonnes de Mars (et ça repart).
Quand arriva le temps des amours, mes secrets les plus intimes, confiés au coffret de bois marqueté, ont été scellés au plomb, ce qui permis d’avoir un sommeil de plomb… jusqu’à aujourd’hui ! Et la mitraille du camp militaire « au nord » peut y aller !
Étourdie par une féminité nouvelle , j’ai parfois quitté mes jean’s pour quelque jupe légère, je ne voulais pas me la jouer Marilyn alors…vite, dans l’ourlet…
Avez-vous enfin trouvé ce qu’est ce petit « le » ? Non ? Je pensais vous avoir distillé suffisamment d’indices…au fil de mon récit…Toujours pas ? Alors, l’ultime… d’ici quelques petites années, mon mari ne m’offrira pas de fleurs pour fêter le quatorzième anniversaire de notre mariage…
Sans vouloir vous offenser, je trouve que votre récit a du plomb dans l’aile et, qu’à trop vouloir en faire vous vous êtes tiré une balle dans la main. L’idée de départ était astucieuse et bien dans le thème imposé. Cordialement.
Ben oui, surtout que l’explication est dans le texte
Pourquoi n’avoir pas gardé la formule « le-les »?
Ceci dit, l’idée est super! parce qu’au début même si c’est confus, on devine rapidement où vous voulez en venir. Pour ma part j’étais partie sur le phonème vers, verre… jusqu’à PB 82, et j’ai fait une deuxième lecture
J’avais été caché dans le cartable, lui-même bien rangé tout en haut d’une armoire ,au retour d’un voyage au Maroc en juin 1968.
Mon possesseur avait goûté là-bas aux effets euphorisants de ma fumée âcre au parfum si particulier,il avait décidé d’en ramener une petite provision pour les jours gris à Paris.
Mais il a dû m’oublier car j’ai séché dans le noir pendant de nombreuses années dans ce sac en papier,tout au fond du cartable.
Un jour on ouvrit brutalement les portes de ma demeure.
» Maman, qu’est ce qu’on fait des vieilleries de papa ?
– Je ne sais pas, qu’as-tu trouvé ?
– Des bouquins et un vieux sac en cuir avec un sachet d’herbe dedans
– Fiche-moi ce vieux machin à la poubelle, il n’ y tenait sûrement pas beaucoup car je ne l’avais jamais vu. De l’herbe dis-tu ? Fais moi voir ça.
Ouh la la c’est du hashich, oui. Pas très jeune on dirait.Hé bien, qui aurait cru qu’il avait aimé fumer des joints ton père. C’est trop drôle. Donne, on sait jamais »
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
J’avais le souvenir des escapades éperdues d’un petit garçon courant le longs des chemins de campagne découvrant à sa manière la nature et ses merveilles en faisant l’école buissonnière. Le long de ses courses endiablées, je me sentait balloté comme un vulgaire cahier rempli de leçons barbantes.
Mais pour ce petit bonhomme qui écrivait sur mes pages blanches d’une belle écriture à la plume d’oie, j’étais bien plus que ça. De merveilleux poèmes, contes et légendes prenaient vie et illuminaient mes pages. Certains instants, la plume s’arrêtait de me caresser et l’on me déposait sur l’herbe. A mon tour, je pouvais m’inspirer des odeurs enivrantes des violettes et des pâquerettes . Je pensais ô combien il était merveilleux de se trouver ici au lieu d’une vieille salle de classe triste et monotone.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac,
A la recherche des clés du poudrier ou des lunettes
Dans une sacoche pour saisir le courrier
Dans une musette, pour y coucher le petit gibier
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais,
Pour m’en imprégner, pour m’en laver, m’en parfumer
Il était mon univers, ma terre, ma mer et mon ciel
Je restais là des heures, à attendre, à espérer
Que par le toucher, j’allais retrouver
La sensation que me procurait la douceur du papier
Le grain des livres anciens
Le mic mac du fond du sac
Les billes, les bonbons, les fleurs sécheés
Tout mon trésor, du chemin de l’école
Mon cartable était ma roulotte, ma hotte, mon coffre à jouet
Il était l’écrin de mes trouvailles, le réceptacle de mes chagrins
La traînée de poudre de mes rêves de gamin
Les escarbilles d’étoiles, les pacotilles de fin de récré
Moi, la main je traine encore dans mon vieux cartable tanné par les années.
Je ne range rien, je me souviens.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette. Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier
Après toutes ces années de solitude, j’ai eu quelques difficultés pour me laisser extraire des fins fonds, finalement bien confortables, de ce cuir bien souple. je m’étais adapté parfaitement à tous ses replis, et à son parfum un peu fauve, tirebouchonné, d’accord mais bien calé, je revoyais mes premiers instants. Et oui, elle, charmante Margot, me gardait en secret, comme attrappe-chagrins, j’ai connu des moments difficiles, torrents de larmes, taches d’encre, confidences rageuses, et des parfums mêlés, de doux secrets.
J’étais de toutes les péripéties scolaires, les soirées studieuses où malaxé, compacté, j’aurai du servir de souffleur, de porte-bonheur pour devoirs interminables. Repos pour moi aussi pendant les vacances,je faisais partie de son jardin secret, pas question de m’exhiber. Elle me retrouvait avec plaisir, avec force caresses, petits mots doux, tendres, jusqu’au jour où je ne suis plus sorti. J’ai compris qu’une page se tournait, les livres, cahiers, crayons, sont partis et je suis resté tapi avec quelques vieux cachous et un vieil HB tout mordillé.
Mais aujourd’hui, surprise, toute émue de me retrouver, elle me bichonne, me repasse doucement, me parfume et me glisse tendrement dans sa pochette ..
Je n’ai pas lavé le mouchoir dans lequel j’ai tant pleuré
Il a gardé le parfum du soir où tu nous as quitté
c’est trop beau tout ces textes qui vont venir les larmes aux yeux, nostalgie quand tu nous tiens
Petits objets , grandes valeurs
Pour la plupart, on les retrouve égarés
Dans un sac, une sacoche ou une musette
Quelquefois relégués au rang de gadgets
Mais moi je traînais au fond d’un vieux cartable d’écolier
Tout en cuir épais, tanné par les années
Et personne ne m’avait oublié
Surtout pas mémé …
– Louise, il est l’heure d’y aller, tu as tout emporté ?
– Bien sûr Ppa ! Buvard, trousse, règle millimétrée
Ce jour-là, Louise allait passer le certif
Ce jour-là, Louise avait le trac
Affirmatif !
La gorge nouée, l’estomac à l’envers, elle était dans ses petits souliers
Au petit-déjeuner, elle avait dû se forcer à avaler
Deux ridicules tartines avec un mini bol de lait.
La brosse avait survolé sa tignasse ébouriffée
Le gant à peine effleuré le bout de son nez
Sa tête était vide, où étaient passées ses pensées ?
– Louise, il est vraiment temps d’y aller
Son père s’est alors approché, elle se souvient encore de son odeur
Curieux mélange de vinasse et de sueur,
Et il lui a glissé dans le creux d’une main
Un petit objet métallique qu’elle a tout de suite étreint
Comme un vrai trésor
– C’est pour lui couper les ailes à ta peur
Et tout au long du chemin, elle a crié haut et fort
S’adressant uniquement aux oiseaux :
– Je n’ai plus peur, je n’ai plus peur !
En serrant bien fort la minuscule paire de ciseaux.
Mémé a réussi l’examen haut-la -main
Elle était fin prête à sourire à son destin.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac,
une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
J’avais bien mauvaise mine ! Épluché par des canines enragées, dévorer jusqu’à mi-hauteur par de tendres molaires toutes neuves, le bois de mon torse n’avait plus de couleur. Je gisais là depuis tant d’années que je désespérais de revoir, un jour, mon petit maitre.
Nous nous aimions pourtant, sans lui je ne servais à rien et sans moi, il ne valait pas grand-chose.
Il me roulait entre ses doigts tâchés d’encre violette et je prenais des marbrures de soie délicates.
Il me regardait longuement en scrutant le ciel au-delà des vitres sales. Parfois il me lâchait et baissait la tête en rougissant, je faisais le moins de bruit possible en touchant le sol carrelé, mais …
Mademoiselle Jeanne m’entendait malgré tout, son oreille exercée à repérer le moindre chuchotement suspect ne nous laissait aucune chance de passer inaperçu.
Mon petit maitre pourtant habile et discret, se glissait sous la table de bois et me ramassait très vite. Le temps de se redresser let a sanction tombait.
: Gérard !!!! Que faites-vous sous votre bureau ? Approchez-vous s’il vous plait !
(Le vouvoiement était la règle.)
Qu’avez-vous caché dans votre poche ?
Alors , il me sortait doucement et me posait sur le bureau ciré de « Mademoiselle »
Qu’est-ce ? Ce débris ordurier est-t-il votre outil d’écriture ?
Oui « Mademoiselle »
Vous êtes prié de venir en classe demain avec un crayon correct !
Oui « Mademoiselle »
Le soir même la maman de Gérard alla lui en acheter un en bois sombre, brillant et reluisant comme un meuble de style.
Et ne le mâchonne pas celui-là, il doit durer jusqu’aux grandes vacances.
Moi, le vieux débris malsain, je me retrouvais au fond de ce cartable oublié, jeté au fond du grenier. Ce matin Gérard à décidé de mettre de l’ordre dans toutes ses vieilleries.
Il allait jeter son vieil ami, ce cartable désuet devenu si obsolète, qu’il ne pouvait plus servir à rien, même pour y grouper de vieilles factures il ne pourrait plus les protéger convenablement.
Alors un repentir nostalgique le poussa à plonger sa main dans le tréfonds de mon être et il me trouva, moi, son vieux crayon noir. Il s’apprêtait à me faire subir le même sort que ce pauvre cartable, il se ravisa et me glissa dans la poche de sa veste. Le soir même je trônais sur son bureau, bien en évidence dans le pot à crayons au milieu des stylos bille, des markers multicolores, des stylos 4 couleurs.
Son petit-fils rentra de l’école et se mit aussitôt à l’ordinateur
Comme il cherchait une info il se mit à faire l’inventaire du pot à crayons. Ses yeux s’arrêtèrent sur moi.
C’est quoi ce truc pourri Papy ?
Ah, ça ! lui répondit Gérard, c’est mon crayon d’école, je l’ai retrouvé ce matin en rangeant le grenier.
Et tu écrivais avec ce machin dégueu ? Tu me le prête, je vais essayer, mais est-ce que je peux le tailler un peu ?
Depuis je reprends vie et Florian prends gout à l’écriture.
C’est si drôle de faire ses devoirs avec le vieux crayon d’école de Papy !
Et puis en classe personne n’en a un comme celui-là ! Avec d’aussi belles couleurs sur son bois usé et si doux à force d’être roulé entre les doigts, des heures durant. Surtout pendant les leçons d’histoire de France !
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années. Je trainais ma vieille carcasse. Un dur à cuir ! Inusable était ma première qualité, inoubliable la 2e. Je résistais aux années. Hier, Hugo cherchait un truc, ouvrit la vieille armoire héritée de ses parents. Il aperçut le vieux cartable. Il était là, posé, vide, un peu plat, déformé. Il ne prit pas garde. Il l’ouvrit et j’ai jaillis. Je lui ai sauté dessus. Surpris, les larmes ont coulé lentement. Il rapetissait.
Il devint tout petit et fragile, lui, le monsieur grand et fort. J’ai emballé le cuir marron, usé et l’odeur de vieux et en 3 secondes je l’ai ramené à ses 6 ans. La veille de la rentrée au CP, son père tout heureux lui avait offert son vieux cartable d’écolier. Le petit l’avait pris, fier et en même temps honteux. Il ne pourrait pas l’emporter à l’école, il ne pouvait pas dire à son père que ce cartable était démodé, que tout le monde se moquerait de lui. Le petit garçon ne dit rien, partit à l’école, cacha le vieux cartable en route…
Aujourd’hui, il pleurait. Il souffrait, regrettait… Je ne suis pas prêt de me perdre dans sa mémoire. Le laissant reprendre ses esprits, revenir dans son présent, je me blottis au fond du cartable.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette. Moi, je traînais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années, photographie oubliée, aussi abîmée que lui, aussi avachie que lui. J’ai eu mes heures de gloire… Je n’ai pas toujours été cette chose de papier sépia, jaunie et racornie. Celle qui m’a prise un soir de Noël n’est plus de ce monde depuis longtemps. Celui qui est représenté sur mon côté recto est un garçonnet au visage poupin brillant de santé.
Il doit être aujourd’hui un vieux monsieur. Qu’importe. En même temps que son image, enregistrée à l’aide de la lumière et de produits chimiques, c’est son âme et une grande part de ses rêves qui se sont imprimés.
Vous qui m’avez délogée de mon antre de cuir, ne sentez-vous pas une vibration cosmique courir entre vos doigts ? Fermez les yeux et écoutez-vous. Je vais vous parler à travers votre cœur. Je vais vous raconter l’histoire de ce petit garçon perdu dans l’immensité polaire après le crash de son avion dans le grand nord. Seul survivant, il n’aurait jamais dû s’en sortir. On ne résiste guère plus de quelques minutes par de telles températures sans abri, sans nourriture et affublé du désespoir le plus noir lorsque ses grands-parents, encore attachés à leurs sièges, fixent le ciel de leurs yeux grand ouverts, sourcils et cils blancs de givre.
Il n’avait pas eu la force de pleurer et avait attendu, que ses mains rougies par la froideur polaire deviennent aussi roides que celles de son aïeule. Le sommeil commençait à le gagner, enveloppant, salvateur, lorsqu’un son de grelot dans le lointain l’avait sorti de sa torpeur. Quoi de plus joyeux que des clochettes qui tintinnabulent ?
Il s’était redressé, étonné. Un Shiba Inu, petit chien japonais, était campé à quelques mètres de lui et le dévisageait de ses yeux triangulaires et bien écartés, amandes brunes dont l’éclat brillait sur la neige . Sa queue enroulée en forme de faucille fouettait l’air glacé. Il semblait attendre quelque chose.
L’enfant avait pris sur lui pour se relever alors qu’il entendait la voix de son grand-père lui chuchoter au creux de l’oreille « c’est bien, bonhomme, tu reprends du poil de la bête ».
Bravant le blizzard qui soulevait ses cheveux et martelait ses joues, il avait accompli les quelques pas qui le séparaient de l’animal.
Une surprise de taille avait récompensé cette heureuse initiative : en prolongement du Shiba Inu toujours immobile, un minuscule véhicule bas, muni de patins, était attelé à son poitrail.
Un chien de mini traîneau !
C’est alors que du dessous des fourrures de lapin nain disposées au fond de l’attelage,des petits êtres un à un, avaient immergé. Oh, ils n’étaient pas plus d’une dizaine et de devaient guère dépasser la quinzaine de centimètres. Ils s’exprimaient tous en même temps, en une langue inconnue comme si un conflit les divisait.
La suite, vous pouvez l’imaginez. Les créatures miniatures avaient casé comme elles avaient pu ce grand garçon de neuf ans qui, replié en position fœtale au fond du traîneau, n’avait pris guère de place. Une vingtaine de mains, minuscules mais vigoureuses, s’étaient employé à le réchauffer, le couvrant de leurs corps ténus ainsi que des épaisses peaux de bête tandis que le Shiba Inu volait à travers la banquise pour l’amener à bon port…
Sur ma face racornie, tant de fois triturée avant d’être oubliée au fond de ce cartable, on peut voir ce petit garçon se tenir au pied du sapin de Noël, le sourire élargi face à l’objectif de sa grand-mère.
Serré sur sa poitrine, le dernier album qu’elle vient de lui offrir, « l’île de Lilliput ».
trop beau , j’adore ce conte , merci
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac.
Le jour où on a vidé son sac, on a découvert l’affaire, la main, les nœuds, les puces, et plus d’un tour
Vu ce que je trimbale, il vaut mieux pour moi que je garde mon secret et que je continue à traîner au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Signée:Musette, arrière petite-fille de Muse, issue de la branche de la Grande Sacoche
Pour la plupart, on nous retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolière en cuir épais, tanné par les années.
Or, un matin, une main que je reconnaitrais entre mille, me déniche de ma cachette dans laquelle je me reposais depuis des lustres.
Telle « La Belle au bois dormant » sortant peu à peu de sa léthargie, je reprends mes esprits et, je me souviens de ma vie.
Toutes les semaines, j’étais noyé, balloté, secoué, suspendu en plein soleil en compagnie de mes congénères. Finalement, après avoir subi une torride mise à plat et maints et maints pliages, je pouvais me reposer quelques jours dans une armoire.
Je me souviens de ce jour où la petite Pat m’a extirpé de la poche de son tablier d’écolière pour essuyer, une fois de plus, ses joues inondées de larmes. Afin que sa maman ne la traite pas, une fois de plus, de pleurnicharde, la fillette m’enfouit au plus profond de son cartable. Bien entendu, ma perte lui valu d’être grondée, une fois de plus !
Saperlipopette ! Tout à mes souvenirs, je me retrouve dans une corbeille où, étonnamment, mes confrères ont disparu. Quelques jours plus tard, le supplice recommence comme au bon vieux temps.
Désormais, je poursuis ma torpeur au fin fond d’un tiroir et, je doute de la mansuétude de ma prochaine princesse charmante.
tellement émouvant , je vais vous emprunter votre mouchoir, je crois
Oh, excusez-moi
j’ai fait des fautes, je suis allée trop vite !
Henriette
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette. Moi, je trainais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
La famille, ou plutôt ce que depuis quelques jours allait devoir être reconstitué, adaptée, car ma sœur et moi nous sentions subitement vieillies, nous réalisions que nous étions désormais les personnes les plus âgées de ce qui avait été notre tribu, notre ancrage.
Cette maison devait être vidée et, tous nos souvenirs s’envoler, s’éparpiller chez les uns ou les autres, partagés, disséqués et pour une partie finir dans un dépôt-vente.
Nos « petits » étaient finalement les plus joyeux, car chaque objet leur rappeler une histoire différente de la nôtre, souvent même inconnue de nous.
— La tasse brun miel qui la prend ?
— Oh ! elle est pour Fred, il nous a assez gonflés avec son « brun-miel » quand il était petit et Mamy réservait toujours pour lui les bidules de cette couleur.
— Tant pis pour lui
— Le saladier aussi sera pour lui.
Les meubles furent vidés, ainsi que les armoires, les penderies, et tous les recoins de la maison.
Que de découvertes surprenantes n’avons-nous pas fait :
— Pourquoi Mamy cachait-elle des bouteilles d’huile dans le haut du placard de la chambre d’amis ? Et ces provisions de sucre ou de farine.
— Elles sont périmées !
— Elle a dû les oublier.
— C’est curieux cette manie qu’elle avait d’entasser des stocks alimentaire, alors qu’elle avait un supermarché à portée de pieds.
— Votre grand-mère a connu la guerre et les privations et cette peur de « manquer » ne l’a pas quitté.
Les meubles étaient démontés et répartis dans les véhicules loués pour l’occasion et chacun de nous allait se partager un petit bout d’autrefois, nous rappelant les rires et les joies, les petits bonheurs, quelques disputes aussi. Nos jeunes années étaient loin de cette maison, celles de nos enfants y étaient finalement plus présentes, plus récentes tout au moins, période d’euphorie lors des vacances scolaires.
La journée avait été bien remplie, il ne restait plus que la mansarde et la cave, réservées pour un prochain dimanche. Il fallait d’abord gérer le premier tri.
Retrouvailles lors du week-end de Pâques dans nos souvenirs.
Les jeunes avaient planté leurs tentes dans le jardin, il faisait beau et nous y avions prévu un dernier pique-nique.
Hélène et moi accompagnées de nos époux respectifs avions attaqués le grenier, les enfants se réservant la cave… où ils avaient tant joué, « leur salle de jeux » y était encore installée ainsi que la table ronde qu’ils avaient souvent essayé de « faire parler » en souhaitant la réponse d’une idole décédée, et même leur résultat du bac. Plus tard, certains y avaient aussi organisé des après-midi de poker avec leurs copains, dédaignant le Monopoly.
Les greniers aiment l’oubli, et sont le domaine de la poussière et des araignées.
On commença par passer l’aspirateur, car nos Atchoums répétés effrayèrent la vieille chouette, toujours là malgré son âge qui devait être avancé. Elle protesta, on la réveillait, quel toupet, ce n’était pas son heure !
— Qu’allons-nous faire de tout ce fourbi ?
— Je vous conseille, nous dit Pierre, de tout emporter à la décharge, sans chercher. Que comptez-vous trouver ?
— Oui renchérit François, tout est vieux ou cassé, regardez, ils ont même gardé et emballé soigneusement leurs tout premiers appareils ménagers !
— Tu te souviens du vieux casque-séchoir à cheveux rose et nos « mises en plis » !
— Le vieux moulin à café en bois, je le veux absolument ! Et le premier moulin Peugeot électrique orange… les assiettes à fleurs bleues toutes ébréchées, et la louche désargentée, et l’électrophone Tepaz, il y a peut-être aussi les disques !
— Il était à moi, c’était le cadeau du Brevet !
— Regarde, nos jouets !
— Tu as vu dans le berceau, maman y a installé sa poupée, Francette, qui nous faisait si peur lorsqu’elle couinait. Elle doit avoir de la valeur maintenant.
— Elle est laide et sale tout de même ! Je croyais qu’elle l’avait jetée.
L’inventaire fut long à faire, car chaque objet se rapportait à un souvenir de notre jeunesse. Ce réduit était l’antre de «notre enfance » à nous. Nos enfants avaient, eux, vidé la maison de « leur enfance », le grenier nous appartenait.
Chaque malle ou armoire qui couinaient nous ramenait à un moment précis. Le bureau d’écolier et le petit tableau noir, dommage, il n’y a plus de craies.
— Ah ! bravo, j’ai trouvé tes bulletins de notes !
— Donne-moi çà, ils ne te regardent pas, les tiens doivent être aussi quelques part.
— Tiens le vieux cartable en cuir de papa, où il rangeait ses souvenirs de l’Ecole de gendarmerie.
— Il m’avait promis de me le donner.
— Pourquoi est-il dans le grenier ? Il le gardait toujours dans le tiroir de son bureau !
On le vida. Quelques cahiers jaunis, notes écrites à l’encre violette pâlie.
— Il y a une lettre ?
« Pour José » était mentionné sur l’enveloppe.
— On l’ouvre ?
— Ne sommes-nous pas indiscrètes ?
— Il aurait pu la jeter, après tout il l’aurait déchirée s’il l’avait souhaité. Que peut-il y avoir à l’intérieur ?
Dans l’enveloppe un edelweiss fané et un petit mot à l’écriture enfantine :
Je t’aime
Germaine
— Oh! qui était Germaine ? On n’en avait jamais entendu parler !
Henriette
Bon week-end
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche ou une musette.
Moi, je traînais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les années.
Depuis quand je suis là ? Je ne sais pas, des jours, des semaines, des mois ? Vous savez, pour moi, le temps ne passe pas de la même façon que pour vous. Mon maître disait toujours que le temps passe à une vitesse très labile. Elle est vertigineuse quand on est heureux, ou au contraire nonchalante dès que notre horizon s’embrume. Mon maître était un chic type mais il est parti pour toujours. Il me l’avait dit un soir du mois d’octobre. Ses mouvements trahissaient sa lassitude. Il avait cessé de se battre ; il avait gagné quelques batailles certes mais « J’ai perdu la guerre ! » avait il écrit ce fameux soir.
Les quelques lignes qui avaient suivi étaient pour moi. Il me consolait. Il me promettait qu’un jour ou l’autre d’autres doigts, plus vigoureux et même plus habiles, entraîneraient à leur tour dans une valse effrénée. Ils me feraient faire des pas vers l’avant, vers l’arrière, vers le haut, vers le bas. Ils pourraient même me faire pivoter de temps à autre, ou me faire sautiller sur place, dans l’attente d’une idée qui tarde à venir. Fais attention, me disait-il, à ne pas tomber dans les pommes, car ils auront besoin de toute ton adresse quand ces doigts deviendront fiévreux et voudront accoucher rapidement d’une pensée avant qu’elle ne galope vers d’autres sentiers.
Des pensées, il en avait mon maître ! Elles nous faisaient voyager sur des chemins parfois pénibles et tortueux. Nous en sortions toujours encore plus forts, encore plus décidés à ne fléchir devant aucun tabou, aucun préjugé. C’était le bon vieux temps. Le temps où les Hommes vivaient pour leurs idées.
Mon maître m’aimait autant que je l’aimais. Il me taillait délicatement pour ne pas me briser. J’étais son préféré. Il disait que les faux pas qu’il lui arrivait de faire avec moi étaient facile à effacer. Un simple coup de gomme et on ne voyait plus rien. Ce qui n’était pas le cas pour toutes ces vieilles erreurs qui le torturaient sans cesse et dont il n’arrivait pas à se soulager même avec mon aide. Il appelait ça les regrets. Moi aussi j’ai des regrets. Je regrette toutes les fois où ma mine n’avait pas pu résister à la fougue qui animait subitement ses doigts, ou quand pour jouer un peu, je tombais pour ensuite rouler très loin sous le lit, ou quand pour le taquiner, je me glissais sous la pile de feuilles désordonnées.
Vous savez, je ne suis que de bois et de mine, mais j’ai une âme. J’ai aussi un cœur et mon maître me manque, même si on disait de lui qu’il était renfermé, taciturne, cartésien ! Personne ne le connaissait autant que moi. J’ai partagé avec lui tous ses moments de solitude. Il se confiait à moi comme à un ami. Il me racontait ses souvenirs, en particulier ceux de son enfance. J’étais toujours le premier à vivre avec lui ses joies, ses peines, ses colères et ses déceptions.
Je fais confiance à mon maître et je sais qu’il a souvent raison. Maintenant, j’attends patiemment que ses prédictions s’accomplissent, pour retrouver un peu de lui dans une autre main.
Attendez ! Ça bouge ou c’est mon imagination ?
– « Maman ! Maman ! J’ai retrouvé le vieux cartable de Azizi* ! »
– « Il y a quoi dedans ? »
– « Rien ! Ah, non ! Regarde son crayon que j’aimais tant. »
– « Il n’a pas eu l’occasion de te le donner avant de nous quitter. Il est à toi maintenant. Fais-en bon usage mon fils. »
– « Il sera mon nouvel ami, mon meilleur ami. »
*Azizi est l’équivalent de papy en Tunisie. Il signifie « mon cher »
un tout petit sac noir portant un lien en ruban rouge. Celui-ci a changé de sac en permanence tout au long de ma longue vie, je l’emmenai partout avec moi, il ne me quittait jamais…
Ce petit sac contenait mon meilleur ami, il savait exactement qui j’étais, ce que je ressentais, où je me trouvais et même parfois c’est lui qui m’apportait les solutions, qui trouvait mon chemin lorsque je m’égarais.
Parfois, je sortais de la voie qui m’était tracée, en tous les cas celle que je croyais mienne, car comment savoir où se trouve notre route en permanence, sans avoir la sensation de se perdre parfois, de se demander pour quelle raison on est là, pourquoi on va par là, plutôt qu’ailleurs ?
A ces questionnements permanents, la chose qui se cachait, se blottissait au fond de mon cartable pouvait répondre, mais parfois je ne l’écoutais pas, je n’en faisais qu’à ma tête, même si je savais que la lumière que je suivais au loin était plutôt pâle et ne me laissait pas entrevoir avec clarté la suite des évènements.
Je fonçais tête baissée, sachant pertinemment que je me dirigeais vers un brouillard épais, indécelable qui me troublait intensément.
J’avançais pas à pas, avec une hésitation profonde, mais une curiosité plus importante qui me poussait à continuer malgré mes ressentiments. Le chemin me semblait long et flou, mais j’avais décidé de poursuivre jusqu’à traverser cette immense épaisseur qui semblait me barrer la route.
Une fois devant, je fermais les yeux, je pris une grande respiration et la main posée sur mon sac, le serrant très fort contre moi comme si un trésor y était caché, je pris mon courage à deux mains et je fis le pas suprême qui allait déterminer tout le reste de ma vie.
Le courage de passer de l’autre côté, d’aller explorer l’inconnu coûte que coûte me ravit, même le cœur serré j’avais un sentiment de liberté, celle d’avoir choisi, d’avoir osé dépasser mes peurs.
Mon cœur battait à tout rompre, mais j’avais résisté à sortir de son antre mon petit ami, le savoir prêt de moi me rassurait même si je décidais de ne pas l’utiliser.
Certains pouvaient le considérer comme un porte bonheur, une amulette, pour moi il était le joyau tant inespéré, sa couleur était ma préféré, ce violet doux et intense à la fois, celle couleur que la nature laisse paraître seulement dans les champs au printemps lorsque des tapis de violettes se mêlent aux pâquerettes et que je prends le temps de m’allonger au milieu d’elles en regardant le ciel et les nuages qui le parcourent. Dans ces moments là, mon âme s’apaise et se met à imaginer à quoi ressemblent toutes ces grosses masses blanches ou grises remplies d’humidité au dessus de ma tête.
Je regarde la cime des arbres, me concentrant sur la dimension que représente leur aura et je leur parle doucement dans ma tête.
Inutile que je prononce le moindre mot puisque la nature n’a nullement besoin des mots. Seuls les ressentis, seules nos pensées lui suffise à savoir qui nous sommes et ce qu’elle peut nous apporter de bon et de réconfortant.
Ces moments vécus auprès d’elle, en son cœur même m’apaisaient, me ressourçaient et me donner la force de continuer.
Parfois certains éléments pouvaient barrer ma route, mais l’important était de se sentir léger, porté par cette énergie universelle qui vous informe que tout est possible, que rien n’est insurmontable. Une solution existe à chaque épreuve, il suffit de s’abandonner pour la trouver. Et lorsque j’avais un doute, je sortais mon joyau magique qui répondait à merveille à mes questions, qui me guidait sans arrière pensée car contrairement aux conseils d’un être humain, il n’en attendait rien en échange sinon ma sincère fidélité, mon amour incommensurable et tous les efforts que je faisais à ne pas le perdre, à ne jamais l’oublier au fond d’un sac lorsque je décidais d’en changer ou de ne pas en prendre. Dans de telles circonstances, j’avais toujours sur moi une petite poche ou une épingle pour l’accrocher au revers de mes vêtements.
Il était important pour lui comme pour moi que nous ne nous quittions jamais. Plus il m’accompagnait, plus il devenait précieux, plus il se chargeait de qui j’étais et plus il m’éclairait sur ma vérité profonde.
Il répondait parfois avec peine, parfois avec violence à tous mes questionnements sans jamais rechigner, il était à la fois, mon guide, mon frère, mon compagnon, il avait parfois la douceur réconfortante d’une mère, il était en réalité mon seul maitre.
Seul ce petit objet pouvait combler tous mes manques et de nombreuses occasions me permettait de le mettre a contribution.
Il mesurait environ 4 cm et de forme allongée, ciselé à certains endroits, il était magnifique, lumineux et brillait même parfois lorsqu’il était heureux du parcours déjà effectué. L’essentiel pour lui était que j’avance, sans jamais me retourner, tirer partie de mes erreurs mais en ouvrant en permanence les yeux vers un avenir meilleur, vers ce qu’il y avait de plus beau au plus profond de moi et qui chaque jour devait émerger un peu plus.
Parfois nous avions le plaisir de rencontrer d’autres êtres, les animaux de la forêt souvent nous accompagnaient en chemin, jusqu’à la limite de leur territoire, parfois nous ne les voyions pas vraiment, mais nous les sentions, les entendions et les suivions du coin de l’œil. Car ne sachant pas toujours qui ils étaient, nous pourrions être menacés et il était important d’être vigilant.
Un soir, arrivant non loin d’une forêt très dense, peuplée de grands chênes, de hêtres, de châtaigniers et bien d’autres encore, éreintée par ma longue course, je m’assoupis dans le creux des racines d’un chêne, j’avais le sentiment que celui-ci m’attendait, qu’il me tendait les bras en me disant, viens mon enfant, mes feuilles mortes feront pour toi un tapis moelleux, mes racines t’enlaceront et te réconforteront comme si tu étais un nourrisson.
J’étais surprise, étonnée, car j’entendais ce que cet arbre me disait et j’obéissais lentement, rassurée par ses paroles. J’avais l’illusion qu’il se penchait vers moi pour me susurrer à l’oreille tous ses bons conseils. Je m’endormais tranquillement sachant que mes rêves seraient doux et qu’à mon réveil je serais revitalisée de toute cette énergie magique qui m’envahissait.
Cette immense forêt qui aurait pu me terrifier avec toutes ses ombres sous le soleil couchant, n’avait plus d’emprise sur moi, je me sentais à l’abri tout en sentant cette multitude de regards posés sur moi. Les bruits qui me questionnaient devenaient légers, j’avais confiance et je m’abandonnais. J’avais sortis de ma sacoche mon petit sac noir enrubanné de rouge, je défis son lien et laissais glisser dans ma main la chaînette argentée au bout de laquelle était accroché mon joyau violet.
Mon grand père me l’avait offert au bord de la rivière le jour de mes 7 ans, en m’expliquant que partout où il m’accompagnerait, il m’aiderait à trouver la voie qui me conduirait à la raison profonde de mon existence. Il l’avait également aidé toutes ces longues années à dépasser ses peurs et à devenir l’être qu’il était avant de quitter notre monde.
Il me raconta que son grand-père lui avait confié également le jour de ses 7 ans, lui disant qu’il avait désormais l’âge où nous entrons dans le monde des vivants en toute conscience et que nous avions un rôle prépondérant en découvrant toute la sagesse que l’on est apte à découvrir en notre cœur, en la distribuant autour de nous sans rien attendre en retour, en acceptant nos peurs, nos doutes, nos erreurs, toutes ces émotions dont nous sommes envahis chaque jour.
Depuis, il ne l’avait jamais quitté et avait promis à son grand-père qu’il en ferait autant avec l’élu de ses petits enfants, qui en ferait autant plus tard avec le plus jeune de ses petits enfants.
Il s’en était servi à chaque instant difficile, que ce soit pour lui ou pour les gens qui venaient le voir si souvent afin de lui confier leurs maux et tous ces mots qui les faisaient souffrir.
Mon grand-père en fit autant et ce fut à mon tour désormais d’aider mon prochain et d’employer ce merveilleux pendule égyptien taillé dans la plus belle améthyste qu’il m’est été donné de voir. J’en pris soin toutes ses longues années, il était devenu mon inséparable compagnon. Depuis peu, je suis devenue grand-mère et j’attends ce moment magique où à mon tour je pourrais livrer à l’un de mes petits enfants le doux fardeau de l’existence, ce long chemin vers la compréhension de l’amour de soi et des autres.
Pour la plupart, on les retrouve dans un sac, une sacoche, une musette.
Moi je traînais au fond d’un vieux cartable d’écolier en cuir épais, tanné par les
années.
C’est un certain Paul qui dégota le cartable sur une brocante. On l’avait
descendu du grenier, même pas dépoussiéré, laissé dans son jus, comme on
dit, heureusement sec, voire bien craquelé. Juste une tache plus sombre près
du fil usé d’un trou naissant, en bas.
Paul se souvenait d’avoir possédé un cartable presque identique, peut être plus
proche du carton bouilli que de la peau de bovin. Mais le souvenir embellit tout,
même la pire des guerres.
Paul nettoya soigneusement l’extérieur. Il utilisa un fond de graisse de phoque,
malaxa la peau jusqu’à obtenir une souplesse naturelle.
Il astiqua les ferrures. Ca brillait comme un matin de printemps, juste quand les
oiseaux mâles dans les flaques admirent leur plus beau costume.
Puis Paul explora l’intérieur. Il en sortit deux morceaux de paille, le caoutchouc
d’une fronde, un bon point écorné.
Tout au fond, il repéra la petite masse dure et sale. Il tenta à coup d’opinel de
la décoller mais ça ne bougeait pas. Ca faisait corps, comme une verrue sur un
pied, un bouton d’acné sur le nez.
Il posa le cartable sur la chaise, fixa la trace. Les souvenirs remontaient
tranquilles, comme une marée calme.
Lui aussi, à une époque avait mastiqué ce drôle de bonbon offert par un soldat
bizarre, tout sourire, comme si tous les matins, il suffisait de rhabiller les morts
pour que la guerre soit finie.
Mâcher fatigue, surtout après les privations. Il avait sorti la pâte sans goût
maintenant, pensa la laisser tomber mais elle lui collait au creux de la main.
De toute façon, c’était un cadeau et ça ne se fait pas de jeter les cadeaux.
Il la fourra donc au fond de son cartable, sans but précis.
Si ce n’était de rappeler à un autre petit « Paul » qu’ils étaient au moins deux, ce
jour là à garder un souvenir collant de la Libération.
Bonjour
Encore une fois vous parvenez sans aucune difficulté à titiller notre amour pour l’écriture
J’ai hâte de me livrer à cet excitant exercice
Mille mercis