L’adjectif indispensable

l'adjectif indispensable selon la phraseLa plupart des écrits que je reçois sont en surpoids.
Leur obésité est souvent due à un excès d’adjectifs dans le corps du texte.
Ce type d’obésité est rébarbatif pour les comités de lecture. Il faut s’en souvenir.

Alors une fois votre premier jet écrit, mettez-le au régime.
Supprimez tous les adjectifs. Oui, tous les adjectifs, sans aucune exception.
Puis, débrouillez-vous pour reconstruire les phrases amputées de leurs adjectifs de façon à ce que votre texte reste cohérent.
Quand cet ajustement est effectué, relisez votre texte.
Vous vous rendrez compte qu’il est beaucoup plus riche en verbes.

« Le nom reste où il est, le verbe marche. Le nom est un lieu, le verbe voyage. » Michel Volkovitch

Les verbes offrent de nombreux avantages.
Ils sont dynamiques, surtout à l’actif.
Ils sont expressifs et produisent des images.
Ils sont moins nombreux – environ 10 000 – que les noms communs – environ 700 000 *-  donc plus connus connus
et faciles à lire et à comprendre.
Cela dit, veillez à ne pas abuser de verbes passe-partout : avoir, être, faire, mettre, dire, etc.

Une fois votre texte mis au régime verbe, écoutez-le.
Lisez-le à haute voix et, en vous fiant à votre instinct, réintroduisez un adjectif indispensable dans les phrases
qui l’exigent.

Qu’est-ce qu’un adjectif indispensable ?

C’est un adjectif qui apporte une information.
Exemple : « Ce mur est blanc » aucun doute, il n’est ni gris, ni jaune.

C’est un adjectif qui permet de remplacer une phrase.
Exemples : « une richesse insolente », « un geste prolétaire », « un blond effronté »
Comme vous le constatez, dans trois ces exemples, l’adjectif suggère tout.
Nul besoin d’explications, ou de détails, le lecteur imagine facilement.

Dans la description d’un personnage ou d’une situation, la plupart des débutants emploient des « adjectifs visuels ».
Pensez aux adjectifs se rapportant à d’autres sens, à la morale, à l’intelligence, à la sociologie, etc.

Bonne écriture et à bientôt.

Donnez votre avis, ce blog est créé pour ça.

* Retenez que la plupart des Français utilisent moins de 5 000 mots pour s’exprimer…

13 réponses

  1. Clémence dit :

    C’est surprenant ce qu’une lecture en veillée (en l’occurrence « L’adjectif indispensable » et ses commentaires) peut provoquer lors du sommeil!
    Et pour cause ! Un délire littéraire s’est invité à la table de mon petit déjeuner.

    Je vous explique, mais laissez-moi le temps de choisir dans ma collection, le stylo plume qui relatera au mieux mes cogitations. Celui-ci, en laque bleue à plume d’or, au grand réservoir conviendra bien pour contenir tous les adages sur le sujet. Mais, il n’en laissera passer que deux :
    – il faut savoir raison garder
    – le meilleur est l’ennemi du bien.
    Ceci s’appliquant bien sûr au bon usage de l’adjectif !

    Certains bibliophages m’étonnent, me surprennent, suscitent ma curiosité par leur avidité et leur plaisir de caviarder, d’engloutir une description, d’avaler un paragraphe ou un chapitre, de broyer le contenu pour n’en garder que le suc de la chute…
    Je suis bibliophage, mais je cultive le culte de la lenteur, de la paresse et de la jouissance. J’aime me laisser glisser dans les méandres littéraires de l’auteur, me délectant des raccourcis pétillants, des coquilles éblouissantes, des associations incongrues tout autant que des longueurs moelleuses !
    Je me surprends à lire à voix haute dans ma tête, avec les intonations et parfois même les accents.
    Je me plais à relire plusieurs fois une phrase qui sonne bien.
    Je suspends aussi ma lecture pour m’installer sans vergogne au sein d’un dialogue musclé qui me glisse à l’oreille que je ne suis pas la seule à qui…
    Je me glisse dans un hamac, au milieu d’un paysage idyllique et le temps suspend son vol, je me re-crée…(Oui je sais, cela en fait, des clichés ! Mais, de temps à autres, c’est un plaisir gourmand auquel je ne peux résister!)

    Revenons aux adjectifs ! Surnuméraires, ils peuvent être un fardeau effectivement, d’où, les deux adages repris ci-dessus.
    En revanche, la place de l’adjectif peut réserver quelques surprises ! Je me souviens ainsi d’un exercice de grammaire qui m’avais bien fait sécher sur mon banc d’école primaire.
    Imaginez un instant comment l’adjectif placé avant ou après un nom peut en transformer le sens !
    Un grand homme ou un homme grand…Pas pareil !
    Continuez cet exercice avec les duos «femme-pauvre », « enfant-curieux », « repas-maigre », « message-nouveau » et le non moins espiègle duo « lapin-chaud »

    Trêve de plaisanteries et de rêveries….peu importe le flacon, pourvu qu’on aie l’ivresse…

    Ainsi donc, mon plus grand ravissement a pour objet vingt-six lettres pesant une plume au creux de ma main.
    Vingt-six lettres ouvertes au monde et qui m’en permettent la découverte sensorielle : je le vois, je l’entends, je le goûte, je le touche, je le sens, avec, en prime, l’arc-en-ciel des couleurs des nuances que apportent les adjectifs.
    Je ne résiste pas, j’y ajoute une pincée d’émotions et je saupoudre de sentiments. Le bouquet final, feu d’artifice de vingt-six lettres : elles donnent à tout un chacun, le pouvoir de parler, écouter, lire et écrire !

  2. Fanny dit :

    Je comprends votre douleur, votre colère et mon cœur saigne à l’unisson du vôtre chère Waryam. Il n’existe pas d’adjectifs assez forts pour qualifier ces plaies de l’humanité qui s’infectent jusqu’à la gangrène. Qui aura le courage d’amputer ces agents infectieux ? Si ça ne vous dérange pas, j’aimerais vous faire part en privé d’un extrait sur un site dont je suis adhérente et vous demander votre avis sur sa pertinence. dumondf@hotmail.fr. Amicalement. Fanny

  3. waryam dit :

    Après le lâche attentat du Mercredi 18 Mars 2015 au Bardo, ce cocon abritant 3000 ans d’histoire, je suis affamée et assoiffée d’adjectifs. J’en cherche pour décrire ceux qui ont violé mon pays et qui en violeront d’autres; ceux qui s’attaquent à des innocents désarmés et à des enfants; ceux qui s’attaquent à l’histoire de l’humanité. Je veux trouver cet adjectif indispensable qui peut décrire cette horde de barbares sauvages, enragés, endiablés et déshumanisés, qu’on appelle terroristes.

  4. Perrat Pascal dit :

    Régime de printemps pour écrire svelte sur des pages en papier flotté

  5. Françoise - Gare du Nord dit :

    Après la chasse aux adverbes, la guerre est déclarée aux adjectifs. En ces temps de vaches maigres, la littérature française est-elle condamnée elle aussi au régime ?

    Verrons-nous la suppression
    – des verbes hauts,
    – des sujets d’élite,
    – des accents toniques,
    – des phrases complexes,
    – des pronoms trop démonstratifs,
    – des radicaux trop libres,
    – des attributs virils,
    – des mots savants ?

    Devrons-nous alors nous contenter d’articles au rabais, de lettres minuscules, de participes dépassés, d’accords à l’imparfait, de mauvais genres, de propositions trop honnêtes, de phrases boiteuses, de faux-amis et de etc… ?

  6. Christine dit :

    Bonjour à tous,

    C’est vrai qu’un texte composé de longues phrases ponctuées de nombreux adjectifs décoratifs peut être lourd à digérer. Je trouve, moi aussi, l’écriture de Salman Rushdie particulière, mais une fois habituée, il pique ma curiosité. Je crois que le style qu’on donne à un écrit dépend de l’intention qu’on y met et de l’ambiance qu’on veut installer.

    Heureusement, nous sommes tous différents à bien des égards et aussi en matière de goût littéraire. C’est ce qui permet une grande variété dans les choix de lecture et donne la chance à des auteurs de tous les styles.

    Personnellement, je suis assez sensible à la musique des mots et au rythme des phrases.

    Il m’arrive d’ajouter un adjectif qui peut paraître superflu, juste pour balancer la cadence de ma phrase… ou pour le plaisir gourmand! (Je rejoins Marie-José là-dessus et j’aime aussi partager mon chocolat et mon fromage!)

    Par exemple, « l’odeur des pains », ça veut dire ce que ça veut dire! Ça pourrait suffire! « L’odeur des pains sortant du four », déjà, c’est mieux! Mais « l’odeur croustillante des pains », même si on n’a jamais vu une odeur croustiller, même si l’adjectif n’est pas justifié, j’aime ça! Pour la musique des mots, pour la gaité que cet ajout apporte à l’ensemble, et aussi, quand je prononce « croustillante », je « visualise » l’odeur et je me régale déjà! C’est peut-être mon côté gourmand, chocolat et fromage, qui ressort!! 😉

  7. Fanny dit :

    Bonsoir Pascal,
    Je vous rejoins totalement sur cet article pertinent. Éviter les adjectif s’appelle la concision.
    Je n’aime pas lire sur un écran et, lorsque je vois s’afficher des textes longs et sans sauts de paragraphe eh bien, ça me rebute.
    Nous ne sommes plus au temps de ces écrivains rémunérés à la ligne et qui s’en donnaient à cœur joie tel Zola (j’ai lu en diagonale sa description du ventre du Paris) ou encore Salman Rushdie qui décrit une armoire durant trois pages ! Pour le coup, j’aurais pu la fabriquer les yeux fermés sa fameuse armoire (tenons et mortaises n’ont plus de secret pour moi). Je vous avouerais que ce livre m’a échappé des mains comme bien d’autres, d’ailleurs ! Par contre, j’apprécie l’œuvre de G. Simenon qui évitait au maximum les adjectifs et les adverbes.
    Quant à la description des personnages, je suis de votre avis. De suite je me les imagine et nul besoin d’une description détaillée que je ne retiens pas. Dans l’une de mes « petites écritures » j’évoque un homme et, au fur et à mesure, je donne quelques petites indications comme « S’il lui en restait, il s’arracherait les cheveux ». Son comportement, ses réflexions… font comprendre sa profondeur, son humanité, ses défauts…
    Il faut dire que je suis une boulimique de lecture et si les mots faisaient grossir, je serais plus énorme qu’une baleine. Ayant souffert d’une interdiction de lire durant mon enfance, je lisais en cachette et dévorais à toute vitesse les livres que me prêtaient des copines. D’où, peut-être, mon impatience d’entrer dans le vif du sujet. En outre, étant assistante de direction, j’ai appris à faire des courriers concis.
    Pour contrebalancer, je comprends les avis précédents. Ce n’est pas évident de changer nos petites manies. Si on me demandait d’écrire pour faire de l’encre, j’en serais incapable.
    Finalement, il en faut pour tous les goûts et pour toutes les couleurs.
    Bonne continuation à tous et un grand merci à vous, Pascal.
    Fanny

    • Pascal Perrat dit :

      Nous sommes sur la même longueur d’onde, Fanny.
      Une épithète doit ajouter une idée au mot qu’elle qualifie, augmenter l’énergie de sa signification.
      Sinon, elle ne sert à rien, elle alourdit.

  8. Sabine dit :

    J’enregistres des livres audios dits de « grands auteurs ». Et bien essayez de lire à voix haute ces phrases où une tripotée d’adjectifs se succèdent…toutes les deux pages! Vous irez très vite rayer ceux que contient votre texte!

  9. Sylvie dit :

    Merci, Pascal, pour ces précieux conseils. C’est vrai que l’excès d’adjectifs est souvent pesant et qu’il faut bien les choisir. Mais tout dépend peut-être du style et du but recherché. Personnellement, je me refuse à faire de l’écriture simplifiée sous prétexte que la plupart des Français n’utiliseraient que 5 000 mots ou moins. Et tant pis si je ne suis jamais publiée. Tout le monde n’écrit pas pour être lu par le plus grand nombre et dans un but purement lucratif. On peut écrire aussi pour le plaisir, le plaisir de laisser aller son imagination, de jouer avec les mots, de chercher ou redécouvrir des expressions ou des mots rares et précieux.

    • Perrat Pascal dit :

      Je suis d’accord avec vous Sylvie. Dans cet article, je veux simplement dire qu’un adjectif doit avoir une fonction, une visée, et non un effet décoratif. Ecrire  » La vraie vérité  » ou  » succès complet « , par exemple, montre tout de suite les limites de l’auteur.
      Au début de leur liaison, Musset corrigeait les manuscrits de Georges Sand en supprimant trois adjectifs sur quatre.

  10. Marie-José Leclercq dit :

    Bonjour à tous,

    Pour ma part, je rapproche l’adjectif du chocolat ou du fromage : ça fait peut-être grossir, mais qu’est-ce que c’est bon ! J’assume ma surcharge pondérale et me refuse à supprimer ces nutriments, du moins en totalité… et définitivement.

    Certes, Clémenceau a dit : « Dans vos phrases n’utilisez qu’un sujet, un verbe et un complément direct. Quand vous aurez besoin d’un adjectif, venez me trouver ».

    Mais l’adjectif est aussi une touche de lumière, de précision, de clarté. Et de poésie aussi : que serait un poème sans adjectifs ?

    Je retiens le conseil pour les comités de lecture, si tant est qu’un jour j’en sollicite un… Mais pour les autres destinataires (parents, amis, relations, lecteurs de blogs, collaborateurs et hiérarchiques), j’offre volontiers mon chocolat et mon fromage !

    Pour le clin d’œil, voici une citation de Bernard Pivot : « Vieillir, c’est chiant. J’aurais pu dire : vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c’est déprimant, c’est mortel. Mais j’ai préféré chiant parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste ». (Les mots de ma vie)

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