Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée…
20 mars 2015.*
Première énigme : qui suis-je à vouloir me coucher sur une feuille ?
Deuxième énigme : suis-je capable de me coucher tout seul sur une feuille , sans aucun intermédiaire?
Pour résoudre ces deux énigmes, il va falloir que je me mette au travail, mais avant, il me faut laisser vagabonder mon imagination. Et puis, tout d’un coup….ce sera l’enchantement !
Ça y est, j’ai trouvé le mot , c’est déjà ça !!
Exceptionnellement, c’est à la terrasse de mon bistrot préféré que je m’installe en ces premiers jours de printemps pour chercher … une feuille….
Ah, en voilà une qui passe. Elle est vêtue d’un ensemble (jupe et veste) de taffetas gris clair, les chaussures à talons sont assorties. Une longue écharpe, une paire de gants et un sac Kelly complètent sa tenue. Elle, elle ne sourit pas du tout, ces yeux sont gris acier… à vous glacer les sangs ! Ses oreilles sont piquées de petites perles grises. Non, et non, ce n’est pas dans cette feuille que j’irai prendre place….
Une autre la croise. Quel contraste ! Des espadrilles au talon écrasé, une saharienne en lambeau, un pantalon de lin beige tout chiffonné, ils ont peut-être voyagé trop longtemps en voiture ou en train… Il doit rester un trop plein d’amertume car le visage qui va avec cet accoutrement est tout chafouin comme si tous les malheurs du monde lui étaient tombé dessus. Je suis sûre que c’est une feuille peu encline à recevoir , encore moins à donner, tant elle semble froissée… je passe….
Il y a du monde aujourd’hui ! Et qui se pointe ? Madâââme, qui ne cesse de remettre une mèche de cheveux en place, de tirer sur son pull, de rentrer son ventre, de vérifier si ses papiers, ses clés et toutes ses petites affaires sont bien en place dans son sac…Aucune ouverture pour écrire (et encore moins lire) entre les lignes, ou plutôt, si, il faut les suivre à la lettre, ce qui ne fait pas mon affaire !
Et qui est cette petite donzelle, toute de noir vêtue, aux yeux charbonneux, suivie de quelques cinq ou six galants qui ne la quittent pas, prêts à combler ses moindres caprices : « je veux ci, je veux ça, comme ci et pas comme ça… et tu, et tu… » Et, chacun le sait, le « tu » tue alors, ne pas s’attendre à un échange de petit bout de soi….Je passe encore mon tour…
Bizarre. Aujourd’hui, les feuilles semblent n’avoir que des défauts ! Suis-je trop exigeant pour « mon mot » ? Le vent tourne…
Mince alors, on dirait la reine de l’ingéniosité … un crayon pour retenir ses longs cheveux, un sac furoshiki, un jean’s déchiré devenu short à franges, des sandales de moine customisées avec des trombones et des boucles d’oreilles en graines, tellement longues et lourdes qu’elles font office de collier…le pavillon doit en être rétréci !
C’est le printemps et voici la jeune fille en fleurs, petite robe Liberty, sandales à grosse semelles de liège qui absorbent tout, le bruits et les petits cailloux, ses feuilles, masquées par de longs cheveux blonds (comme les blé, je sais, cela fait cliché!)…ça commence à me plaire…
Un vrai défilé vous dis-je… toutes sortes de feuilles…mais toujours pas celle qui fera mon bonheur ! Et pourtant, j’y crois….
Petite poupée toute rose, les yeux au ras du sol, que tu es timide ma belle ! Si tu continues ainsi, tu ne sauras même plus de quoi est fait le soleil et tu ne sera pas capable de dessiner les nuages sur ton bristol, dommage…
Inouï… inoubliable, voilà LA feuille que je cherchais, douce et nacrée comme un coquillage… je me lève, j’ose aller vers elle et audacieusement, je me couche …. je murmure « amour » au creux de son oreille.
PS : comme c’est la semaine de la langue française, j’ai désespérément essayé de ne pas écrire argotique.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, les lignes lui donnaient le vertige et les carreaux la claustrophobie.
Il partit en Egypte essayer le papyrus, mais celui-ci trop fragile, le mot risquait de disparaître puisque le défaut de ce genre de papier était de boire l’encre. Donc, écarté le papyrus ! Il continua sa quête et pensa essayer les tablettes nabatéennes, mais il ne trouva plus personne pour utiliser les calames.
Le mot pensa remettre chacune de ses lettres dans l’abécédaire et abandonner.
Il commençait à les ranger quand :
– J’ai trouvé, se dit-il, je vais me coucher sur du vélin, le nec plus ultra du parchemin. Voilà un matériau noble sur lequel on couche des documents précieux comme les copies de la Torah, les enluminures ou encore des imprimés de luxe qui par leur intensité spirituelle ou leur grande valeur ont besoin de qualité.
Le mot se mit à la recherche de ce support qu’il pensa digne de lui : blancheur, douceur, finesse, rareté. Il apprit qu’il trouverait un artisan-parcheminier à Pergame* en Turquie. Plus que jamais décidé à ne s’allonger que sur un médium d’écriture qui le méritât, il s’en alla vers ce lointain pays.
L’artisan l’accueillit chaleureusement. Il souleva son fez rouge d’où dépassaient quelques cheveux grisonnants comme sa moustache, puis se pencha en avant, la main sur le coeur. Après un échange de sourires, ils se rendirent compte que leurs langues respectives ne leur permettaient pas de communiquer. Bref, avec patience le mot lui expliqua qu’il voulait une feuille de parchemin mais lorsqu’il comprit que le vélin ne se façonnait qu’à partir de veau mort-né, il quitta l’atelier poliment.
-Ça non quand même !
Ce nouvel échec rendit notre mot très malheureux. Avec tristesse il se préparait à se désagréger, et à ranger pour toujours ses lettres disparates dans l’abécédaire.
Puis une nouvelle idée, sans doute la dernière car, si elle ne menait à rien encore une fois, c’était décidé il abandonnerait.
En ce début d’été, le ciel avait pris une couleur azurite clair sans une tache de nuage, comme on le rêve pour un mariage en plein air.
Ces recherches infructueuses donnèrent une certaine humilité au mot. L’immortalité n’était plus sa priorité.
Il se coucha tout contre l’immensité bleue et l’on pu voir, de toute la terre, en fumée blanche s’étirer le mot: « amour ».
*C’est du nom de la ville de Pergame (aujourd’hui Bergama) en Turquie que vient le mot « parchemin ».
La feuille de chiffon était à son goût inadaptée à ce qu’il représentait, continuant son voyage, il trouvât la feuille de buvard mais ses lettres s’étalaient tels de vieux pâtés, continuant son périple la feuille de riz qui était comestible n’allait pas non plus, il aurait pu disparaître a tout jamais et cela n’est pas souhaitable. Il tomba un jour sur la feuille d´Arménie et posa une option… pour le cas où…
Dans ses recherches la feuille de maïs ne lui convint pas non plus, à son goût trop d’utilisation et il estimait valoir beaucoup mieux. Il ne pouvait pas s’installer confortablement sur les feuilles de velours et la feuille de musique proposait beaucoup de place ! Il oubliât d’office la feuille de dessin car on ne pouvait le représenté.
Cette recherche était usante il tomba sur une feuille collante et se débâtit comme un forcené avant de pouvoir le lâcher pour tomber sur une feuille de carbone mais là impossible non plus de rester on ne pouvait le dupliquer… il était rare c’est vrai quoi ! Téléporté sur une feuille de machine il refusât purement et simplement de se dévoilé il fut donc remercié et heureux de tomber sur la feuille dorée, mais que lui apportait cette dorure si personne ne le connaissait. Il se sut comment il arriva sur le feuille tue-mouches mais là s’en était trop non vraiment on se moquait de lui… Il se rendit compte que même la feuille de monnaie ne lui convenait pas, la feuille à fleurs non plus il ne lui resta que la feuille d’argent mais il ne rendait pas si bien ! La feuille de route ne passera pas par son chemin, et la feuille de soin ? eh bien…. Il en avait pas besoin non plus ! la feuille à rouler pourrait l’abimer non s’en était fait, il prendrait tout son effet sur le feuille d’Arménie ! Mais quel mot pourrait bien se poser ainsi sur ce genre de feuille, quelle mot aurait cette délicatesse ? Le parfum bien sûr ! Et pour sûr, il les a tous testés car on y trouve encore son odeur !
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
Imaginez la suite
Un mot de cinq lettres est en colère. Il veut s’écrire en lettres de feu, visibles de tous, porteur des rancœurs de ses non-dits étouffés, débarrassé de sa timidité ancrée au fond de lui depuis sa petite enfance, il brûle de faire éclater son souffle puissant, de voir jaillir les gerbes enflammées de son essence.
Quel écrin sera de nature à l’accueillir ? Il part à la recherche du lieu idéal pour le transcender. Un A4 80g, aliment recommandé pour toutes les bonnes imprimantes, du blanc ou une couleur pastel ou bien encore les tons criards des affichettes vantant le vide grenier du village ? Un papier recyclé pour donner bonne conscience aux écolos ? Un kraft récupéré sur un emballage, histoire de militer contre la société de consommation ? Un papier artisanal pour aider l’économie locale ? Le choix devient difficile : s’ancrer dans l’histoire, tablette d’argile, papyrus, parchemin ? ou s’offrir la diversité du monde moderne : papier journal, Canson, Bristol, calque, millimétré ? Et pourquoi ne pas s’autoriser un papier de luxe, papier bible, Velin, Vergé, Hollande ? Pour les formats, comment choisir entre tous ces noms évocateurs : cloche, raisin, soleil, petit aigle, colombier, cavalier, Jésus, grand monde ou univers ?
La simplicité rattrape le mot de cinq lettres. Sa décision est prise : il s’écrira au dos d’un papier cadeau et se transformera en gros confettis lancés très haut pour retomber joyeusement. Des milliers de MERCI que chacun pourra donner sans parcimonie autour de lui.
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
A des jets d’encre, une voisine imposait des revenus à remplir. Il préférait fuir ce terrain miné de chiffres. Sa quête d’un support fixe se transformait en errance. Pourtant des visites s’étaient offertes.
Mais la feuille blanche lui procurait des angoisses. Les petits carreaux l’enchaînaient. Enfin, sur les grandes lignes, il redoutait la foule.
Né du ventripotent le Littré, il avait mené une enfance au rythme d’un phrasé simple. Puis son protecteur l’éleva au rang de nom composé. Cette double identité complexifia son existence. La veille de son baptême en tant qu’être associé, il échafauda une fugue.
Il traîna ses liés et déliés jusqu’au volumineux Mr Robert. Adoubé, le mot s’ancra dans une lignée latine. Son quotidien l’exaltait. Il œuvrait à des fins populaires, voguait vers un horizon de première classe où il soutenait des lignes raffinées. Malicieux, il fourvoyait ses dompteurs , les entraînant dans des voies à double sens.
Avides d’aventures textuelles, il déchaussa ses racines antiques. Il aspirait à rompre tout lien avec ses cousins germains, qui le remplaçaient trop souvent à son goût. Sa quête de liberté enflammait tout son encre. En proie à cette ardente indépendance, il rêvait à se blottir au sein d’une luxueuse demeure où des noms communs le serviraient, où les adjectifs relèveraient son bel être, et où les verbes glorifieraient son aura.
Tout cela n’était qu’illusions. Il se retrouvait sans papiers. Sur son chemin, il croisa une feuille de salade. Il songea à s’immiscer dans un environnement étranger. Mais les limaces chassèrent son intention. Plus loin une feuille d’artichaut battait de l’aile. Son âpreté le révulsa.
Ses forces s’amenuisaient : ses membres syllabiques claudiquaient sous la moisson des insuccès. Cependant, sa ténacité le réconforta.
Ses pages d’errance le disposèrent face à une citadelle aux allures royales. Des feuillets aux bordures dorées s’ouvraient à lui. Il s’allongea sur l’un d’eux. A peine installé, il sentit son corps tiraillé. Il avait été victime d’un mirage : un programme dictatorial grammairien venait de l’enrôler !
Amicalement,
Virginie
(les municipales passées, je retrouve l’écriture !)
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, alors il ne lui restait qu’une seule solution… Ne pas se coucher ! Ce que je viens de faire, ou presque…
Oups… Un peu court comme texte je vous l’accorde ! J’étais pourtant parti pour tenter d’écrire un texte érotique vu le billet de notre ami Pascal la semaine dernière… Je me suis même demandé si ce n’était pas fait exprès… N’est ce pas…
Bref, je voulais relever le défis, j’aime bien me mettre en difficulté, juste pour savoir si j’y arrive. Un état d’esprit valable dans bien d’autres domaines… Mais force est de constater, que je n’y suis pas arrivé pour celui là. Pourtant, à l’heure ou Pascal va publier l’exercice 177, hors de question de ne rien écrire pour autant. Ça serait trop facile d’attendre le prochain. Ça, c’est mon propre défis. Quelque soit le sujet, je veux absolument publier un texte par semaine, et avant midi le samedi suivant, pour me forcer à trouver des idées. Finalement, ce n’est pas une idée, mais plus une pirouette ! Why not ?
Pour tout vous dire, j’étais parti sur l’idée que le mot voulait faire l’amour à une phrase, mais pas n’importe où. Le mot avait trop de respect pour cette phrase. Tellement qu’il là trouvait belle, bien tournée et agréable à être prononcée, au point de devenir à ses yeux, « une citation ». Il n’y avait pas un mot de trop. Du coup il se demandait même s’il y avait une place pour lui dans cette phrase…
Mais visiblement, la phrase s’intéressait à lui quand même. Elle aimait bien l’idée que le mot fasse parti d’elle. Oui mais voilà, c’était juste pour se faire plaisir un moment, comme une cerise sur un gâteau, rien de plus. Hors de question de recomposer la phrase, ce que le mot respectait par dessus tout. Même s’il avait dans l’idée, de jouer le rôle du gâteau…
Bon, dure d’enchaîner ensuite avec des mots érotiques avec tel début… J’ai passé ma semaine à chercher d’autres angles, d’autres pistes, repartir a zéro… Mais rien, nada, que tchi… A moins que ma pudeur, pour l’instant, me l’interdise tout simplement.
Peut être qu’avec des vrais personnages, l’exercice pour moi serait plus facile… (Là, c’est une excuse à deux balles !)
Reste pour moi d’aller lire vos textes un fois celui-ci publié, pour découvrir ce que vous avez trouvé et si des textes érotiques ont été écrits…
Il paraît que l’important est de participer, cool il est 11h30… Suis large finalement ! 😉
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée ; l’autre, en papier crépon, trop susceptible et perpétuellement froissée.
Il entreprit alors de s’incarner successivement
– du papier calque mais on l’estima beaucoup trop transparent
-sur du papier d’argent trop onéreux et il y rencontra des ennuis financiers
-sur du papier tabac mais la fumée le dérangea
-sur du papier millimétré mais il fut jugé trop grand
-sur du papier carbone mais on lui reprocha ses idées noires
-sur du papier à lettres mais il fut qualifié d’analphabète
-sur du papier collant mais il fut traité de glu
-sur du papier recyclé mais il était exclu du Parti Vert
-sur du papier d’Arménie mais il déplut à Aznavour
-sur du papier verre mais on lui trouva un grain
-sur du papier absorbant mais il fut surnommé « boit sans soif »
-sur un papier d’identité mais il n’était pas en règle
-sur du papier peint mais il n’avait aucun talent pictural
-sur du papier musique mais il avait une extinction de voix
-sur du papier Bristol mais son accent anglais était exécrable.
-Même verdict pour le papier kraft et son accent allemand
Ecœuré et démoralisé par le manque l‘hospitalité de la filière bois-papier, il tenta de tout lâcher sur du papier toilette mais il se retint. Alors, après avoir séché ses larmes dans un papier-mouchoir, il choisit la sécurité de l’emploi à La Poste où, après des années passées sur du papier timbré, il devint fou et acheva sa vie dans un asile d’aliénés.
On ne connut jamais l’identité de ce mot qui avait vu le jour sur la signature d’une lettre anonyme.
Un mot cherchait une feuille où se coucher
Mais aucune ne lui plaisait
L’une était trop glacée
Il risquait fort de glisser
A quoi pourrait-il donc se raccrocher
Si aucune virgule ne faisait l’effort de l’attraper ?
Deux petites parenthèses suffiraient pourtant à l’enserrer
Mais voudraient-elles seulement s’en occuper
En général elles se cantonnent à leur unique mission
Qui consiste à donner des explications.
Un mot qui a toute sa raison
Et qui n’éveille aucun soupçon
Un mot tout seul, comme ça, sans compagnon
Doit pouvoir se débrouiller
Après tout, s’il veut jouer au trublion
Il peut toujours s’entourer de guillemets
Faute de concision, manque de précision
Il risque néanmoins l’abandon
Et s’il est écrit au crayon
Hop ! Un coup de gomme et c’est l’exclusion.
Alors à la place du papier glacé
Il pourrait choisir une page froissée
Il pourrait s’immiscer dans les creux et les plis
S’y blottir comme un oiseau dans son nid
Oui mais voilà, qui viendrait le lire ici ?
Il tomberait vite dans l’oubli …
Il n’a guère d’autre solution notre mot fatigué
Que de se poser sur un beau papier rayé
Il pourra se coucher et faire son lit
Sur une ligne bien tracée
Et attendre, en toute sérénité,
Qu’un stylo vienne le réveiller .
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
à peine les effleurait-il qu’elles se coinçaient aussitôt,
toutes,
des mauvaises pensées qu’il imprimait sur elles :
« Mon dieu, bourrage papier ! » s’offusquaient-elles.
Le mot s’agaçait de s’afficher si grossier dès la première impression.
« Pauvres pages vierges promises aux bons mots », pensait-il avant d’abandonner.
Elles ne savaient pas ce que le vrai plaisir signifiait.
Ou elles en avaient entendu parler,
quand elles passaient le bac,
retrouvant des redoublantes bavardes.
Elles en rêvaient entre elles.
Mais de là à se laisser aller,
c’était le risque de se faire une réputation de brouillon,
ces feuilles qui finissent la main au panier,
pour un mot souillé.
« Oui mais parfois, ce sont les meilleurs à l’écrit !
lui chuchote un papier déjà imprimé au dos.
– Tu as… balbutie la vierge effarouchée.
– Oui, reprend la feuille volante, c’était un mot incroyable…
– Mais, tu t’es laissée… ?
– Et comment ! … il s’est étalé de tout son long, hum ! … il a gratté un bon moment, j’en ai encore des frissons… Puis, oh ! … Quand il… oh ! …
– Quand il quoi ?
– Quand il a brandi sa majuscule, il fallait la voir, cursive, énorme, qui s’enroule sur le grain de ma peau… hou ! …
– Et après ?
– Après ma chérie, ça glisse tout seul, comme une caresse, un premier jet c’est une explosion d’idées et de sensations, ça ne répond à aucune règle,
autre que l’instinct d’une inspiration, une intuition, une improvisation.
– Whouah ! … Et tu l’as revu ce mot ?
– Non, c’est un écrit vain, un de ceux qui ne reviennent jamais, qui n’existent que sur l’instant.
– Comme j’aimerais vivre cette expérience !
– Ben là, j’crois qu’il y a un mot qui cherche une feuille où se coucher. »
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée ou trop recyclée. Ne trouvant pas de papier à son goût, le mot décida de poursuivre sa route avant de se loger pour la nuit. Il n’était pas encore épuisé au point de se faire graver en épitaphe. Et puis, pensa-t-il, le papier, de nos jours, c’est trop figé ! Allons voir un peu ailleurs ! Bercé par une douce brise marine, le mot fut soudain happé par quatre jeunes mains enlacées qui, sans hésiter, l’étalèrent de toutes ses lettres dans le sable du petit matin. C’est frais, c’est doux, je m’installe, se dit le mot, bordé d’un rang de sable et peu à peu étourdi par les deux jeunes amants qui dansaient autour de lui, lui le mot de leur première union. Et il s’endormit. Quand il se réveilla, il ne sentait plus ses membres, ses lettres s’évanouissaient, ses déliés fourmillaient, sa chair se desséchait. Sous le soleil, il devenait poussière, il s’en allait, traîné par le vent d’ouest. Il quittait le doux divan de sable où les enfants l’avaient écrit et effaçait toute trace de leurs amours naissantes. La nuit avait été courte, mais le mot, ragaillardi par cette sieste à l’air marin et curieux de tout, poursuivit son chemin. Il survolait des cahiers d’écolier, manuscrits délaissés, carnets de voyage, journaux intimes, piles de livres oubliés, blocs-notes quadrillés, mais n’eut aucune envie de s’y arrêter. Aventurier, il avait envie de changer d’encre, de battre de la feuille et d’explorer des terres inconnues. Tiens, mais… on dirait des mots sous une vitrine…, qu’est-ce que c’est ? Aussitôt le mot fut aspiré, aminci, et ressortit de l’autre côté, dans un bain de cristaux liquides. Il faisait bien chaud. Un vrai bouillon de culture, là-dedans, ça grouillait, ça criait de partout. Des lettres disparaissaient, jetées dans un cratère bouillonnant. D’autres surgissaient, au rythme des doigts qui pianotaient sur le clavier originel. Le mot était passé de l’autre côté de l’écran, où il ne coulait plus d’encre mais pleuvait des pixels. Destinée éphémère ou éternelle renaissance, tel était ici le lot des mots. Celui-ci n’était pas près de s’effacer, c’était le mot « nous ». Dans ce monde ou dans l’autre, il est un et indivisible, mais dans ce monde, en plus, il pouvait être lien.
il me faut tout d’abord mettre mes lecteurs en garde,ce mot là était rare, sulfureux, capiteux, un peu osé et un tantinet vaniteux . Rond en bouche avec cependant je ne sais quoi d’inconvenant, juste un peu mais suffisamment pour qu’il ait été accepté de justesse, au second tour, par des académiciens chenus, délicieusement choqués.
Foin de ses collègues d’aujourd’hui que le premier venu peut intégrer dans une conversation banale.
Non, lui, il lui fallait du mystère, du désir, du secret pour éclore sur des lèvres averties; un mot dont la lecture en avait fait rougir plus d’une.
Aujourd’hui, devenu un peu obsolète, las d’une vie bien remplie,souvent clandestine,il aspirait à une retraite paisible et sage, couché sur une feuille vierge.
Une page élégante,pas de ces froides actuelles usinées par rames entières, que l’on pouvait froisser et jeter sans remord à la moindre erreur.
Que nenni. Il rêvait à une feuille de soie venue d’Orient, une feuille fabriquée à la main il y avait des siècles ,par un maître papetier, une feuille fragile,coûteuse sur laquelle il s’abandonnerait,dessiné amoureusement par un calligraphe , tout en haut de SA page.
Enfin libéré des obligations de la phrase,sentant sous ses lettres le contact charnel du papier,frémissant au rythme de la plume .
Alors oui, sur cette feuille là, il pourrait se coucher.
Il faut vous dire que dans ce pays, que les temps étaient troublés. Et pourtant , pour lui, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Partout où il trouvait asile, soit on le rayait aussitôt, soit on le brûlait avec tous ses confrères qui avait osé lui donné asile. Certains voulaient le récupérer en lui offrant une place sur de beaux papiers luxueux, gaufrés avec des reliures de vieux velours. Mais il voyait le piège d’une prison dorée Alors, on le stigmatisait. On pourchassait ses synonymes. On faisait même des autodafés des livres et des feuilles qui sans le contenir, transpiraient de son absence et de son existence son absence et son existence. Un soir, il rencontra un autre mot qi comme lui partageait son existence de réprouvé. Et en se parlant, ils comprirent qu’ils étaient plus que des mots : des symboles. Alors ils acceptèrent la main qui les inscrivit sur un mur, un soir lorsque le jour étranglait la lumière. Et le lendemain ,les lettres blanches dégoulinèrent leur enthousiasme sur le mur . Partout les gens accoururent pour lire: Liberté – Espérance…Et partout ils répétèrent, tout bas, puis à voix haute les deux mots qui alors, retrouvèrent leur place sur tous les murs,tous les journaux, tous les livres et plus personne ne put les ignorer ou les détruire.
Le mot qui avait pris un mauvais pli
coucha sur le papier la vérité toute nue
et se mit à faire des phrases ronflantes
La feuille s’est froissée,
elle reprit sa mine de papier mâché
renonça à vivre dans ses petits papiers
et puis tourna la page
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée ou bien alors pire il devait la partager.
Faisait-il le difficile?
Il est facile d’être futile lui disait toujours son professeur, Monsieur Lit-Trait. Ecris grand, aie l’encre ambitieuse, le support fier, tu es unique et particulier. Il ne faut pas que le hasard décide pour toi. Prends tes lettres en mine de crayon!!! lui disait-il encore avec fougue!!
Alors, après la gloire de son père, qui lui avait passé sa vie en signature sur un traité de paix, il décida d’être plus léger, plus dansant, plus enfantin. Il décida d’épouser le mot rire dans toutes les mémoires…
Et depuis il a du boulot : on a tous un rire indélébile dans notre mémoire d’enfant….
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée. Certaines sentaient le moisi ; quelques-unes avaient un air parvenu, trop accrocheur pour être fiable. Le mot était au désespoir : pour sûr, les feuilles, les vraies, étaient passées de mode ! Désormais, le siècle naissant ne proposait qu’écrans en tous genres – ordinateurs, liseuses –, des ersatz de feuilles qui disparaissaient aussi vite qu’elles étaient nées.
Le pauvre mot était las de courir de ville en ville. Pourtant, il était persuadé qu’il devait encore exister une bonne feuille comme celles qui paradaient autrefois. Le mot visita la Bibliothèque Nationale puis le Musée des Lettres ; en ces lieux, les feuilles abondaient, mais noircies, ne laissant aucun espace où laisser sa trace. Le mot quitta les villes, partit en campagne, dans des villages reculés dans lesquels les écoles étaient minuscules et loin de tout progrès… Point de feuilles adéquates !
Après des milliers de jours et de lunes, notre mot, fourbu, atterrit en Bretagne, à la Pointe du Raz. Au-delà, s’étendait l’océan. Le mot eut l’idée de se jeter du haut de la falaise : les courants l’emporteraient vers d’autres horizons… Il avisa une cabane de pêcheurs délabrée, poussa la porte, découvrit une coque de bateau pourrie. L’odeur était épouvantable, mais au moins l’on était à l’abri du vent. Sur ce qu’il restait de la proue gisait un carnet jauni et racorni. Le mot l’ouvrit, le feuilleta. Au fil des pages, de jolis pleins et déliés à l’encre violette galopaient. Récit d’une vie dédiée à la mer, à ses mouettes et tempêtes. Au beau milieu du carnet, le récit s’achevait par une étrange demande : que celui qui me trouve, dépose son empreinte et continue mon histoire. Que sur les pages vierges viennent s’étendre des mots précieux…
Notre mot examina la texture du papier : il était lisse, d’un jaune orangé qui faisait penser à un coucher de soleil. Il fleurait les embruns et le sel. Le mot apprécia, se sentit en villégiature. Il s’allongea et tira délicatement la couverture à lui. Il pouvait soupirer d’aise. Les hommes et leur progrès ne le détruiraient pas.
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, celle ci trop blanche, cette autre trop petite, et puis celle la trop quadrillée.
Son voisin d’à côté, le prétentieux avait choisi la feuille de papier gaufrée, avec sa catégorie de nom il se croyait tout permis. Lui n’était qu’un adjectif. Maintenant il le savait, c’était le statut le moins enviable pour un mot. Personne ne savait quoi faire de lui, il se retrouvait toujours coincé entre un nom et un article, rayé par les auteurs en recherche de phrases percutantes. Aucune liberté, pas d’indépendance. Il avait compris qu’aucune feuille ne pouvait plus lui convenir.
Soudain, un jeune belge passa devant lui. Un grand échalas qui lui décocha un sourire énorme. « ‘J’ai trouvé une place pour toi ! » Il lui tendit un CD. Le mot ne réfléchit pas longtemps. Formidable devint une star internationale.
Il savait maintenant choisir quelle féminin lui convenait . La séduction glaciale ou trop galvaudée ne portait pas de fruits . Dire des mots d’amour ne pouvait se faire que sur une feuille franche et claire .Pas de ratures , pas d’hésitations ,les mots faisaient rage dans sa tête ; exprimés avec fougue et simplicité .
le beau n’est pas le beau
le vrai est le vrai
il voulait de l’accueil, de la douceur , sans exclure la confrontation; la feuille est rebelle par moment et tant mieux; elle ne se laisse pas faire . elle participe au message bien trempé dégoulinant d’encre sur son dos maculé. elle accepte avec patiente cet effronté qui inscrit en elle des mots d’amour qui la bouleversent . En attendant, elle est forte cette feuille libre comme le vent ; même plaquée sur la table , elle sait avec douceur inspirer des mots d’amour ; tendre combat à deux pour plus de félicité .
le temps n’est plus au brouillon ,il faut avec intelligence accueillir l’intrus telle une muse
le mot a trouvé sa feuille et s’étire en son flanc comme un bébé renaissant
Il peut se dire en toute confiance entre la mère et l’amante
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée…
C’était le grand bazar des vacances, la foule envahissait la jolie station balnéaire dès les premiers jours de juillet, s’accaparant les rues, les terrasses des cafés, ou courant à petites foulées sur le front de mer avant de s’affaler sur le sable chaud. Invariablement, comme un tic, certains passaient à la maison de la presse acheter le journal du coin ou un bouquin qu’ils ne liraient pas – ou, pour les plus courageux, juste les dix premières pages (ce qui était déjà un exploit !). Comment lutter contre les tentations de toutes sortes : jeux de plages, baignades ou bains de soleil lascifs. Impossible pour lui, dans ces conditions, de dégoter LE bouquin où venir à son tour s’allonger pour se faire dorer les syllabes. Il restait bien quelques places dans les grilles de mots croisés, mais trop étroites à son goût ; quant à la presse people, il la trouvait racoleuse et vulgaire, infréquentable en un mot ! Dépité, il finissait par se résigner et rentrait à l’ombre de la bibliothèque municipale. Les vieux bouquins poussiéreux riaient sous cape, se moquant de ses velléités d’indépendance. On te l’avait dit : plus de place pour nous, il faut te faire une raison, ou tu te recycles dans un e-books, ou tu finiras tes jours ici, comme nous tous, dans l’indifférence générale, c’est écrit.
L’été rendait la bibliothèque plus déserte et sinistre encore, déjà que c’était pas toujours la fête là-dedans, même si on y amenait les enfants des écoles le mercredi – certains de force, une misère ! En août, on fermerait pour un mois, comme tous les ans…
Mais demain, il repartirait, vaillamment, avec un autre plan en tête. Il essayerait les affiches, pas les électorales, non : plutôt celles du cirque de passage, toutes neuves et fraîchement collées à tous les coins de rue. Son rêve : figurer au milieu de ces belles et grosses lettres rouge et or, rentrer dans la cage aux fauves, draguer l’écuyère… et partir avec la troupe de saltimbanques, ailleurs, loin…
Il grimpa sur la plus haute étagère et s’endormit entre deux pages d’un grand livre de contes, son préféré.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée. Il entreprit alors de faire un grand voyage. Les vents et les tempêtes lui firent escalader toutes les montagnes, traverser tous les champs, braver tous les flots. Jusqu’au jour où, à bout de forces, il s’échoua dans sur un corps. Ce fut une révélation. Quoi de plus doux qu’un corps de femme pour trouver enfin le repos ? Il pourcourut ses longs bras, tranquillement, sans se presser. Puis il entreprit la poitrine, le ventre, lentement, jusqu’aux cuisses, jusqu’aux genoux, jusqu’à pénétrer le corps dans son entier. Il s’installa pour l’éternité.
Mais le corps se donna bientôt la mort. La douleur continue installée en lui était devenue insupportable.
C’était une marchande de 4 saisons qui ne vendait que du beau temps. Le mauvais elle le jetait. Ses clients l’adoraient jusqu’à ce premier jour de printemps où des éclairs déchirèrent le ciel en zigzags aveuglants, où le tonnerre roula, assourdissant, suivi d’un écran de pluie plus opaque que jamais. Horrifiés ils crûrent assister à la fin du monde.
Pendant ce temps, dans l’Olympe, la charmante marchande de 4 saisons subissait le courroux de Zeus.
– As tu oublié qui était le maître du temps? Pour qui te prends-tu? Comment oses-tu prétendre au statut de divinité? Pauvre humaine ignorante. Ne sais-tu pas que c’est moi le Dieu souverain, ordinateur du monde?
As-tu une seule seconde pensé à Hadès qui ne voit plus Perséphone parce que tu l’obliges à rester sur terre pour le plaisir d’humains égoïstes ? Pour te punir de ta présomption, j’ai agité l’égide et déclencher la foudre du premier niveau, mais prends garde si tu ne te soumets pas, ce sera la foudre du troisième niveau entraînant un gigantesque incendie . Tiens le toi pour dit.
Abasourdie d’avoir provoqué un tel chaos, la pauvre petite marchande de 4 saisons dont le seul but était de vendre du plaisir, fondit en larmes. On venait de lui interdire de ne proposer que du beau temps.
Comment expliquer à ses clients qui l’aimaient tant, qu’un dieu de légende l’avait enlevée, sermonnée et lui avait ordonné de vendre toutes les saisons sans exception sous peine de cataclysme?
* Suite à une punition de Zeus, Perséphone passera l’automne et l’hiver auprès de son époux Hadèsaux enfers, les six autres mois elle retournera sur la terre auprès de sa mère Démèter..
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
il avait toujours rêvé de pouvoir s’étaler sur un parchemin en quelques traits élégants, mais on s’était moqué de ses goûts complètement rétrogrades,
il pensait à un papier bible, comme une certaine collection fort appréciée, mais trop prétentieux pour lui,
il avait rejeté haut et fort le style quadrillé, lignes pré-tracées, il méritait plus de fantaisie qu’un cahier d’écolier,
il refusait obstinément de terminer « encagé » dans une grille de cruciverbiste, sur papier de mauvaise qualité,
il avait envisagé le « post it »qui le ferait papillonner d’agendas en carnets divers, il prendrait de la couleur sans risque de s’égarer,mais trop connoté,
il désirait plus que tout se poser sur le papier recyclé du carnet de voyages, il connaîtrait enfin d’autres horizons, des encres exotiques, de nouveaux compagnons de route, il jouerait le « mot-valise »,
Mais il n’avait pas dit son dernier mot !
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
Il finit par s’accrocher à une écorce de platane, faute de feuille en ce printemps encore débutant et alors, le mot se pencha, belle italique, sur l’écritoire ligneuse et s’épancha…
Son maître, Nemo, l’auteur de ces mots, de ses mots, de ses maux, desserra son angoisse et se livra :
« Quand de ma gorge se dénoue
L’étreinte de l’angoisse vile,
Alors l’aigreur de mes mots-bile
S’écoule aussitôt de ma soue.
C’est le murmure des maux mûrs
Que je découpe au chalumeau !
Des mots qui sortent ou qu’on extirpe
Et dont on ressent la morsure
Jusqu’au plus profond de ses tripes
Et là où rôde la mort sûre. »
En ce jour, elle l’avait tué.
Pauvre Nemo !
Elle l’avait tué.
Savait-elle à quel point il tenait à ce dont elle le privait ne supportant plus sa place à ses côtés ?
Elle le savait.
Oui, elle le tuait !
Elle le savait.
Mais c’était ainsi.
Elle souffrait trop, elle aussi.
Elle voulait vivre.
Il devait mourir.
Mourir à elle.
Pour qu’elle pût continuer.
Continuer de vivre.
L’écorce du platane était là.
Il l’invita à se reprendre.
Alors, le mot reprit son cours…
« C’est le murmure des maux mûrs
Des mots qui suintent ou qu’on arrache,
Des mots agiles, des mots ardus,
Des mots hardis ou retenus,
Des mots du cœur ou bien moqueurs,
Des haut-le-cœur qui interloquent
Et qui mettent mon cœur en loques,
Car entre le mot et la mort,
Il n’y a qu’un peu d’R qui circule,
Et dans ce bal des mots, des cris,
Les cris de l’écrit s’articulent… »
Le mot, ce mot, s’écrasa sur l’écorce et se mêla à une larme soudaine.
Et puis, le mot de Nemo se reprit…
« Dans ce bal des mots, des cris,
Les cris de l’écrit s’articulent
En moqueries ou en mots-cris,
Des mots lisses ou qui démolissent,
Qui se débattent ou qui bâtissent,
Mots dits, bien dits ou bien mal dits,
Mots nouveau-nés ou démodés
Car le mot naît, puis le mot ment,
Puis le mot râle, et mord, et meurt
De son dard qu’il a arraché
Et qui est resté attaché
A la plaie qu’il vient de fouailler.
Et peu importe le moment
Où s’est éteinte la rumeur !
Quand ma plume a vidé son fiel,
Alors arrivent les mots doux.
De mes blessures, ils sont le miel,
Quand ils glissent, ils font un bien fou
Et j’écris cette douceur sourde
Qui apaise de ses mots dits
Tous les maux étranges qui sourdent
De ma béance de maudit. »
De ces larmes si peu salées, le platane sait profiter, et, en ce printemps débutant, la première feuille éclot.
Nemo la voit, sourit, aime la vie.
L’écorce aux mots ?
La voilà.
Elle est à vous.
Là.
Erratum. La septième ligne ci-dessus devrait démarrer avec : sans un support en papier…
Mex excuses… sans support papier les fautes aussi sont plus libres.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
Pourquoi donc ne pas s’envoler au loin, au-dela` des habitudes ancrées ou pas ?
Je me trouverai bien en bonne compagnie dans l’univers de l’imagination qui s’étend de plus en plus, des idées maitresses qui viennent et qui vont, des conversations qui s’enrichissent de temps en temps.
Sans un support papier, je ne serai probablement ni lu ni connu par la plupart des humains mais j’aurai toujours la voie libre devant moi.
Au fond, me fixer sur une feuille veut aussi dire se retrouver plus tard au fond d’un panier.
mais quelle est donc cette feuille si agitée
pourquoi refuser ce mot que je veux bien partager
pourquoi ne pas me laisser écrire
je ne serais donc pas le maitre de ma plume ?
Y aura t-il toujours quelqu’un pour m’emmerder ?
Même s’il ne s’agit qu’une feuille de papier, même froissée, même glacée
Il va falloir que je m’y fasse
jamais mes mots ne vont percer, ni sur cette feuille, ni sur une autre
il semblerait que je sois condamner à ne pas trouver.
Je peux rester couché. Froissée ou pas, ce mot restera dans ma tête à tout jamais. LIBERTE
Mes exercices sont des accélérateurs de particules imaginatives. Ils excitent l'inventivité et donnent l’occasion d’effectuer un sprint mental. Profitez-en pour pratiquer une écriture indisciplinée.
Ces échauffements très créatifs vous préparent à toutes sortes de marathons : écrire des fictions : nouvelles, romans, séries, etc.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée…
20 mars 2015.*
Première énigme : qui suis-je à vouloir me coucher sur une feuille ?
Deuxième énigme : suis-je capable de me coucher tout seul sur une feuille , sans aucun intermédiaire?
Pour résoudre ces deux énigmes, il va falloir que je me mette au travail, mais avant, il me faut laisser vagabonder mon imagination. Et puis, tout d’un coup….ce sera l’enchantement !
Ça y est, j’ai trouvé le mot , c’est déjà ça !!
Exceptionnellement, c’est à la terrasse de mon bistrot préféré que je m’installe en ces premiers jours de printemps pour chercher … une feuille….
Ah, en voilà une qui passe. Elle est vêtue d’un ensemble (jupe et veste) de taffetas gris clair, les chaussures à talons sont assorties. Une longue écharpe, une paire de gants et un sac Kelly complètent sa tenue. Elle, elle ne sourit pas du tout, ces yeux sont gris acier… à vous glacer les sangs ! Ses oreilles sont piquées de petites perles grises. Non, et non, ce n’est pas dans cette feuille que j’irai prendre place….
Une autre la croise. Quel contraste ! Des espadrilles au talon écrasé, une saharienne en lambeau, un pantalon de lin beige tout chiffonné, ils ont peut-être voyagé trop longtemps en voiture ou en train… Il doit rester un trop plein d’amertume car le visage qui va avec cet accoutrement est tout chafouin comme si tous les malheurs du monde lui étaient tombé dessus. Je suis sûre que c’est une feuille peu encline à recevoir , encore moins à donner, tant elle semble froissée… je passe….
Il y a du monde aujourd’hui ! Et qui se pointe ? Madâââme, qui ne cesse de remettre une mèche de cheveux en place, de tirer sur son pull, de rentrer son ventre, de vérifier si ses papiers, ses clés et toutes ses petites affaires sont bien en place dans son sac…Aucune ouverture pour écrire (et encore moins lire) entre les lignes, ou plutôt, si, il faut les suivre à la lettre, ce qui ne fait pas mon affaire !
Et qui est cette petite donzelle, toute de noir vêtue, aux yeux charbonneux, suivie de quelques cinq ou six galants qui ne la quittent pas, prêts à combler ses moindres caprices : « je veux ci, je veux ça, comme ci et pas comme ça… et tu, et tu… » Et, chacun le sait, le « tu » tue alors, ne pas s’attendre à un échange de petit bout de soi….Je passe encore mon tour…
Bizarre. Aujourd’hui, les feuilles semblent n’avoir que des défauts ! Suis-je trop exigeant pour « mon mot » ? Le vent tourne…
Mince alors, on dirait la reine de l’ingéniosité … un crayon pour retenir ses longs cheveux, un sac furoshiki, un jean’s déchiré devenu short à franges, des sandales de moine customisées avec des trombones et des boucles d’oreilles en graines, tellement longues et lourdes qu’elles font office de collier…le pavillon doit en être rétréci !
C’est le printemps et voici la jeune fille en fleurs, petite robe Liberty, sandales à grosse semelles de liège qui absorbent tout, le bruits et les petits cailloux, ses feuilles, masquées par de longs cheveux blonds (comme les blé, je sais, cela fait cliché!)…ça commence à me plaire…
Un vrai défilé vous dis-je… toutes sortes de feuilles…mais toujours pas celle qui fera mon bonheur ! Et pourtant, j’y crois….
Petite poupée toute rose, les yeux au ras du sol, que tu es timide ma belle ! Si tu continues ainsi, tu ne sauras même plus de quoi est fait le soleil et tu ne sera pas capable de dessiner les nuages sur ton bristol, dommage…
Inouï… inoubliable, voilà LA feuille que je cherchais, douce et nacrée comme un coquillage… je me lève, j’ose aller vers elle et audacieusement, je me couche …. je murmure « amour » au creux de son oreille.
PS : comme c’est la semaine de la langue française, j’ai désespérément essayé de ne pas écrire argotique.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, les lignes lui donnaient le vertige et les carreaux la claustrophobie.
Il partit en Egypte essayer le papyrus, mais celui-ci trop fragile, le mot risquait de disparaître puisque le défaut de ce genre de papier était de boire l’encre. Donc, écarté le papyrus ! Il continua sa quête et pensa essayer les tablettes nabatéennes, mais il ne trouva plus personne pour utiliser les calames.
Le mot pensa remettre chacune de ses lettres dans l’abécédaire et abandonner.
Il commençait à les ranger quand :
– J’ai trouvé, se dit-il, je vais me coucher sur du vélin, le nec plus ultra du parchemin. Voilà un matériau noble sur lequel on couche des documents précieux comme les copies de la Torah, les enluminures ou encore des imprimés de luxe qui par leur intensité spirituelle ou leur grande valeur ont besoin de qualité.
Le mot se mit à la recherche de ce support qu’il pensa digne de lui : blancheur, douceur, finesse, rareté. Il apprit qu’il trouverait un artisan-parcheminier à Pergame* en Turquie. Plus que jamais décidé à ne s’allonger que sur un médium d’écriture qui le méritât, il s’en alla vers ce lointain pays.
L’artisan l’accueillit chaleureusement. Il souleva son fez rouge d’où dépassaient quelques cheveux grisonnants comme sa moustache, puis se pencha en avant, la main sur le coeur. Après un échange de sourires, ils se rendirent compte que leurs langues respectives ne leur permettaient pas de communiquer. Bref, avec patience le mot lui expliqua qu’il voulait une feuille de parchemin mais lorsqu’il comprit que le vélin ne se façonnait qu’à partir de veau mort-né, il quitta l’atelier poliment.
-Ça non quand même !
Ce nouvel échec rendit notre mot très malheureux. Avec tristesse il se préparait à se désagréger, et à ranger pour toujours ses lettres disparates dans l’abécédaire.
Puis une nouvelle idée, sans doute la dernière car, si elle ne menait à rien encore une fois, c’était décidé il abandonnerait.
En ce début d’été, le ciel avait pris une couleur azurite clair sans une tache de nuage, comme on le rêve pour un mariage en plein air.
Ces recherches infructueuses donnèrent une certaine humilité au mot. L’immortalité n’était plus sa priorité.
Il se coucha tout contre l’immensité bleue et l’on pu voir, de toute la terre, en fumée blanche s’étirer le mot: « amour ».
*C’est du nom de la ville de Pergame (aujourd’hui Bergama) en Turquie que vient le mot « parchemin ».
La feuille de chiffon était à son goût inadaptée à ce qu’il représentait, continuant son voyage, il trouvât la feuille de buvard mais ses lettres s’étalaient tels de vieux pâtés, continuant son périple la feuille de riz qui était comestible n’allait pas non plus, il aurait pu disparaître a tout jamais et cela n’est pas souhaitable. Il tomba un jour sur la feuille d´Arménie et posa une option… pour le cas où…
Dans ses recherches la feuille de maïs ne lui convint pas non plus, à son goût trop d’utilisation et il estimait valoir beaucoup mieux. Il ne pouvait pas s’installer confortablement sur les feuilles de velours et la feuille de musique proposait beaucoup de place ! Il oubliât d’office la feuille de dessin car on ne pouvait le représenté.
Cette recherche était usante il tomba sur une feuille collante et se débâtit comme un forcené avant de pouvoir le lâcher pour tomber sur une feuille de carbone mais là impossible non plus de rester on ne pouvait le dupliquer… il était rare c’est vrai quoi ! Téléporté sur une feuille de machine il refusât purement et simplement de se dévoilé il fut donc remercié et heureux de tomber sur la feuille dorée, mais que lui apportait cette dorure si personne ne le connaissait. Il se sut comment il arriva sur le feuille tue-mouches mais là s’en était trop non vraiment on se moquait de lui… Il se rendit compte que même la feuille de monnaie ne lui convenait pas, la feuille à fleurs non plus il ne lui resta que la feuille d’argent mais il ne rendait pas si bien ! La feuille de route ne passera pas par son chemin, et la feuille de soin ? eh bien…. Il en avait pas besoin non plus ! la feuille à rouler pourrait l’abimer non s’en était fait, il prendrait tout son effet sur le feuille d’Arménie ! Mais quel mot pourrait bien se poser ainsi sur ce genre de feuille, quelle mot aurait cette délicatesse ? Le parfum bien sûr ! Et pour sûr, il les a tous testés car on y trouve encore son odeur !
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
Imaginez la suite
Un mot de cinq lettres est en colère. Il veut s’écrire en lettres de feu, visibles de tous, porteur des rancœurs de ses non-dits étouffés, débarrassé de sa timidité ancrée au fond de lui depuis sa petite enfance, il brûle de faire éclater son souffle puissant, de voir jaillir les gerbes enflammées de son essence.
Quel écrin sera de nature à l’accueillir ? Il part à la recherche du lieu idéal pour le transcender. Un A4 80g, aliment recommandé pour toutes les bonnes imprimantes, du blanc ou une couleur pastel ou bien encore les tons criards des affichettes vantant le vide grenier du village ? Un papier recyclé pour donner bonne conscience aux écolos ? Un kraft récupéré sur un emballage, histoire de militer contre la société de consommation ? Un papier artisanal pour aider l’économie locale ? Le choix devient difficile : s’ancrer dans l’histoire, tablette d’argile, papyrus, parchemin ? ou s’offrir la diversité du monde moderne : papier journal, Canson, Bristol, calque, millimétré ? Et pourquoi ne pas s’autoriser un papier de luxe, papier bible, Velin, Vergé, Hollande ? Pour les formats, comment choisir entre tous ces noms évocateurs : cloche, raisin, soleil, petit aigle, colombier, cavalier, Jésus, grand monde ou univers ?
La simplicité rattrape le mot de cinq lettres. Sa décision est prise : il s’écrira au dos d’un papier cadeau et se transformera en gros confettis lancés très haut pour retomber joyeusement. Des milliers de MERCI que chacun pourra donner sans parcimonie autour de lui.
Danielle 78
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
A des jets d’encre, une voisine imposait des revenus à remplir. Il préférait fuir ce terrain miné de chiffres. Sa quête d’un support fixe se transformait en errance. Pourtant des visites s’étaient offertes.
Mais la feuille blanche lui procurait des angoisses. Les petits carreaux l’enchaînaient. Enfin, sur les grandes lignes, il redoutait la foule.
Né du ventripotent le Littré, il avait mené une enfance au rythme d’un phrasé simple. Puis son protecteur l’éleva au rang de nom composé. Cette double identité complexifia son existence. La veille de son baptême en tant qu’être associé, il échafauda une fugue.
Il traîna ses liés et déliés jusqu’au volumineux Mr Robert. Adoubé, le mot s’ancra dans une lignée latine. Son quotidien l’exaltait. Il œuvrait à des fins populaires, voguait vers un horizon de première classe où il soutenait des lignes raffinées. Malicieux, il fourvoyait ses dompteurs , les entraînant dans des voies à double sens.
Avides d’aventures textuelles, il déchaussa ses racines antiques. Il aspirait à rompre tout lien avec ses cousins germains, qui le remplaçaient trop souvent à son goût. Sa quête de liberté enflammait tout son encre. En proie à cette ardente indépendance, il rêvait à se blottir au sein d’une luxueuse demeure où des noms communs le serviraient, où les adjectifs relèveraient son bel être, et où les verbes glorifieraient son aura.
Tout cela n’était qu’illusions. Il se retrouvait sans papiers. Sur son chemin, il croisa une feuille de salade. Il songea à s’immiscer dans un environnement étranger. Mais les limaces chassèrent son intention. Plus loin une feuille d’artichaut battait de l’aile. Son âpreté le révulsa.
Ses forces s’amenuisaient : ses membres syllabiques claudiquaient sous la moisson des insuccès. Cependant, sa ténacité le réconforta.
Ses pages d’errance le disposèrent face à une citadelle aux allures royales. Des feuillets aux bordures dorées s’ouvraient à lui. Il s’allongea sur l’un d’eux. A peine installé, il sentit son corps tiraillé. Il avait été victime d’un mirage : un programme dictatorial grammairien venait de l’enrôler !
Amicalement,
Virginie
(les municipales passées, je retrouve l’écriture !)
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, alors il ne lui restait qu’une seule solution… Ne pas se coucher ! Ce que je viens de faire, ou presque…
Oups… Un peu court comme texte je vous l’accorde ! J’étais pourtant parti pour tenter d’écrire un texte érotique vu le billet de notre ami Pascal la semaine dernière… Je me suis même demandé si ce n’était pas fait exprès… N’est ce pas…
Bref, je voulais relever le défis, j’aime bien me mettre en difficulté, juste pour savoir si j’y arrive. Un état d’esprit valable dans bien d’autres domaines… Mais force est de constater, que je n’y suis pas arrivé pour celui là. Pourtant, à l’heure ou Pascal va publier l’exercice 177, hors de question de ne rien écrire pour autant. Ça serait trop facile d’attendre le prochain. Ça, c’est mon propre défis. Quelque soit le sujet, je veux absolument publier un texte par semaine, et avant midi le samedi suivant, pour me forcer à trouver des idées. Finalement, ce n’est pas une idée, mais plus une pirouette ! Why not ?
Pour tout vous dire, j’étais parti sur l’idée que le mot voulait faire l’amour à une phrase, mais pas n’importe où. Le mot avait trop de respect pour cette phrase. Tellement qu’il là trouvait belle, bien tournée et agréable à être prononcée, au point de devenir à ses yeux, « une citation ». Il n’y avait pas un mot de trop. Du coup il se demandait même s’il y avait une place pour lui dans cette phrase…
Mais visiblement, la phrase s’intéressait à lui quand même. Elle aimait bien l’idée que le mot fasse parti d’elle. Oui mais voilà, c’était juste pour se faire plaisir un moment, comme une cerise sur un gâteau, rien de plus. Hors de question de recomposer la phrase, ce que le mot respectait par dessus tout. Même s’il avait dans l’idée, de jouer le rôle du gâteau…
Bon, dure d’enchaîner ensuite avec des mots érotiques avec tel début… J’ai passé ma semaine à chercher d’autres angles, d’autres pistes, repartir a zéro… Mais rien, nada, que tchi… A moins que ma pudeur, pour l’instant, me l’interdise tout simplement.
Peut être qu’avec des vrais personnages, l’exercice pour moi serait plus facile… (Là, c’est une excuse à deux balles !)
Reste pour moi d’aller lire vos textes un fois celui-ci publié, pour découvrir ce que vous avez trouvé et si des textes érotiques ont été écrits…
Il paraît que l’important est de participer, cool il est 11h30… Suis large finalement ! 😉
Il finit par acheter un billet de train pour rejoindre Françoise, Gare du nord, et finit dans le trou… du compostage.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée ; l’autre, en papier crépon, trop susceptible et perpétuellement froissée.
Il entreprit alors de s’incarner successivement
– du papier calque mais on l’estima beaucoup trop transparent
-sur du papier d’argent trop onéreux et il y rencontra des ennuis financiers
-sur du papier tabac mais la fumée le dérangea
-sur du papier millimétré mais il fut jugé trop grand
-sur du papier carbone mais on lui reprocha ses idées noires
-sur du papier à lettres mais il fut qualifié d’analphabète
-sur du papier collant mais il fut traité de glu
-sur du papier recyclé mais il était exclu du Parti Vert
-sur du papier d’Arménie mais il déplut à Aznavour
-sur du papier verre mais on lui trouva un grain
-sur du papier absorbant mais il fut surnommé « boit sans soif »
-sur un papier d’identité mais il n’était pas en règle
-sur du papier peint mais il n’avait aucun talent pictural
-sur du papier musique mais il avait une extinction de voix
-sur du papier Bristol mais son accent anglais était exécrable.
-Même verdict pour le papier kraft et son accent allemand
Ecœuré et démoralisé par le manque l‘hospitalité de la filière bois-papier, il tenta de tout lâcher sur du papier toilette mais il se retint. Alors, après avoir séché ses larmes dans un papier-mouchoir, il choisit la sécurité de l’emploi à La Poste où, après des années passées sur du papier timbré, il devint fou et acheva sa vie dans un asile d’aliénés.
On ne connut jamais l’identité de ce mot qui avait vu le jour sur la signature d’une lettre anonyme.
Un mot qui n’en peut mais
Un mot cherchait une feuille où se coucher
Mais aucune ne lui plaisait
L’une était trop glacée
Il risquait fort de glisser
A quoi pourrait-il donc se raccrocher
Si aucune virgule ne faisait l’effort de l’attraper ?
Deux petites parenthèses suffiraient pourtant à l’enserrer
Mais voudraient-elles seulement s’en occuper
En général elles se cantonnent à leur unique mission
Qui consiste à donner des explications.
Un mot qui a toute sa raison
Et qui n’éveille aucun soupçon
Un mot tout seul, comme ça, sans compagnon
Doit pouvoir se débrouiller
Après tout, s’il veut jouer au trublion
Il peut toujours s’entourer de guillemets
Faute de concision, manque de précision
Il risque néanmoins l’abandon
Et s’il est écrit au crayon
Hop ! Un coup de gomme et c’est l’exclusion.
Alors à la place du papier glacé
Il pourrait choisir une page froissée
Il pourrait s’immiscer dans les creux et les plis
S’y blottir comme un oiseau dans son nid
Oui mais voilà, qui viendrait le lire ici ?
Il tomberait vite dans l’oubli …
Il n’a guère d’autre solution notre mot fatigué
Que de se poser sur un beau papier rayé
Il pourra se coucher et faire son lit
Sur une ligne bien tracée
Et attendre, en toute sérénité,
Qu’un stylo vienne le réveiller .
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
à peine les effleurait-il qu’elles se coinçaient aussitôt,
toutes,
des mauvaises pensées qu’il imprimait sur elles :
« Mon dieu, bourrage papier ! » s’offusquaient-elles.
Le mot s’agaçait de s’afficher si grossier dès la première impression.
« Pauvres pages vierges promises aux bons mots », pensait-il avant d’abandonner.
Elles ne savaient pas ce que le vrai plaisir signifiait.
Ou elles en avaient entendu parler,
quand elles passaient le bac,
retrouvant des redoublantes bavardes.
Elles en rêvaient entre elles.
Mais de là à se laisser aller,
c’était le risque de se faire une réputation de brouillon,
ces feuilles qui finissent la main au panier,
pour un mot souillé.
« Oui mais parfois, ce sont les meilleurs à l’écrit !
lui chuchote un papier déjà imprimé au dos.
– Tu as… balbutie la vierge effarouchée.
– Oui, reprend la feuille volante, c’était un mot incroyable…
– Mais, tu t’es laissée… ?
– Et comment ! … il s’est étalé de tout son long, hum ! … il a gratté un bon moment, j’en ai encore des frissons… Puis, oh ! … Quand il… oh ! …
– Quand il quoi ?
– Quand il a brandi sa majuscule, il fallait la voir, cursive, énorme, qui s’enroule sur le grain de ma peau… hou ! …
– Et après ?
– Après ma chérie, ça glisse tout seul, comme une caresse, un premier jet c’est une explosion d’idées et de sensations, ça ne répond à aucune règle,
autre que l’instinct d’une inspiration, une intuition, une improvisation.
– Whouah ! … Et tu l’as revu ce mot ?
– Non, c’est un écrit vain, un de ceux qui ne reviennent jamais, qui n’existent que sur l’instant.
– Comme j’aimerais vivre cette expérience !
– Ben là, j’crois qu’il y a un mot qui cherche une feuille où se coucher. »
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée ou trop recyclée. Ne trouvant pas de papier à son goût, le mot décida de poursuivre sa route avant de se loger pour la nuit. Il n’était pas encore épuisé au point de se faire graver en épitaphe. Et puis, pensa-t-il, le papier, de nos jours, c’est trop figé ! Allons voir un peu ailleurs ! Bercé par une douce brise marine, le mot fut soudain happé par quatre jeunes mains enlacées qui, sans hésiter, l’étalèrent de toutes ses lettres dans le sable du petit matin. C’est frais, c’est doux, je m’installe, se dit le mot, bordé d’un rang de sable et peu à peu étourdi par les deux jeunes amants qui dansaient autour de lui, lui le mot de leur première union. Et il s’endormit. Quand il se réveilla, il ne sentait plus ses membres, ses lettres s’évanouissaient, ses déliés fourmillaient, sa chair se desséchait. Sous le soleil, il devenait poussière, il s’en allait, traîné par le vent d’ouest. Il quittait le doux divan de sable où les enfants l’avaient écrit et effaçait toute trace de leurs amours naissantes. La nuit avait été courte, mais le mot, ragaillardi par cette sieste à l’air marin et curieux de tout, poursuivit son chemin. Il survolait des cahiers d’écolier, manuscrits délaissés, carnets de voyage, journaux intimes, piles de livres oubliés, blocs-notes quadrillés, mais n’eut aucune envie de s’y arrêter. Aventurier, il avait envie de changer d’encre, de battre de la feuille et d’explorer des terres inconnues. Tiens, mais… on dirait des mots sous une vitrine…, qu’est-ce que c’est ? Aussitôt le mot fut aspiré, aminci, et ressortit de l’autre côté, dans un bain de cristaux liquides. Il faisait bien chaud. Un vrai bouillon de culture, là-dedans, ça grouillait, ça criait de partout. Des lettres disparaissaient, jetées dans un cratère bouillonnant. D’autres surgissaient, au rythme des doigts qui pianotaient sur le clavier originel. Le mot était passé de l’autre côté de l’écran, où il ne coulait plus d’encre mais pleuvait des pixels. Destinée éphémère ou éternelle renaissance, tel était ici le lot des mots. Celui-ci n’était pas près de s’effacer, c’était le mot « nous ». Dans ce monde ou dans l’autre, il est un et indivisible, mais dans ce monde, en plus, il pouvait être lien.
©Sylvie Wojcik
Un mot…..
il me faut tout d’abord mettre mes lecteurs en garde,ce mot là était rare, sulfureux, capiteux, un peu osé et un tantinet vaniteux . Rond en bouche avec cependant je ne sais quoi d’inconvenant, juste un peu mais suffisamment pour qu’il ait été accepté de justesse, au second tour, par des académiciens chenus, délicieusement choqués.
Foin de ses collègues d’aujourd’hui que le premier venu peut intégrer dans une conversation banale.
Non, lui, il lui fallait du mystère, du désir, du secret pour éclore sur des lèvres averties; un mot dont la lecture en avait fait rougir plus d’une.
Aujourd’hui, devenu un peu obsolète, las d’une vie bien remplie,souvent clandestine,il aspirait à une retraite paisible et sage, couché sur une feuille vierge.
Une page élégante,pas de ces froides actuelles usinées par rames entières, que l’on pouvait froisser et jeter sans remord à la moindre erreur.
Que nenni. Il rêvait à une feuille de soie venue d’Orient, une feuille fabriquée à la main il y avait des siècles ,par un maître papetier, une feuille fragile,coûteuse sur laquelle il s’abandonnerait,dessiné amoureusement par un calligraphe , tout en haut de SA page.
Enfin libéré des obligations de la phrase,sentant sous ses lettres le contact charnel du papier,frémissant au rythme de la plume .
Alors oui, sur cette feuille là, il pourrait se coucher.
Il faut vous dire que dans ce pays, que les temps étaient troublés. Et pourtant , pour lui, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Partout où il trouvait asile, soit on le rayait aussitôt, soit on le brûlait avec tous ses confrères qui avait osé lui donné asile. Certains voulaient le récupérer en lui offrant une place sur de beaux papiers luxueux, gaufrés avec des reliures de vieux velours. Mais il voyait le piège d’une prison dorée Alors, on le stigmatisait. On pourchassait ses synonymes. On faisait même des autodafés des livres et des feuilles qui sans le contenir, transpiraient de son absence et de son existence son absence et son existence. Un soir, il rencontra un autre mot qi comme lui partageait son existence de réprouvé. Et en se parlant, ils comprirent qu’ils étaient plus que des mots : des symboles. Alors ils acceptèrent la main qui les inscrivit sur un mur, un soir lorsque le jour étranglait la lumière. Et le lendemain ,les lettres blanches dégoulinèrent leur enthousiasme sur le mur . Partout les gens accoururent pour lire: Liberté – Espérance…Et partout ils répétèrent, tout bas, puis à voix haute les deux mots qui alors, retrouvèrent leur place sur tous les murs,tous les journaux, tous les livres et plus personne ne put les ignorer ou les détruire.
Le mot qui avait pris un mauvais pli
coucha sur le papier la vérité toute nue
et se mit à faire des phrases ronflantes
La feuille s’est froissée,
elle reprit sa mine de papier mâché
renonça à vivre dans ses petits papiers
et puis tourna la page
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée ou bien alors pire il devait la partager.
Faisait-il le difficile?
Il est facile d’être futile lui disait toujours son professeur, Monsieur Lit-Trait. Ecris grand, aie l’encre ambitieuse, le support fier, tu es unique et particulier. Il ne faut pas que le hasard décide pour toi. Prends tes lettres en mine de crayon!!! lui disait-il encore avec fougue!!
Alors, après la gloire de son père, qui lui avait passé sa vie en signature sur un traité de paix, il décida d’être plus léger, plus dansant, plus enfantin. Il décida d’épouser le mot rire dans toutes les mémoires…
Et depuis il a du boulot : on a tous un rire indélébile dans notre mémoire d’enfant….
Bonjour Stéphanie
J’aime Beaucoup.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée. Certaines sentaient le moisi ; quelques-unes avaient un air parvenu, trop accrocheur pour être fiable. Le mot était au désespoir : pour sûr, les feuilles, les vraies, étaient passées de mode ! Désormais, le siècle naissant ne proposait qu’écrans en tous genres – ordinateurs, liseuses –, des ersatz de feuilles qui disparaissaient aussi vite qu’elles étaient nées.
Le pauvre mot était las de courir de ville en ville. Pourtant, il était persuadé qu’il devait encore exister une bonne feuille comme celles qui paradaient autrefois. Le mot visita la Bibliothèque Nationale puis le Musée des Lettres ; en ces lieux, les feuilles abondaient, mais noircies, ne laissant aucun espace où laisser sa trace. Le mot quitta les villes, partit en campagne, dans des villages reculés dans lesquels les écoles étaient minuscules et loin de tout progrès… Point de feuilles adéquates !
Après des milliers de jours et de lunes, notre mot, fourbu, atterrit en Bretagne, à la Pointe du Raz. Au-delà, s’étendait l’océan. Le mot eut l’idée de se jeter du haut de la falaise : les courants l’emporteraient vers d’autres horizons… Il avisa une cabane de pêcheurs délabrée, poussa la porte, découvrit une coque de bateau pourrie. L’odeur était épouvantable, mais au moins l’on était à l’abri du vent. Sur ce qu’il restait de la proue gisait un carnet jauni et racorni. Le mot l’ouvrit, le feuilleta. Au fil des pages, de jolis pleins et déliés à l’encre violette galopaient. Récit d’une vie dédiée à la mer, à ses mouettes et tempêtes. Au beau milieu du carnet, le récit s’achevait par une étrange demande : que celui qui me trouve, dépose son empreinte et continue mon histoire. Que sur les pages vierges viennent s’étendre des mots précieux…
Notre mot examina la texture du papier : il était lisse, d’un jaune orangé qui faisait penser à un coucher de soleil. Il fleurait les embruns et le sel. Le mot apprécia, se sentit en villégiature. Il s’allongea et tira délicatement la couverture à lui. Il pouvait soupirer d’aise. Les hommes et leur progrès ne le détruiraient pas.
Un mot cherchait une feuille où se coucher,
mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée, celle ci trop blanche, cette autre trop petite, et puis celle la trop quadrillée.
Son voisin d’à côté, le prétentieux avait choisi la feuille de papier gaufrée, avec sa catégorie de nom il se croyait tout permis. Lui n’était qu’un adjectif. Maintenant il le savait, c’était le statut le moins enviable pour un mot. Personne ne savait quoi faire de lui, il se retrouvait toujours coincé entre un nom et un article, rayé par les auteurs en recherche de phrases percutantes. Aucune liberté, pas d’indépendance. Il avait compris qu’aucune feuille ne pouvait plus lui convenir.
Soudain, un jeune belge passa devant lui. Un grand échalas qui lui décocha un sourire énorme. « ‘J’ai trouvé une place pour toi ! » Il lui tendit un CD. Le mot ne réfléchit pas longtemps. Formidable devint une star internationale.
Il savait maintenant choisir quelle féminin lui convenait . La séduction glaciale ou trop galvaudée ne portait pas de fruits . Dire des mots d’amour ne pouvait se faire que sur une feuille franche et claire .Pas de ratures , pas d’hésitations ,les mots faisaient rage dans sa tête ; exprimés avec fougue et simplicité .
le beau n’est pas le beau
le vrai est le vrai
il voulait de l’accueil, de la douceur , sans exclure la confrontation; la feuille est rebelle par moment et tant mieux; elle ne se laisse pas faire . elle participe au message bien trempé dégoulinant d’encre sur son dos maculé. elle accepte avec patiente cet effronté qui inscrit en elle des mots d’amour qui la bouleversent . En attendant, elle est forte cette feuille libre comme le vent ; même plaquée sur la table , elle sait avec douceur inspirer des mots d’amour ; tendre combat à deux pour plus de félicité .
le temps n’est plus au brouillon ,il faut avec intelligence accueillir l’intrus telle une muse
le mot a trouvé sa feuille et s’étire en son flanc comme un bébé renaissant
Il peut se dire en toute confiance entre la mère et l’amante
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée…
C’était le grand bazar des vacances, la foule envahissait la jolie station balnéaire dès les premiers jours de juillet, s’accaparant les rues, les terrasses des cafés, ou courant à petites foulées sur le front de mer avant de s’affaler sur le sable chaud. Invariablement, comme un tic, certains passaient à la maison de la presse acheter le journal du coin ou un bouquin qu’ils ne liraient pas – ou, pour les plus courageux, juste les dix premières pages (ce qui était déjà un exploit !). Comment lutter contre les tentations de toutes sortes : jeux de plages, baignades ou bains de soleil lascifs. Impossible pour lui, dans ces conditions, de dégoter LE bouquin où venir à son tour s’allonger pour se faire dorer les syllabes. Il restait bien quelques places dans les grilles de mots croisés, mais trop étroites à son goût ; quant à la presse people, il la trouvait racoleuse et vulgaire, infréquentable en un mot ! Dépité, il finissait par se résigner et rentrait à l’ombre de la bibliothèque municipale. Les vieux bouquins poussiéreux riaient sous cape, se moquant de ses velléités d’indépendance. On te l’avait dit : plus de place pour nous, il faut te faire une raison, ou tu te recycles dans un e-books, ou tu finiras tes jours ici, comme nous tous, dans l’indifférence générale, c’est écrit.
L’été rendait la bibliothèque plus déserte et sinistre encore, déjà que c’était pas toujours la fête là-dedans, même si on y amenait les enfants des écoles le mercredi – certains de force, une misère ! En août, on fermerait pour un mois, comme tous les ans…
Mais demain, il repartirait, vaillamment, avec un autre plan en tête. Il essayerait les affiches, pas les électorales, non : plutôt celles du cirque de passage, toutes neuves et fraîchement collées à tous les coins de rue. Son rêve : figurer au milieu de ces belles et grosses lettres rouge et or, rentrer dans la cage aux fauves, draguer l’écuyère… et partir avec la troupe de saltimbanques, ailleurs, loin…
Il grimpa sur la plus haute étagère et s’endormit entre deux pages d’un grand livre de contes, son préféré.
Bon dimanche, Christine
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait. L’une était trop glacée, l’autre trop froissée. Il entreprit alors de faire un grand voyage. Les vents et les tempêtes lui firent escalader toutes les montagnes, traverser tous les champs, braver tous les flots. Jusqu’au jour où, à bout de forces, il s’échoua dans sur un corps. Ce fut une révélation. Quoi de plus doux qu’un corps de femme pour trouver enfin le repos ? Il pourcourut ses longs bras, tranquillement, sans se presser. Puis il entreprit la poitrine, le ventre, lentement, jusqu’aux cuisses, jusqu’aux genoux, jusqu’à pénétrer le corps dans son entier. Il s’installa pour l’éternité.
Mais le corps se donna bientôt la mort. La douleur continue installée en lui était devenue insupportable.
© Margine qui a mal au genou
C’était une marchande de 4 saisons qui ne vendait que du beau temps. Le mauvais elle le jetait. Ses clients l’adoraient jusqu’à ce premier jour de printemps où des éclairs déchirèrent le ciel en zigzags aveuglants, où le tonnerre roula, assourdissant, suivi d’un écran de pluie plus opaque que jamais. Horrifiés ils crûrent assister à la fin du monde.
Pendant ce temps, dans l’Olympe, la charmante marchande de 4 saisons subissait le courroux de Zeus.
– As tu oublié qui était le maître du temps? Pour qui te prends-tu? Comment oses-tu prétendre au statut de divinité? Pauvre humaine ignorante. Ne sais-tu pas que c’est moi le Dieu souverain, ordinateur du monde?
As-tu une seule seconde pensé à Hadès qui ne voit plus Perséphone parce que tu l’obliges à rester sur terre pour le plaisir d’humains égoïstes ? Pour te punir de ta présomption, j’ai agité l’égide et déclencher la foudre du premier niveau, mais prends garde si tu ne te soumets pas, ce sera la foudre du troisième niveau entraînant un gigantesque incendie . Tiens le toi pour dit.
Abasourdie d’avoir provoqué un tel chaos, la pauvre petite marchande de 4 saisons dont le seul but était de vendre du plaisir, fondit en larmes. On venait de lui interdire de ne proposer que du beau temps.
Comment expliquer à ses clients qui l’aimaient tant, qu’un dieu de légende l’avait enlevée, sermonnée et lui avait ordonné de vendre toutes les saisons sans exception sous peine de cataclysme?
* Suite à une punition de Zeus, Perséphone passera l’automne et l’hiver auprès de son époux Hadèsaux enfers, les six autres mois elle retournera sur la terre auprès de sa mère Démèter..
Holala, il est 16h00, et il y a déjà 4 textes! Vous êtes des rapides!
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.L’une était trop glacée, l’autre trop froissée,
il avait toujours rêvé de pouvoir s’étaler sur un parchemin en quelques traits élégants, mais on s’était moqué de ses goûts complètement rétrogrades,
il pensait à un papier bible, comme une certaine collection fort appréciée, mais trop prétentieux pour lui,
il avait rejeté haut et fort le style quadrillé, lignes pré-tracées, il méritait plus de fantaisie qu’un cahier d’écolier,
il refusait obstinément de terminer « encagé » dans une grille de cruciverbiste, sur papier de mauvaise qualité,
il avait envisagé le « post it »qui le ferait papillonner d’agendas en carnets divers, il prendrait de la couleur sans risque de s’égarer,mais trop connoté,
il désirait plus que tout se poser sur le papier recyclé du carnet de voyages, il connaîtrait enfin d’autres horizons, des encres exotiques, de nouveaux compagnons de route, il jouerait le « mot-valise »,
Mais il n’avait pas dit son dernier mot !
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
Il finit par s’accrocher à une écorce de platane, faute de feuille en ce printemps encore débutant et alors, le mot se pencha, belle italique, sur l’écritoire ligneuse et s’épancha…
Son maître, Nemo, l’auteur de ces mots, de ses mots, de ses maux, desserra son angoisse et se livra :
« Quand de ma gorge se dénoue
L’étreinte de l’angoisse vile,
Alors l’aigreur de mes mots-bile
S’écoule aussitôt de ma soue.
C’est le murmure des maux mûrs
Que je découpe au chalumeau !
Des mots qui sortent ou qu’on extirpe
Et dont on ressent la morsure
Jusqu’au plus profond de ses tripes
Et là où rôde la mort sûre. »
En ce jour, elle l’avait tué.
Pauvre Nemo !
Elle l’avait tué.
Savait-elle à quel point il tenait à ce dont elle le privait ne supportant plus sa place à ses côtés ?
Elle le savait.
Oui, elle le tuait !
Elle le savait.
Mais c’était ainsi.
Elle souffrait trop, elle aussi.
Elle voulait vivre.
Il devait mourir.
Mourir à elle.
Pour qu’elle pût continuer.
Continuer de vivre.
L’écorce du platane était là.
Il l’invita à se reprendre.
Alors, le mot reprit son cours…
« C’est le murmure des maux mûrs
Des mots qui suintent ou qu’on arrache,
Des mots agiles, des mots ardus,
Des mots hardis ou retenus,
Des mots du cœur ou bien moqueurs,
Des haut-le-cœur qui interloquent
Et qui mettent mon cœur en loques,
Car entre le mot et la mort,
Il n’y a qu’un peu d’R qui circule,
Et dans ce bal des mots, des cris,
Les cris de l’écrit s’articulent… »
Le mot, ce mot, s’écrasa sur l’écorce et se mêla à une larme soudaine.
Et puis, le mot de Nemo se reprit…
« Dans ce bal des mots, des cris,
Les cris de l’écrit s’articulent
En moqueries ou en mots-cris,
Des mots lisses ou qui démolissent,
Qui se débattent ou qui bâtissent,
Mots dits, bien dits ou bien mal dits,
Mots nouveau-nés ou démodés
Car le mot naît, puis le mot ment,
Puis le mot râle, et mord, et meurt
De son dard qu’il a arraché
Et qui est resté attaché
A la plaie qu’il vient de fouailler.
Et peu importe le moment
Où s’est éteinte la rumeur !
Quand ma plume a vidé son fiel,
Alors arrivent les mots doux.
De mes blessures, ils sont le miel,
Quand ils glissent, ils font un bien fou
Et j’écris cette douceur sourde
Qui apaise de ses mots dits
Tous les maux étranges qui sourdent
De ma béance de maudit. »
De ces larmes si peu salées, le platane sait profiter, et, en ce printemps débutant, la première feuille éclot.
Nemo la voit, sourit, aime la vie.
L’écorce aux mots ?
La voilà.
Elle est à vous.
Là.
Erratum. La septième ligne ci-dessus devrait démarrer avec : sans un support en papier…
Mex excuses… sans support papier les fautes aussi sont plus libres.
Un mot cherchait une feuille où se coucher, mais aucune ne lui plaisait.
L’une était trop glacée, l’autre trop froissée.
Pourquoi donc ne pas s’envoler au loin, au-dela` des habitudes ancrées ou pas ?
Je me trouverai bien en bonne compagnie dans l’univers de l’imagination qui s’étend de plus en plus, des idées maitresses qui viennent et qui vont, des conversations qui s’enrichissent de temps en temps.
Sans un support papier, je ne serai probablement ni lu ni connu par la plupart des humains mais j’aurai toujours la voie libre devant moi.
Au fond, me fixer sur une feuille veut aussi dire se retrouver plus tard au fond d’un panier.
mais quelle est donc cette feuille si agitée
pourquoi refuser ce mot que je veux bien partager
pourquoi ne pas me laisser écrire
je ne serais donc pas le maitre de ma plume ?
Y aura t-il toujours quelqu’un pour m’emmerder ?
Même s’il ne s’agit qu’une feuille de papier, même froissée, même glacée
Il va falloir que je m’y fasse
jamais mes mots ne vont percer, ni sur cette feuille, ni sur une autre
il semblerait que je sois condamner à ne pas trouver.
Je peux rester couché. Froissée ou pas, ce mot restera dans ma tête à tout jamais. LIBERTE