357e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
Inventez leurs propos
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Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
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Deux boîtes à lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
– Franchement Manue tu ne crois pas qu’on pourrait changer de nom ?
– Ben, tant que nos proprios habitent là, Lisette, je ne vois pas comment on pourrait changer !
– Je ne te parle pas de ça mais de notre appellation générale, celle qui figure en grand sous notre numéro de bloc : « BOÎTES À LETTRES » ! Combien de lettres reçois-tu toi, comparé au nombre de publicités, de colis, de journaux, de revues dont les porteurs ou le facteur nous gavent ?
– Oh, ça, j’compte pas mais pour sûr, y a moins de lettres que d’autres choses !
– Ah ! Tu vois bien ! Dans une boîte à bijoux, on met des bijoux, dans une boîte à biscuits on met des biscuits, dans une boîte à lettres on devrait mettre des lettres et rien d’autre ! On est devenu des boîtes à n’importe quoi et çà, ça ne me plait pas du tout ! Notre noblesse fout le camp. ma vieille.
– C’est indubitable… mais comment changer ça ?
– Nous devons refuser d’avaler n’importe quoi… garder notre joli nom et retrouver nos lettres de noblesse !
Silence et réflexion…
– Beau programme dit Manue battant du clapet les yeux au ciel.
– Te souviens-tu de Rémi ?
– Rémi… Larrousse, le mentaliste du 3ème étage ? Sûr que je me souviens de lui !
– Avant de partir il m’a confié certains de ses pouvoirs. A ce jour, je ne les ai jamais utilisés mais j’ai hâte voir ce qu’ils peuvent faire.
– Wow ! Et tu vas faire quoi ?
– On attend le facteur et tu verras. Mais surtout, ne dis rien et laisse-moi faire,
– Okay Lisette, okay. Mais je suis bien impatiente.
La journée leur sembla bien longue. Plus longue encore pour Manue que pour Lisette. Quand le facteur arriva aux environs de 10 h 30, Lisette gonflée à bloc ne manquait pas d’air et, va savoir comment, elle mit toutes les autres boîtes dans le même état qu’elle. Ainsi, chaque fois que le facteur soulevait le volet de protection pour déposer une lettre, celle-ci tombait délicatement et sans encombres dans la boîte. Par contre, pubs, flyers ou autres revues, repoussés par un souffle puissant se mettaient à voler dans le hall. Le facteur n’en croyait pas ses yeux ; impossible de pousser les catalogues dans les boîtes ! Il paniquait…. en plus, je perds du temps, je vais me faire engueuler ! Exaspéré, il cessa de lutter après moult tentatives et décida de poser tout ce qui n’était pas lettre en tas près de la porte intérieure.
Il en fut ainsi chaque jour pendant des semaines ! Le titulaire de La Poste avait même prévenu ses collègues remplaçants : « Chez les petits lettrés (c’est comme ça qu’il avait fini par appeler l’immeuble) on ne met que des lettres dans les boîtes, okay ? Le reste, dans le coin à droite près de la porte, vous perdrez moins de temps. »
Depuis lors, les boîtes des petits lettrés du 25 quai Conti n’ont plus rien à envier à celles des lettrés de l’Institut du 23 et Lisette en tire une fierté certaine.
– Tu vois Manue, quand on veut, on peut, même si on n’est pas académicien ! Et avoue qu’utiliser les pouvoirs d’un Larrousse pour retrouver notre juste appellation, c’était hyper logique, non ?
357 Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
– Quelle bonne idée !
– Tout le hall est plus gai. D’ailleurs tu ne trouves pas qu’il est même plus propre. On a l’impression que cette idée leur a ouvert les yeux sur l’esthétisme.
– Ça fait un bon moment maintenant qu’on ne nous arrache plus la porte pour prendre le courrier
– En fait, depuis que le jeune du 3ème, qui est si timide, a décidé de se lancer.
– Il a un sacré talent ce gamin
– Tu vas voir on va devenir célèbre ! Même le facteur a changé, il sifflote maintenant quand il dépose le courrier.
– Quelle boîte tu préfères ?
– Je crois que je serais incapable de le dire, on a chacune un cachet particulier. Moi je suis ravie de ma campagne, à la Van Gogh
– Moi ça tendrait vers Picasso
– Il y a du street art aussi, c’est quand même sa génération, jamais je ne l’aurais cru capable de faire autre chose. Et puis il a choisi une palette de couleurs qui fait que tout ce mélange de styles s’harmonisent parfaitement sur une cinquantaine de boites aux lettres.
– Il faudrait que le facteur en parle à un journaliste. C’est dommage que ces œuvres restent cachées.
_._._._
– Mais qu’est-ce que c’est que ces cochonneries ! Vous avez vu Jean c’est du vandalisme, de la détérioration de biens publics. Vous allez me faire venir quelqu’un pour repeindre tout ça en blanc ! Quand ce n’est pas les ascenseurs ce sont les boites à lettres !
– Je trouve que ça a de la gueule et que ça fait moins triste et vous remarquerez que nous avons moins de problème avec ce bâtiment depuis un moment. C’en est peut-être la raison. Si j’étais vous je ferai plutôt venir un journaliste pour qu’une fois on dise du bien d’ici.
– Vous n’êtes pas moi mais faites ce que vous voulez. C’est vous qui avez soupiré ?
– Non
357 Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
– C’est quand même incroyable dans un immeuble de ce standing !
– Plutôt dégoutant tu veux dire. La factrice a failli s’évanouir en ouvrant la porte pour arriver à mettre sa tonne de courrier. Je me demande bien d’où vient tout ce qu’il reçoit.
– Pourtant ils avaient l’air sympa tous ces mecs qui venaient chaque semaine avec une ou deux bouteilles de whisky. T’as une idée pourquoi ils se réunissaient ?
– Pas vraiment, mais en sortant ils puaient la cigarette.
– Maintenant ça paraît évident, ils jouaient au poker. Il ne faut pas être James Bond pour deviner.
– Je ne comprends pas, ça fait plus d’un an qu’ils se retrouvent et il n’y a jamais eu de problème.
– Tu te souviens qu’une fois on s’est dit : Tiens celui-là , il est nouveau
– Et alors ?
– Facile mon cher Watson, il ne faisait pas partie de leur bande. Je ne sais pas qui l’avait emmené
– Et alors ?
– Tu n’as pas encore pigé ?
– Non
– Et bien ce type devait être un professionnel et a dû vouloir donner un avertissement
– C’est carrément dégueulasse
– Ben c’est comme ça dans un certain milieu de joueurs.
– Quoi, de foutre un petit doigt dans une boîte à lettres ?
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– Bonjour. Vous êtes nouvelle ?
– C’est cela ! Je suis arrivée avant-hier samedi
– Vous verrez, vous allez vous plaire ici.
– J’en doute fort. Dans mon ancien job, j’avais de nombreux contacts. Mais ici, à part vous, personne ne m’a adressé la parole.
– Je vous assure ! C’est un boulot peinard
– Un peu trop peinard, non ?
– Juste ce qu’il faut. A 10 h pétantes, du lundi au samedi, le facteur dépose le courrier sans qu’on ait quoi que ce soit à faire et…
– C’est ce que je disais. Dans mon job antérieur, on m’ouvrait 50 fois par jour. Pas très varié le courrier j’imagine, non ?
– Mais pas du tout. Il n’y pas que le facteur. Il y aussi les distributeurs de prospectus, de flyers, de publicités, sans compter les tracts électoraux et les profession de foi. Et puis il y a du passage : les résidents, la gardienne, les livreurs Etc. Ah non ! Vous pouvez me croire, c’est du varié et …
– Dans mon ancien job, je recevais des lettres, des documents, des photos et même des vidéos. Vous ne pouvez empêcher que l’on mette des courriers malveillants genre lettres d’injures, anonymes bien sûr
– Non. Nous n’avons hélas pas ce pouvoir mais…
– Dans mon ancien job, je pouvais éliminer tous ceux que je ne désirais pas ! Bon Et ensuite ?
– Le grand moment de la journée : on nous ouvre ?
– Qui on ?
– Ben les locataires de l’immeuble qui …
– Dans mon ancien job, une seule personne était habilitée à m’ouvrir. Cela créait une sorte d’intimité entre elle et moi.
– Ici, on apprend à connaître le genre humain.
– Tiens donc ! Dans mon ancien job, je pouvais dialoguer avec le monde entier. J’organisais des réceptions, des envois etc… Alors la nature humaine, j’en ai une vague connaissance. Comment peut-on connaître l’être humain ici ?
– C’est justement pour cela que j’appelle cela le grand moment. Lorsque les locataires nous ouvrent : c’est le grand déballage des émotions. Le dépit si nous sommes vide, la déception s’il n’y a que des prospectus, la colère s’il n’y a que des factures, la peine si c’est une lettre de rupture ou la joie si c’est une déclaration d’amour, la rage si c’est le bulletin scolaire du petit, la …
– Dans mon ancien job, je …
– Vous parlez sans cesse de votre ancien job . Mais quel était-il ?
– Je bossais pour une boîte américaine. Mais, il y a deux mois, j’ai été infectée par un sale virus. Et j’ai donc dû me reconvertir. Dans mon ancien job, j’étais une boîte aux lettres électronique.
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
-hou punaise, mais qu ‘est ce que tu as fais ?
Tu es rose fluo ! ! !
Houlala, tu vas lui en mettre plein la vue au facteur !
-c’est voulu. Depuis le temps que je cherche à me faire remarquer. Il ne me voit pas au milieu de vous toutes, toutes les mêmes.
-tu devrais peut être te faire oublier un temps parceque déjà que la fois où tu as fais tomber ta porte il a dû passer des heures à te réparer. Souviens toi, le propriétaire l’avait accusé de t’avoir cassé.
-oui je sais, au moins il posera ses mains sur moi. J’adore ses mains toutes chaudes qui me répare les charnières. Ça ne me suffit plus de recevoir le courrier.
Cette fois çi le temps qu’il me déccape et me repeigne ça prendra au moins deux jours avec le temps de séchage entre les deux couches !
-pfff tu es complètement malade.
-pense de moi ce que tu veux, moi je veux vivre par tous les cotés, même celui du haut qui est encastré par ce lourdeau de voisin. J’arrive à me le faire dépoussiérer de temps en temps. Il y a un papy maniaque qui y passe son mouchoir en coton de temps en temps. Tu verrais comme c’est doux ! Après, je sens le vent y passer quand quelqu’un ouvre la porte du hall d’immeuble. C’est agréable et frais.
-avec tes bêtises tu vas finir par attirer l’attention des squatteurs et tu finiras par recevoir leurs clopes, voir les crottes de chiens des gens qui ne trouvent pas la poubelle pour jeter les déjections de leurs toutous.
-j’en prends le risque. A porter des gants pour tout on ne vit plus. On s’anesthésie avec le temps. Je ne veux pas.
-et bien tu vas vite avoir ta réponse, le voilà ton bien aimé.
En entrant dans le hall le facteur se tourna comme d’habitude pour distribuer son courrier.
-Waouuuuu mais qu’est ce qu’il s’est encore passé ici ? ! Un graffiti ?
Il ouvrit la boite aux lettres et l’examina dans tous les sens.
-Il est temps de changer cette boite aux lettres, elle a déjà été trop réparée.
Il la démonta et la remplaça par une boite aux lettres lambda, bien lisse, sans bosse, pareille à toutes les autres.
Il garda notre boite aux lettres rose qu’il amenait partout pour la montrer à ses amis en racontant toutes les histoires qu’il lui était arrivé et toutes les réparations faites.
Elle voyageait dans toute la ville à ses cotés et faisait rire les gens qui la touchaient, la regardaient.
Il n’en s’en séparait plus, elle était devenu son compagnon de route, une mascotte.
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tu m’as l’air triste aujourd’hui ta porte toujours fermée ?
Oh figure-toi que mes « locataires » ont perdu leur clef, je crois qu’ils étaient tellement énervés car la dernière fois qu’ils l’ont ouverte il y avait un rappel des impôts et ils étaient tellement en colère après en avoir pris connaissance qu’ils l’ont jetée à la corbeille et je pense que par mégarde ils ont jeté aussi ma clef .
Je ne vois qu’une solution c’est que l’homme de ménage des communs s’en apercevra lorsqu’il la videra mais fute-fute comme il est j’ai des inquiètudes.
Mais ce ne sont pas tes affaires, à ta place je m’en moquerais,
pas tout à fait car ils risquent d’en mettre une neuve et de me mettre moi aussi à la corbeille,
oui je te comprends ! Tiens voilà le facteur !
On dirait qu’il a une lettre pour ma locataire (je reconnais l’écriture). A chaque fois qu’elle reçoit ce genre de missive elle l’embrasse en esquissant un pas de valse,
oh ces humains ils sont bizarres tout de même,
moi dernièrement je recevais des enveloppes entourées de noir et
quand la propriétaire les ouvrait elle pleurait.
ah bon, çà te flanquait le bourdon
non mais tu rigoles, il m’en faut d’autre.Et puis je dois te dire qu’elle n’a pas pleuré longtemps et des tenues noires elle est vite passée aux mini-jupes et collants moulants !
– Rien pour moi ! et toi ?
– un avis de lettre recommandée avec A.R. Ils n’ont pas dû payer leurs impôts du fait qu’ils ont jeté le ler appel dans la corbeille
nous au moins nous n’avons pas à faire face à ces contingences !
– tu emploies de ces mots ma chère.
Tu sais pendant plusieurs mois ils ont laissé un dictionnaire dans ma boîte et j’ai eu tout loisir de le feuilleter
oh moi tu sais à part des imprimés de pub je n’ai pas souvent grand’chose à me me mettre sous la dent, si je puis dire.
Soudain, elles virent des hommes en salopettes démonter leur bloc qui se retrouva brusquement jeté dans un terrain vague.
Choquées, réfrigérées, elles devinrent muettes.
Et puis un jour, un S.D.F les emmena toutes les deux dans un vieil abri où elles lui servirent de garde-manger . Elles étaient souvent remplies ras la gueule. Du coup elles reprirent leurs conversations où il était souvent question de recettes.
La vie réserve quelquefois de belles surprises même aux boîtes aux lettres.
Belle idée de reconversion, écolo en plus !
merci pour ce petit commentaire sympathique
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…Habitant le même hall, du moins pour ce qu’il en reste ! Gertrude et Paulette ne comprenaient rien à ce qui leur était arrivé. Elles se retrouvaient actuellement face à face au lieu d’être côte à côte. Position bien plus avantageuse pour faire la conversation.
– Dire que je n’ai rien vu venir, se lamentait Gertrude.
– Et pourtant, il y avait des signes, des indices, mais… tu n’accordais guère de crédit à mes déclarations, enchaîna Paulette.
– Des signes ? Des indices ? Je n’ai jamais vu les tomettes aussi patinées et parfumées à l’encaustique…
– Justement, c’est un indice…
– Et les clapets n’ont jamais été aussi pimpants, pas la moindre enveloppe qui ne dépasse ! s’exclama Gertrude.
– Encore un indice, répliqua Paulette.
– Et plus un seul pétard n’a explosé !
– Un troisième indice, ponctua Paulette en haussant le ton. Tu vois, n’ai-je pas raison ?
– Les serrures ne sont pas forcées…
– Gertrude, tout cela mis ensemble ne t’a pas mis la puce à l’oreille ?
– Non….non…. non. .. ânonna Gertrude.
– Il faisait tout à coup si calme après le départ des occupants du quatrième, avec leur bébé qui brayait du matin au soir…continua Paulette.
– Et du soir au matin, pour tout dire, acheva Gertrude qui commençait à gesticoter car quelque chose la gênait.
De longue minutes s’écoulèrent, dans le silence.
– C’est qu’en plus, il fait noir, reprit doucement Paulette.
– Et c’est inconfortable, j’ai mal partout, se plaignit Gertrude.
Puis le silence retomba.
– On aurait dû s’en douter qu’il se passait quelque chose, hein, Paulette !
– Oui, on aurait dû. Surtout quand le petit couple du troisième est parti, et puis la tribu du cinquième et puis…
– Et puis… on avait beau attendre le facteur pour qu’il nous donne quelques nouvelles, mais rien ! A croire qu’il avait déserté, lui aussi…Si c’est pas malheureux de nous avoir laissé dans l’ignorance, hein, Paulette ! s’indigna Gertrude.
– Et quand il y a eu cette explosion !
– J’ai eu la peur de ma vie, mais tu es restée près de moi….Mais je ne suis pas sûre que c’était une explosion, je pencherais pour une implosion.
– C’est du pareil au même, nous voilà comme des carcasses à fond de cale….
– Il ne nous reste que nos souvenirs…
– Et si on se remémorait tous les bons moments, toutes les bonnes nouvelles….
Paulette et Gertrude eurent à peine le temps de se remémorer l’une ou l’autre bonne nouvelle qu’un bruit assourdissant, un bruit de ferraille et de béton les avala, les engloutit et les anéantit.
Et puis, ce fut le cauchemar. Indescriptible. D’immenses mâchoires mordaient, recrachaient, empilaient. De vrombissements en secousses, de ballottements en glissades, de roulis en plongeons, Paulette et Gertrude disparurent dans un chaudron infernal.
Leur vie d’agents de liaison entre les humains s’arrêtait là….
Quelques mois plus tard….
Par une belle journée de printemps, Paulette se réveilla, svelte à souhait, réincarnée en banc public.
Elle retrouvait une seconde jeunesse, à accueillir les jeunes gens qui se promenaient main dans la main et qui se bécotaient…Cela lui donnait envie de chanter !
Au fil des jours, elle devint le banc- mascotte de Julie et Pierre et, tout en discrétion, partageait leur bonheur. Les fiançailles, le mariage…
Depuis un certain temps, Julie venait plus souvent seule. Paulette lui trouva mauvaise mine, les traits défaits, la silhouette alourdie…Et puis, ce fut l’absence. Paulette se posa des milliers de questions qui restaient désespérément sans réponse.
Des mois plus tard, Paulette, qui siestait doucement sous les derniers rayons de l’été, fut réveillée par une espèce de couinement. Elle ouvrit un œil et fut stupéfaite de découvrir 4 roues et deux pieds, deux chevilles, deux….. « Bon sang, qu’est-ce qu’il lui est arrivé, à ma petiote ? » se demanda Paulette. Elle eut à peine le temps de soupirer qu’elle sentit le popotin de Julie se poser sur … elle…
Avec une joie indicible, Paulette reconnut sa voix, si douce, si mélodieuse…. « Mais c’est qu’elle parle toute seule, ma petiote ! Oh… mais … mais c’est un bébé qui gazouille ! Il va falloir que je sois très patiente pour avoir d’autres nouvelles…murmura Paulette en souriant béatement.
Il n’en fallut pas plus pour qu’un chuchotement, reconnaissable entre mille, surgisse au milieu du châssis …
– Gertrude ???
– Paulette ???
– Gertrude, MA Gertrude ????
– Paulette, MA Paulette, te revoilà enfin…
– Ah, quelle aventure, quelle affaire ! Mais quelle affaire, hein !
© Clémence
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en attendant le facteur.
– Dieu merci, je sais lire ! Lorsque je reconnais l’enveloppe bleue de Coralie, qui écrit à sa cousine Marina, je me permets de lire ! Ca me fait passer le temps !
– Tu en as de la chance ! Moi je ne sais pas lire … je suis venue directement ici après l’usine …
– Tiens, si tu veux, je te lis la dernière, elle est trop magnifique !
– Volontiers !
« Je me souviens …
… une grande boîte aux lettres en fer, verte, au bout de l’allée sur la dune …
et du facteur qui arrivait sur son vélo, que j’observais de la fenêtre, lorsqu’il posait pied à sable et qu’il sortait de son sac comme des éclairs blancs pour les insérer dans la fente fleurie …
Mystère total.
Ces enveloppes, pour qui étaient-elles ?
Allions-nous trouver, sous notre serviette en vichy, à l’heure du repas, un courrier attendu ?
(ou, déception … aujourd’hui, rien pour toi … Pas de nouvelle de l’amie lointaine, de la correspondante anglaise, pas de réponse de la cousine proche, pas … Rien!)
Plus tard, j’occupais une après-midi terne et froide à fabriquer des boîtes aux lettres pour chacun de nous, avec du carton et des chutes de tapisserie dont nous avions gardé les échantillons pour nos petits bricolages …
En plus de notre nom de famille, j’écrivis sur chacune d’elles, avec application, notre prénom !
Elles furent neuf en tout, et ceci parce que ma mère m’avait assuré que le chien et les chats ne recevaient jamais de courrier.
Comme il y avait trois Robert chez nous, je dus faire preuve d’imagination et ajouter l’année de naissance, pour expliquer qu’il y avait l’aïeul, le père et le fils … (non, non, quand même pas le Saint Esprit!).
J’avais dû rajouter quelques petits dessins naïfs avec trois visages : vieux, jeune, très jeune.
Et, puis j’en avais confectionné une au dernier moment, pour « factures » car j’avais compris que ces lettres là n’étaient jamais reçues avec plaisir.
Ce devait être une sœur éloignée qui n’habitait pas avec nous, qui avait dû commettre quelque forfaiture et dont nos parents évitaient de parler.
Quelle fierté lorsque je disposai mes boîtes colorées sur des piquets enfoncés dans le sable !
Le facteur s’y habitua très vite, et je peux même dire, sans prétention, que c’était un bonheur pour lui de perdre un peu de temps en cherchant nos prénoms, en se remémorant nos visages !
Souvent, je pris l’habitude de lui glisser un morceau de gâteau, qui brillait au soleil dans son papier d’aluminium, sur une des boîtes, comme un phare sur la mer …
Et je savais qu’il regarderait notre maison avec tendresse avant de repartir …
A présent, je pouvais ouvrir ma boîte sans gâcher le plaisir des autres.
C’était devenu un rite.
Un bonheur profond comme un secret d’enfant …
Malheureusement, l’été finissant … Il y eut les premières pluies.
Elles étaient bien pathétiques, mes boîtes, dont la peinture avait coulé et qui ne résistèrent pas aux intempéries …
Le facteur, résigné, reprit l’habitude de la grande boîte en fer où n’était marqué que notre nom de famille …
Il avait l’air d’avoir perdu toute gaieté, et se cachait dans un immense imperméable gris. »
Coralie
– Waouh ! C’est merveilleux ! Grâce à toi, je ne me suis pas ennuyée ce matin !
– Si tu veux, dorénavant, nous partagerons toutes ses lettres ainsi notre vie sera plus gaie !
C’était l’heure : le facteur entra dans le hall.
Hélas, aujourd’hui, il n’y avait pas d’enveloppe bleue.
Dans cet immeuble, les portes étaient en papier et les parois en carton. Big Brother régnait en maître, sans technologie. On pourrait croire que tout était fragile, mais au contraire, tout était blindé. Personne n’avait la télé, d’ailleurs tous les mots commençant par télé étaient bannis de la communauté. On ne cultivait que la proche attitude et la convivialité. Le téléphone arabe fonctionnait à merveille. C’est le seul télé-machin qui était toléré. Amazone et Google n’y faisaient pas d’affaires, c’était le bon temps. Les boîtes aux lettres servaient de haut-parleurs. Big Brother était le géant gardien de l’immeuble. Il prenait ses ordres par l’intermédiaire de ses petites boîtes, comme il disait.
S’il disait « non mais allo quoi ! » C’est la petite boîte de gauche qui devait répondre. Elle s’adaptait à l’intonation du Grand Maître qu’elle n’avait jamais vu en colère. Elle annonçait le programme du jour et la ruche donnait le meilleur de son miel.
Elles faisaient le tri à leurs convenances. D’ailleurs les PTT subtilisaient les factures pour les payer à la place des locataires. Les boîtes n’avaient qu’à transmettre les cadeaux venant du monde entier, mais c’était la A qui travaillait le plus.
Cependant un jour, déraciné du Sahara, un petit grain vint mettre le holà. Arrivant sur la selle d’un cheval cabré, il tourbillonna autour de l’immeuble et s’engouffra dans la boîte A (celle de gauche).
– Holà ! dit-il en tirant sur son harnais. Quel est ce privilège dont l’écho me dérange jusque dans mes dunes ?
La petite boîte A (toujours la même), timide lui décocha un atémi et lui ferma la porte au nez. Le petit grain surpris ouvrit les yeux. « Que suis-je venu faire ici dans le noir ? » Il se reprit, si j’ai fait 3000 km, ce ne sera pas pour rien. Je vais lui fermer sa boîte et la délocaliser. Mais il se dit non ! cela a déjà été fait, il réfléchit. En 10 secondes, il lui fallut trouver une solution. »
Pendant ce temps, la boîte B s’impatientait. « Quel est cet étrange ballet dont A ne m’a pas mise au courant ? Elle me cache des choses et il me semble que le vent est en train de tourner. « Les mouches vont changer d’ânes comme dirait le petit Thierry, celui du 4è, quand il est piqué au vif ».
Quand le cheval entendit le mot âne, il claqua la porte avec ses sabots. Le petit grain n’eut que le temps de se rattraper in extremis, ses cheveux voguant au vent se mêlèrent à la crinière de l’étalon. A tous les deux, ils percèrent le mystère de la boîte aux lettres A dans un vacarme qui étonna jusqu’au Grand Maître. Il venait de s’assoupir en attendant le facteur et il se trouva devant une situation inédite.
Son seul recours fut de prendre conseil auprès de la petite boîte B (celle de droite). Mais celle-ci s’étant sentie mise de côté l’envoya paître. Il laissa faire les choses. « La nuit porte conseil, leurs dit-il ». Et le lendemain matin il avança une ébauche de solution. Le petit grain était venu avec toutes les factures en retard des PTT.
Le géant demanda une seconde nuit de réflexion. La solution devait venir du conseil A+B. Le petit grain fit la connaissance de la B.
« Avec toutes ces lettres nous pourrions constituer un abécédaire. C’est ainsi que naquit l’idée du dictionnaire dans lequel ils ajoutèrent le petit grain de folie. Et le dictionnaire leur permit de payer toutes les factures. Voilà l’histoire des boîtes à l’origine du dictionnaire.
Dans le grand hall glacé, les boites à lettres s’ennuient… les hommes passent en vitesse, ne leur jetant même pas un regard, les yeux rivés sur leurs smartphones tellement plus rapides à leur apporter les dernières informations.
Alors, elles bavardent, histoire de passer le temps
– Alors, tu débordes encore?
– Ne m’en parle pas ! Ma vieille ne prends même plus la peine de me visiter, elle a d’ailleurs raison, je n’ai que des publicités…
– Au moins, tu as de quoi lire en attendant le facteur !
– C’est vrai, à la fin, nous qui sommes visitées régulièrement, on ne nous laisse rien, les publicités vont directement à la poubelle.
– Eh bien, moi, il y a deux jours, j’ai reçu une carte postale, comme elle était toute seule j’ai eu tout le temps de la lire « Chère Mamie, je t’envoie un grand soleil de Palavas-les-flots avec plein de bisous… » Une photo avec de la mer, du sable, des gens… j’ai de quoi rêver quelques mois, au moins…
– Tu en as de la chance, un vrai courrier !
– Qui a entendu le « jeune cadre dynamique » insulter sa boite à lettre parce qu’il attendait en vain un document écrit sur un vrai papier, ultra urgent et important ?
– C’était moi ! Il a eu son courrier le lendemain, et ne m’a même pas remerciée !
– Chut ! Taisez-vous ! Voilà le facteur !
– Miracle ! Une lettre d’amour, une vraie, avec des cœurs partout, ne me dérangez pas, je n’ai que la matinée pour la lire, Mathilde rentre à midi…
– Tu nous raconteras, dis ? C’est tellement rare !
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall épiloguent sur leurs conditions de vie en attendant le facteur. Elles sont discrètes mais quand tout le monde travaille, elles se défoulent de leurs maux qu’elles vivent intérieurement. Elles portent une responsabilité que personne ne soupçonne. Elles éprouvent un besoin de communiquer en compensation des nombreuses lettres qu’elles ne peuvent pas lire, mais qu’elles gardent parfois plusieurs jours, en attendant qu’une nouvelle se présente.
– Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment, je suis vidée, j’ai comme des envies de cartes postales.
– Signe de voyage ! Tu vas sûrement changer de locataire.
– C’est plutôt que j’ai hébergé un colis pendant deux semaines, des sex-toys. Mes locataires étaient partis en vacances. Quand ils sont revenus, ils ont pris le carton en vitesse, ça m’a fait un grand vide d’un seul coup. A travers la paroi, j’entendais la tête du lit qui cognait contre le mur.
– Mais quelque chose me dit que tu vas changer de locataire.
– Comment le savez-vous ?
– Le déménagement !
– Quel déménagement ? Celui de la semaine dernière ! Mais non ! C’est celui du 2è. Vous n’avez pas senti les lettres parfumées ? C’était Nina Ricci, j’m’y connais.
– C’est sa nouvelle fiancée ?
– Mais non, c’est son parfum ! Il paraît qu’il part habiter chez elle.
– Ah ! Voilà celui du 3è. Je reconnais ses pantoufles. Des qu’il le voit, il descend. « Pas de factures aujourd’hui, tant mieux ! » Il n’a rien à faire de toutes ses journées. Il le guette et il attend les autres locataires pour discuter du temps qui passe. C’est un ancien contremaître, il dirige tout l’immeuble. Il gare sa Twingo sur le parking, mais sa belle Mercédès toute blanche, attention ! il la sort une fois par mois, elle reste au garage. Mais quand il la sort, j’te dis pas, il est fier comme un bar tabac.
– La semaine dernière, le facteur est arrivé avec les mêmes enveloppes pour chacun des locataires.
– C’était pour l’assemblée générale. Ils se réunissent en pré-assemblée. Ils prévoient ce qu’ils vont revendiquer.
– Ah ! C’est bien, ils prévoient !
– Penses-tu. On pourrait croire qu’ils sont solidaires, mais dans ce domaine, c’est chacun pour soi.
– Tu rigoles !
– Non ! Je ne rigole pas. J’ai eu des petits mots sur mon pare-brise, ou passés sous ma porte. J’ai même eu des allumettes enflammées au risque de brûler mon courrier. Quelqu’un doit faire des grigris. Ca doit être celle du 1er, faut pas lui parler, elle répète de travers tout au syndic. Et le syndic, il envoie du courrier pour te dire, « vous ne devriez pas faire ça. » ou il met des billets d’information pour dire : « vous devriez être plus coopératif. » Le locataire le paye et il renvoie des ordres. C’est le monde à l’envers. Je crois bien que mon locataire va déménager.
– C’est dommage, il sentait le sable chaud.
Dix boîtes aux lettres étaient alignées en deux rangs
Elles formaient ainsi un nombre impair horripilant.
Depuis quarante ans elles n’avaient pas été réhabilitées
Et Monsieur Fernand peu à peu s’en était résigné.
C’est qu’elles étaient belles ces boîtes, d’un bois rutilant
Elles émerveillaient tous les facteurs malgré leur grand âge évident.
Un jour cependant, alors que tout était calme dans ce hall élégant, la porte du hall s’ouvrit. Il n’y avait pas foule qui passait par là, tous les habitants étant de vieux propriétaires esseulés sans trop de visites. Cependant, deux commères, les deux boîtes aux lettres du fond, une à Monsieur Fernand Depoint et l’autre à sa voisine, Fanette Legrand dont il avait grande estime, conversaient. Elles avaient pris l’habitude de s’entretenir ensemble et ainsi, de parler du vent qui s’engouffrait dans le hall dès l’automne venu ou de la pluie qui abrutissait les oreilles de Fanette. Oui, il faut savoir qu’elles s’étaient nommées tout simplement Fanette et Fernande, du prénom de leurs hôtes. Elles en étaient fières et aucune des deux n’eut voulu en changer.
Fanette qui faisait la sieste gentillement, fut réveillée en sursaut par un pli lourd qui tomba net en elle, lui brisant presque le bas du dos que Madame Legrand entretenait en la massant avec un mouchoir de soie tous les vendredis.
– Mince alors, aïe, aïe, aïe.
– Que se passe- t-il Fanette, qui a-t-il ? s’enquit Fernande, juste à côté.
– J’ai reçu un choc, j’étouffe, de grâce, au secours. Un poids lourd vient de s’abattre sur mon dos déjà bien éprouvé. A ces heures en plus, c’est étrange, il n’est pas l’heure du facteur et Madame Legrand n’arrive pas avant dix- huit heures de son club de bridge, je ne tiendrai pas jusque- là. Je me meurs Fernande, je crois que je vais vous dire adieu. Nous avons eu de si bons moments ensemble.
– Fanette, Fanette, je vous en supplie, je vais trouver une solution, vous connaissez ma finesse d’esprit, j’ai bien souvent agacé le facteur avec ma fermeture qui au gré de mes désirs faisait ses colères. Restez tranquille, respirez calmement, n’essayez pas de résister à ce poids et moi je vais souffler si fort que ma porte s’ouvrira car Monsieur Fernand ne me ferme jamais à clé et il arrive, vous le savez d’ici 5 minutes. Il me trouvera ouverte en grand, s’inquiétera, croira à une tentative d’effraction et téléphonera à Madame Legrand pour la prévenir, ils se disent tout ces deux- là. Elle viendra de suite, j’en suis sûre. Si sûre que j’en parierai ma porte à couper, c’est vous dire ! Je n’ai pas envie de vous perdre.
Ainsi fut fait. Madame Legrand accouru auprès de Monsieur Fernand Lepoint. Toute essoufflée mais ravie en ouvrant sa boîte de trouver une publicité remplie de produits apéritif qu’ils en oublièrent le problème. Madame Fanette Legrand rendait vie à Fanette (la boîte) et Monsieur Fernand Lepoint en remerciement invita sa charmante voisine.
Gageons une bonne soirée pour ces deux et encore longue vie à leurs boîtes aux lettres respectives.
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall
épiloguent sur leurs conditions de vie
en attendant le facteur.
J’en ai marre de recevoir toutes ces factures, ces lettres de relances imprimées sur ces mauvais papiers recyclés, à l’odeur d’encre rance.
Des enveloppes froissées d’un bleu délavé la plupart du temps, ou d’une espèce de gris jaunâtre sans même une image collée au coin supérieur et qui pourrait l’égayer quelque peu.
Les voisines ont parfois des mots écrits en rose ou en vert pâle du plus bel effet, un joli timbre évoquant la nature ou une œuvre d’art. je me souviens que le mois dernier dans la boite du 3eme, celle de monsieur Casanova j’ai aperçu un matin l’homme de lettres qui glissait délicatement dans sa fente offerte, un long message aux reflets mordorés et qui présageait d’excellentes nouvelles.
Je ne connaitrais donc jamais ce bonheur ?
….
Crois-tu que je ne reçoive que des mots plaisants ? tiens, avant hier le facteur m’a glissé pendant que je baillais bêtement une espèce de missive blanche bordée de noir, une horreur qui sentait le camphre au point que j’en ai eu mal au cœur toute la matinée. Mardi il m’a gratifié d’un énorme paquet qu’il a dû enfourner de force jusqu’au tréfonds de ma gorge, j’avais beau tousser et ma cabrer, il insistait si fort avec une rage mal retenue que j’ai dû céder par crainte qu’il ne m’éventre.
Pauvres vieilles choses que nous sommes devenues, quasi inutiles, trop souvent remplies de réclames colorés de façons hideuses et criardes.
Ah ! que je voudrais revenir aux temps de ma mère, qui attendait fébrile la venue du facteur, le guettant par la petite fenêtre de la cuisine, descendant vite recueillir l’enveloppe Blanche, la tournant et retournant en tous sens 2 fois, 3 fois, scrutant l’écriture, regardant avec attention le tampon de l’agence, l’heure à laquelle elle avait été déposée précieusement au bureau de poste.
Etait-ce cousine Jeanne qui annonçait sa visite, ou Jacques qui nous prévenait de la naissance du petit dernier
Ce temps est bien fini, allons ma chère ce n’est pas la peine de se lamenter avec nostalgie.
La petite nouvelle installée seulement depuis1 semaine, m’a soufflé : que bientôt, on allait toutes nous démonter, nous mettre en troupeau sur le devant du trottoir. Le facteur ne descendra même plus de voiture, il jettera dans nos bouches béantes de pauvres courriers sans intérêt que les locataires ne ramasseront plus qu’une fois de temps en temps, et qu’ils se précipiteront à peine rentrés chez eux sur des sortes d’engins qui ressembles à des télévisions et qu’ils relèveront, avides, des courriers appeler « MAILS », que ça ira très vite. L’avenir est bien sombre pour nous toutes. Les plus insolites ou les plus belles iront, peut-être, dans des espèces de salles nommées « Musées » et que les jours de classe des enfants viendront nous voir en rigolant et se moquant, se poussant du coude.
Ainsi va le monde ! il faut vivre et mourir avec son temps.
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall épiloguent sur leurs conditions de vie.
C’etait de vielles boites grises comme on en trouve un peu partout dans cette résidence du Nord de la cité… De temps en temps, elles échangeaient brièvement et le plus discrètement possible sur les allées venues des uns et des autres…
« C’est bien calme ce matin non ? »
« oui comme tu dis… ça fait du bien pour une fois. pourvu que ça dure ».
La boite du 2nd étage soupira d’aise avant de poursuivre… BOUMMM..!
« Ho non ! pas encore !ça recommence »
la porte venait de claquer bruyamment contre le mur faisant trembler les vieilles carcasses émaillées grises… les deux hommes roulèrent au sol avant de s’empoigner et de se cogner contre les boites.
« ils vont finir par nous démonter un jour !! » cria la boite du 1er Etage…
les couvercles claquaient… De temps en temps l’une et l’autre laissaient échapper un grincement métallique…
« Il m’a décroché ! » hurla soudainement la boite du 2nd…
Tout à coup, plus rien… plus un bruit… La boite du 2nd Etage pendait d’un coté tandis que la boite du 1er se retrouvait grande ouverte, la bouche béante…
« ça va toi ? ils vont finir par nous dévisser totalement un jour »
« J’espère qu’on va pouvoir nous réparer cette fois… c’était pire qu’hier je croie »…
« Ce n’est pas une vie quand même… C’est tous les jours maintenant »
« Quand je pense qu’il y a des Résidences ou on les fait briller les boites… »
« Ouais ben nous on se fait tabasser… C’est comme ça. on n’a pas tiré le bon lot à l’installation »
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall épiloguent sur leurs conditions de vie.
Elles habitaient le même hall depuis leur installation. La B6 se trouvait au-dessus de la B9. Elles avaient développé une sincère amitié, le sens de la solidarité et partageaient leur emplacement en bout de rang ce qui leur valait toujours d’attendre que les autres soient servies avant qu’elles reçoivent leurs nouvelles.
-Allez, petit facteur, active un peu ! On t’attend depuis une heure ! Tu nous avais habitué à plus de ponctualité !
-Ne le stresse pas sinon il va encore se tromper et inverser le courrier entre nos deux boites !
-Et bien ce sera marrant ! Ça nous donnera l’occasion de rencontrer nos locataires respectifs. Ils sont si mignons…D’ailleurs, ils iraient très bien ensemble non ? Tu ne trouves pas ?
-Ça y est ! Tu t’ennuies tellement que te voilà maintenant entremetteuse ! Bravo !
-Avoue que franchement, depuis qu’ils se sont retrouvés devant nous à chercher leurs clefs respectives pour relever leur courrier en même temps, il s’est passé quelque chose non ? Tu n’as pas remarqué comme elle traîne devant nous le soir à la même heure, comme si elle voulait tomber sur lui, par hasard bien sûr…
-Peut-être, oui. En même temps, ils prennent le même bus le matin pour aller travailler, forcément ça crée des liens et il est possible qu’ils en pincent l’un pour l’autre.
-Oh mais j’ai une idée. Et si on forçait un peu le destin ?
-Comment ça ?
-Si tu fais un demi-tour sur toi-même et moi aussi, il y a fort à parier que notre facteur préféré, trop concentré sur la musique qui lui crie dans les oreilles ne se trompe de boîtes et que nos petits protégés soient amenés à se revoir. Bien sûr, il va falloir doser mais ça peut marcher !
-Ah toi alors avec tes idées, tu t’ennuies à ce point là ?
-Ah écoute, ça va nous distraire un peu. Je n’en peux plus de reluquer les styles vestimentaires des uns et des autres, de supporter les mines tristes de ceux qui vont travailler et la fatigue extrême de ceux qui reviennent sans compter le matin les odeurs infâmes des après-rasage les plus ignobles les uns que les autres qui empestent le hall.
-Bien alors avec un peu d’exercice, je devrais pouvoir devenir un 6…
-Et moi un 9 !
Elles se délectèrent donc pendant plusieurs semaines de leur petit jeu qui fonctionna à merveille.
Le facteur fit les erreurs attendues et nos deux tourtereaux firent de ces erreurs le début de leur histoire qui se scella ici même par un baiser enflammé devant elles, les fameuses boites aux lettres qui s’attribuèrent la gloire silencieuse de cette union même si la B6 et la B9 comprirent que cet événement sonnait le glas de leur animation préférée.
Quelques jours plus tard, elles rirent bien de voir dans la main de la jeune fille les papiers de leur nouveau bail pour un appartement dans l’immeuble d’en face au numéro 96 !
Désolé! lâché trop vite
Je voulait dire « squattait…fumait… »
– Dis-donc voisine tu chlingue ce matin ?
– Oui je sais ! Mais t’as pas vu hier soir ? Tu dormais ? C’est la bande de jeunes qui squattait le hall hier soir ?
– Ah oui la bande qui fumait du shit. Cette odeur m’a saoulé. J’ai du m’assoupir. Alors raconte :
– Eh bien voila : Ayant appris par son avocat que la vieille France du 4ième gauche, à qui je m’ouvre tous les matins sur une lettre de ses enfants qui n’arrive jamais, avait dénoncé son trafic au commissariat du quartier, l’ainé des frères N’Deletat a découpé son chat et en a déposé une patte par ma fente pour la punir.
– Ha ! Mais c’est horrible ! La pauvre vieille. Son cœur va lâcher. Elle qui reprenait un peu du poil de la bête après sa cure thermale d’Allevard les bains.
– Elle va être à bout de souffre ! Ah ! Ah !
– Tais-toi donc. Serais-tu donc sans cœur ?
– Je plaisante…c’est juste de la mise en boîte ! Tu prends tout au pied de la lettre ! Ah ! Ah ! Tu sais bien que je l’adore ma France…Il ne me reste plus que l’humour noir pour dédramatiser.
– Je te comprends ! Le quartier a bien changé depuis 30 ans. Autrefois les voisins se parlaient en prenant le courrier.
– Une phrase en portugais, une en arabe, une en swahili, une autre en espagnol, polonais ou italien. Le concierge essayait de traduire et tout le monde rigolait. Les voisines échangeaient des recettes et les maris tapaient le carton dans la cour.
– Aujourd’hui les habitants sont complètement timbrés ! Nos boites sont aux couleurs des tags des bandes qui signent leur emprise sur le quartier.
– Même les publicités désertes nos fentes. Je me sens frustrée.
– Frustrée oui, moi aussi. Moi qui aime quand le facteur m’enveloppe de son regard velouté, depuis une semaine je ne vois plus que des intérimaires qui se dépêchent de décamper au plus vite.
– Oui c’est vrai ! Ils se trompent souvent de destinataire et ne montent plus dans les étages pour remettre les recommandés. Ils se contentent d’un avis de passage.
– De pas sage tu veux dire ! De pas professionnel, de lâche, …
– Arête un peu de les accabler. Avec cette insécurité on est loin du PTT des années 70…
– PTT ?
– Oui, il est bien loin le Petit Travail Tranquille qui ne manquait pas de convivialité et de savoir vivre…
– De savoir vivre ensemble…
– C’est bien vrai ça ! Comme dirait la mère Denis…
– Et oui, les facteurs étaient nos Vedettes à l’époque.
– Ils faisaient tourner la machine. Ah ! Ah ! Ah !
– Hello BAL7 !
– Coucou BAL8 !
– Je me questionne : Pourquoi sommes-nous les seules à communiquer ?
– Décret royal, très chère : Dans le hall de tout immeuble, seules deux boîtes aux lettres ont le droit d’épiloguer, les autres resteront sourdes et muettes.
– Et pourquoi cette restriction ?
– La peur de la cacophonie. Imaginez, chère BAL8, nos trente consœurs jacassant à longueur de temps. Quel charivari !
– Et comment ce privilège est-il accordé ?
– La Loterie, BAL8, la Loterie….
– De la chance, certes, vous en avez BAL7. Missive ou pas, chaque jour que le roi fait, un gentleman ouvre votre porte, avec le sourire et tout en délicatesse. Un charmeur !
– Certes, et c’est très agréable. Vous êtes moins bien lotie avec ce vieillard tout décrépi qui, chaque jour que dieu fait, jette un œil par votre fente pour voir si vous avez quelque chose dans le ventre.
– Fi de votre impertinence ! Je suis séduite par le bleu de ses yeux…
– Ne soyez pas si sentimentale, BAL8.
– Il illumine ma journée. Ne voyez-vous pas la tristesse de ce hall froid et lugubre.
Pas une goutte de couleur. Du gris ! Du noir !
– Je vous en prie, pas de pessimisme ni d’égoïsme. Pensez à toutes ces malheureuses, au bord des routes. A la merci des intempéries, des chiures d’oiseaux et des….mais …chut…j’entends le facteur.
Tel un robot, celui-ci fit ce qu’il avait à faire.
– Coucou BAL7 !
– Hello BAL8 !
Il leur fit un clin d’œil souriant et partit.
– Mais, BAL7, je croyais que le facteur était sourd et muet !
– Que nenni ! Dehors, chacun parle et gesticule. Un grand désordre assourdissant règne. Restons à l’écart de ce tumulte et attendons avec impatience l’arrivée de nos maîtres, vous pour une couleur et moi pour une douceur…
– Oh ma pauvre boîte, dans quel état vous êtes, toute déglinguée, peinture écaillée, vous baillez aux jointures, taguée, votre serrure a la tremblote…
– Hé oui ma jolie, que veux-tu, 90 ans que je suis accrochée là à ce vieux clou. Comment voudrais-tu que je me porte ? Toi tu viens d’arriver, toute fraîche, toute belle, jolie couleur, étiquette informatique nickel, née en même temps que la rénovation de l’appartement de tes proprios bobos.
Moi, je suis tellement moche que l’on n’a même pas jugé bon de me mettre aux normes. Le syndic sait que je n’en ai plus pour très longtemps, à quoi bon faire la dépense. Je mourrai de ma belle mort après 40 ans de bons et loyaux services et 30 autres de retraite durant lesquels j’ai continué à faire mon devoir.
– Ne vous en faites pas Mamie, je vous tiendrai compagnie jusqu’au bout, je surveillerai votre santé et que l’on ne vous malmène pas tant que nous cohabiterons.
– Tu es gentille ma petite. Tu sais dans ma vie de boîte aux lettres j’en ai vu des enveloppes, toutes couleurs, toutes tailles, postées du monde entier.
– Oh, racontez-moi, je m’ennuie un peu dans ce boulot, je suis presque toujours vide, tout le courrier passe par l’électronique maintenant, je ne reçois même plus de pubs depuis que mes patrons m’ont collé dessus « pas de pub dans cette boîte SVP ». J’aimais bien les feuilleter moi les pubs et profiter de leurs promos. En revanche j’ai davantage de paquets, mes jeunes patrons sont accros à Amazon mais ça ne va pas durer, il paraît que bientôt les colis seront livrés par drones, oui oui, direct du ciel !
– Tu as de la chance, ma propriétaire est aussi âgée que moi, elle n’y voit plus assez clair pour écrire alors forcément elle ne reçoit guère de réponses, elle n’a plus que trois correspondants réguliers : les impôts, l’EDF et les télécoms.
– Mais dans votre jeunesse, c’était comment ?
– Ah, j’étais surmenée mais j’aimais bien ça. Et puis j’étais tombée amoureuse du facteur. Il était beau dans son uniforme. Il avait commencé ses tournées à vélo, ensuite on lui confia une belle mobylette jaune « La Poste » avec de grandes sacoches qui débordaient de courrier. Plus tard, il vint en scooter, il zigzaguait habilement entre les voitures et sur les trottoirs. Il avait de grands yeux noirs, je lui faisais des sourires et de belles étrennes.
– Maintenant il y en a un nouveau Mamie, celui-là je le connais, vous savez cette voiturette électrique, c’est lui. Mais il ne s’attarde pas, même pas bonjour, pas le temps, chronométré.
– Hé oui, avant le facteur apportait gracieusement les médicaments ou le pain et avait le temps d’accepter « vous boirez bien un petit coup ». À force, il avait bien du mal à rouler droit pour boucler sa tournée, son foie finissait en cirrhose, et lui bien trop tôt au cimetière.
– Et pendant la guerre, elle marchait la Poste ?
– Et comment qu’elle marchait ! Il y en avait des lettres. C’était le facteur qui desservait le commissariat qui avait le plus de boulot. Ce qu’il a pu distribuer de lettres anonymes, tu n’imagines pas !
– Oh mais ça vous savez, ça continue, il existe deux facteurs virtuels qui s’appellent Twitter et Facebook, ils livrent à la vitesse de la lumière la vulgarité, la critique, la moquerie, la méchanceté, le mensonge, la menace, la vengeance, parfois la mort.
Deux boîtes à lettres habitant le même hall, épiloguent sur leur condition de vie en attendant le facteur.
Dans la grande entrée tapageuse de cet immeuble sis au 34 d’une avenue parisienne prestigieuse,le mur de gauche était tapissé de boites à lettres affublées des noms ronflants de sociétés plus ou moins notoires.
Mais en y regardant d’un peu plus près,on remarquait,au bout de la rangée,deux boîtes toute simples où figuraient juste un nom et un prénom.
C’étaient les boîtes à lettres des deux derniers occupants du bâtiment,le reste des appartements ayant été reconvertis en bureaux,après le départ de la plupart de leurs propriétaires qui avaient choisi des cieux plus cléments et moins onéreux pour y vivre leur retraite.
DELVAUX David – Artiste peintre – Premier étage D.
Simone LANGIER – Cartomancienne – Sixième Gauche
Leur possesseur étant assez âgés,ces deux là se connaissaient depuis fort longtemps.
Elles se souvenaient du temps où c’était toujours le même préposé qui glissait précautionneusement le courrier avec un commentaire pour chacun:
» Les Drumond vont être contents,une carte postale de leur fille
– Ah! la revue de monsieur et madame Lebreuil est enfin arrivée
– Hum hum,une petite enveloppe rose pour monsieur David. Anguille sous roche peut être? Ah ces artistes! »
Aujourd’hui, elles se murmuraient leurs regrets,
maintenant que se succédaient des facteurs indifférents,qui jetaient négligemment les enveloppes en silence.
L’on entendait juste résonner,dans le hall déserté, le clap du petit volet se refermant régulièrement.
Nos deux boîtes ne les avaient jamais aimés ceux là.
Mais voilà que depuis six mois,on leur avait affecté une petite jeune femme avenante et sympathique,qui,tenez vous bien,n’était autre que la petite fille du couple du troisième, les Lemoine,partis pour Nice en 1988!
Nos deux comparses l’avaient tout de suite reconnue.
Elle avait toujours un petit mot gentil pour les deux amies,s’excusant s’il n’y avait rien pour elles ou si l’expéditeur était d’origine désagréable.
Elle méprisait les autres boîtes ,les traitant de capitalistes vantardes et malhonnêtes.
Des gens qui se la pétaient comme elle disait à ses protégées.
La factrice évoquait les vacances à Paris chez ses grands parents, quand elle était gamine et nos esseulées soupiraient de nostalgie à l’entendre parler du bon vieux temps.
Bon, ce n’était pas tout ça,mais madame Langier, toujours ponctuelle, venait de sortir pour promener son chien, la petite n’allait pas tarder.
Frémissantes d’une curiosité pleine d’espoir, les boîtes à lettres se regardèrent en souriant intérieurement.
Bravo Malinconia
très bon ce texte.
Merci !
Deux boîtes aux lettres habitant le même hall, épiloguent sur leurs conditions de vie…en attendant le facteur.
_Dis voir demanda la boîte Verte, t’es au courant pour lui?
_Quoi répondit la boîte Blanche, tu parles de lui, lui?
_Ben oui, cruche que tu es, de qui veux-tu que je te parles hum!
_Ben hier soir t’as bien vue Alex non, qu’est ce qu’il t’a mis,hum!
_Oh oh oh! t’es bien curieuse toi aujourd’hui, je croyais que tu dormais d’un bon sommeil après que Dan t’as bourrée de pubs et tu ne m’as pas dit ce qu’il t’a révélé alors hum!!! Chacune son secret na na na…
_T’es qu’une gamine tu sais ça Verte?
_Ouais bon que veux-tu, il y a pas grand monde en ce moment, les vacances c’est mortel pour nous, les autres dorment, ils sont si peu fournis, je m’ennuie pas toi?
_Bien sûr que je m’ennuie et pour cause, elle n’est pas venue me vider et je me sent gonflée, encore un autre petit colis et j’expulse…
_t’en as des bonnes à dire comme ça toi! As-tu vue ce qu’il y a dans ta grosse boîte?
Juste un truc pas net puis Dan m’a emplit en bougonnant après Julie…
_ Eh qu’a t’il dit, j’ai pas entendue allez ma vieille raconte à ta copine te plaît…
La voix géniarde de Verte emplit Blanche d’une douce chaleur, elle allait lui en donner du cancan pour sûr, bien que le fait du retour du gitan l’obséda bien plus que son ventre bien rond.
_Bon …alors écoutes bien, je vais pas te le répété ok!
_Ouais, ouais vas-y je suis toute ouverte là.
Elles se mirent à rire comme deux hyènes ayant vue un mâle en rut, leur rire fleurait bon la savane, qu’avaient -elles donc de si mal famée en elles?
_Avant hier Dan m’a glisser une lettre épaisse,il a du pousser très fort,elle ne voulait pas entrée et lui, il ne voulait pas m’ouvrir , sinon…mes entrailles se seraient déversées sur ses belles pompes,le pauvre.
La lettre râlant me supplia d’ouvrir un peu plus ma bouche ce que je fis tu penses bien. Elle me félicita pour ma réactivité et me murmura un : » Je vais t’en apprendre une bien bonne. »
Ouais, mais Dan lui a fermé sèchement le claper en disant d’un ton bourru: » La ferme là dedans, c’est secret le courrier, on ne divulgue rien de crainte de recevoir un blâme ».
Ben là-dessus la lettre elle clama sa douleur d’être engoncée dans un si petit espace et que d’en dire juste un peu libérerai un peu de place.
Dan lui dit: » C’est ton affaire pas la mienne compris! »
J’en menais pas large et la lettre se mura dans un silence pesant que je ne voulais pas interrompre après tout…c’était son affaire hein!!!
_Ouais c’est comme tu dis Blanche mais, c’est quoi qu’elle t’a dit supplia Verte. Elle n’en pouvait plus se suspense lui mettait les plis en vrac.
_Bon écoutes. Elle me narra qu’un homme qu’on nommait le Gitan était de retour et qu’il s’adressait directement à Julie.
Il voulait la rencontrer et discuter avec elle d’une étrange affaire concernant sa mère.
_Quoi glapit Verte, tu veux rire là!!!
_Ben non, je te dis juste ce qu’elle m’a révélé et crois moi…elle n’en menait pas large. Bon cela lui fit du bien, elle avait un peu plus de place et moi…ben j’avais encore un peu d’espace pour un autre plis ou colis, na!
_Bon mais et après, qu’est ce qu’elle t’a dit trépigna Verte.
_Rien de plus, rien de moins, elle était presque plate et j’ai pas chercher plus. Et toi Alex il t’a fait quoi?
_Hein! C’est tout t’as pas chercher plus! Mais ma vieille un truc comme ça c’est de la bombe en approche,moi j’aurais…
_T’aurais fait quoi greluche! T’es qu’une boîte en f éraille comme moi et on ne peut rien faire de plus, moi, moi,moi facile à dire ça quand on bouge pas du mur non!!
_Hum oui, vu comme ça, je pense comme toi ah!!! si j’étais vivante, je serais une détective et je suivrais ce Gitan pour tout connaître de lui…ah ma vie serait une vraie…
Quoi! Tu sais ce qu’il fait ce gars? Moi, j’en ai entendue des échos, avant toi, il y avait Bleu, une boîte sympa,mais, trop curieuse, il y a de ça presque vingt ans,le Gitan était de retour et Bleu voulait tout connaître de ses faits et gestes.
_Et alors?
Alors! Elle disparue un beau soir de novembre,le ventre plein et dégoulinant de pubs…Voila, tu comprends!
_ un peu, mais si on pouvait hein Blanche!
_Ouais, si on pouvait Verte, on sauterait sur les autres boîtes et on leurs videraient les entrailles, il y a du courrier là-dedans qui pourraient nous en dire plus,ouais Verte, je suis comme toi, éh! tu entends?
Le bruit sourd se rapprochait d’elles…Elles se firent aussi petites qu’elles le pouvaient et apeurées elles virent l’ombre gigantesque s’approchait d’elles.
Un cri strident résonna dans le hall…Rentrant le surlendemain, Julie fut abasourdie lorsqu’elle découvrit l’espace de sa boîte aux lettres vide.
Qui avait osé s’en prendre à sa boîte? En plus…Il manquait une autre boîte,mais qui donc s’amusait à volé des boîtes aux lettres?
Julie alla au commissariat 19 Boulevard Jean-Baptiste Oudry pour y déposer une plainte…La main courante s’envola et Julie disparut le soir même…Ou donc était Julie?
Madame Lemarchand , Madame Lemarchand … bonjour psttttt
Ah c’est vous Monsieur Bourgeois. Vous êtes satisfait ? On vous a nettoyé. Moi toujours dans Le même état ! Elle n’a pas le temps ! Elle vient de revenir de vacances… un jour moi…
Vous savez bien, on a forcé ma serrure. Vous avez vu, un jeune très sale …sinon il n’aurait rien fait non plus. Il grogne toujours contre les factures. Pas le temps non plus …
Vous avez de la chance vous, moi tout en haut on risque pas de m’attaquer.
De la chance ? La peur de ma vie et une douleur foudroyante. Autrefois ça ne serait jamais arrivé. On nous respectait. Et quand on trouvait une lettre quelle émotion. Des nouvelles de la famille avec de jolis timbres… les joies
Et les peines, les mauvaises nouvelles… mais on se sentait utile tandis que maintenant… entre ces sauvages qui nous bourrent de publicités et les factures on n’est pas gâté. Ils reçoivent les messages sur leur portable. L’autre jour pendant qu’elle levait mon courrier elle a reçu trois messages … j’ai entendu la petite sonnerie…
Moi il était tout ému une carte postale de vacances, dix ans qu’il n’en avait pas reçu … et en plus c’était une publicité pour une agence de voyages, une attrape mais très bien réalisée. Sa mine dépitée … il n’écrit que des courriels alors …
Et Le facteur, il ne doit pas savoir lire celui-là… il confond marchand et Lemarchand …
Oh moi c’est pire Bourget et Bourgeois …..
A votre avis il faut que je fasse quoi pour qu’elle me nettoie ? La grève ? Ça pue la poussière je manque d’étouffer et l’autre jour j’ai eu la visite d’une souris …
Vous avez entendu la nouvelle on voudrait nous changer pour nos collègues normalisées … on mettait tout les paquets, les lettres, les pubs … et nous alors qu’est-ce qu’on deviendrait nous ?
Oh j’entends du bruit, des pas … à plus tard…
– Salut ma vieille, ça va ce matin ?
– ben ouais, et toi, bien dormi ?
– non pas trop…
– ben pourquoi ?
– à cause de ce qui est arrivé à Monsieur Fernando du troisième gauche, ça m’a tourmentée toute la nuit
– ah bon ! Je suis pas au courant, tu me racontes ?
– Mais enfin, tu te rappelles bien de cette boîte aux lettres bourrée jusqu’à la gueule et que jamais personne ne venait vider, même que le facteur ne savait plus comment faire
– oui j’avais remarqué, mais je pensais qu’il était parti en voyage ou en cure
– et t’as pas trouvé bizarre que son voyage dure six mois ?
– un peu, mais bon, j’ai pensé qu’il en avait les moyens, qu’il avait de la chance. Mais qu’est-ce qu’il lui est arrivé finalement ?
– mais ma pauvre fille tu vois jamais rien ou alors tu es toujours dans les nuages, t’as pas vu la voiture de police, t’as pas non plus entendu la sirène de l’ambulance mardi dernier ?
– si, mais bon, j’ai cru que c’était Madame Dubrancard qui faisait encore son malaise cardiaque, en fait je crois qu’elle le fait exprès et qu’elle fait du cinéma parce qu’elle aime bien les petits séjours à l’hôpital où enfin on s’occupe d’elle. Mais Monsieur Fernando alors, c’était quoi ?
– quoi ? Rien de grave : il était juste raide mort, une momie assise dans son fauteuil devant la télé allumée, je te le dis, la guirlande électrique qui clignotait encore sur le squelette du sapin de Noël. Il a claqué comme ça, pouf !
– pauvre homme, mais c’est de sa faute aussi, trop discret et jamais vouloir parler à personne…
– oui, mais justement, c’est pour ça qu’il est parti sur la pointe des pieds puisque jamais qui que ce soit, à part nous deux et le facteur, ne s’était même aperçu qu’il habitait là, il était du style ‘ne déranger personne’ et ‘que chacun s’occupe de ses affaires’. Avec ce genre de caractère, sûr que c’est cette mort-là qu’il avait souhaitée. J’ai même entendu dire qu’il avait le sourire aux lèvres.
Tu sais pas, ben dans le fond, nous deux, on peut s’estimer veinardes, et d’une : on est en tôle, et de deux : longue vie assurée sauf vandales. Ma vieille, quelle époque !
Un très joli texte très sensible merci
Merci Odile,j’aime bien le vôtre aussi. L’inspiration m’est venue d’un fait-divers qui m’avait frappée : un allemand lambda retrouvé desséché chez lui, mort depuis cinq ans – véridique – la guirlande du sapin clignotait toujours, il n’avait pas dû l’acheter en Chine !) Pensé aussi au célèbre humoriste britannique Benny Hill découvert tout aussi mort en train de regarder sa télé. Ere de la solitude et de l’indifférence.
merci beaucoup pour le retour Malinconia
Vox-Atypi
Ou
Quand des boites de lettres se racontent.
1ère boîte : Humane
« Nous sommes les plus anciennes, nées au 15ème siècle par les imprimeurs vénitiens. Nous avons servi à l’impression des premiers livres tels que la Bible. Nous avons cet aspect à la fois ancien et vénérable qui évoque une certaine connaissance et une certaine sagesse. »
2ème boîte : Garalde
« Utilisées en France sous François Ier, nous servions pour les documents officiels, les traités ou encore les livres pédagogiques. Nous sommes longues et élancées donnant un aspect chic aux textes. Nos courbes et nos empattements élégants donnent une certaine classe aux documents. »
3ème boîte : Réale
« Initiées par Louis XIV qui voulait une typographie plus moderne, nous avons connu de grands jours et en connaissons toujours aujourd’hui. Selon beaucoup de spécialistes et certaines études, nous sommes les plus lisibles, et les plus agréables à lire lors d’un long texte. »
4ème boite : Didone
« Nous avons été inventé durant le Premier Empire et furent très utilisées à cette époque, c’est d’ailleurs surement pour cela qu’on nous voit assez peu de nos jours dans la mesure où nous symbolisons le pouvoir et l’aristocratie dans l’inconscient collectif. »
5ème boîte : Mécane
« Notre aspect très mécanique date de la révolution industrielle et reflète une image populaire, une image ouvrière. Beaucoup d’entreprises et de syndicats nous ont adoptées pour leur logo. Préférées des machines à écrire et des premiers ordinateurs de bureau, nous sommes parfaites pour donner un aspect industriel aux documents commerciaux. »
6ème boîte : Arial
« Nous sommes les plus connues et les plus utilisées au monde. Nous regroupons un tiers des autres familles de lettres. Calibrées pour être utilisées sur des écrans d’ordinateurs nous pouvons être certaines d’être imprimées correctement. »
7ème boîte : Verdana
« Adoptée par le facteur du blog entre2lettres, chaque texte envoyé passe obligatoirement par nous, il est mis à notre format, peu importe la typo choisie. Pour les réclamations, s’adresser à la Police des caractères»
— Bah, tu dis rien ? T’as fermé ta boîte ou quoi ?
— Si seulement je pouvais.
— Ouf ! j’ai cru un moment que tu t’étais résignée comme les autres à rester là bouche bée à attendre la becquée.
— Est-ce qu’on a d’autres choix ?
— Oui, on a toujours le choix. Je l’ai lu dans une lettre de Clotilde à Nicolas.
— Tu lis le courrier de ton proprio, toi ?
— Bah, je vais me gêner. Si je dois attendre que tu causes pour m’occuper avant l’arrivée de l’autre obsédé des fentes.
— Et alors, on a quel choix, dis-moi, selon Clotilde ?
— Bah, elle dit que si t’es pas bien à ta place, tu peux toujours te tirer et prendre ta vie en mains.
— En mains ?
— C’est une image. On peut toujours prendre notre vie en… ah! On s’en fout. On se tirera les mains dans les poches !
— Et comment tu comptes faire ?
— Bah, y a qu’à courrier, en prenant le facteur à son cou.
— Ça aussi c’est une image ?
— Non, c’est réel, je l’ai rêvé.
— Ah ?
— Oui, il essayait de tasser les lettres de la veille, mon proprio a vraiment dû se barrer depuis la lettre de Clotilde, quand je l’ai mordu.
— Mordu ?
— Oui, enfin pincé, coincé quoi. Mais super fort !
— Et alors ?
— Bah, j’ai pas lâché sa main, j’ai tenu bon. Il a essayé de s’en sortir avec l’autre que j’ai avalée comme un de ces colis, tu sais là, qu’on nous coince dans la gueule à nous faire péter la mâchoire.
— Je vois bien, oui, enfoirés de Colissimo ! Et après ?
— Bah, il s’est énervé le garçon, devenu tout rouge, il ne sentait plus ses mains. D’un coup sec il a tout arraché et s’est barré avec ma boîte au bout des poignets.
— Han ! …
— Tu vois qu’on peut prendre sa vie en mains.
— Enfin, c’est plutôt toi qui as mis la sienne en boîte.