775e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat


Faudra-t-il les interdire ?
Un promeneur a encore été sérieusement blessé par un éclat de rire.
Selon un témoin, présent sur les lieux…
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Faudra-t-il les interdire ?
Un promeneur a encore été sérieusement blessé par un éclat de rire. Selon un témoin, présent…
Ils étaient même plusieurs, entassés dans un wagon du métro, entre deux promenades en plein air, quand c’est arrivé et ce fut un carnage.
Un homme est monté dans une rame, totalement étranger à son environnement. Il cachait bien son jeu en ne se distinguant en rien de l’indifférence générale. Il a continué à lire son journal comme si de rien n’était. Son sourire béat s’est transformé en arme automatique de sourire d’abord. Les dégâts étaient encore légers à ce stade. Quelques victimes levèrent les yeux vers lui, prêts à riposter, le regard lourd.
Il a commencé à tirer dans le tas, en arrosant les voyageurs de quelques rires contenus, sans même regarder ses cibles. Il continuait à lire cet article manifestement criminel de drôlerie.
Un ou deux passagers furent alors légèrement touchés. Ils se mirent à observer le terroriste, comme fasciné par son potentiel hypnotique. En retenant leurs rires enfouis, ils ont été trahis par leurs lèvres pincées et les soubresauts de leur respiration saccadée. Pire encore, comme une bombe à fragmentation, les premières personnes contaminées en ont infectées d’autres. C’est comme une pandémie qui progresse à grande vitesse. Les rires sont contagieux d’un voisin à l’autre. Question de vibrations communicatives. La plupart des traîtres qui ne rient pas encore, même dans leur barbes, imagine pactiser avec l’ennemi à mesure que ses adeptes se rallient à lui.
Le coup de grâce s’est produit quand le forcené et ses collabos se sont mis à rire ouvertement. Ceux qui résistaient encore se sont protégés comme ils pouvaient, se cachant derrière une écharpe, un chapeau, leur livre ouvert. Ces protections dérisoires n’ont plus suffi quand les éclats de rire à gorge déployée sont venus les attaquer de toutes parts. L’homme et son armée improvisée étaient immunisés, mais il y a eu au total une dizaine de victimes dont un grave. Ils ont tous baissé la tête en bouchant leurs oreilles avec les mains pour limiter la casse. Ils arrivèrent alors à la station terminus qui devait permettre aux promeneurs de poursuivre leur déambulation.
Il s’est alors produit un phénomène étrange. les neufs blessés légers sont sortis en courant les mains couvrant toujours leurs oreilles. Le blessé grave s’est roulé en boule sur le quai. On pouvait déjà entendre les sirènes des pompiers. Tous les autres passagers renoncèrent à leur promenade en restant dans le wagon pour faire le trajet sens inverse, ensemble et toujours en riant à gorge déployée, sans plus aucune retenue.