744e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
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C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte au nez ?
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C’était Carnaval. Dans le grand boulevard, un défilé impressionnant avait commencé. Des chars, bien sûr, mais aussi des personnages variés se succédaient, se mélangeaient…partout,les cris, les rires, la musique ; des couleurs vives éclataient sous le soleil.
Mais quand vint le soir, tout se volatilisa et il régna sur la ville un silence assourdissant…
C’est ainsi que je me retrouvai dans une rue déserte, jonchée de papiers multicolores, les trottoirs et la chaussée constellés de confettis…Ma copine Gentiane, qui m’avait accompagnée tout l’après-midi, s’était assise sur un plot et se massait les pieds. Nous étions fatiguées, assoiffées… et nous nous demandions où était passé le carnaval ! Tous les gens étaient subitement rentrés chez eux ?
Nous décidâmes de regagner notre quartier et tandis que nous cheminions, nous entendions par les fenêtres ouvertes ( la soirée était douce ) les voix nasillardes des télévisions.
« Incroyable, s’exclama Gentiane, ils sont tous en train de regarder les infos ! Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Encore une catastrophe ? »
Je sentis l’angoisse m’envahir…Et si effectivement, un séisme avait rayé de la carte la moitié de Notre-Royaume ?
Ou alors, pire encore, le cruel souverain du Royaume des Glaces avait décidé de faire exploser un gigantesque champignon atomique, et les radiations maudites n’allaient pas tarder à anéantir tout sur leur passage !
Gentiane devait partager mes craintes, car elle consulta la Toile sur son miroir magique. Apparemment, aucun séisme destructeur n’avait sévi et le Royaume des Glaces, retranché derrière ses brumes, n’avait annoncé aucune attaque.
« – Un virus m’écriai-je, c’est un nouveau virus, encore plus dangereux et contagieux que les précédents ! Notre-Roi a décidé un confinement général dès ce soir ! » Gentiane me regarda bizarrement. Je commençai à paniquer.
-C’est ça, hein, c’est un virus ?
– Ne dis pas de bêtises ! Il n’y a pas trace de virus sur la Toile magique. On pourrait arrêter d’imaginer les pires scénarios pour une fois !
– Mais on nous les sert à foison…
– ça y est, j’ai trouvé ! Tu ne devineras jamais…
– Je n’ai pas envie de jouer aux devinettes. Allez, dis-moi !
En fait, il y avait ce soir-là une joute sportive opposant l’équipe de Notre-Royaume à celle du pays voisin. Nos compatriotes, friands de ces joutes, avaient tout bonnement laissé tomber le carnaval pour suivre l’événement sur leurs petits écrans.
« Bon, dit Gentiane, dans une heure, ce sera terminé. Pour connaître les gagnants, ce sera facile ! Si ce sont les nôtres, le carnaval redémarre. Si ce sont les autres, tout le monde part se coucher. »
J’éclatai de rire. C’est bien la première fois que j’oubliais mes angoisses grâce à une joute sportive !
C’était carnaval ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte. Ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte ?
Les gens du quartier savaient d’avance qu’ils en étaient capables. Par un heureux hasard, la tristesse viendrait-elle s’immiscer chez eux ? Elle aurait du courage ! Car ils avaient fait souvent la démonstration de leurs forces. Elle serait un handicap, improductive, un frein. Ils étaient connus pour leur férocité. Elle serait vite évincée.
Ces gens n’avaient aucun scrupule. Ils vivaient en bandes organisées extrêmement hiérarchisées. Avoir affaire à un gamin de 15 ans, c’était se heurter à leur chef. Ils se sentaient très importants. Mais on ne voyait que la partie immergée. La tête se cachait on ne sait où. Personne ne voulait reconnaître qu’il s’agissait d’un clan mafieux. Impossible à démasquer. Ils avaient beaucoup d’argent. Cependant, par leur aptitude à prendre des décisions contradictoires, ils avaient cultivé la terreur dans le quartier, au quotidien. Tout le monde autour d’eux pouvait s’en rendre compte. Par leur façon d’être, en tant que classe à part, ils avaient la possibilité de l’imposer.
Chacun avait décidé que son destin serait de vivre en marge de la société. Systématiquement, quoi qu’on fasse pour eux, pour les sortir de leur marginalité, c’était gravé jusque dans leur peau. Leurs tatouages en témoignaient. Jouer contre ce qu’on leur avait inculqué, ils se seraient fait lyncher par leurs comparses.
En ce jour de carnaval, Polo, un gamin d’un autre quartier voulut rencontrer leur chef. Comment le reconnaître ? Avec tous ces masques, il n’était pas sûr de l’identifier.
On l’appelait Le Docteur parce que soi-disant, il avait fait des études de médecine. Il seraient toujours mauvais, non pas à cause de leur nature mais des couleurs de leur environnement qui avaient déteint sur eux. Alors la peur d’être suivi dans la rue, l’angoisse d’être surpris à la sortie d’un bar ou l’inquiétude de manquer d’argent, ils connaissaient à fond. Blindés jusqu’à l’os qu’ils étaient, ils ne pourraient jamais s’embarrasser d’une quelconque tristesse, fut-elle séduisante.
Polo dût jouer de finesse. Il risquait gros. L’excuse de son âge, il n’y comptait pas trop. Il confectionna lui même son masque avec des larmes authentiques, des gouttes de résine. En ce jour de rigolade, le Toubib ne le reconnaîtrait pas. Ses ruses pour déjouer les chicanes passeraient pour des farces. Les différents barrages pour parvenir au chef deviendraient perméables. Il en eut l’intuition. Tout était chamboulé, il avait des chances de le rencontrer.
Effectivement, il s’était mêlé à une troupe qui le conduisit jusque dans la gueule du loup. Un loup-garou l’accosta.
– Ne seriez vous pas Oizys ?
– Plait-il !
– La déesse de la misère. Je vous ai reconnue à cause de vos larmes;
Il l’invita à prendre un verre. Une semaine plus tard, on découvrit dans le journal local, à la une.
» UN CHEF DE GANG RETROUVE MORT A CAUSE D’UNE LARME ! »
En page 4, on pouvait lire le résultat de l’enquête. Le secret d’une larme à feu. Dans son verre on avait retrouvé une larme de curare !
C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à la porte d’entrée; elles hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-elles lui claquer la porte au nez ?Elle l’ouvrit vivement et elle leur expliqua qu’elle était prête à tout faire pour pouvoir participer au carnaval de l’an prochain ; pour cela elle allait se faire soigner et pas par n’importe qui : elle irait voir le Docteur FREUD dont on lui avait dit le plus grand bien. La peur, l’angoisse et l’inquiètude – pour la lère fois – éclatèrent de rire et l’infomèrent qu’il était décédé en 1939 ; et bien nous allons regarder sur les pages jaunes, pourquoi pas sur les blanches s’énerva la peur.
Elles mirent leur manteau pour aller à la poste mais emportées par la foule , elles entrèrent dans la danse et se mirent à chanter ; jamais elles n’avaient été aussi bien et même aussi heureuses.
Toute chose ayant une fin,elles repartirent chez elles en se jurant d’y revenir l’an prochain.
C’était carnaval
Ça exultait, ça chantait, ça dansait
Rien de très original
Mais cette année-là
Allez savoir pourquoi
La tristesse frappa à la porte
Des festivaliers
Et faisait même du porte à porte
Très vite rejointe par l’angoisse et la peur
C’est la meilleure !!!
Que faisait là ce trio infernal
Au milieu de la liesse générale ?
– On veut aussi être à l’honneur
Mais quelle impudeur !
Tous leur claquaient la porte au nez
Allez vous faire voir ailleurs
Ce n’est pas votre heure
On n’est pas d’humeur
A vous supporter
Allez oust, disparaissez !
Ici, la vedette c’est la fête
Gardez, par-devers vous, vos sornettes
Remisez vos trompettes
Faites-vous discrètes
Changez de lunettes
Vous ne verrez ici
Que des gens réjouis
Votre discours est maudit
Inutile d’insister je vous dis
C’est peine perdue
Alors dépité et vexé le trio s’est fondu
Au milieu de la joyeuse cohue
Et, enfin, disparut.
C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte ?
La frénésie du carnaval s’invitait. Les masques et autres déguisements transformaient les gens. Ils devenaient autres. Mais la peur, l’angoisse et l’inquiétude ne parvenaient pas à opérer un quelconque changement.
Ces différents troubles avaient pris l’habitude de trouver refuge à la SPS (société de protection des sentiments). Elle avait été fondée par un passionné de psychologie qui cherchait (désespérément) à comprendre l’être humain.
Le nombre de participants croissait d’année en année. La grande pièce mise à disposition n’était plus en capacité d’accueillir de nouveaux membres.
Un jour, un nouveau sentiment frappa à la porte. Il s’appelait tristesse. La première réaction des autres membres de la SPS fût de le laisser dehors. Ils étaient déjà trop les uns sur les autres. De plus au fil du temps, ils avaient appris à se connaître, à s’entraider. Ils se sentaient bien. Il régnait une forme de quiétude très apaisante.
Ils ne souhaitaient pas rompre cette harmonie en accueillant un sentiment dont ils ne savaient rien. A coup sûr, elle allait voler en éclats.
Mais, ils savaient aussi ce que c’était de se retrouver seuls, orphelins pendant ces jours de liesse. Ils décidèrent donc de lui ouvrir la porte non sans une boule au ventre.
Un peureux, un anxieux et un inquiet furent désignés pour ouvrir la porte à tristesse. Les autres c’étaient regroupés par familles bien au fond de la salle.
Tristesse se retrouva seul. Son taux de tristesse naturelle augmenta de plusieurs crans en observant tous ces troubles qui le scrutaient.
Dehors on entendait la musique, les rires, les chants. On entendait la joie de vivre, l’insouciance. L’air devait sentir bon le bonheur.
Par contre dans cette salle, on respirait le malheur. C’était glauque. Chacun était enfermé à double tour dans son trouble.
Tristesse était toute jeune et ne se plaisait pas. Avant elle était joie communicative. Mais un jour on lui arracha son enveloppe souriante et on la revêtit de tristesse. Cela faisait quelques jours qu’elle errait. Le carnaval qu’elle avait toujours tellement adoré, la faisait pleurer. C’est en cherchant un refuge, une épaule aimante qu’elle se retrouva avec plus malades qu’elle.
Voulant absolument se débarrasser de cette camisole de force et retrouver la magie du carnaval, elle décida de se battre non seulement pour elle mais aussi pour ses nouveaux compagnons d’infortune.
Elle leur raconta son histoire, comment au départ du corps qui l’avait toujours si bien enveloppée, elle avait perdu sa couverture de joie. Elle leur dit ne pas vouloir la conserver en mémoire de celui qui lui avait appris à voir les choses avec le sourire.
Elle leur offrit son aide. Elle leur dit que c’était un malware qui les avait vérolés. Qu’elle leur proposait d’être leur anti-virus afin qu’ils retrouvent leur fonction première : audace, bien-être, sang-froid.
Le scepticisme se lisait partout. Puis les bandes de carnavaleux se firent de plus en plus bruyantes, joyeuses, enivrantes. Petite tristesse se rendit compte que ses interlocuteurs ne semblaient pas insensibles à cette liesse festive. Sans doute qu’au fin fond de leurs tripes, des souvenirs d’avant envoyaient quelques flashs.
Ils se regardèrent et acceptèrent l’anti-virus.
La porte de la salle s’ouvrit brutalement. Les carnavaleux entrèrent en chantant. Les résidents furent entraînés vers l’extérieur. Ils se mêlèrent aux autres festoyeurs et sans même sans rendre compte oublièrent leurs troubles.
Le psy resta seul méditant sur la nature humaine.
Une nouvelle marque de gomme magique était née : carnaval. Vous la trouverez au rayon bonheur et insouciance de la chaîne de magasins : VIVONS HEUREUX
Oh non ! La revoila …. Trois fois qu’elle revient nous demander asile. On s’amuse ici, on boit, on danse, on s’embrasse. Que viendrait faire avec nous cette figure de carême. Nous en avons déjà recueilli trois de ces « cas sociaux ». Au lieu de rire et danser, les voilà déjà au bar, ronds comme des queues de pelle à s’enfiler bière sur bière.
Oui, on le sait, c’est Carnaval, et bien, justement, ce n’est pas le moment qu’une de plus vienne nous gâcher la fête.
On a une meilleure idée pour s’en débarrasser !
Personne ne nous reconnaîtra derrière nos masques sublimes.
Alors, allons-y.
A la une, à la deux, à la trois ……. PLOUF.
Venise, que ta lagune est belle !
Pas trop dégourdis, pas trop futés, pas trop courageux, ils étaient trois copains d’enfance inséparables. Au village on les appelait les Pieds Nickelés. Ils vivaient de petites magouilles et de beaucoup de retours de bâton.
Depuis quelques temps ils avaient un rêve, un rêve à leur hauteur : jeter des tonnes de harengs fumés sur les carnavaleux de Dunkerque.
« C’est fini le lancer de harengs sur la foule. Les verts l’ont interdit. C’est pour la planète » leur dit la mère de Croquignol, surnommé ainsi parce qu’il avait un long nez. Elle connaissait les lascars et n’avait aucune envie de réparer les pots cassés derrière eux.
« De quoi y se mêlent ? Peuvent pas rester dans leurs prés. Nous on est prêts et on n’aurait plus le droit rigoler ! Ah, chienne de vie et p….. d’écolos »
C’est alors que Ribouldingue, l’intello du trio eut une idée de génie. Les harengs en boîte de conserve, ça se récupère, ça se mange, pas de gaspillage. Et les verts n’ont plus qu’à fermer leur boîte à camembert.
Les voilà partis à Dunkerque avec des clet’ches multicolores, des perruques peroxydées, des bas résille et un stock impressionnant de conserves.
Les traditions du Carnaval étant le dernier de leur souci, c’est du balcon de l’hôtel qu’ils jettent leurs boites de harengs sur la foule déguisée, tout en picolant hardiment de la bière. La réprobation engendrée ne fait que stimuler leurs ardeurs. Ils rient à ventre déboutonné.
Ils se marrent moins lorsque la porte de leur chambre est enfoncée par des flics suréquipés.
Ils se marrent moins quand ils se retrouvent en garde à vue, puis sont déférés devant un juge pour dégradations et mise en danger de la vie d’autrui.
« Mais monsieur le juge, on fait rien de mal. C’est pour pas gaspiller. Nous, on les aime bien les harengs ».
« Ah oui, bris de verre, dents, nez, poignets cassés, clavicule fracturée, une oreille à moitié arrachée, hématomes divers, un traumatisme crânien… On a pas encore tout recensé. Vous réfléchirez en prison. Qu’on les embarque ! »
« Sont jamais contents. Ah chienne de vie. Croquignol, faut appeler ta mère ».
Merci Maguelonne Là vraiment on a bien rigolé ! 🐀🐻 C’était m’ hareng ! Merci vous avez égayé notre dimanche soir.

C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte au nez ? Mais non, c’était la f^te, tout était permis pour toutes et tous, fantaisie , fantasmes, décontraction, abandon des contraintes . Quand elle entra, stupéfaction, pas de triste mine, d’ allure passe muraille, une superbe silhouette souriante, épanouie tout en couleurs …. Que se passait-il dans ce travestissement ??
Elle éclata de rire en racontant son carnaval, sous les masques les personnalités s’inversent, elle pouvait enfin incarner un rôle rêvé depuis longtemps, tout est permis, excès de gestes, de paroles,
Elle pouvait se laisser aller sans craindre de conséquences .. , les soucis s’envolent pour un temps, de merveilleux instants , rencontres,
Vive les carnavaleux !!
C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte au nez ?
La fenêtre hermétiquement close ne laisse filtrer aucun bruit venu de l’extérieur. Le front appuyé contre le double vitrage, Mélancolie regarde avec curiosité le défilé de chars décorés de fleurs multicolores, sur lequel se trémoussent de jeunes gens en costumes flamboyants. Cette procession évolue sous ses yeux comme dans un film muet. Nostalgie, la plus jeune des sœurs, reste en permanence accrochée à sa robe, derrière laquelle elle se réfugie au moindre regard qui se pose sur elle. Son pouce à la bouche, elle lève sur Mélancolie un regard qui semble empli du regret des temps heureux… mais, ont-elles connu par le passé, un seul jour débordant de bonheur ?
Sur le char suivant, un gros canon tire par salves des jets de confettis sur une foule en délire. Elle n’entend aucune détonation, mais par ricochets, de légers tremblements s’écrasent sur la façade, elle en ressent les vibrations se répercuter dans sa tête… « Pourquoi tous ces gens s’agitent-ils frénétiquement et font-ils d’étranges grimaces en ouvrant leur bouche qui laisse apparaître toutes leurs dents ? » S’interroge intérieurement Mélancolie.
Elle sursaute lorsque la main d’Angoisse lui saisit le bras. L’aînée des sœurs la tire vivement à l’intérieur de l’appartement, la forçant à détourner son regard d’un spectacle qu’elles ne peuvent pas comprendre… de son autre main, elle déploie un lourd rideau qui plonge la pièce dans une demi obscurité.
Angoisse retourne s’enfoncer dans le fauteuil qu’elle ne quitte pratiquement jamais. Elle s’y recroqueville puis, d’une main tremblante, remonte jusque sous ses yeux, un vieux plaid mité. Son fixe regard sombre ne peut pas distinguer leur sœur, Peur, assise à même le sol au fond du couloir, adossée contre le mur et qui enserre ses genoux repliés sous son menton. Elle tourne sa tête en tous sens, de ses yeux hagards elle scrute la pénombre, comme s’attendant à y voir surgir le diable qui pourrait bien l’emporter vers des lieux inconnus et lugubres…
Inquiétude, le front déjà barré de profondes rides pour son jeune âge, fait les cent pas dans le salon en effectuant d’incessants allers et retours. Comme à son habitude, elle marmonne des phrases inaudibles en frottant ses mains l’une dans l’autre ; un geste compulsif, parce qu’elle est toujours dans l’attente d’un évènement ou d’une souffrance, qui peut la saisir à tout moment.
Poussant de profonds et longs soupirs, Détresse, le visage marqué par la souffrance intérieure qui la ronge, observe ses sœurs, et devant son impuissance à pouvoir apporter son aide, elle sent monter en elle une vague d’émotions négatives, ce qui finira par lui faire perdre le peu d’énergie qui lui reste.
Comme la constellation des Pléiades, elles sont sept sœurs*, souvent comparées au mythe grec car l’une d’elles, Tristesse, a disparu du jour au lendemain. Jusqu’à présent, les six restantes, ont pu se regrouper pour tenter de se protéger des tourments qui composent leur individuelle et curieuse nature, et qui cependant, empêchent l’âme de chacune à s’émouvoir devant les beautés du monde, parce qu’elles comprennent trop bien les souffrances de l’humanité. Pourtant, à chaque jour qui passe, elles s’attendent à ce que la sœur, devenue invisible à leurs yeux, vienne toquer à la porte… mais la laisseront-elles entrer ? Seront-elles en capacité d’affronter une douleur supplémentaire ? Aucune d’entre elles n’a pu répondre à ces deux questions…
Néanmoins et sans savoir qu’elles partagent le même doute, la majorité des sœurs est arrivée à se demander : « Est-ce que Tristesse, ne verserait-elle pas des larmes de crocodile ? »
Et lorsque le jour tant redouté arrive… malgré les larmes, les sanglots et les lamentations de Tristesse, la porte reste fermée… Et, lorsque les cris et les supplications pour un pardon cessent, tout comme les coups et les grattements sur la porte… elles entendent des pas qui s’éloignent dans un glissement… puis, un lourd silence tombe à l’intérieur de l’appartement et sur les sœurs enlacées au centre du salon…
* Petit clin d’œil à Lucinda Relay pour sa magnifique saga « Les sept sœurs ».
743/ UN CHAR !
Pour carnaval, la ville accueille le folklore du monde entier. Des groupes ondoyent entre les chars fleuris. Les plus magnifiques créatures et les plus grotesque, chantent et dansent, les filles des îles et les charbonniers ! La kermesse bat son plein parfum sucré, odeurs chaudes. Un char de Tuparos exhibe la tête turgide de Séraphin Lampion. Les turlupins et les marmousets en ribambelle serpentent dans la foule comme des tire-laines. Fifre est tambourin entraîne une marche d’enfant, spasticité. Comme pendant la dernière manif, derrière la porte, on écoute les infos, angoissé. Les cars de CRS étaient postés, on va casser de l’étudiant, se dégourdir les jambes ! Jamais loin, des touristes sonnent à la porte du bed and breakfast ouvrez-nous pour l’amour de dieu, on n’est pas d’ici on est perdu. La sonnette retentit indéfiniment, la chandelle est morte.🐻
La joie est créatrice et féconde le mouvement de la vie. Tandis que la tristesse le met au point mort
Ce commentaire devrait se trouver sous le texte de souris verte. 🙂
Merci Béatrice… On est toujours dans l’opposition du blanc et du noir ! 🐀
Sire Carnaval et Dame Tristesse
Tristesse regardait passer le long et tonitruant défilé de chars, où prônaient des figures impressionnantes, sous les acclamations du public. Son cœur se serra. Cela avait si peu à voir avec le sens même du carnaval qui, à son origine, était lié à la fertilité et à l’arrivée du printemps. Avec nostalgie, elle se souvint des chars de son enfance, tout ornés de fruits et de fleurs.
Elle trouvait quelque chose de grotesque dans les chars qui venaient de surgir sous sa fenêtre, et ne pouvait y voir qu’une débauche de cris, de couleurs et de masques hilares. Était-ce — une espèce de catharsis — pour cette foule qui foulait, dans l’ivresse du moment, tout ce que ce monde avait de désormais de fou ?
Qui — de cette foule — ou d’elle — était la plus triste ?
Ce spectacle débridé lui donnait envie de pleurer, comme si cette foule — battue par un quotidien en crise — trouvait un peu de sens à l’école de la vie, à cause de sa cour de récré.
Dans ce carnaval à la joie sonore et surfaite, Tristesse eut le sentiment de voir passer la caravane du temps, avec son cycle des saisons, ses hivers où — ce qui meurt devient le substrat du nouveau —, du renouveau.
Quand les bruits du carnaval se furent enfin dissipés, Tristesse ouvrit sa fenêtre. Le printemps serait précoce. Les premiers bourgeons étaient là.
Elle esquissa un sourire.
Une tristesse souriante 😁 j’achète ! 🐀
C’était carnaval. Ca exultait, ça dansait, ça chantait. La tristesse frappa à leur porte, sachant qu’ils hébergeaient déjà ses copines, la peur, l’angoisse, l’inquiétude. Allaient ils lui claquer la porte au nez ? Que nenni, ils lui claquèrent plutôt deux bises sur ses joues mouillées de larmes. Cette famille avait fait le choix d’accueillir toute la misère du monde pour en faire joyeuseté et grande liesse.
Dans la cuisine, ses amies déjà attifées pour la carnaval, trempaient avec gourmandise leurs tartines de maroilles dans du chocolat chaud. Les retrouvailles furent émouvantes.
On lui trouva un déguisement : une grosse boîte de kleenex qu’elle enfila, faisant passer ses bras dans les ouvertures latérales afin de pouvoir distribuer à qui le souhaitait, des mouchoirs en papier parfumés à la lavande.
La tristesse était ravie, le carnaval obtint un grand succès, il resta à jamais inscrit au patrimoine immatériel mondial de l’ Unesco .
En Loire-Atlantique dans le beau village de Mouais, le carnaval inondait de joie les spectateurs qui
lançaient des confettis et serpentins sur les bénévoles hissés sur leurs chars décorés de mosaiques aux couleurs chatoyantes. L’effervescence fut à son comble, rires et galéjades fusaient dans les rues, les fleurs jonchaient le sol, l’odeur de crêpes et de jus de pommes se répandait, enivrant les narines des promeneurs les plus anosmiques quand soudainement le ciel s’obscurcit, l’ambiance de cette réjouissance annuelle prit un autre tournant…
Les carnavaliers surnommés les “Boute en train” au détour d’une rue, aperçurent une légion d’hommes et de femmes aux visages effrayants, grimés à l’excès et vêtus de grandes capes noires qui transportaient des cages dans lesquelles étaient blottis des corbeaux.
Les amuseurs publics s’écrièrent en choeur : “Ciel, voici ces oiseaux de malheur, qui viennent gâcher la fête !” Leurs visages se crispèrent, des larmes coulaient sur les joues des plus jeunes, le pubic ébahi décida de fuir la fête qui tournait au vinaigre car personne ne ressentait le besoin de vivre un épisode aussi macabre au cours de cette journée qui se montrait toujours sous les meilleurs auspices depuis une bonne décennie.
Mais voilà, c’était sans compter sur la création d’un groupe appelé “les Algées” qui sévissait dans la région, dont la seule mission consistait à vénérer les déesses du chagrin et de la tristesse et déclencher en tous lieux, pleurs et larmes, que toutes ces réjouissances furent gâchées.
Les corbeaux s’envolèrent, des grêlons s’abattirent sur les chars. Cris, lamentations, jurons, tout devint chaos. Même la météo semblait être sous le joug de ses esprits chagrins. Qu’importe, les festivaliers en eurent gros sur le coeur mais promirent de revenir l’année prochaine.
Le plaisir et la douleur, et ce qui les produit – le bien et le mal- ne sont-ils pas les pivots sur lesquels roulent nos passions ? John Locke “De l’entendement humain.
— Entrez entrez ! Dans quel état ils vous ont mise, ma pauvre amie ! Vous êtes trempée, des pieds à la tête. Soyez la bienvenue dans ce modeste rabat-joie. Nous accueillons tous les réfugiés qui demandent l’asile mélancolique, les persécutés du bonheur des autres, les exclus de ce monde insouciant, les pessimistes, les pisse-froid, les pisse-vinaigres, ceux qui prient à l’écart dans leur monde austère à l’abri des cris de joie et des chants diaboliques. Il est temps de leur donner voix au chapitre de l’histoire que nous sommes en train d’écrire. Regardez, ils sont tous là. Nous allions justement commencer notre séminaire. Installez-vous, sur cette chaise, à côté de La-haine. Oh ! Rassurez-vous, elle ne mord pas. Applaudissons La-peur, s’il vous plaît qui rassemble de plus en plus d’adeptes et sans qui notre mouvement resterait inaudible. Avec L’angoisse, elles font un travail formidable. Applaudissons-les ! L’insécurité n’a jamais été aussi grande. Comment osent-ils laisser entrer des flux d’insouciance et d’espoir. Ils débarquent par milliers sur les rives de l’Amour et de la Tolérance, quand ce n’est pas sur les plages de l’Océan de Joie. Ils appellent ça un carnaval, moi je dis que c’est le début de l’envahissement du bonheur et de l’insouciance. Il est temps d’ériger de hauts murs pour se protéger de ces N’êtes-vous pas d’accord, mes amis ?
Tous acquiescèrent dans un grand oui unanime qui fit écho dans la pièce qui ne brillait par aucune lumière. Pauvres esprits qui se projetaient sombrement sur le monde de demain.
— Vous ne dites rien ? Le chagrin vous en empêche, peut-être. Je comprends. Laissez-moi broyer du noir pour vous offrir un café. Je manque à tous mes devoirs.
— Je crois que je préfère partir. Excusez-moi, je ne peux pas rester ici. Je viens de comprendre mon erreur. J’étais déçue par un ami qui n’a pas compris ma peine et que j’ai laissé partir tout seul à ce carnaval. Quand je vous vois, tout s’éclaircit en moi, malgré le manque de lumière ici. C’est moi qui n’ai pas compris le bonheur qui nous comble. Je m’en vais…
— Mais, vous vous égarez, mon enfant…
— Non, c’est vous qui nous égarez… Au revoir !
Elle prit la porte, en prenant soin de retirer son masque qui découvrait un nouveau visage avec un sourire tellement lumineux qu’il éblouit cette obscure assemblée dans un flash de grand doute.
En ce début d’année, un grand évènement réjouissait les invités : Les 100 ans du doyen.
Depuis de nombreuses semaines, les préparatifs occupaient ses filles. Pour un tel évènement, rien n’était corvée. C’était comme pour Carnaval. Il y avait autant d’acharnement et d’engagement à réussir ce regroupement des différentes générations installées aux quatre coins du pays que des organisateurs de carnaval. Leur esprit exultait, chantait et dansait jour et nuit en listant tout ce à quoi il convenait de penser : lieux, repas, couchages, véhicules, déplacements, courses, spectacles, tenues…
En dépit de ce désir de réussite, la peur, peut-être pas, mais l’angoisse et l’inquiétude restaient présentes dans un coin de leur être : pourvu que le vieux monsieur ne cesse de vivre avant le jour J et qu’alors la tristesse ne frappe à leur porte. Il n’en était pas question. La joie des convives de se rassembler serait bien plus grande que tout autre évènement, même celle d’un départ inopiné de l’aïeul.
Voilà un carnaval – dont le sens – qui est d’honorer le plein de vie, grâce à l’aïeul, me plaît beaucoup. 🙂 Merci Nouchka
C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte au nez ?
– Toc toc toc !
– Qui c’est ?
– C’est Tristesse
Ennui ouvre doucement la porte et murmure :
– Entre, mais ne fais pas de bruit surtout et n’ouvre pas les fenêtres. Mais tu trembles ?
– Oui ! j’ai peur… J’ai peur Ennui, Joie me poursuit! Elle me terrifie avec son carnaval : elle chante fort, elle exulte, elle danse… Elle me terrorise Ennui, Joie me terrorise !
– Bon, installe-toi à côté d’Angoisse – Il reste une place !
– Merci, merci bien.
– Toc toc toc !
– Qui c’est ?
– C’est Anti-Dépresseur !
Ennui n’ouvre pas la porte et crie à travers la porte :
– C’EST COMPLET !
Oups! Ennui n’ouvre pas et crie à travers la porte…
Qu’elle drôle de rencontre, mais de là à vivre ensemble, dans l’absolu cela pourrait être une idée en mode se serrer les coudes, sauf que :
Au fil du temps qui passe
Quand angoisse, peur et inquiétude jacassent,
Ajouter dans la besace, les traces
D’une tristesse peu loquace,
Voilà qui ferait périr
Toutes les joies sans coup férir.
Le bonheur étant en grève,
Que les cœurs ravagés en crèvent,
Même les citrons du carnaval achèvent
De leur amertume, dans les alcôves.
Si bien que l’absence de sourire abreuve,
Les plus valeureux porte-glaives,
De larmes, de désarroi et de morve.
Il pleut des sanglots de pluie,
Sur les partitions de la vie,
Où frissonnent quelques notes en graffitis
Éphémères. Les souvenirs abâtardis,
S’écrivent sur des rimes anéanties.
Donc la tristesse sans aucune chicanerie,
Rendrait bizarres et tordues nos vies.
C’est ainsi que la tristesse chemine toujours seule, à la recherche de son fiancé le chagrin pour écrire des poésies empreintes de spleen.
C’était carnaval. Ça exultait, ça chantait, ça dansait. La tristesse frappa à leur porte, ils hébergeaient déjà la peur, l’angoisse et l’inquiétude, allaient-ils lui claquer la porte au nez ?
La tristesse ? Pas facile, mais une émotion indispensable. Inconnue pour eux. En écrivant leur pièce de théâtre, ils avaient vite compris qu’ils devaient y incorporer des émotions. Raconter leur histoire familiale chronologiquement ne suffirait pas même si les faits recueillis étaient insolites. Le problème c’est qu’ils ne ressentaient aucune émotion. Et ceci depuis leur naissance ! Ils ne connaissaient ni la joie ni la peine. Diagnostiqués tous les deux : hyposensibles. A leur naissance, les jumeaux n’avaient ni pleuré, ni souri. Deux bébés neutres.
A l’annonce du carnaval dans leur ville, ils se dirent que c’était le moment d’explorer ce monde émotionnel. Ils avaient collé une affiche sur leur porte : « Toutes les émotions sont les bienvenues pour étude sérieuse ».
Le carnaval durait 5 jours. Le premier soir, la Peur frappa à la porte sous les traits d’une jeune femme. Elle était poursuivie par un groupe ivre. On l’accueillit, on l’interrogea, on la scruta. On lui prit la tension, écouta son cœur battre. Ses yeux étaient exorbités. Elle tremblait. On notait tous les détails de son état. On s’en servirait pour le scénario. Mais nous ne ressentions toujours rien… et pourtant elle pleurait. L’empathie pour nous était un mystère. Nous restions de marbre. On la plaça maladroitement dans un coin du salon. Puis on écouta l’Angoisse, l’Inquiétude. On apprenait plein de choses. Notre étude avançait.
Le 2e jour, juste après notre déjeuner sans saveur, un petit coup à la porte. Un jeune couple enlacé les yeux brillants étaient là et demandait l’hospitalité. Ils nous offraient l’Amour pour notre étude. Aucune histoire sans amour ! Dirent-ils. Tachycardie, tension plutôt haute, température normale, pupilles dilatées, légère transpiration, agitation anormale. Tous ces paramètres furent consignés. On observait une émotion exceptionnelle. Deux êtres au même moment, ressentaient la même chose. Et ils se tripotaient sans cesse, s’embrassaient avec gourmandise comme une envie de fusion. On tenait le cœur de notre histoire familiale. Ma grand-mère parlait toujours de son coup de foudre. On n’y comprenait rien. Comment un coup de foudre pouvait l’émoustiller ainsi ? A voir, notre joli couple, cette émotion semblait agréable. Pas du tout comme la peur ou la tristesse. Elle nous donnait envie. Mais comment l’atteindre ?
On proposa au couple de loger un moment chez nous pour étude approfondie. Puis, on sortit dans la rue pour observer les émotions positives. On rencontra la joie, l’enthousiasme, l’affection, la liesse. Pas si mal que ça… c’était attirant. Pour entrer dans la peau de cette fête, nous nous déguisâmes. Transformer son apparence pour se transformer, une piste. On entra dans la danse. Un petit picotement d’abord… puis un frétillement. Inconnus jusqu’alors. La danse, la joie, la foule nous emporta loin de notre hyposensibilité diagnostiquée à la naissance. Elle nous avait enfermés cruellement. Avec la joie enfin ressentie, on accepta la tristesse.
Que serait le théâtre de la vie, sans sa panoplie d’émotions ? Qui veut connaître la joie doit connaître la tristesse. et entrer, hardiment dans le jeu.
Tout en sachant que si la joie ne dure pas, la tristesse non plus.
744/Pendant le carnaval, ça chante, ça danse, ils font la nouba. C’était un faux semblant aussi pour conjurer cette angoisse qui les tenaillait, le thème fût : la tristesse.
Cette année point de liesse. Déguisés en bonnets de nuit ils défilaient sans bruit en regardant par terre. Les musiciens bien présents soufflaient dans des instruments muets. Le tracteur électrique qui tirait le char noir exhibait une reine boulotte et apathique. Le char des agriculteurs était recouvert de légumes flétris et le défilé qui suivait avançait comme des ombres ménant un cercueil à sa dernière demeure.
Mais soudain, au carrefour, les enfants -qui avaient préparé depuis longtemps cette journée de fête- déboulèrent en dansant, se tenant par la main, entourèrent les ombres qui, jetant leur bonnet de nuit entrèrent dans la ronde enfantine : chanter, danser, embrasser qui vous voudrez…
Vous aurez beau faire, vous ne m’enlèverez pas ma joie de vivre. 🐀