719e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out *
Racontez
* Ce qui n’est pas dit, qui reste caché
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J
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming-out.
Je le voyais sur son visage.
Le juge paraissait radieux.
Il pensait avoir fait du bon travail.
Il m’avait mis au gnouf pour de longues années.
Les flics aussi. Tous. Les avocats.
Ils avaient tous l’air satisfait.
Cela se lisait dans leur regard.
Ah ! j’oubliais, les parents, les familles des victimes.
Et pourtant s’ils savaient. Ce que j’ai dit aux policiers, à la justice. Ce n’est qu’une minuscule partie des méfaits. De la vérité.
S’il savaient.
J’ai bien caché mon jeu. Au cours de ce long procès. Même j’ai été plus que comédien. Un acteur né.
Chères lectrices, chers lecteurs de cette histoire. Je ne vous dirais pas non plus la vérité.
Et puis ces psychiatres qui m’ont examiné.
Presque aucun n’a cru à ma folie.
La police, la justice, on a été méchant avec moi.
Pour me faire endosser plusieurs dizaines d’assassinats.
C’est dingue. Ils ont dit avoir retrouvé tous les lieux où j’ai habités, les endroits où je suis allé en vacances.
Et ils se sont mis à fouiller, retourner de la terre. Peut-être des centaines, des milliers de kilos de terre.
Des os des os. Certes ils ont en retrouvé. Mais presque rien. Trois fois rien.
Ils ne sont pas allés aussi profond que moi.
Moi j’avais des complices qui creusaient pour moi, à des dizaines de mètres sous terre, qui m’ont aidé à enterrer les …
Ben oui des créatures venues d’autres planètes pour m’aider. Pour creuser de profonds et longs tunnels, des galeries, pour enfouir les ….
Ben oui les amis je ne suis pas fou, je dis la vérité.
Les jardins, les parcs de mes maisons, de mes châteaux sont remplis d’os. Que la police, la justice ont trouvé en partie.
Vraiment des ignares, des incompétents ces « chercheurs ».
Heureusement pour moi qu’ils n’ont pas découvert tous les squelettes.
Sinon le gnouf j’en aurais eu pour au moins 1 000 ans, 10 000 ans.
Je sens les amis. Vous ne me croyez pas.
Et toujours ce juge qui gonflait son torse pendant le procès.
Je le lui dirais un jour qu’il en reste des ossements. Des tonnes et des tonnes.
Oui c’est moi ces squelettes. Je sais où ils sont. Bien enterrés. À perte de vue. Des charniers immenses.
Oui monsieur le psychiatre croyez-moi !
C’est moi le tueur en série de ces vers de terre, vermisseaux, asticots … et pour lesquels ce juge, cet arriviste de juge m’a mis au gnouf.
Oui j’ai aussi sur mon ardoise, le viol, le meurtre, l’assassinat, la calcination …. de centaines de dinosaures, de grosses bêtes préhistoriques.
Oui monsieur le psychiatre.
Ah ! désolé monsieur le juge.
En ce moment j’ai des problèmes de vue.
Je vous vois en blanc. En blouse blanche monsieur le juge.
Oui des squelettes de dinosaures. Que j’ai occis à main nue.
Monsieur le juge, allez-y, envoyez les poulets. Chercher ces os.
Et svp rajoutez moi des années de prison !
Enfin j’ai craché le morceau.
Que ça fait du bien ! Ne plus rien avoir sur la conscience.
Comment monsieur le juge ?
Mon prénom, comment c’est mon prénom.
Comment vous ne le savez pas encore !
Je m’appelle Ouidit, oui Ouidit, c’est mon prénom.
Monsieur le juge je peux vous dévoiler un autre secret.
Vous voyez monsieur le juge, au lieu de ce prénom Ouidit, j’aurais préféré m’appeler Ouistiti.
Et de temps en temps être un vrai ouistiti, pour faire de belles grimaces aux petits et grands chimpanzés. Et aussi m’élancer, et voler d’arbre en arbre !
Hi! hi !
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Un non-dit s’est enhardi à faire son coming-out. Depuis longtemps il végétait, s’ennuyait, se désolait même de vivre caché, couvert de poussière et de toiles d’araignée, au fond d’un grenier obscur.
Un jour, les petits-enfants du propriétaire ont investi les lieux pour les transformer en salle de jeux. Le renouveau qui flottait dans l’air l’a inspiré. Il a pris sa décision : il allait enfin se révéler à la face du monde ou, plus modestement, aux yeux des habitants de cette demeure pour commencer.
Il réfléchit à la meilleure façon de faire sa déclaration : envoyer des invitations, surgir en plein diner, s’inscrire sur des tracts et les distribuer à la volée… Son imagination se ragaillardit avec cet exercice. Il fit d’abord quelques essais sans public. Il avait perdu le sens de la sociabilité, il devait être prudent.
« Après-midi de janvier 1938, Claude, triathlète, membre de l’équipe de France, cadre fonctionnaire à mi-temps, a tué Camille, partenaire de vie, journaliste, bénévole dans une association, ne supportant plus ses défauts : couche-tard, lèche-bottes, rabat-joie, à l’humour pince-sans-rire insupportable, peu diplomate et instrumentiste déplorable. Le crime n’a jamais été élucidé ».
Les habitants effarés ont découvert les affichettes punaisées sur les arbres du quartier dans la nuit du 10 au 11 janvier 2024. La mairie, les services de police, la presse ont été alertés. Les hypothèses ont fusé, des historiens s’en sont mêlés. C’est un linguiste qui a dévoilé la solution. Impossible de savoir si Claude et Camille sont un homme ou une femme. Tous les mots employés sont hermaphrodites ou plus classiquement épicènes. L’énigme est double : qui sont Claude et Camille ? Sont-ils ou sont-elles du même sexe ? S’agit-il alors d’un coming-out tardif ? L’enquête promet d’être longue…
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out *
Racontez
* Ce qui n’est pas dit, qui reste caché
Osons qu’ils disaient, pourquoi pas, c’est décidé, je crache le morceau, je dis tout, j’ai assez de me retenir, de contenir ma vérité, de m’habiller à la couleur des autres, pour ne pas faire tâche, pour que les vagues ne déferlent pas, juste une écume de transparence en surface. Pas de bruit, ne pas exister en somme, mourir un peu en somme et chaque jour un peu plus.
J’ai envie depuis longtemps de sortir de moi, alors quoi de mieux qu’un coming out, qu’une expression de mon moi au mépris du qu’en dira t-on, me respecter enfin pour prendre plaisir à être vivant, tout simplement.
Ce doit être bon d’exister pour soi.
Ecouter les consignes, les règles, les devoirs édictés par la société, la religion et les parents, ça va bien un moment, mais si je continue encore je vais me désintégrer, disparaître, n’être que l’ombre de moi même. La vie ne se vit pas en noir et blanc, fini l’encre de chine, vive les Caran d’Ache, habiller ma vie de couleur librement c’est mon souhait le plus cher, et il n’y a que le premier pas qui coûte, alors promis a partir de maintenant je parle, fini l’écriture !
n non-dit s’est enhardi à faire son coming out
Elle, qui depuis des années, s’employait à garder pour elle ce qui l’agaçait et même parfois la révoltait, trouva le dynamisme nécessaire à cette révolution verbale.
Elle, si discrète, si effacée chercha à utiliser les outils d’un parler vrai, d’un dialogue authentique comme le conférencier l’avait préconisé.
De retour dans l’appartement qu’elle partage depuis quelque quinze ans, explique à Isis ses intentions de mise en pratique des « recettes » retenues du Salon de la Franchise et de l’abolition du Non-dit.
Isis écoute Circé et attend de voir comment cette dernière va mettre en pratique cet
apport.
L’heure du dîner approche. Circé annonce qu’elle n’a pas faim et se contentera d’un thé.
Isis en déduit qu’il lui faut se débrouiller seule pour composer son repas.
Circé s’installe au salon avec son mug préféré. Elle reste pensive, ruminant ce qu’elle a découvert. À l’autre bout de la pièce, Isis dresse le couvert en sifflotant.
– Cesse de siffler Isis, tu m’empêches de réfléchir.
Isis, surprise, prend sa cuillère et goûte le
potage fumant qu’elle a fait réchauffer.
– Isis, je ne supporte plus les bruits de succion que tu fais en aspirant ta soupe. C’est insupportable !
– Mille excuses ma chère mais c’est la première fois que tu me fais ce genre de remarque désobligeante.
– C’est tout à fait dommage que je ne te la fasse qu’au bout de quinze ans alors que tu me fais penser à une truie qui plonge de manière immonde dans sa gamelle et ce, depuis toujours.
Isis n’en revient pas. Quelle goujaterie ! Estomaquée de ce que vient de lui dire Circé, elle en perd l’appétit, dessert la table sans un mot et se retire, froissée, dans la salle de bain.
Circé revient vers l’évier, vide le reste de thé, prend l’éponge et essuie le plateau.
– Isis, tu laisses toujours l’éponge gorgée d’eau et je n’aime pas devoir l’essorer à chaque fois que je souhaite m’en servir.
– Et bien, si tu dois être aussi désagréable à chaque fois que tu ouvres la bouche, je te prie de croire que notre cohabitation a fait long feu. Dès demain, je me cherche un nouveau point de chute où je n’aurais plus à subir tes sarcasmes. Sur ce, bonne nuit.
Circé, toute étonnée de la tournure des événements, ne comprend pas bien pourquoi la vérité, le franc-parler est si difficile à distiller. Le conférencier ne les a pas avertis des réactions brutales que générerait un changement radical du mode de communication, de l’abolition des non-dits. Perplexe, Circé se dit que si les remarques mineures qu’elle a faites ce soir ont une telle répercussion, c’est qu’il était grand temps de les faire. Elle a encore tant de chose à aborder, et des thèmes, sans doute, beaucoup plus déstabilisants. Il vaut sans doute mieux qu’Isis décampe avant de les entendre…
En ce qui la concerne, elle éprouve le soulagement tout neuf d’avoir dit ce qu’elle s’était gardé si longtemps sur le cœur.
Elle ne regrette rien de la franchise de ce soir… pour le moment !
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out. Jusque-là, il s’était exprimé à demi-mots, mais, mais c’était un non-dit qui ne voulait pas inonder le monde par ses propos. Il s’était donc abstenu d’aller trop loin. Mais là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Il se décida à devenir un vase communicant. Et quand un non-dit s’exprime…c’est une révélation. Il voulait simplement qu’on découvre que c’était un beau parleur, plutôt discret que haut, même si tout le monde ne l’entendait pas de cette oreille. C’est pourquoi, il commença à faire parler de lui.
Il n’en peut plus. Cela fait dix générations qu’il est non-dit. Il a fait du très bon boulot. Mais maintenant il veut autre chose. Il ne veut plus rester enfoui, profondément caché et empoisonner la vie des autres. Il estime qu’au bout de toutes ces années de bon et loyaux services, il est temps d’exprimer sa vraie nature.
Il a aperçu l’autre jour une blondinette aux cheveux bouclés, à la jupette rose façon corolle. Il n’a jamais rien vu d’aussi affriolant. En plus elle a une caractéristique : elle parle, elle parle, elle parle pour ne rien dire. Il est sous le charme.
Tout excité, il fait sauter les portes de son placard et part à la conquête de sa belle, la fleur au fusil.
Il ne connaît pas les codes de la séduction et se livre pieds et poings liés. Il avoue sa condition de non-dit, mais qu’il n’est plus fait pour ça. Il veut être sa terre et son ciel, sa lune et son soleil, son ombre et sa lumière.
La toute belle qui parle, qui parle, qui parle pour ne rien dire en reste bouche bée. Pas très longtemps cependant. Elle a le cœur un peu sec et se dit qu’elle peut tirer profit de cette déclaration enflammée. Elle l’invite chez elle. Lui, ça y est, il s’envole au septième ciel.
Tout ce que tu veux, je te le donnerai, dit il.
Oui, oui répond la bavarde mais avant il faut passer l’aspirateur et laver le sol, déboucher l’évier et les toilettes, faire la lessive et la vaisselle….
Il est sidéré. Je lui parle d’amour, elle me répond corvée. Je ne veux pas devenir un homme prosaïque.
Faut ce qui faut mon chéri ! Et la belle éclate de rire, comme un grand rire de sorcière.
Désillusion !
J’ai eu une amie qui m’avait confié que, dans sa famille il y avait un terrible secret. Il fut révélé parce que sa pauvre mère n’en pouvait plus : elle avait eu un fils pendant la guerre. Elle avait sucombée au charme d’un bel et ‘gentil’ ennemi et avait porté l’enfant à l’adoption quand son mari est rentré car il ne voulait pas entendre parler de ce ‘ mioche de la honte ‘! Le hasard voulu qu’il soit adopté à peine a 100km de la où habitait sa famille d’origine. Tous ont mal vecu. Le secret qui n’en était plus un continuait de peser sur la famille separant les deux sœurs. L’une ne voulait pas en entendre parler l’autre ne souhaitait que le retrouver. Ce qu’elle fit, le revit, elle l’aimait beaucoup et il lui ressemblait. Son père, qu’elle vénerait, lui tourna le dos. Ce fut trop, trop gros, trop dur… Elle ne résista pas et partit … On ne la retrouva pas.
Cette lamentable histoire est vraie. Faut il révéler les secrets ?🐀
Tout le monde en parle, les forêts le savent depuis toujours .
Les arbres sont fabuleux, une vie secrète passionnante. Des amitiés étonnantes entre voisins spécifiquement différents, solidarité dans les moments chaotiques . Remarquable langage ,communication, par des messages olfactifs, quelques sécrétions toxiques pour éloigner des prédateurs agressifs . Surprenants les réseaux de racines pour les transmissions chimiques , voire signaux électriques , pour prévenir d’invasions parasitaires en masse .
Belle histoire de relations sympathiques, de secours dans les pénuries d’eau, d’ombres plus fraîches si canicule, mais je dévoile avec vigueur ce qui se cache sous les tapis de feuilles et mousses . La vie n’est pas facile, il faut se battre pour survivre, pour sa place au soleil, pleine lumière, par n’importe quel moyen? Moi, un jeune chêne rescapé des manoeuvres de répulsion organisées par mes congénères plus âgés, , j’ai aussi combattu avec des attaques de parasites et autres champignons, bactéries .
Question de survie radicale, sous des ramures trompeuses bienveillantes …
Joli🐀
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out *
Depuis le temps qu’il se cachait dans l’inconscient de chaque membre de la famille, il a fini par faire son chemin. Il titillait chacun d’entre eux mais aucun n’avait la clé pour expliquer ce sentiment sourd, cette pensée toujours présente qui revenait, accrochée à leur conscience comme une mauvaise herbe sur le bas du pantalon. Il faisait son chemin ce non-dit et insidieusement provoquait quelques remous. Pourquoi était ce si difficile de communiquer avec le père ? Pourquoi la mère était-elle si en colère et prompt à crier sur le père, tremblante lors de ses absences ? Nul ne sut et chacun vécut sans jamais se dire qu’il faudrait peut-être s’asseoir, demander aux autres si eux aussi, avaient le sentiment que quelque chose clochait dans leur tête et qu’un non-dit frappait à leur porte sans qu’il ne sache qui il était vraiment.
Il fallut attendre 50 ans avant que le non-dit fasse sa révolution. Il trouva la solution en allant franchir les lèvres du cousin connaissant le secret de polichinelle qui n’avait pourtant pas dépassé le statut de non-dit dans l’autre branche de la famille. Il se lâcha donc au détour d’une conversation lors d’un repas élargi et fut rattrapé par les enfants qui soudain saisirent cette révélation au bond et filèrent demander des explications, tout en comprenant qu’ils avaient identifié soudain ce non-dit qui cognait à la porte depuis si longtemps. Le père devenu vieux avoua alors sans détour qu’ils n’avaient pas eu quatre enfants mais cinq…Oui, ils avaient un frère dont jusqu’ici, ils avaient ignoré l’existence, bien qu’elle se soit chez chacun d’entre eux, toujours manifestée discrètement mais sans jamais faiblir.
Ce non-dit avait fini sa mission et mourrait avec sa révélation.
C’est exactement ça un non-dit révélé 🐀
Après être resté planqué
Quelques années
Bien à l’abri
Dans un trou de souris
Un non-dit s’est enhardi
Ohé, ohé l’ami
Comment ça va
Tu n’as pas chaud, pas froid
Pas soif, pas faim
As-tu besoin de quelqu’un
As-tu des peurs, des envies ?
Moult questions restées en l’air
Ou enfouies sous terre
Mais un lundi
Le non-dit a dit oui
Oui, j’ai des envies
Ici je ne peux plus respirer
J’étouffe, je vais exploser
Et, croyez-moi
Ça va faire des dégâts
Par pitié, de l’air, de l’air
Je ne peux plus me taire
Il me faut sortir de ce trou
J’ai un rendez-vous
Avec la Vérité
Je ne peux pas le rater
Il y va de ma santé
C’est donc le lendemain mardi
Que la rencontre a eu lieu
Les deux étaient émus
Ils tremblaient quelque peu
Des larmes ont coulé
Des deux côtés
La pluie s’en est mêlée
Un orage a même éclaté
Puis tout à coup le ciel s’est dégagé
Les nuages ont disparu
Et, enfin, le soleil est apparu.
Un secret bien gardé fut enfin révélé
Ce non-dit, ce nom tu, c’était Martial Bernier
Bien avant les tourments endurés cet été
Martial avait prévu qu’il serait appelé
Programme il prépara, discours il affina
Pour qu’à l’instant venu il soit frais et nouveau
Lui, le vieux serviteur à la blanche toison
Apparaisse tout neuf à Emmanuel Macron
Mais oui, mon cher Martial, je te gardais au frais
Avoua le monarque sur un ton satisfait
J’ai surpris tout le monde, vraiment c’est épatant
De t’avoir conservé tout ce torride été !
Depuis des années, Edmond, le non-dit, tentait de s’évader de sa prison, mais chaque fois qu’il était en face de son persécuteur, sa conscience l’invitait à ouvrir sa bouche afin de lui asséner ses quatre vérités. Néanmoins, allez savoir pourquoi, ses craintes de lui manquer de respect le retenaient de se délivrer de son infernale emprise.
Un matin, un prisonnier politique, nommé Faria, le rejoignit dans sa cellule. Après quelques jours à se jauger, tous deux se lièrent d’amitié et chacun s’épancha sur sa vie. C’est ainsi qu’en descellant chaque jour une pierre du cachot, Faria parvint à faire admettre à ce non-dit qu’il était une victime et non point un coupable.
Lorsque Edmond se retrouva devant son manipulateur mental, les liens qui lui nouaient l’esprit sautèrent l’un après l’autre.
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out * (Ce qui n’est pas dit, qui reste caché)
Il y a environ 8 milliards d’habitants sur terre. Je n’ose imaginer le nombre de non-dits.
Si tous les non-dits faisaient leur coming out, que se passerait-il ? Soulagement pour les uns, drames pour beaucoup d’autres.
Il y en a un qui en a marre d’être prisonnier d’un corps dont le cerveau ne fait qu’osciller de droite à gauche, de haut en bas, non je ne dis rien, oui demain je parle. Mais la bouche reste cousue. Et cela dure depuis des lustres. Ce non-dit voit passer les années, voit ce corps qui l’abrite se transformer, s’empâter, devenir mollasson comme le cerveau. Eh oui, lui aussi se ratatine. Trop c’est trop ! Toutes ces années de perdues. Cette tristesse dans le cœur derrière une façade toujours souriante.
Ne reste plus qu’à prendre le taureau par les cornes.
Je lui rappelle que dans un an il entera dans une nouvelle dizaine. Cette prise de conscience provoque un électrochoc en lui. Il sent, il sait qu’il doit l’aborder en beauté. L’occasion est trop belle pour que je la laisse passer. Je hante autant que je le peux la tête de mon hôte, ne lui laissant que peu de répit, faudrait pas qu’il change d’avis. Conscient qu’il doit se libérer de son fardeau et continuer sa route en toute légèreté, il s’offre une année sabbatique, loin de son environnement, de sa famille, de ses amis.
Ce sera son cadeau d’anniversaire à lui.
Il s’ouvre à de nouvelles aventures, rencontre des personnes qui ont vécu un parcours similaire au sien. Il connait les risques physiques et émotionnels. Mais il est prêt.
Une année s’est écoulée.
Une grande soirée est prévue pour son anniversaire. Un changement de dizaine doit être célébré. Il a prévenu famille et amis qu’il arriverait avec un peu de retard car il n’était pas encore tout à fait remis du décalage horaire. Personne ne l’avait vu depuis son retour.
Tout le monde est réuni. Famille et amis. Tout le monde le cherche du regard. Personne ne le voit, mais il est là qui regarde toutes ces personnes qui croient le connaître. Il est anxieux. Son cœur palpite trop vite. Est-ce le bon moment ? Oui ? Non ? Partir ? Rester ? Je le sens flancher. Je mets la pression. Je reste seul dans sa tête. J’ai chassé tout le monde.
De toute façon, il n’y aura jamais vraiment de bon moment.
Il remarque qu’on le regarde, que les invités se demandent qui il est. Des chuchotis par ci, des chuchotis par là. Il intrigue avec ses longs cheveux auburn, son regard de biche, son allure très élégante : tailleur bleu marine, chemise crème, escarpins et sac assortis. Mon hôte devient vite le principal centre d’intérêt.
Brusquement il aperçoit ses parents au centre de la salle. Il est tétanisé. Son père demande le silence. Mes très chers amis, aujourd’hui est un très beau jour. Mais avant que la fête ne commence, nous voulons présenter nos excuses mon épouse et moi, à la personne que nous chérissons le plus mais à laquelle nous n’avons pas su apporter notre aide et notre soutien. Depuis longtemps, nous connaissons sa souffrance mais nous n’avons rien dit, rien fait. Pourquoi ? Nous l’ignorons. Les convenances, l’éducation, le moule dans lequel nous nous complaisons… Nous sommes honteux de nous avoir voilé la face, de n’avoir pas agi.
Mais aujourd’hui, nous sommes très fiers et heureux. Notre enfant s’est libéré. Telle une chrysalide, il s’est métamorphosé.
Laissez-nous vous représenter notre enfant qui vient faire son coming out !
Approche-toi mon enfant. Tu aimais beaucoup le prénom de Claire. Je suppose que c’est ainsi que nous devons t’appeler dorénavant. Aurevoir Robin, bonjour Claire.
Il s’approche d’eux. Ses parents le regardent. Sa mère, lui caresse la joue avec tendresse, son père l’enlace avec émotion.
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out…
J’ai hésité longtemps avant de tous les convier à ce diner. J’ai ce poids sur le cœur depuis bien trop longtemps. Ce poids qui a fini m’envelopper le corps. Couche protectrice contre le monde.
Ils sont tous là. Famille et amis proches.
Ma mère me guette du coin de l’œil. Elle perçoit mon trouble sans vraiment le comprendre. Comme toujours, elle mettra ça sur le fait que je suis une perfectionniste que je veux que tout soit parfait.
Ma fille sent que je suis sur le point de pleurer sans savoir ce que qui me chagrine. Je me reprends et affiche un sourire de façade qui le berne pour le moment. Ma soeur croit savoir mais elle est loin de connaitre toute la vérité.
Je joue mon rôle d’hôtesse à la perfection. Je vais d’un convive à l’autre. Je souris, je ris…encore une fois je suis parfaite dans mon rôle.
Les regards inquisiteurs ont cessés.
Personne ne se doute de quelque-chose.
Les mots sont bloqués dans ma gorge et forment une boule énorme. Je ne mange pas, ne boit pas. Je crois que je vais vomir.
Vomir ce qui me pèse sur le cœur. Vomir cette vérité !
Vont-ils comprendre ? Moi qui est toujours servi ce rôle de femme forte, heureuse et bien dans sa vie.
Je sers le dessert…j’hésite…je tergiverse…comment dire …. les bons mots pour faire comprendre… la bonne phrase…
« Quelqu’un veut un café ou un thé ? »
La phrase est correcte, le ton approprié, la synthase est bonne…
Et voilà, tout le monde est parti. Mon non-dit si enhardi il y a encore quelques jours a fini par se taire.
Courage mon non-dit !! Un jour, tu y arriveras, nous y arriverons.
Mon cœur si lourd deviendra plume !
– C’est décidé… Il faut qu’ils sachent… Aujourd’hui je le leur dis !
Ça fait trop longtemps que je garde ça pour moi et ça me rend malade.
D’ailleurs, le docteur m’a décelé un ulcère à l’estomac.
J’étais prêt à lui expliquer la raison de cet ulcère, mais il était trop pressé.
C’est bien connu que les non-dits provoquent des ulcères à l’estomac n’est-ce-pas ?
Mais le docteur, il est toujours pressé… alors, je ne dis rien et la maladie m’envahit. Je vais exploser !
Alors, c’est décidé, c’est pour aujourd’hui.
A ce moment précis de cette réflexion, notre homme sort dans le jardinet.
Il place ses mains en porte-voix et crie :
« C’est moi qui ai cassé la vase de Soissons… Oui ! C’est moi !»
Aussitôt, deux hommes en blouses blanches s’approchent de lui en levant les yeux au ciel et en murmurant en chœur : « ça y est… ça lui reprend ! ».
Ils ramènent gentiment notre gars dans sa chambre et lui font avaler un cachet pour soigner son ulcère.
Dans la communauté des non-dits ils étaient nombreux. Il y avait le non-dit scolaire. Celui qui te dit. Mon gars, tu ne t’es pas inscrit dans la bonne école. Tu ne portes pas les bonnes fringues et tu ne parles pas le même verbe que nous. Jamais tu ne serais admis parmi nous. Tu auras beau être le meilleur en mathématiques ou en géographie, tu ne feras jamais parti de notre histoire.
Il y avait le non-dit racial celui qui te dit que tu n’as pas la bonne couleur de peau. Que tu sois le meilleur dans ta discipline ; que tu sois le plus fort, le plus rapide, le plus fin danseur avec un ballon. Que ce ballon aille dans un panier, un filet ou qu’il franchisse une ligne, tu les surpasseras mais ils te mépriseront. Ils ont mis tant de temps à t’accorder des droits qu’ils ne veulent pas de ton pardon. Ils ne sont pas encore prêts pour l’acceptation.
Et puis il y avait les non-dits amoureux. Celui que tu n’avais pas vu parce que tu n’avais pas su. Tu n’avais pas su que celle que tu aimais était incapable de te rendre ton amour. Elle avait souffert par un autre que toi qui avait brisé son petit cœur. Alors depuis, sans doute pour tenter de réparer son cœur abimé, elle abimait celui de ceux qui venaient se bruler les ailes à son soleil. C’était sa forme de réparation.
Il y avait le non-dit sexuel. Celui qui marquait le pouvoir de l’homme sur le devenir des femmes. Longtemps confinée à la cuisine ou à l’éducation des gosses tu as voulu un jour monter que tu pouvais être une autre. Tu te voulais médecin, juriste ou politicienne et tu l’es devenue à force de combat. Droit de vote en 1945, enfin, ce n’était pas trop tôt. Mais sous une égalité de façade le non-dit n’était jamais loin. La promotion t’échappais et tu ne savais pas pourquoi. Peut-être le risque que tu fasses un enfant ? Que tu t’absentes souvent pour accompagner leur bobos ? Des prétextes pour garder le pouvoir entre-soi, tout simplement.
La communauté du non-dit s’attache à la morale. Lorsqu’une manière de penser ou d’agir n’est pas conforme à son éducation ou à l’évolution d’une société, alors on s’inscrit à la communauté des non-dits. Alors, pour satisfaire ses instincts les moins avouables ou pour agir sans avoir à se justifier, on apprend à mentir chez les non-dits. C’est l’école de la vie en société ou en communauté, l’école de l’avis partager par ceux qui croient appartenir à une élite ou par ceux qui ont quelque chose à cacher, un secret familial ou personnel inavouable.
Mais heureusement, il y a ceux qui font leur coming-out, ceux qui réfléchissent et savent écouter ce qui se passe dans leur cœur en oubliant leur peur. Ceux qui ne sont plus dans la compétition et la règle du jeu mais qui écoutent leur libre arbitre pour inventer leur propre jeu, pour inventer leur propre JE.
Un non-dit s’est enhardi à faire son coming out *
Bouche cousue, depuis longtemps. Les mots lui restaient dans la gorge, il n’osait pas. Pour lui, des mots dits étaient maudits. On ne pouvait jamais rattraper un mot lâché.
Tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de prononcer un seul mot était sa recette de la quiétude. On le pensait bourru, il était prudent. Toutefois, tous ses non-dits accumulés lui faisaient gonfler les jours. Tous ces mots se bousculaient dans sa bouche.
Ce jour-là, n’en pouvant plus, il franchit le seuil interdit.
Il voulait lui dire Je t’aime. Mais inhabitué des paroles spontanées, il dit : Je t’aime beaucoup
Cette phrase fut prise pour une parole malheureuse. Et pourtant c’était sa première parole heureuse.
Il va mourir le Papa. Il gît sur son lit entouré de ses 7 fils. La chanson d’Aznav tourne en sourdine « elle va mourir la mama…a…a…a », il n’ont pas trouvé la version masculine et la Mama, ça fait belle lurette qu’elle est morte. C’est pour ne pas laisser partir le Papa sans rien, sous prétexte qu’il n’y a pas de chanson adéquate. Il s’en serait foutu de toute façon, comme du reste. C’était là son point fort : se foutre de tout et de rien. Tout savoir et rien dire.
Pourtant avec la vie de barreaux de chaise qu’il avait menée, certain que des choses à dire il en avait, et beaucoup.
Voilà que le père se relève et réclame qu’après l’avoir bien retapé, on lui remonte dans le dos l’oreiller qu’il avait sous la tête. Parce que « je vais vous dire …»
Alors là, pour le coup, les 7 fils se précipitent autour du lit. Ils ont tout essayé ces trois dernières années pour le faire parler. Il riait de leur manège, et les taquinait « vous le saurez le moment venu. » Pour l’instant : du calme, c’est écrit.
– Tu l’as écrit ? Où ?
– Là répond le Papa en posant son index bien au milieu de son front.
Oh la tête qu’ils font les garçons … parce qu’ils pensent tous qu’il est riche et que c’est maintenant ou jamais.
Le Père reprend ce qu’il lui reste de parole : Quand je vous aurai tout dit vous aurez envie de me tuer, au point où j’en suis : je vous y autorise.
– et tous les sept, en choeur : Super ! …. Alors ? …..
« Ah, mes chers petits, vous n’êtes pas mes fils, ni les uns, ni les autres. Ça me peine de le dire car je l’ai beaucoup aimée, mais votre mère était une gourgandine. Elle me quittait à chaque occasion mais revenait chaque fois, comme la femme du boulanger. Elle a fait ça sept fois et sept fois est retournée grosse. »
Les fils se regardent les uns les autres, conciliabulent, et disent au Papa :
– D’accord, on ne savait pas, on te croit sur parole, mais les sous qu’elle ramenait tu les as mis où ?….
Le pays des non-dits est si vaste qu’on ne peut se cartografier aux incessantes frontières tentant de le limiter. C’est un incontinent qui se pisse dedans, qui se noie dans les tourbières du silence. Il ne parvient qu’à cultiver de petites plantes carnivores qui chope les lettres errantes, les enferme et les digère. Sans autre but, sans intention. Pour survivre, à leur manière.
Afin d’éviter les conflits, il a ramé son île toujours plus loin des grèves à accoster. Il a miné les ponts, bouché les tunnels, déraillé les trains de vie possible.
Ses habitants sont les plus nombreux. Muets d’expérience, ils ont bâti leurs carapaces. Leur réticence à la confrontation n’est que le fruit pourri d’une impossible compote. Ils ont parfois épluché les mots d’un échange, ils ont osé, n’ont pas été entendu, sont retourné dans leur caverne. La tentative de parler n’a rien libéré. Le langage, toile d’araignée, ne tissait que des pièges.
Ils sont là, ils vont, ils viennent, partout, petits otages de la marée des lunes.
Je ne les envie pas, je ne les accuse pas, je les respecte, je continue de leur parler, quoi qu’ils ne me répondent pas, quoi qu’ils se taisent entre eux.
Ils s’autorisent une non-assistance à eux-mêmes. Ils déambulent leur mort à petit pas. Et c’est quand même un peu la faute à tous, les baveurs, les bêleurs, les aboyeurs, les écorcheurs, les soliloqueurs, les confabulateurs, tous ces heurts à toute heure. Tous les incapables de poser un mot après l’autre, de le partager avec l’autre.
Les habitants des non-dits n’ont rien choisi, ils sont là, partout à s’abriter de tout, tout le temps, à toutes les occasions manquées.
Parfois, je les croise, quand je ne sais plus, moi non plus, où, réellement, j’habite.
FATALITÉ
Après une salade bien acide, un poulet dur comme du chien, une atmosphère à couper au couteau, le tout a une raison de la molaire d’oncle Ernest qui a chut dans un bruit de grès gratté.
– C’est comme pour Jules qu’a lâché la tante Marie en levant les bras au ciel…
On y était… Ce fameux Jules qui avait soulevé tant de commérages qui finissaient a voix basse derrière la main…
Ce sacré »non-dit » a profité de la perte du chicot pour s’ évader de la bouche a secret.
C’est le trou de la dent, le dernier barreau qui a laissé échapper un début de la confidence.
Allez vas-y lâche le morceau !
Si seulement !
Car non seulement il ne l’a pas lâché… Mais il s’est étouffé avec le tonton, le morceau de poulet et la couronne… C’était le jour. Tout est passé par le trou du dimanche.
– Décidément, ça recommence, encore une histoire de couronne, comme pour Jules qu’elle a dit la tante Marie… Comme pour Jules… 🐀
CHAT QU’EXPIRE
Dans un dernier souffle s’exhalait un non-dit : to be. « être fermé » n’en peux plus d’être l’auxiliaire. . Vivre par soi-même et pour soi-même, ne plus jouer les utilités, tenir la porte à l’autre qui se conjugue, le verbe aimer et ses dérivés… « avoir » » encore un indispensable avis invisibiliser. Nous ne voulons plus être subordonnés. »Quand j’avion était à la foire dans ma carriole à âne, j’étions point faraude. Un chemin jonché de fleurs, des bouquets jetés, des compliments : ha, la chouette nana ! Le beau baudet, la paupière baissée, l’œil en coin, je n’en touchais mie, je vocalisais hi han, les voyelles, ha, hé, hi, hi, hue ! Nous n’y entrabons que pouic ! 🐻
Après une salade bien acde, un poulet dur comme du chien, une atmosphère à couper au couteau, le tout a une raison de la molaire f’ oncle Ernest qui a chut dans un bruit de grès gratté.
– C’est comme pour Jules qu’a lâché le tante Marie en levant les bras au ciel…
On y était… Ce fameux jules qui avait soulevé tant de commérages qui finissaient a voix basse derrière la main…
Ce sacré »non-dit » a profité de la perte du chicot pour s’ évader de la bouche a secret.
C’ était le trou de la dent, le dernier barreau qui a laissé échapper un début de la confidence.
Allez vas-y lâche le morceau !
Si seulement !
Car non seulement il ne l’a pas lâché… Mais il s’est étouffé avec le tonton, le morceau de poulet et la couronne… C’était le jour. Tout est passé par le trou du dimanche.
– Décidément, ça recommence, encore une histoire de couronne, comme pour Jules qu’elle a dit la tante Marie… Comme pour Jules… 🐀
Mes biens chers amis commença Nondy en frappant le verre de son couteau, je souhaite prendre la parole pour vous faire part d’une nouvelle que je tiens secrète depuis de nombreuses années.
Parce qu’elle est délicate à avouer et pourrait en blesser plus d’un autour de cette grande table. J’aimerai qu’après mon aveu, vous ne me détestiez pas et me considériez toujours comme l’un des vôtres.
– Accouche, on va pas y passer la soirée cria un convive
– Oui, on en a marre d’attendre, on voudrait bien manger
– Voilà, je ne vais pas y aller par quatre chemins ni tergiverser indéfiniment. Je ne suis pas, comme vous le pensez tous, le gay de service dont on se moque plus ou moins gentiment, je suis un hétérosexuel pratiquant, de surcroît le père biologique de M….
Une fourchette habilement lancée se planta entre les deux yeux de Nondy qui s’écroula en hurlent, tandis que la panique qui s’ensuivit empêcha de voir qui l’avait lancée.