698e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
Racontez une vie de chapeau.
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Il avait vu le jour au XIXe siècle dans le distingué et nanti quartier de la Chaussée d’Antin
Haut de forme, dandy et élégant, d’allure respectable et digne. Un arriviste aux dents longues mais aux idées courtes. Victime d’une trahison et du manque de moralité d’une société à laquelle il pensait appartenir
Les revers de fortune qui s’ensuivirent le poussèrent à consulter voyantes et chiromanciennes. L’une d’entre elles lui conseilla même d’avoir recours. Son esprit comme sa forme. Il se tortilla et devint tout pointu. Ridicule, insortable
La société connaissait des agitations politiques et des soubresauts sociaux. « Tout mais pas ce ridicule chapeau de sorcier » se dit-il. Il épousa la cause révolutionnaire et la condition prolétarienne. Il devint une casquette, du genre de celle que portent les ouvriers.
L’épopée napoléonienne le sortit de cette situation qui, avouons-le, ne le satisfaisait pas pleinement. Il s’engagea alors dans la Grand Armée et porta le bicorne
Un mariage heureux lui permit de remonter dans la hiérarchie sociale et il passa, devenu canotier, les plus beaux dimanches de sa vie, à canoter sur la Marne
Hélas, ses aventures avec les grisettes et les cousettes le contraignit à une séparation et à une chute de son train de vie.
Il se transforma en chapeau de paille. Il put aini se vanter d’avoir fini sur la paille et pensait avoir touché le fond.
Et pourtant, il lui fallut s’écraser encore. Il rêvait d’ailleurs : le Mexique et son sombrero, le Grand ouest américain et son chapeau de cow-boy, les universités américaines et leur casquette de base-ball, lu Texas et son stetson, la Grande Motte et son bob, la City à Londes et son melon
C’est l’esprit occupé par ses rêves qu’il ne vit pas, dans une rue du Pays Basque, le 35 tonnes qui ne put l’éviter. Et, béret, il termina sa vie au plus plat
in « La vie d’un haut-de-forme devenu béret »
Avec par ordre d’apparition dans le texte :
« La Comédie humaine » de Balzac (Le haut-de-forme)
« Harry Potter à l’école des sorciers » (le chapeau de sorcier)
« Les Misérables » (la casquette de Gavroche)
« Le Mémorial de Sainte-Hélène » de Las Cases (le bicorne)
« La maison Tellier » (Le canotier)
« Un chapeau de paille d’Italie » d’Eugène Labiche (un chapeau de paille .. forcément)
« Ramuntcho » de Pierre Loti (le béret basque)
Je suis née entre les mains d’un tisserand à Cuenca en Equateur. Il m’a confectionné à la main avec des fibres naturelles très fines. Son expertise concerne le Panama qui, dans mon cas, à la forme d’une capeline pour femme. La qualité de la matière qui m’a élaborée est très recherchée. Ma couleur naturelle et la finesse de la paille permet de me plier et de me rouler sans altérer ma forme.
Initialement, j’ai été acheté par un voyageur qui souhaitait m’offrir à sa Novia.
J’ai donc traversé les mers et me suis retrouvé sous des cieux bien différents de ceux qui ont vu grandir les jeunes pousses de palmiers qui me composent.
La destinataire du présent a été charmée par l’élégance de mon port et m’a tout de suite adopté. Elle a pris soin de moi de longues années, me posant sur un porte-chapeau de bois pour que je ne me déforme pas les saisons où je lui servais moins.
J’aimais beaucoup la fragrance des cheveux clairs de la Novia mêlée à celle de la paille.
J’ai visité de nombreuses contrées et, au fil du temps, ma propriétaire a cousu un élastique de serrage pour me protéger des coups de vent.
Ainsi, la vie était joyeuse et ludique. Puis un jour, un inconnu, me voyant posé au vestiaire du restaurant où nous déjeunions, m’a lancé dans la pièce d’eau qui se trouvait à proximité. Mes qualités ne m’ont pas préparé à me transformer en frisbee. Je suis tombée sur des algues et lentilles d’eau qui ont transformé la paille en serpillère répugnante.
Avec soin, la Novia m’a douché et mis à sécher sur le support de bois. Malheureusement, je suis resté taché dans des tons que la Novia n’appréciait pas du tout.
Après quelques années passées à prendre la poussière dans un placard, une artiste textile m’a récupéré comme accessoire pour l’une de ses compositions. J’ai été exposé dans des lieux prestigieux et pensais décidément la vie pleine d’incertitudes et surprises diverses.
Un amateur a acheté l’œuvre à laquelle je participais. Il nous a mis en valeur dans le hall de sa grande maison.
Depuis, nous regardons passer les invités, membres de la famille et personnel chargé de nous épousseter chaque semaine.
Je suis au chaud, protégé des rayons directs du soleil mais néanmoins dans la lumière et, quand je m’ennuie, je repense à Cuenca et aux tisserands de là-bas, au plaisir de me promener au soleil, dans le vent léger.
La vie est une drôle de loterie…
Oh je suis tout neuf.
Je n’ai pas eu beaucoup de vie.
Car je sors de l’usine.
On m’a dit que j’allais travailler sur des têtes, des chauves, avec de longs cheveux ou peu odorantes.
Moi cela ne me dit rien d’être assis toute la journée sur une tête.
Je crois bien qu’au lieu de m’appeler chapeau je vais m’appeler château, rodéo ou tango.
Oh non pas de tête pour moi.
Il doit faire froid là-haut
– Alors pour quelle raison es-tu devenu un chapeau me demande la petite mouche qui vole vole devant moi.
– Oh oh dis-je chapeau chapeau ce n’est pas moi qui l’a demandé !
Ce sont des mesdames et des messieurs que je ne connais pas qui ont décidé que je sois chapeau.
En entendant cela, la mouche eut un regard étonné. Elle devait se demander si elle était le fruit du hasard, du destin ou si elle avait été conçue par une machine.
Je la regardais attentivement. Peut-être elle aussi devait lire dans mes pensées de jeune chapeau qui ne voulait pas bosser à l’usine des têtes.
Et qui rêvait de disco, rodéo et tango.
Il y a de la rumba dans l’air pépère.
Qu’on est bien dans le ciel en train de voler et voilà ce que décida notre chapeau.
Il allait s’appeler Borsalino et pour une première il allait faire un tour du monde.
Oh oh un chapeau qui vole et qui chante oh oh le matin au réveil.
Sans se soucier de la pluie et du beau temps.
Un chapeau libre comme le vent, les dragées et les coquelicots.
Vive le vent, vive le vent
Vive le vent d’hiver
Qui s’en va sifflant, soufflant … chantait notre jeune chapeau.
Robert n’aime pas les blagues. Pour le faire rire, il faut vraiment mettre le paquet. Il n’aime pas non plus les surnoms. Et le sien, il l’a en horreur : Bob.
Il a bien essayé de demander à ses proches d’arrêter, mais en vain. Il s’est alors résigné. Il est donc Bob. Sa femme, elle, a la bienveillance de toujours l’appeler Robert et il lui en est si reconnaissant.
Ses potes le raillent souvent au sujet de sa femme, en lui demandant comment il a pu séduire cette belle irlandaise. Lui-même se pose la question à vrai dire. Elle l’avait choisi lui, mais il ne sait pas pourquoi. Il n’a pas vraiment d’allure, encore moins à leur rencontre. On peut dire que les années lui ont été favorables de ce côté-là, certains lui trouvent du charme aujourd’hui. Son style vintage peut-être…
Robert fêtera ses cinquante ans demain et une grande fête est organisée pour l’occasion. Tout le monde est invité et personne n’a décliné. Il sait déjà que cette journée va être détestable. Il ne supporte pas les effusions.
Il devine aussi que sa bande de copains a très certainement préparé une belle et bien grosse plaisanterie, leur spécialité. Parfois, il se demande la raison de l’amitié qui les lie à eux depuis si longtemps. La promiscuité certainement. Avec eux, il a toujours l’impression d’être le dindon de la farce. Ils sont, tous, tellement plus classe que lui. Taillés sur-mesure pour cette société qui standardise la beauté.
Robert se couche un peu froissé ce soir. Il a longuement repensé à sa vie toute la journée et il aimerait bien pouvoir en changer. Mais comment ? Demain, il en parlera à sa femme. Il se dit qu’une virée en bateau leur ferait du bien, à tous les deux. Si seulement, cet été ils pouvaient partir en voyage. Ce serait un beau cadeau d’anniversaire. Voilà au moins trois ans qu’ils ne sont pas sortis du placard.
Galurin ! Voilà le nom que Fernand lui avait attribué. Il l’avait trouvé lors d’un vide-grenier dans son village. Il n’était pas beau mais efficace. Bricoler dehors, guetter le gardon pendant des heures, faire la sieste sous un arbre et le rabattre sur ses yeux, crâner devant la boulangère… Fernand avait de multiples projets pour son nouveau couvre-chef. Il lui a même inventé une histoire.
Galurin est né des mains expertes d’une chapelière. En feutre marron glacé, bordé d’un liseré beige, il s’apparente au chapeau cloche des années 30. Stylé, pliable, il a fait le bonheur d’une élégante parisienne. Sans nul doute, elle avait des gants en agneau d’une couleur assortie. La mode, sans cesse en mouvement, a relégué Galurin dans la boite à chapeaux. Une disgrâce prolongée jusqu’à ce que la petite fille de notre parisienne l’extirpe pour la représentation théâtrale de son collège. Galurin retrouva du prestige, teint en vert bouteille et agrémenté d’un ruban vert pomme. Il erra dans les malles de costumes du théâtre puis revint vers sa propriétaire d’origine qui ne le reconnut pas mais tenta cependant une réhabilitation. Un jour, son mari par mégarde s’est assis dessus pendant des heures ce qui lui a fait perdre son apprêt et sa superbe. Dégoûtée, la dame lui cria haut et fort qu’il n’était qu’un goujat. Elle mit Galurin au rebut.
La bonne intriguée le récupéra délicatement, se risqua à le laver et le retrouva tout déconfit. Elle décida de l’utiliser pour faire reluire les parquets en chêne fraichement cirés. Galurin était triste de cette déchéance sociale. Il se consola cependant d’être toujours en vie. C’était mieux que la décharge municipale. De fil en aiguille, il se retrouva sur l’étal éphémère d’un vendeur du dimanche. C’est là que Fernand le rencontra. Il était content ; il avait fait une affaire.
Sa femme ne fut pas de cet avis.
– Où as-tu déniché cette guenille ? Il sent la cire à plein nez. Tu ne comptes tout de même pas te le mettre sur la tête ?
– Si, bien sûr. C’est un chapeau et je veux l’honorer en tant que tel !
– Mais, enfin, qu’est-ce qui t’a pris ?
– Un euro, il m’a coûté un euro. Une affaire je te dis. Et je pourrais peut-être le revendre lors d’un prochain vide-grenier et même faire un bénéfice…
Je suis un chapeau. Mon fruit préféré est le melon… Je peux être bas, sur la roue, on peut me tirer… Que je sois bicorne, à rebord, stetson ou chapka selon les lieux, je resterai toujours un chapeau. En vain j’ai essayé d’être chapeau Yquem, mais ça n’a pas marché…
Certains personnages, tel Napoléon, m’ont porté haut et fièrement. D’autres, de rage, m’ont mangé, au risque d’une indigestion… À tous ceux qui étaient dans le besoin, j’ai apporté mon réconfort, histoire de les chapeauter. Selon les modes j’ai varié, changeant de casquette au gré du vent. À force de travailler, je suis devenu un peu fou-fou. Mais, quelle que soit ma composition, je serai toujours un chapeau, avec ou sans rebords, je trouverai toujours une tête à coiffer…
698 – Raconter une vie de chapeau.
Je l’ai croisée ce matin, le long de la promenade des Arcades. Elle me fit un bonjour discret. Je ne la connaissais pas. Je lui ai répondu par un signe de tête. Je me suis découvert. J’ai continué mon chemin. Puis, En un éclair, je me suis remémoré son doux visage et son sourire à peine esquissé. Un chapeau noir, posé léger, sur sa chevelure aux couleurs d’automne. L’ensemble, tout à fait charmant. Je voulus juste la rencontrer à nouveau. Revoir ses yeux dont je souhaitais découvrir les nuances de vert.
Un saut chez le boutiquier de la rue Charlie pour y choisir une nouvelle casquette, afin de la saluer à nouveau. Et puis, j’ai contourné le pâté de maisons pour la revoir.
Elle avait disparu.
Une autre dame vêtue d’une capeline en feutre bleu pastel, manteau droit, d’un bleu plus foncé, bottines noires à talons hauts, se promenait contre le vent et la pluie. Un grain nous avait surpris tous les deux. Moi de folie, elle plus mouillé. Je me permis de l’aborder.
– Bonjour Madame. Auriez-vous vu passer une dame vêtue de bleu ?
A la vue de mon canotier, elle sourit. Pas de saison, certes ! Dans la précipitation, j’avais oublié que nous étions en mars. Les giboulées se moquent des rendez-vous.
Une berline noire démarrant en trombe, derrière nous, faillit nous éclabousser. Nous n’eûmes que le temps d’apercevoir le Stetson gris de l’homme au volant. J’en oubliai la première dame au chapeau. Je ne sais plus si c’était un Fedora ou un Borsalino.
– A chaque fou, plaît son bonnet, et à moi, mon chapeau, dit-elle avec froideur.
– Pardon !
– A l’adresse de celui qui vient de démarrer sur les chapeaux de roue, répondit-elle.
– Je suis bien d’accord. Quelle mouche l’a piqué ? Je mentis. Bonjour, je viens d’Aix- la- Chapelle. Excusez-moi, bafouillai-je.
– Je n’ai pas vu votre dame. Peut-être au Chapon Fin !
Peut-être s’est-elle échappée, pensai-je tout bas. Tant pis pour bibi !
Posé sur un guéridon, au fond d’un grenier encombré, un chapeau s’ennuyait…Il avait été abandonné là depuis fort longtemps, si on en croyait la couche de poussière qui le recouvrait. Ce n’était pourtant pas n’importe quel couvre-chef ; un haut-de-forme noir, bien campé sur son rebord, l’intérieur tapissé de soie blanche. Un chapeau aristocratique, à n’en pas douter ! On l’imaginait sans peine associé à une cape noire, sans oublier le monocle et la canne-épée. Une élégance masculine d’une toute autre époque, il est vrai ; néanmoins, on le plaignait d’avoir échoué là, après avoir connu une vie fastueuse…
Finalement, il aurait mieux fallu être un simple chapeau de jardinier, toujours porté à notre époque . Mais un haut-de-forme ! C’était inévitable qu’il soit mis au rancart. D’ailleurs, on pouvait penser que ce n’était que justice. Lors de son existence dorée, il avait sûrement traité de haut l’humble chapeau de paille, mais celui-ci, à présent, continuait à vivre et à être utilisé, tandis que l’autre, l’aristo méprisant, se morfondait, seul et abandonné de tous. On se dit que la roue tourne et on referme la porte du grenier…
Sauf que, un jour, quelqu’un est venu et lui a offert une nouvelle vie. Le voilà de nouveau associé à une cape noire, et chaque soir , il fait face à des centaines de spectateurs. Il libère des lapins blancs, des colombes immaculées. Il décrit des arabesques, il salue, on l’applaudit, on l’ovationne ! Oubliés le grenier, le guéridon, la poussière. Il est le chapeau du magicien, pour le plus grand plaisir du public ! La roue a tourné !
C’est le grand remue- ménage dans la boutique du chapelier. Pensez-donc mademoiselle Ernestine a vendu son échoppe à un drôle de personnage venu du fin fond des contrées du Berry. Amadeus qu’il s’appelle. Depuis, les acheteurs boudent la boutique et les liquidités font concurrence aux chutes du Niagara.
─ Un prénom pareil c’est fait pour la musique, mais pas pour la chapellerie et encore moins pour la bonneterie, claironna le képi austère.
Sur les étagères béret, bibi, bicorne, bonnet, calotte, casque, casquette, cloche, couvre-chef, feutre, galure, galurin, képi, toque, turban se chamaillent pour être le mieux rangé possible. En effet, depuis le départ de mademoiselle Ernestine, qui avait du doigté et de la douceur pour les agencer sans déformer ni leur calotte ni leur rebord, le nouveau, entasse, pousse, coince pour en mettre plus et n’a cure des dentelles, ni les autres accessoires de décoration.
─ C’est clair, il n’y connaît rien. Moi, j’ai besoin d’un endroit sombre et aéré et surtout que l’on me dépose avec délicatesse à l’envers sans que mes bords ne soient en contact avec une surface, hé bien non, il m’a coincé en plein soleil sur le devant de la vitrine entre deux capelines qui s’étalent sans vergogne et le canotier qui se la joue Kékes, maugrée le panama.
─ Il a pignon sur rue, lui ! Gémit un chapeau de femme de la révolution dont les plumes étaient déplumées.
Un autre chapeau extravagant, de femme des années 1800 et un bicorne apportèrent de l’eau à cette rébellion des couvre-chefs.
─ Ouais, de quoi de plaint-il, il n’a peu à endurer les effluves de laques des perruques, ou des aisselles lorsque nous étions portés sous le bras.
─ C’est vrai ça, reprirent en chœur plusieurs bobs. Vous êtes tous vintages ou ringards. Nous les bobs, sommes l’avenir des têtes. Nous sommes vus sur les podiums des défilés des plus grands couturiers, alors que vous, c’est tout juste si vous êtes conservés dans la naphtaline.
Les échanges s’ensuivirent plus acides les uns que les autres lorsque qu’un petit Bibi se hissa sur le comptoir :
─ Au lieu de vous étriper, nous ferions mieux de réfléchir à comment nous rendre à nouveau populaire autrement que pour les jours de pluie ou de trop plein de soleil. Vu le nombre de divorces, notre apparition aux mariages va devenir peau de chagrin. Quand aux enterrements, les mises en bière déclinent au profit des incinérations. Il faut donc redorer notre blason, avec une mode orientée chapeau. La seule façon de relancer notre prestige serait de préparer un projet de loi : tous les vendredis chacun devra porter un chapeau différent sous peine de passer la semaine avec un bonnet d’âne, dans tout le pays.
Un silence précéda, un tonnerre d’applaudissements pour cette brillante intervention. Un vrai coup de chapeau.
Depuis des décennies je m’ennuyais dans cette malle quand, un soir, des pas alertes et d’autres traînants firent grincer les marches de l’escalier menant au grenier.
– Je ne sais pas pourquoi j’ai gardé toutes ces vieilleries ! s’émut ma propriétaire d’une voix trémulante, mais qui avait gardé son timbre doux.
– Mamie, j’ai vu tes photos de jeunesse et comme je te connais, j’en étais sûre que je trouverais mon bonheur pour ma soirée déguisée.
– C’est du vain tage, comme vous dites, vous les jeunes. Voyons voir si ces frusques ne sont pas mitées.
Parmi les froissements de tissu, j’entendais des « Oh ! » des « Ah ! » des « c’est trop ! » « En plus, on a la même taille ». Je vais prendre cette petite robe fleurie et ces toutes mignonnes sandales assorties.
– J’avais une tête à chapeaux qu’on me disait et j’en avais acheté un chez une modiste, mais va savoir si je l’ai gardé !
Je trépignais d’impatience dans ma boîte ronde qui me gênait aux entournures pendant que les deux générations fouillaient tant et plus dans la soupente.
– Quel fourbi là-dedans ! Ça me casse les reins de me courber. C’est que je n’ai plus vingt ans, moi.
– Tant pis. Je suis déjà bien contente de mes découvertes. Je descends chercher un grand sac, parce que je vais tout prendre, en fait.
– Ah bon ! s’étonna l’aïeule.
– Ça te débarrassera et comme ça, je pourrais varier mes déguisements pour d’autres fois.
– Tu as bien raison, ça vous évitera de louer une benne après moi. Tiens, regarde, il y a un autre coffre derrière cet empilage de chaises bancales et dépaillées.
J’entendis le remue-ménage des deux complices, puis le clic de la malle. Lorsque mon couvercle s’ouvrit, je vis les yeux embués de l’une et ceux ébahis de l’autre.
– Waouh ! Elle est magnifique cette capeline avec son ruban bleu et ses fleurs multicolores, s’écria la petite en me posant sur sa tête. Comment il me va ?
– Tu ressembles à une héroïne de Maupassant, ma poupée.
Un chapeau se demandait
Ce que cela lui ferait
De mener une vie de chapeau
Dans un château …
Couvrir le chef d’un roi
Bon ou mauvais aloi ?
Et celui d’une reine
Veine ou déveine ?
Il serait donc obligé de s’incliner
Devant la supériorité
D’une couronne
Gare à la maldonne !
Et ça, foi de bibi
Il n’en est pas question
Plutôt aller en prison
En geôle, au trou, au cachot
Risquer même l’échafaud
Mais ne surtout pas perdre la face
Et tomber en disgrâce !
Notre galurin malin
Préfère encore coiffer un revenant
Drapé dans son manteau blanc
Pour lui éviter, dans les courants d’air,
D’attraper froid l’hiver
Et pour lui conférer également
Un peu plus de mystère …
L’affaire est entendue
Motus et bouche cousue
Notre ami le chapeau
A choisi son camp
Plutôt que la voie royale
Il va régner dans les dédales
Des escaliers du château
C’est bien plus rigolo et original !
Mon père était chapelier et ma mère modiste. Ils m’ont façonné le poil avec application. Ce n’était pas toujours agréable. Depuis lors je n’ai jamais plus mangé de cardon. Du Castor brut et Rebel, je suis devenu Pollux, civilisé et feutré. Je me débâtais sans vergogne et surtout sans vigogne au grand dam de mon père. Il m’aurait voulu plus distingué, plus feutré. J’avais la haine au lieu d’avoir la laine. Puis, à force de foulage, de bains chauds renouvelés avec massage incessants, je me suis attendri et transformé. A l’adolescence, ce fut la confection, la mise en forme, la teinture et la garniture. Je passais de l’enfance à l’âge adulte. Mais il m’arrivait parfois de dévier, d’être impertinent. Je traitais un jour ma mère de Pétase. Je pris alors une Calotte bien sentie. « Bob, parfois t’es un peu con sur les bords », ajoutais ma mère, déjà honteuse de sa gifle. Il faut dire que depuis la vision du film Borsalino, j’étais devenu plus qu’un Poulbot, un véritable petit voyou. Mon père crut que j’étais Fichu. Je me résignais finalement à faire des études. Avec mes bons résultats je pris vite le Melon. Heureusement, mon père me recadra bien vite en rabaissant mon Gibus. Le haut de forme devint tout raplapla devant son charisme et la véracité de son propos. Mais je n’avais pas envie de rentrer dans la vie active, de travailler, de me ranger. Ce fut ma période bohème. Dreadlocks, bonnet Rasta et capuche, Baggy et tee-shirt sale. Je vivais à la Cloche, allant de petits boulots en fumerie et voyages LSD. Je n’avais pas que les cheveux en pétards. Je m’envolais alors jusqu’à Panama, Fez ou à Homburg. Et puis un jour je pris conscience que ma vie n’était Pakoul, juste un chapeau de paille, qu’elle n’était plus qu’un été que je voulais prolonger. Je quittais donc l’adulescence pour devenir un homme. De la Casquette irlandaise portée par les ouvriers, je passais au Képi dans l’armée. Ce fut à Saint-Cyr que je rendit grâce. Sortit officier haut gradé de mon contrat militaire, je m’affublais bientôt du Fedora anglais et je m’affichais au Derby d’Epson pour faire courir mes chevaux. Ce jour là, mon père s’avança vers moi, me prit dans ses bras et me dit : « Chapeau ! Mon fils, je suis fier de ton évolution ».
🐀A VOTRE BON CŒUR
Je suis une casquette qui quête
Une sébile qui quémande la pitance
Peu importe ma qualité ou ma couleur, juste il faut que je tente.
On me tend et je passe de mains en mains, j’appelle ou au cœur ou à la bourse. Ou au rachat des pêchers. Parfois c’est lié.
Au théâtre, je suis posée à la sortie, en évidence … c’est là où j’interviens dans le spectacle, que je joue mon plus beau rôle.
Les acteurs seront payés au chapeau.
Comprenez mon importance !
Bravo l’artiste !🐀
Bravo !
Je m’présente, je m’appelle Bob.
C’est moi le petit chapeau
Qui ai mené une vie de château
J’ai surplombé pendant des années la tête de la Comtesse
Qui m’emmenait partout où elle allait
J’en ai connu des pique niques au bord des rivières
Des parties de boules de pédalos sur les vagues de la mer
Des marchés des randonnées
Des promenades des balades
J’étais dans son sac dans son intime
Toujours prêt à faire ma BA
A ombrer son visage dès qu’Hélios se montrait trop
Elle prenait soin de moi Madame la comtesse
Et moi le petit bibi en coton
J’étais aux anges
Y’avait comme une connivence entre nous
On l’appelait du reste la Comtesse Bob
Ah oui ! Ma vie a été chouette
Racontez une vie de chapeau.
-Bien sûr que je peux vous raconter ma vie. Elle a été longue et j’en ai vraiment profité. Ah la la, quelle vie, quand j’y pense.
-Pour tout vous dire, je suis né pour une existence beaucoup plus calme que celle que j’ai menée. J’ai été conçu pour les sportifs, les marins. D’où mon nom… Mais vu la classe extraordinaire que j’avais, je suis allé beaucoup plus loin que cela.
Nostalgique, il se tourne vers le ciel et se perd un peu dans ses pensées. Quelques secondes et il revient sur terre.
-Ah la la, que reste-t-il de mes amours ? Mais bon. J’ai mené une vraie vie de patachon. C’était tellement drôle. Je vais vous dire : ce n’était pas comme maintenant. Il y avait alors de la joie partout, vraiment, dans le ciel et par-dessus les toits. Un vrai bonheur. J’adorais le music-hall et j’y étais applaudi tous les soirs. J’avais rendez-vous aussi bien avec le soleil qu’avec la lune… C’était magnifique. Je chantais. J’avais un tel talent. Je dansais comme un fou… Quelle vie !
« Euh, vous ne seriez pas un peu cabotin, là ? «
-Cabotin, moi ? Mais pas du tout. Le cabotin, c’était Charles. Mais franchement, sans moi, qui se souviendrait de lui ?
« Mais ! Charles Aznavour ne portait pas de canotier ! »
-Vous plaisantez, je suppose. Charles Aznavour ? Ce petit homme tout triste ? Non mais ça va pas la tête ?
– Ben alors lequel ? Je ne vois pas.
Sur un fort coup de vent et avant de pouvoir répondre, le chapeau s’envole…
Tout dépité, le petit journaliste se met alors à googleliser tous les Charles ayant peuplé la vedettosphère. Et finit par trouver. Ouf…
Je suis… je suis…
LE CHAPEAU DE MIREILLE !
Quand en plein vol il m’a rattrapé
Entre Sète et Marseille
Et qu’il se demandait
Quel est l’bon vent qui l’avait chipé?
Il m’a sauvé.
Il m’a donné une seconde vie
En écrivant cette jolie chanson
Et puis la jolie chanson
Il l’a donné à Marcel
Et Marcel, avec sa voix pleine de soleil
De soleil de Marseille
L’a chantée et chantée…
Et moi, je suis devenu célèbre
Célèbre et heureux
Et je crois que Mireille aussi
Cette histoire l’a bien ragaillardie…
Merci Monsieur Georges.
Merci Camomille de nous avoir remis en mémoire ce chanteur sensas qu’était Marcel Amont !
Il a chanté aussi une chanson sur un Mexicain basané, allongé sur le sol, un sombrero sur le nez en guise de parasol.
Ne pas oublier non plus une de ses plus belles : « Bleu, bleu le ciel de Provence, bleu bleu bleu mon rêve en bleu, mon coeur qui danse … »
Merci Avoires,
Merci Grumpy
pour ces bien jolis souvenirs
Racontez une vie de chapeau.
Nous sommes une immense famille avec des styles bien différents, mais ce qui nous identifie c’est notre fonction, la même pour tous : couvrir avec plus ou moins d’élégance le haut de vos têtes. Certains ont un destin moins glorieux : ils se retrouvent au sol, à l’envers, en quête de quelques piécettes. Moi, j’y ai échappé de peu. En effet je suis cloche, donc un peu mollasson car en feutrine et je ne tiens bien que sur les têtes, quoique quelquefois je me retrouve roulé comme un saucisson dans une poche.
Vous l’aurez compris, je suis un membre de la famille des chapeaux.
Un jour, alors que je me pavanais dans la vitrine d’un magasin, je me suis fait remarquer par une charmante personne, qui me sourit et dont les yeux scintillaient. Elle me fixait, semblait hésiter mais finit par se décider à faire de moi son nouveau compagnon vestimentaire. Elle avait une tête bien faite, de beaux cheveux soyeux coupés assez courts. J’étais bien sur son crâne que j’enveloppais avec douceur et élégance. J’étais heureux et sûr d’être tombé sur la bonne personne. Les gens se retournaient sur nous, ses amies la complimentèrent sur son choix. C’était merveilleux ! Je sentais vibrer son cerveau. De belles ondes en émanaient.
Elle prenait soin de moi, me brossait, me posait délicatement sur une forme histoire que je ne perde pas la mienne. Par temps de pluie, elle me préservait me laissant à la maison avec des mots réconfortants. Bien que triste de ne pouvoir protéger sa jolie tête, je me consolais en sentant les quelques cheveux qui avaient fini leur parcours agrippés à moi.
Les jours de sortie, elle se plaçait devant le miroir, me positionnait avec amour et élégance. Ses cheveux me chatouillaient amicalement, sans doute heureux de ma présence. Fin prêts nous allions déambuler de ci de là. Elle s’assurait de ma prestance devant les vitrines des magasins. Nous ne formions qu’un. Nous avons vécu ainsi toute une saison, complices. Il était temps pour moi d’hiberner. J’imaginais qu’elle allait me mettre sous cloche dans une jolie boîte en attendant la saison suivante. Elle allait me manquer tout comme le doux parfum de son shampoing. L’allégresse de son esprit me ferait aussi défaut, mais il y a un temps pour chaque chose.
Le jour fatidique est arrivé. Elle m’agrippa sans ménagement, me secoua fort, ouvrit un grand placard et me jeta sans pitié au milieu d’autres compagnons d’infortune. J’y rencontrais d’autres chapeaux, des écharpes, des pulls qui tout en me souhaitant la bienvenue m’apprirent que jamais plus je ne sortirais de ce trou. Ses coups de cœur prenaient fin avec les saisons.
Quelle cloche j’ai été ! Je me suis fait avoir par sa jolie tête, mais en fin de compte elle travaillait du chapeau !
Il se fait appeler El Chapeau. C’est surtout une couverture pour ce gros bonnet de la mafia mexicaine. Un sombre héros du trafic de drogue qui en mène bien large sous son haut de laine à se prendre la tête avec tous ceux qui lui cherchent encore des poux.
Ils ne sont plus nombreux. Aucune brigade de peau lisse ne crâne désormais devant lui, tellement il leur glisse, à chaque fois, entre les derniers poils dressés sur le caillou. Il est stupéfiant. Seulement, il paraît qu’hier, il se serait fait choper, arraché, comme ça, à la volée. Un coup de vent qui l’aurait plaqué au sol, après une course-poursuite dans les airs, et lui aurait fait manger la poussière.
Incarcéré dans un tiroir assez commode de la prison du vestibule, il devrait être jugé pour tous ses crimes, dans un état miteux où le procureur, au nom de Stetson, attend depuis vingt ans de lui faire enfin porter le chapeau… le vrai.
Descendant direct du Chat Botté, Charles Chat Pot de la Rivière vivait tranquillement des ses rentes sur le grand domaine familial. Peu porté à l’effort, il préférait chahuter avec les servantes du château pour qui il jouait du chalumeau les soirs d’été quand la chaleur s’atténuait .
Appuyé au chambranle d’une des chaumières, il les regardait chalouper pour mieux le séduire.
Chapitré par son chapelain outré de le voir manquer ainsi de tenue, il allait docilement se confesser à la chapelle, promettant de devenir un châtelain digne de ce nom.
Foi de Charles.
698/MOI GALURIN Nini peau d’chien.
Je suis un vieux bitos informe affalé sur un coussin j’attends… l’office du troisième service. Mon travail n’a rien d’harassant.
Le matin qu’il pleuve ou vente j’ai pour mission de protéger son vieux crâne déplumé pour aller… à la messe… A midi … on va voir l’Ernest… L’ après midi pendant la sieste je couvre son visage, protége les yeux du pépé et sur le coup des vêpres hope ! on va couper du bois !
En fait le trajet est toujours le même et heureusement tout droit de la maison au bistrot et ‘ lycée de Versailles’ pour le retour.
Ce soir c’est différent, ça ne rigole plus : je suis couché sur le lit à côté du crucifix.. C’est la fin du galurin.
Au moment de partir Pierrot le petit fils m’a pris et serré sur son cœur, je fais partie de ‘l’héritage’ … de la succession…
C’est une mission que je ne prends pas à la légère et j’attends le respect dû aux souvenirs. 🐀
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698/🐻TRAVAIL DU CHAPEAU
Couvre-chef ! Repos ! C’est pas un chapeau rigolo se badala, son travail est représentatif, de circonstances. Un couvre crâne, parfois un cache misère, mais pas que… Mon boulot, c’est aussi de décorer, d’élever, reconnaître dans un salut le feutre gris. Bon chic, bon genre, si, si, ça existe encore, lorsque devant mon miroir je me positionne. Sévère, à la plomb d’abord, d’une chiquenaude je dégage mon front en cachant un œil. Je suis engageant ou frondeur. Porté à l’arrière, c’est une auréole. Voilà que j’essaye cet accessoire, j’y passerais des heures, telle une élégante. Ça reste entre nous dans la salle de bain. C’est dit, je l’emporte avec moi, dans un carton, le chapeau, chez Le chapelier se refaire une beauté.🐻
C’est l’histoire de Bibicorne, le chapeau égaré d’une autre chapelle, pas celle d’un chapelier.
C’est la romance d’un chapeau ayant bien travaillé. Il en bava plus d’un rond, mais pas de quoi passer sa retraite sous un sombrero. Un jour, dans la campagne charentaise, se prit le melon. Parti trop vite sur ses bases, il termina sa vie sur les jantes. On lui en fit porter plus d’un, il en perdit ses cheveux. Il en manga d’autres. A force de vouloir couvrir le chef. Jamais de lui, aucun magicien ne put sortir un lapin.
C’était la très courte et très triste histoire d’un chapeau bas, pas très haut de forme, qui pourtant rêvait d’une vie de chapeau, à se la couler douce, à bord d’un canotier.
Boris Chapka
Chapeau bas J.M le lève-tôt !🐀
698/MOI GALURIN Nini peau d’chien.
Je suis un vieux bitos informe affalé sur un coussin j’attends… l’office du troisième service. Mon travail n’a rien d’harassant.
Le matin qu’il pleuve ou vente j’ai pour mission de protéger son vieux crâne déplumé pour aller… à la messe… A midi … on va voir l’Ernest… L’ après midi pendant la sieste je couvre son visage, protége les yeux du pépé et sur le coup des vêpres hope ! on va couper du bois !
En fait le trajet est toujours le même et heureusement tout droit de la maison au bistrot et ‘ lycée de Versailles’ pour le retour.
Ce soir c’est différent, ça ne rigole plus : je suis couché sur le lit à côté du crucifix.. C’est la fin du galurin.
Au moment de partir Pierrot le petit fils m’a pris et serré sur son cœur, je fais partie de ‘l’héritage’ … de la succession…
C’est une mission que je ne prends pas à la légère et j’attends le respect dû aux souvenirs. 🐀