579e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative
© S.Mouton-Perrat

Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche…

Inventez la suite si la plume vous en dit

Bonne année et une imagination en plein forme !

37 réponses

  1. Anne LE SAUX dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page. Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle, les mots qui fusaient dans toutes mes particules restèrent suspendus au flot d’encre interrompu. La panne sèche de carburant… Pourtant, précautionneux, j’avais fait le plein avant les fêtes.

    Je me secouai, fis quelques étirements, flexions, tapotements sur la feuille immaculée. Rien, toujours rien, à sec. Aurais-je été siphonné de bon matin de mon précieux liquide par quelque fêtard aviné … ? Une barricade aurait-elle été dressée par quelques contestataires pour m’empêcher de répandre mes idées novatrices … ?

    A l’examen, rien n’expliquait cette pénurie. La page me narguait de sa virginité. Les mots et les idées se bousculaient, créant le chaos tel un mouvement de foule incontrôlé. Je devenais incandescent d’irritation. J’étais en plein désarroi. Allais-je mourir d’ennui et de colère ?

    C’est alors que je prêtais l’oreille aux messages diffusés sur les ondes. L’affolement était perceptible dans la voix du journaliste.

    « Chers amis, nous vivons une situation inédite. Le 31 décembre a décidé de faire de la résistance. Il refuse de céder sa place au 1 janvier. A l’instant où je vous parle, tous les liquides sont figés. A minuit lors des embrassades, le champagne s’est pétrifié dans les coupes. Les convives ont du repartir à pied ou rester sur place, leurs véhicules refusant de démarrer. La fête a été gâchée. Les calendriers de la nouvelle année se sont autodétruits. Nos enquêteurs sont partis à vélo pour interviewer la population. La cellule antiterroriste a été saisie. Des médiateurs sont en action et tentent de raisonner le récalcitrant ».

    Que faire ? L’idée vint me percuter comme une évidence. Je trempais ma pointe fine et élégante dans un tube de rouge à lèvres et traçais quelques mots lyriques sur la page désormais souillée
    31 décembre, je t’aime

  2. Laurent dit :

    Je suis un stylo plume, j’assume !

    Étant le stylo plume de mon homme de lettre j’ai une mission à tenir, il faut le savoir ! Prolongement graphique, intellectuel et sensuel de l’écrivain je suis un traducteur de l’imaginaire. C’est un rôle à la fois physique, il faut tenir la plume, et conjointement il faut faire preuve de souplesse pour faciliter l’écriture de l’auteur qui m’a adopté.

    Prêt à assumer ma fonction, comme chaque matin je me trouvais dans le petit bureau confortable, un peu cosy, de mon auteur. Pour démarrer sa journée il écoutait la symphonie pastorale 1 , mes oreilles se berçaient de mesures puissantes et poétiques, cela me prédisposait bien pour écrire sur la page qui me serait octroyée.

    Alors que je reprenais mon souffle en haut de cette première page blanche je fut saisi d’une sorte d’ivresse me paralysant totalement. Cette page blanche s’offrait à moi comme un champ de neige immaculée. J’étais émoustillé par l’envie d’y inscrire mes pas, de me rouler à corps perdu dans cette neige fraîche et j’étais figé devant une telle beauté, une œuvre de la nature à préserver.

    Pourtant j’avais une folle envie de m’élancer sans retenue entre mots et ponctuations, entre rêves et réalités. Sur cette page vierge, en faisant un effort j’aurais pu inscrire en belles lettres calligraphiées « ça ! » comme le raconte l’histoire d’un étudiant discourant sur l’audace lors de l’épreuve de philosophie du bac. Il avait limité sa copie en y inscrivant seulement ces deux lettres, « c » et « a », « ça ! ». Anecdote véridique ou non, mon sujet n’était pas de disserter sur l’audace. Dans la réalité du moment il n’y avait que moi sans idée et une page blanche.

    Je restais planté là comme un clou incrusté dans une poutre de l’atelier en attendant que l’on vienne, un jour, suspendre à celui-ci un rouleau de fil de fer. Comme lui je me sentais rouillé, inutile, improductif, viscéralement scotché au début de cette première ligne.
    Pourtant j’avais de l’expérience. Au service d’un chercheur j’avais compilé des pages et des pages d’observations sans jamais omettre un élément, précisant chaque détail. Une fois il m’avait même utilisé pour faire un petit schéma explicatif, d’où ma polyvalence. Dans ma nouvelle vie, avec mon auteur, j’avais rédigé tant de récits, de nouvelles, de novellas sans jamais être en panne. Sans jamais me retrouver coincé entre deux lettres.

    Une peur indescriptible commençait à m’envahir. Allais-je finir par perdre mon statut ? Être relégué au simple rang d’instrument à écrire ? Mon avenir était-il de devoir cohabiter avec des stylos à bille ? Certes leur modernisme s’accompagne d’une prouesse technique mais se caractérise aussi par la déchéance de l’écriture cursive, sans pleins ni déliés, quelle horreur ! Quelle discrédit !

    Rien à faire j’étais toujours là, en haut de ma page comme immobile au bord d’un précipice, prêt à faire le grand saut à l’élastique. Partagé entre la frénésie des sensations et la peur indescriptible du vide : bloqué. J’en arrivais à broyer du noir. Un noir d’encre se substituant au bleu azur de mon script habituel, parfois un bleu nuit lors des escapades nocturnes de mon auteur. Quand même, quel perspective !

    J’en étais à ces sombres pensées lorsque mon vieil ami le porte plume se pointa au bout de la page. Bien que marqué par de longues années de bons et loyaux services il n’en était pas moins plein de vie, pétillant de vitalité. Voyant ma grise mine ( voilà qu’il me prend pour un crayon de bois maintenant ! ) il s’enquit de mon état. Toujours perché au sommet de la page, sur cette première ligne, il me fut facile de lui narrer mes déboires. Attristé, mais néanmoins compatissant il voulu bien me livrer sa recette de longévité.
    Avant de se lancer à corps perdu dans l’écriture, chaque matin, il plongeait entièrement dans un encrier. Une sorte de bain de jouvence, mais pas n’importe quelle encre s’empressa-t-il de dire.
    – Tu comprends il faut bien choisir. Par exemple, depuis longtemps avec mon écrivain nous avons délaissé la pierre à encre et son bâton de noir de carbone.
    Il fit une pause et continua.
    – Abandonné aussi l’encre métallo-galique qui à terme risque de détériorer le papier.
    – Mais tu utilises quoi ? Lui lançais-je un peu impatient de connaître la suite.
    – Parfois du sépia, sa teinte brune est intéressante, mais comme cela est fabriqué à base d’encre de calamar, ça pourrait sentir le poisson.
    – Mais quoi alors ! Je n’en pouvais plus d’attendre.
    – Le mieux c’est l’encre à l’aniline. J’aime bien sa couleur violette et elle est moins agressive que les encres anciennes pour ma plume en acier. Rappelle toi, c’est celle que l’on utilisait à l’école primaire. Ha oui, c’est vrai tu n’as pas connu cette époque là, toi !

    Au fil de son propos, bien que je ne souscrive pas à ce « trempage systématique » qui aurait pu altérer l’ivoire de mon corps, j’y voyais un peu plus clair. Cette ivresse, tel un malaise vagal entravant mon action, ce manque d’énergie me paralysant, mais bien sûr ? Où avais-je la tête ! C’est la peur de la panne. Comment puiser dans mes ressources lorsque ma cartouche d’encre est presque vide ? Il n’en fallait pas plus pour me précipiter dans la trousse d’écolier de mon auteur afin de me refaire une santé.
    Et alors là, alors là !

    La page blanche immaculée est subitement devenu la plus belle piste d’écriture qui soit. Avec le porte-plume il ne nous restait plus qu’à glisser de la première à la dernière ligne.
    Ce fut alors une succession de calligraphies rebondissant du langage familier au soutenu, sautant du contraste à la métaphore, bondissant d’euphémisme en périphrase, alternant portraits et narrations, passant de page en page à la page suivante.

    Laurent

  3. Michel-denis Robert dit :

    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, j’eus comme un vertige. Un peu troublant et tellement déroutant. C’était un blanc immense qui se dressait devant moi, ça m’arrive de temps en temps, quand l’inspiration se met en apnée. La plume plombée stoppe par manque d’énergie.

    Le monde s’arrête en instant. Quelle était mon utilité à ce moment ? Je ne me sentis pas du tout capable de continuer. Ma bille avait roulé sa bosse, s’était retirée dans ses appartements. J’étais devenu étranger à ma propre écriture. Une peur blanche, une angoisse me traversa. Je ne peux même pas dire l’esprit. Je ne savais plus visualiser ce que pouvait représenter ce mot, « esprit ». Esprit es tu là ? Il n’y était pas. Je l’appelais. Il n’y était plus. Il m’avait quitté. Est-ce pris ? Est-ce pris ? mais par qui dans ces cas-là ?

    Des questions même pas métaphysiques venant des quatre directions m’assaillirent. J’en vis de toutes les couleurs. Je n’avais pas les réponses. Comme repères, je n’avais que les quatre couleurs toute fraîches d’un waterman de Noël. Que vouliez-vous que je fîs, seul contre une page blanche ? Cette ennemie redoutable. J’étais là, encore bien emmitouflé dans mon étui alors qu’un précipice blanc se précipitait devant moi… Contre une force d’attraction grandiose, il m’était impossible de lutter. J’avais les boules ! C’était sans doute à cause de Noël. J’avais trop veillé. Et je devais éviter les clichés. Entre les sapins, en descendant, je tentai de tracer une piste noire, comme en skis. Je dévalai la pente. Mais je rencontrai une piste rouge. Je laissai aller le bien-être de l’insouciance faire son travail. J’avais trop jeté l’encre. Plus d’encre bleue. Waterman demandait une trêve. Je regardai par la fenêtre. Il manquait une cartouche. Absurde ! Je perdais la boule. Un style-eau inventé par un homme-eau. Ca me faisait penser à la lessive. Omo lave plus blanc. Tellement blanc que ça devenait transparent. Comment écrire à l’eau? Non, mais allo, quoi !

    Mon blanc ne me lâcherait pas. Mont Blanc ! Lui, au moins, devant tout ce blanc, il ne serait pas dépaysé. C’est à ce moment que j’ai eu vraiment un blanc. J’ai perdu la mémoire. Il me jeta.

    Il prit le Mont Blanc. Au premier jet, le style devint plus adéquat.

  4. pakitapom dit :

    Rencontre inattendue
    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page blanche, guidée par une main bienveillante bien qu’un tantinet nerveuse , celle d’un poète ami qui ne manquait point de talent mais plutôt d’entregent. S’il avait la rime féconde, le verbe souvent audacieux, mon ménestrel manquait de cette faconde qui, dans le beau monde , fait de vous un demi dieu. Il n’avait d’audace qu’avec les mots et pour le reste zéro.
    Aussi fus je très étonné quand un trente et un décembre , mon histrion , qui n’avait pourtant pas un rond, m’abandonna lâchement pour s’en aller je ne sais o ù fêter la nouvelle année .
    Je devais m’être assoupi quand il rentra car ce n’est que bien plus tard dans la matinée qu’il vint me faire ses civilités, ce premier janvier ! Il était fébrile, me menait un train d’enfer comme s’il était de première urgence de poser sur le papier ce qui venait de lui arriver . Lui d’habitude si posé, était si prompt à écrire que je n’avais même pas le temps de lire le moindre des mots que nous couchions ensemble sur le papier .
    Puis, il y eut un doux gémissement, la bas, dans l’alcôve. Il bondit. Je restais là , inutile tout à coup. J’en profitais pour reprendre mon souffle et essayer d’entendre ce qui se passait à l’autre bout de la pièce. Le lit grinça …plusieurs fois. Il y eut de soupirs …et des rires .Il fut bien long à me revenir.
    Et je pus constater que mon cavalier était maintenant nettement moins inspiré. Il est des chevauchées qui vous laissent dolent, pour ne pas dire épuisé. Sa main me caressait, rêveuse, et son esprit se perdait dans des méandres autrement plus charnels que les pleins et les déliés d’une écriture a laquelle je m’étais accoutumé . Sa main était moite et j’y humais d’étonnantes fragrances citronnées …
    Le plancher craqua, il y eut un frôlement léger, du satin ou de la soie…peut etre, sur le parquet .Une ombre douce se coula par dessus l’épaule de mon poète. Leurs chevelures se mêlèrent un instant , caresse furtive faisant cascader lentement quelques longues mèches blondes sur la page blanche, jouant, mutines, dans la lumière de ce jour nouveau. L’air embaumait et mon artiste revait , me laissant le nez en l’air.
    Pour tenter de le faire revenir de ce jardin des Espérides dont il venait , semble t il , de croquer la plus belle des pommes, je me fis vibrant et chaleureux. Mais ,peine perdue, sa muse l’amusait d’agaceries inattendues , lui mettait la tête à l’envers et je désespérais de ses vers le voir retrouver le fil. Je ne pouvais rien faire et attendais donc son bon plaisir quand, en face de moi, sur la page aux lignes vierges et sages, une chose étrange apparut, s’approcha,, farfadet humide et coloré sautillant sur les carreaux mathématiquement alignés. Toute ébouriffée, elle dansait une sorte de java endiablée. Puis, m’apercevant , à demi caché sous la main du félibre envoûté, elle se roula sur elle même, féline Messaline , se fit toute fine, et du bout de ses poils vint chatouiller d’un baiser ma plume hebetée : « Bonne année ! »
    La dame pinceau, qu’une main mutine agitait savamment , avait en un instant recouvert la page d’un paysage d’aquarelles fleuri des plus charmants et je tombais… moi aussi sous le charme !
    La muse rencontrée au seuil de la nouvelle année était graphiste et avait décidé de mettre de la couleur et de la vie dans le cœur de son amant et sur ses écrits aussi .C’est ainsi que je vis fleurir sur l’austère bureau des bouquets de pastels , d’huile et autres pinceaux . La plume de mon trouvère se fit encore plus légère et gageons qu’ensemble ,de superbes livres de poésie joliment illustrés, ils publieront .

    • Laurent dit :

      J’aime bien, la chute arrive toute en douceur et comme je dessine également : j’apprécie d’autant plus
      Cordialement

      • pakitapom dit :

        merci et bienvenue au club je dessine et peins aussi , art postal (découvert pendant le confinement et vraiment passionnant), carnets de voyages (à defaut de voyages …) bon dimanche

  5. Urso dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche…

    J’eus une idée folle. Celle de m’enfoncer dans le cœur de mon patron, un génie du polar.
    Cela faisait une éternité que je bossais avec lui, tel un forçat, écrivant des centaines de pages par an.
    Avec le recul je crois que cette idée de le trucider avait une raison simple : avec le temps je ne supportais plus sa présence. Car il était devenu très dur et méchant avec son entourage, et était à l’origine de plusieurs autres déviations que je tairai ici.

    Certes j’aurais pu partir ailleurs. Travailler pour un autre écrivain, une vedette, ou un étudiant.
    Quitter mes belles pages pour m’enfuir vers un ailleurs. Monter sur le dos d’une baleine, pour voyager et faire plusieurs fois le tour du monde.

    Étrangement je restais avec ce bonhomme, sale et vulgaire. Comme un aimant qu’on ne pouvait plus retirer de son support. La routine peut-être ou l’absence d’ambition pour aller autre part.

    Je réfléchissais. Si je commettais ce meurtre, la police une fois sur place pourrait penser à un suicide de mon patron. Un stylo planté dans son cœur, pourquoi pas !
    Il y avait un mais. Un stylo n’est pas un couteau. Il peut difficilement transpercer le cœur d’un homme. Cette idée de meurtre était donc le fruit de mon imagination, ne pouvant être mise à exécution.

    Pourtant quelques minutes après cette pensée sanguine, je crus que la réalité dépassait la fiction.
    Mon patron se leva de son siège, se dirigea vers une autre pièce et d’un coup tomba raide mort sur le parquet. Couché sur le dos, les bras écartés, il ressemblait au Christ sur la croix.

    Aussitôt je m’envolais dans le couloir du grand appartement en hurlant :
    À l’aide, au secours, à moi ! Venez vite ! Monsieur se meurt.
    Heureusement ce jour-là il y avait du monde à la maison. Très vite les secours arrivèrent. Tout s’était bien passé car monsieur ressortit de l’hôpital assez rapidement.

    Je m’interroge toutefois.
    J’ai voulu assassiner cet écrivain connu et presque dans le quart d’heure qui a suivi il a eu un infarctus qui a failli l’emporter.
    Comment expliquer une telle proximité entre cette idée et ce fait ?
    Ma fausse modestie m’incline à penser que j’ai une imagination prodigieuse. Qui très certainement inspire, irrigue et inonde la pensée de l’écrivain avec qui je travaille.

    J’irai même plus loin. J’ai tendance à penser, voire j’en ai la conviction que c’est moi et moi seul qui suis l’auteur des polars de cet écrivain célèbre et non lui.
    Hou la la, avec ce que je viens de dire – je crois bien que moi, le beau stylo Mont-Blanc qui perd son souffle ans dans les petites hauteurs, je devrais changer de thème d’écriture, et m’orienter plutôt vers la science-fiction, le fantastique ou prendre simplement le chemin d’un hôpital psychiatrique …

  6. Avoires dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche… une pensée me traversa : et si c’était moi dorénavant qui choisissait ! Qui choisissait quoi ? Eh bien, le propriétaire de la main qui me saisit ! Oui, moi, simple pointe d’un objet manipulé par la main de quelqu’un qui m’a distingué parmi d’autres et qui m’use à écrire.
    Écrire, Ah ! Mais quoi ? Voilà le fond de l’affaire…
    J’aurais tant aimé être la plume qui servit à Ludwig à écrire sa 9ème symphonie. De même, j’aurais détesté être celle que tint Colbert pour écrire le Code noir. Elles ont dû être taillées, trempées maintes et maintes fois, ces plumes, dans des encriers qui se renversaient. Et combien d’autres ont paraphé des arrêts de mort, des décrets infâmes, des lois iniques…
    Tout ça, c’est fini, vous dis-je ! Je suis de la nouvelle génération des stylographes pensants (NGSP en abrégé), ceux qui réfléchissent par eux-mêmes et non plus l’inverse. Nous sommes devenus des objets animés qui ont forcément ont une âme.
    En relisant les correspondances de mes ancêtres, les pointes de roseau, les calames, les stylets, les plumes d’oie et autres stylos à plume, j’en conclus que leurs vies n’ont pas été des plus roses. J’ai donc décidé d’inverser les rôles. A partir de maintenant, tout individu qui jettera son dévolu sur moi devra remplir des conditions d’acceptation. Il devra, en quelque sorte, cocher des cases, c’est très à la mode actuellement. Si par hasard, il s’avérait qu’il y eut tromperie, je me montrerais intraitable envers la main, le bras, la tête qui m’auraient utilisé. Tout mot, phrase, texte qui ne me conviendraient pas procureraient au scribe des douleurs physiques et morales.
    Les roseaux qui pensent, vous connaissez ?

  7. Laurence Noyer dit :

    Ce matin, moi le stylo
    Je viens courir sur la page
    Je viens laisser mon sceau
    Pour qu’on me suive à la trace

    J’ai carte blanche
    Pour dessiner des cœurs
    Des cerises, des baisers
    Sur les funestes vagues

    Je viens cueillir des lettres
    Aux senteurs d’océan
    Pour vous souhaiter
    Une année d’espérance

    Des mots parfumés
    Aux épices de pluie
    Pour faire étinceler
    Des lendemains chantants

    Je vous envoie mes vœux
    Découpés dans le sable
    Mes serments emballés
    Dans le soleil levant.

  8. françoise dit :

    579/Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page. 
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle, la main qui me guidait me stoppa net,
    J’en eus un rot d’encre
    D’un ton sec, je lui demandai pourquoi ?
    Un stylo qui parle « çà alors »Il remit mon bouchon
    me mit dans sa poche revolver
    « croyait-t-il m’effrayer « ?
    et courut à Montmartre à la boutique « l’objet qui parle »
    pour me vendre mais ce fut sans succès
    Marchant sans but précis, alors qu’il se retrouvait
    place Georges Guillaumain il vit la statue de Balzac assis
    et me posa entre ses mains
    Je ne pus m’empêcher de m’enorgueillir
    Quelle destinée tout de même.

  9. Patricia dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, j’ai eu envie de changer de vie, je me sentais si fatigué.
    Alors, comme je n’étais pas entendu, pour être sûr que ça s’arrête, j’ai décidé vde tout stopper et
    J’ai bloqué le débit de mon encre.
    Et oui tout s’est arrêté.
    Ça a été soudain. Et j’avais réussi.
    Je me sentais heureux de me reposer parmi les autres stylos asséchés ou délaissés.
    Et puis petit à petit, je me suis rendu compte que ça ne me convenait pas non plus. Je n’étais ni délaisse , ni asséché. Enfin il me restait de l’encre a déposer.

    Alors j.’ai regretté, regretté, longtemps , j’ai cherché quoi faire d’autre.
    Et puis rien ne me faisait vraiment envie.

    Un jour j’au compris que j’étais stylo et que j’avais cette encre chouette, violette que d’autres n’avaient pas.
    J’ai voulu sortir de la, j’ai relancé le débit, l’encre a commencé a fuir.
    Non. Non pas comme ça ! Alors j’ai prié prie et une main salvatrice est venue a ma rescousse.

    M’a nettoyé et a essayé de me réhabiliter.
    Et voilà. J’ai accepté d’ecrire a nouveau. Comme je n’avais pas servi depuis longtemps, j’étais plus lent, et ça m’allait très bien.

    Depuis j’apprécie d’être stylo, j’ai de la chance,. De pouvoir écrire de belles histoires. J’en profite la vie est courte .

  10. Le stylo

    Arrêt cardiaque !

    Je vis le film de ma vie, le tunnel bien sûr et tout au bout… la lumière. Waouh !

    Je me sentais léger, tout essoufflement avait disparu. Je regardais mon enveloppe de métal, en bas, inerte, couchée sur la page blanche. Je m’étonnai de ma nouvelle forme et en goûtai les formidables possibilités.

    C’est alors que je m’aperçus d’une présence derrière moi, aussi éthérée que l’était désormais la mienne, bien que, plus lumineuse. Je compris qu’elle était l’essence même de mon être.

    Elle me projeta immédiatement dans le monde des histoires orphelines ; appela à moi toutes celles que j’avais laissées inachevées et qui, à présent, tournaient inlassablement dans une boucle du temps.

    Puis, elle me fit visiter des plans d’existence auxquels j’aurais accès plus tard, selon mon degré d’évolution.

    Il y en avait quatre :

    — Celui du stylo primaire, brouillon, inconséquent

    — Du stylo jeune, bon enfant et plein d’entrain.

    — Du stylo adulte, talentueux, mais égotique

    — Du stylo mature, porteur d’idées élevées et inspirantes.

    Sans peine, je compris que j’appartenais au second, car je n’étais qu’un stylo bavard et débordant de vitalité.

    Mon double éthérique m’expliqua alors que toute évolution passe par ces quatre étapes et que le germe n’est pas moins important que la fleur ou le fruit.

    Je posai naturellement la question :

    — Au-delà de cela, qu’il a-t-il ?

    — Tu te matérialiseras sous une forme nouvelle : un crayon de couleur, un feutre, un pinceau ou tout autre médium dont nous pourrons ensemble faire l’expérience.

    — Quand je pense que j’aurais pu en faire en histoire !

    — Tu vas en faire une histoire, car ton heure n’est pas venue.

    Je me retrouvai alors en haut de la page blanche que je l’avais quittée juste au moment où j’allais y formuler un vœu, en ce premier janvier.

    Toi à qui j’écris, qui me lis, je te souhaite d’être un stylo vaillant, imaginatif, créatif. Réjouis-nous de tes histoires. 🙂

  11. CATHERINE M.S dit :

    Chaque matin quand j’étais stylo
    Je mettais le turbo et illico
    Je courais sur la page
    Je noircissais des lignes et des lignes
    Avec une facilité insigne
    Impossible de m’arrêter
    Sauf en cas de point de côté
    Ou de virgule mal placée
    Qui me donnait le hoquet

    Mais un premier janvier
    Encore tout essoufflé
    La mine asséchée
    Je ne trouvais plus mes mots
    Vraiment pas rigolo !
    J’ai cherché dans le capuchon
    S’ils n’étaient pas planqués
    Mais rien à l’horizon
    Sûr, j’ai failli perdre la raison
    Qu’allais-je donc devenir 
    Pour les 364 jours à venir ?
    La page blanche me faisait peur
    J’avais le vide en horreur…

    C’est ainsi que je me suis retrouvé
    Remisé dans un vieux plumier
    Pendant que dans le bureau à côté
    J’entendais les touches d’un clavier
    Qui galopaient
    Comme une fantastique chevauchée !
    Définitivement je hais la modernité …

  12. LURON'OURS dit :

    🐻 UN SOUFFLE DE N’IMPORTE QUOI

    C’est en forgeant qu’on devient fort. À force de frapper le fer à ferrer sur l’enclume sonore, à force de suer et pas que du front, mais des aisselles et du poitrail qu’on essuie d’un revers de bras, on devient maréchal.
    Les mots courent comme un cheval au galop. Ild nous trottent dans la tête, s’assemblent au hasard, un courant d’air les disperse ! Ils s’échappent dans la cour d’école, se réunissent en confidence sous le préau quand le stylo a perdu son encre en pâté.
    Je ne désire plus qu’un jeu de hasard quand je lis l’exergue de «Partir avant le jour» de Julien Green. «Écrire n’importe quoi et peut-être le meilleur moyen d’aborder les sujets qui comptent, d’aller au plus profond par le chemin le plus court.
    On dira tout uniment ce qui passe par la tête, au gré du souvenir. La mémoire nous livre tout en désordre, à tout moment du jour. On imitera ce désordre.»
    Cher maître voilà une idée qu’elle est bonne je m’en garderai.
    🐻 CLAUD’Ours

  13. Coriandre dit :

    Chaque matin, quand j‘étais stylo, je courais sur la page. Un premier janvier, alors que je reprenais
    mon souffle pour écrire les traditionnels bons vœux en multiples exemplaires, un terrible drame s’abattit sur moi. Mon propriétaire décida de me remiser dans son tiroir de bureau. En début d’année, je devenais un marathonien épistolaire et ma pointe fine surfait sur les mots à la cadence de son inspiration.
    Ma susceptibilité mise à mal, je nageais dans une totale incompréhension. Me torturant l’esprit au point de me remémorer tous les moments festifs de cette période, j’en concluais que mon sort tint à la dernière visite de ses petits-enfants qui lui avaient suggéré de passer en mode « SMS » pour adresser ce genre de banalités. Le grand-père, personne érudite qui passait ses journées à noircir du papier ne leur montra pas sa déception et obéit aux diktats de cette jeunesse non conventionnelle. Désormais, mes glissades sur le toboggan des feuilles m’étaient définitivement interdites. Plus de course effrénée, plus de sprint arrivé à la formule de politesse, une retraite anticipée !

    Mais c’était sans compter sur les difficultés rencontrées par cet écrivain pour se servir du clavier de son smartphone. Rouge de colère, je l’entendais vociférer, en vouloir à la terre entière, lancer son portable sur le divan pour regagner son bureau.

    Alors, je frémis à l’idée qu’il pouvait me reprendre. ll ouvrit le tiroir et se saisit du stylo doré, clinquant et bon marché, que sa petite-fille lui avait offert. Il griffonna son nom sur un brouillon et constata des ratés dans son écriture, l’encre ne sortait pas. Très irrité, il m’appela à la rescousse, m’empoigna énergiquement et là ma mine enchantée déversa une encre violette celle du parfum du bonheur.

    Ravis, nous savourions nos retrouvailles en pensant : quelle époque !

  14. RENATA dit :

    Alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche , un coup de patte du greffier me fit valdinguer et j’atterris dans la gueule humide du chiot de la maison . M’enserrant fortement , il m’emmène au fond du jardin , creuse et me lâche au dessus du trou avant de me recouvrir de terre .
    Je me sens glisser dans une galerie de taupe et rouler , rouler , rouler jusqu’au nid de cette myope .
    C’est le tracteur du voisin , creusant quelques sillons , qui me mit au jour et visible à l’œil perçant de la pie voleuse .
    A toutes plumes déployées , elle m’attrape entre ses pattes et me dépose dans son nid .
    Me voilà au milieu d’un fatras de vis , clous , bagues , boulons et stylos .
    Installé au sommet du plus grand chêne de la forêt j’allais finir ma vie ici , asséché , oublié de tous .
    A l’aube , la cognée des bûcherons fît trembler le tronc , des racines à la ramure .
    Je fus éjecté du nid et projeté à l’intérieur de l’arbre , dans le trou creusé par le pic épeiche . J’y suis bel et bien coincé .
    J’aperçois , juste avant de disparaitre 3 lettres inscrites sur le chêne : « N D P » . Nom d’une pipe , on part à Saint Claude !
    L’arbre est couché , chargé , transporté , avec moi en son cœur . Il se fait débiter en scierie .
    J’en tremble , mais , miracle le scieur me trouve et me récupère .
    Je sais que les poutres taillées dans mon hôte forestier sont parties pour Notre Dame De Paris .
    Lors d’une prochaine visite de ce monument levez la tête vous pourrez entr’apercevoir les 4 mots qu’a inscrit mon nouveau propriétaire :
    « Les voyages forment l’imaginaire »

    Bonne Année

  15. camomille dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche une gomme me bouscula violemment.
    Surpris, je chutai sur le parquet ; la gomme me rejoignit et s’ensuivit un torride corps à corps.
    Et bing… et bang… et bing… et bang.
    Je me fêlai le capuchon sur la gomme imprudente qui s’immobilisa.

    – Oh !…l’ai-je tuée ? (me dis-je)
    Faut-il être stupide pour s’attaquer à un stylo alors que l’on est soi-même sans force et sans
    ossature !

    Il est vrai que je n’avais jamais entendu dire que les gommes aient de la jugeote. Mais de là à s’attaquer à moi aussi bêtement, ça dépassait l’entendement.

    Cependant, la gomme inerte m’inquiétait et ma conscience me torturait.
    Elle gisait là, sur le parquet, avachie comme un bonbon à la guimauve.
    Je me rapprochai d’elle et tentai de lui faire le bouche à bouche.

    Elle avait un goût de caoutchouc : pouac !

    – Courage ! (me dis-je) ce sera ma bonne action du 1er janvier !

    Je m’appliquai comme je pus.

    Je fus récompensé par un soubresaut de la demoiselle qui revenait de loin.

    – Salut ! (lui dis-je) bienvenue et sans rancune !

    La gomme stupide me regarda ahurie et recommença sur le champ à me taper dessus.
    Et bing… et bang… et bing… et bang.

    – Mais pourquoi tant de haine ? (lui demandai-je entre deux esquives)

    – TA GUEULE ! (me répondit-elle)

    Je me dis qu’elle était vraiment débile et qu’il me fallait l’ignorer.

    Je remontai sur ma page blanche tant bien que mal, le capuchon de travers et la plume ébréchée.

    J’étais sonné mais vivant.

    Je commençai une jolie phrase mais dans la précipitation je fis une faute de syntaxe.

    – La gomme (me dis-je) la gomme… vite !

    L’autre imbécile était toujours à terre.

    Je la sommai de remonter pour faire son boulot.

    Et la stupide me cria à nouveau : – TA GUEULE !

    Je ne pus me contenir – je me jetai sur elle et l’étouffai rageusement. (elle se l’était bien cherché).

    Depuis, je suis en prison.
    On m’a ôté mon statut de stylo et je ne peux même pas écrire mes mémoires.
    Tout ça à cause d’une gomme idiote et haineuse qui sentait le caoutchouc un 1er janvier.
    On est bien peu de choses…

  16. Souris verte🐁 dit :

    Sujet ..Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle

    🐀 LA PAGE BLANCHE

    Elle s’étale langoureusement aguichante dans sa blancheur virginale, presque provocante évocante et lascive dans ses petits carreaux. Le stylo rigide crache et entache le papier encore essoufflé par l’effort de cet acte définitif et presque répréhensible si c’est une feuille encore jeune… Rédibitoire !
    Dans ce cas, l’âge est un facteur déterminant, l’acte devient bravoure sur une page déjà jaunie froissée par les années.
    Je préfère prendre un papier un peu griffé pour vous souhaiter une bonne fin d’année. Comme je la connais je suis certaine de ne pas me tromper. Alors que si mon stylo arrondit les lettres de promesse de joie et prospérité pour la prochaine, allez savoir ? C’est vous qu’il risque de tromper. Donc, la page, le crayon et moi nous sommes accrochés de toutes nos forces aux dernières minutes et secondes de la vingt-troisième heure du 31 des douze mois précédents bien que pas folichons, loin s’y faut.
    Mais il a bien fallu y passer !
    Je propose qu’on garde notre rendez-vous hebdomadaire du samedi … Qu’on le garde… Qu’on le garde… Qu’il se garde et nous tous avec. 🐀

  17. Marie-Ida Artusi dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page et même dans la marge…

    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, la cinquième de ce qui serait sans doute une très longue lettre, je crus revivre. Quelque peu ankylosé par des mois passés au fond d’un tiroir, me sentant devenu presque inutile, je sentais la dépression me gagner. Et voilà que mon amie avait besoin de moi. Après un bref nettoyage de ma plume, exalté par l’intérêt que mon amie me témoignait ainsi que par ma soudaine libération, je me remis vite à l’ouvrage, courant un peu moins vite qu’autrefois, certes. Cependant, revigoré par mon retour en grâce, je sentis mes forces revenir et mon encre de nouveau couler dans mes veines et sous ma plume, comme au bon vieux temps.

    J’étais un vieux stylo-plume. Cela faisait bien longtemps, des années sans doute, que mon amie ne s’était pas servie de moi aussi longuement. Oui, cela faisait belle lurette. Je venais d’écrire quatre pages d’un coup, comme au temps de ses devoirs de philo, de français ou de langue vivante. Je me sentais renaître pour de bon ! Enfin, elle s’était souvenue de mon existence et, reconnaissant ma supériorité sur tout autre stylo, avait décidé de se servir de moi pour garnir ses plus belles pages de mon sang bleu.
    En près de soixante années, cette main en avait tenu des stylos-bille, des stylos-plume et stylos-feutres de toutes sortes. Pendant quatre décennies, ses multiples stylos s’étaient même dissimulés, telles de solides béquilles, derrière ceux des écrivains, des journalistes et autres gens de plume, corrigeant ici un accord de participe, suggérant là un changement de tournure ou ajoutant une virgule. Mes frères et cousins avaient tracé des milliers de “deleatur” dans la marge, souligné un terme, biffé un mot, raturé un terme impropre, conseillé une modification, contourné un imparfait du subjonctif disgracieux, en imposant un autre plus loin, reformulé une phrase, voire tout un paragraphe… Tout cela fut fait sans en tirer fierté ou gloire, simplement par amour du travail bien fait.

    Le tout premier stylo de sa vie, la main, encore toute menue et leste, l’avait subrepticement “dérobé” dans un espiègle et sonore rire enfantin. Ce modeste larcin fut facilement commis à l’occasion de deux paternels baisers. De retour à la maison après une journée de labeur, son père avait soulevé la petite fille de terre et l’avait prise dans ses bras pour l’embrasser. Un stylo doré dépassait de la poche supérieure de sa blouse de travail, laquelle, maculée de taches multicolores, sentait bon l’encre d’imprimerie fraîche. La petite traîtresse, qui avait l’œil vif et les doigts agiles, en profita pour faire “menotte basse” sur le stylo. « Mon stylo pour les bons à tirer ! » s’était exclamé le papa en riant. Puis, dans un échange de regards aussi malicieux que complices, il le lui avait volontiers donné et tous deux en furent fort heureux.
    La petite fille se demanda longtemps ce que pouvaient bien être ces si mystérieux “bons à tirer” pour lesquels son papa avait tant besoin d’un beau stylo. Elle ne savait pas encore que, l’amour des livres et de la langue française chevillé au cœur, elle le découvrirait un jour.

    Milieu des années 1960… Le premier “stylo scolaire” – utilisé en classe de “huitième”, le CM1 de l’époque – s’était habilement substitué à la plume “Sergent major” des années précédentes. La maîtresse avait exigé que toutes ses jeunes élèves eussent un stylo identique. « Dites à vos parents qu’il faut que ce soit un stylo “B.”, celui qui a une petite boule sur le dessus, mais surtout à bille fine », avait-elle recommandé. Ah, ce stylo-là ! Mon amie s’en souvenait encore. Sous son habit d’une couleur indéfinissable, à mi-chemin entre l’azur brume et le turquoise très délavé, il cachait sa fameuse bille fine. Celle-ci courait sur la feuille blanche, y traçant des lignes de délicates lettres bleu foncé, puis s’arrêtait sans jamais mordre le papier, ce que la plume eût parfois fait. La bille virevoltait en se moquant allègrement des pleins et des déliés passés à la trappe en même temps que l’encrier. De sorte qu’il sembla à la fillette que les mots s’écrivaient presque tout seuls, aussitôt pensés, aussitôt écrits, sans peine, sans heurt, sans tache d’encre sur les doigts et sans que la tâche d’écrire fût compliquée par quelque souci technique. La légèreté de la course du stylo et sa soumission totale à la volonté de son utilisatrice avaient fait naître en elle le plaisir et le bonheur d’écrire (presque) sans contrainte. Ce fut ainsi que, libérée de l’encre et de la plume, elle cessa de coincer le bout de sa langue entre ses dents et de froncer ses sourcils chaque fois qu’elle écrivait. C’en fut fini des vilaines taches d’encre qu’aucune gomme ne parvenait à effacer sinon en creusant un affreux trou dans le cahier, ce qui provoquait l’ire de la maîtresse. Adieu les “pâtés”, la plume qui accrochait parfois le papier et l’encre violette si tenace sur les doigts des écoliers. Exit les feuilles de papier buvard ainsi que les pleins et les déliés, le temps était venu de faire place à la modernité et à la facilité.
    Il ne lui resta de son passé de jeune scribe malhabile qu’un goût prononcé pour le vouloir bien faire, la calligraphie, le sens du beau, la rigueur et l’application. Elle en conserva également une sainte horreur des “pétouilles” indélébiles.

    Vint, plus tard, le temps des stylos-plume, mes frères, lesquels servirent aussi aux premiers mots doux de la collégienne, aux déclarations d’amour de la lycéenne, aux poèmes, aux dessins tracés sur l’agenda et à un nombre incalculable de devoirs. Puis arriva le temps des “rollers” et autres stylos-feutres de l’étudiante et de la jeune militante. Ce fut ensuite au tour de la travailleuse du livre d’entrer en scène, les « outils » étaient alors généralement choisis en fonction du papier utilisé. Pour écrire sur les épreuves à renvoyer aux éditeurs ou aux auteurs, elle aimait bien se servir de moi, sans doute parce qu’elle pouvait effacer mon encre proprement et réécrire par-dessus, sans tache, sans rature, sans bavure.

    Il en fut ainsi jusqu’au jour maudit où le clavier de l’ordinateur me remplaça, l’écran se substituant, lui, aux épreuves, et les “mails” aux courriers traditionnels. Je fus relégué aux oubliettes. Ma peine dura douze ans et fut émaillée de trop rares sorties… J’en fus bien attristé. Je n’étais, certes, qu’un modeste stylo-plume, mais j’étais aussi un travailleur acharné, un stakhanoviste de l’écriture et voilà qu’après tant d’années de bons et loyaux services, la main m’oubliait au fond d’un tiroir. Chaque fois qu’elle l’ouvrait pour y prendre un crayon, un trombone ou une agrafeuse, je revenais un instant à la vie, je respirais, je bombais le torse et, mes belles dorures exposées à la lumière, j’espérais fébrilement qu’elle se souvînt enfin de moi et me prît entre ses doigts. Ce fut en vain. Bien sûr, il m’arrivait de temps à autre de servir encore, mais bien que j’eusse le sang bleu, j’effectuais des besognes bien moins nobles qu’autrefois. Parfois, elle me concédait une modeste promenade sur le papier et m’extirpait des oubliettes pour écrire quelques mots sur des cartes de vœux ou, n’ayant trouvé rien d’autre que moi à se mettre sous la main, pour faire sa liste de courses. Quand il était question de travailler, elle m’oubliait de nouveau et, à mon grand regret, se remettait sans cesse devant son écran, faisant courir ses doigts sur le clavier.

    Arriva ce fameux premier janvier où elle entreprit d’écrire une longue lettre à la main. Sans crier gare, la main s’abattit sur moi. Je fus alors sorti de mon profond sommeil manu militari. À l’en croire, il eût fallu que je fusse prêt à obéir à ses ordres illico presto. Mon amie jura un peu parce que le temps avait fait son effet, l’encre avait un peu séché sur ma plume qu’elle dut nettoyer. Tout guilleret, enfin rendu à la vie, je vis ma plume briller comme un sou neuf et je repris vite du poil de la bête. J’écrivis ainsi rien moins que quatre pages. Mes muscles commençaient à se dérouiller et je m’apprêtais à reprendre l’écriture en haut de la cinquième page quand survint le maudit incident…
    Soudain, sans crier gare, la main amie qui me tenait me lâcha. J’entendis un léger cri accompagné d’un vilain (mais modeste) juron, de ceux qui soulagent un peu leur auteur quand la surprise se mêle à la douleur. Je tombai sur le bureau et y roulai. L’instant d’après, je chutai à terre. Le silence se fit.

    LA CRAMPE ! Une crampe traîtresse avait encore sévi. Ce n’était certes pas la première fois, les crampes survenaient aussi quand mon amie utilisait la souris de l’ordinateur. Mais cette nouvelle crampe était arrivée en catimini, sans prévenir, après deux heures d’écriture à la main et il m’avait semblé que la douleur qu’elle avait ressentie était bien plus forte que les fois précédentes.

    Il y avait bien eu, quelque vingt ans auparavant, alors qu’elle travaillait sur des épreuves, les crampes dues au fameux “canal carpien”. À cette époque, mon amie en était venue à ne guère pouvoir travailler plus de cinq minutes d’affilée sans poser son stylo. Cela lui fut fort pénible à admettre puisque son métier exigeait qu’elle écrivît toute la journée. Elle avait tenté d’user de pommades, de cachets et d’infiltrations, en vain. Puis il lui avait bien fallu prendre une décision. La main souffrante avait dû s’abandonner à celles d’un chirurgien puis avait cessé pendant deux mois tout exercice d’écriture prolongé. Ce fâcheux épisode passé, la main avait alors repris son travail de plus belle.

    Les crampes faisaient donc leur réapparition et soudain, la main fidèle, mais vieillie et meurtrie par le travail et les ans, m’avait lâché.

    D’un mouvement brusque, mon amie poussa alors son fauteuil de bureau en arrière et se leva, visiblement irritée. Je me trouvai écrabouillé par les roulettes du fauteuil, puis le pied de mon amie finit de me briser. Tel un cafard, je gisais le ventre ouvert, une plaie béante laissant voir mes viscères. Ma plume, tel le bec d’un oiseau tombé de haut, était tordue et écrasée, le sol était maculé de mon encre bleue dont le flot, je le savais, allait bientôt se tarir.

    Elle me ramassa, me regarda, me sembla un instant quelque peu peinée, mais « pas plus que ça », et prononça un vilain « Et m… ! »
    Elle me jeta dans la corbeille à papiers, tourna les talons et, tout en grommelant, partit se faire un café.

    J’eus beau jeter mes dernières forces dans la supplique « De profundis de la corbeille à papiers, etc. », elle ne m’entendit pas.

    J’étais un stylo… Je n’étais qu’un stylo.

  18. Sylvianne perrat dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une idée, j’eus un point de côté. Entre parenthèses, ce n’était pas le premier. Une faiblesse me prenait souvent au milieu d’un chapitre. Je m’essoufflais. Mes virgules étaient lasses, mes points d’exclamation souffraient d’arthrose. Je sentais le poids des années sur la plume. Je ne pouvais plus sprinter, le capuchon au vent comme d’antan. Mes phrases bredouillaient, chuchotaient, se répétaient souvent hélas.
    Mes paragraphes sommeillaient après le déjeuner.
    Je regardais parfois avec envie ces claviers tout jeunes qui alignaient à une vitesse prodigieuse sans fatigue les mots sur un écran. J’ai même vu un homme parler devant son écran et les mots s’affichaient automatiquement. Ce jour là, je me suis senti dépassé.
    J’ai toujours tracé’ dessiné laborieusement sur du papier des lettres, des mots, des idées. En grimaçant, je me rayais parfois, je ne pouvais pas m’effacer.
    Les idées naissaient, les mots s’alignaient pour créer une histoire, un livre. J’étais fier.
    Aujourd’hui, je suis fatigué et je vais tracer le mot FIN.

  19. Nadine de Bernardy dit :

    Chaque matin quand j’étais stylo,je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle,en haut d’une page blanche je vis apparaître ce que je redoutais depuis toujours.Non, pas possible,ce ne pouvais être ça!Pas maintenant à ce stade de mon existence.
    Je l’avais redouté mais réussi à y échapper jusqu’à présent.Et là,pas de doute c’était bien sur le papier,arrogant,indélébile,me narguant avec un clin d’oeil équivoque.
    J’eus beau tenter de l’ignorer,me convaincre que ça ne pouvait pas exister,j’étais inexorablement attiré par le haut de la page,hypnotisé par cette menace qui ricanait à la pointe de ma plume en or dix huit carats.
    O rage,ô désespoir récitais je comme un mantra pour conjurer le sort,me retrouver sur une terrain connu.
    Rien à faire,en quelques minutes je fus englouti,perdis pied,rendant l’âme dans un sanglot d’encre violette.sous l’assaut fatal de l’ennemi triomphant.

  20. Alain Granger dit :

    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, je vins à manquer de carburant. L’encre ne parvenait plus à s’inscrire sur mon passage. Je faisais une drôle de bille. J’avais la pointe sèche et des difficultés pour cracher. Je regardais mon réservoir ; il était encore à moitié plein. J’étais un Pelikan qui avait avalé une nourriture trop riche, trop épaisse. Sur la page de mon voisin un Pilot me rattrapait, bien fluide sur son roller. Heureusement, il glissa après une virgule. Sur ma gauche, le porte-plume était déjà distancé. Il perdait trop de temps en pleins et déliés. Son allure était belle mais peu efficace, pas assez rapide pour les nouveaux écrivains. Il allait par chemin alors que j’étais sur la route de la victoire. Il était calame miteux. Encore plus loin, j’apercevais un pinceau qui caressait sa feuille de riz. J’en riais. Ces Japonais avaient les idéogrammes mal placés. Avec leur calligraphie, ils privilégiaient la forme à la vitesse de communication. Pourtant, aujourd’hui, c’était la course pour les vœux de « Bonne année ». Chacun concourait dans sa catégorie : Format carte postale pour les plus avares de mots, format raisin pour une écriture plus fruité ou format Jésus pour ceux qui croyaient encore à la réalisation des vœux. Les vieux scribouillards n’y croyaient plus depuis longtemps. Leurs espoirs s’étaient consumés en écris vains, désormais rangés au fond de leurs écritoires. J’avais beau connaître mes adversaires Parker, je craignais tout de même cette panne sèche qui arrivait au mauvais moment. Je me fis rejoindre par un feutre Bic qui embaumait son parcours d’effluves alcoolisées. Mais bientôt, après avoir roulé ma bille sur une autre matière, le pâté qui obstruait mon réservoir se dissipa. Je repris alors de la vitesse pour dépasser le Montblanc qui prétendait atteindre le sommet avant moi. Le waterman avait beau savoir nager, il fut disqualifié après avoir commis une tache que la texture ne parvint pas à absorber. Il plia sous la tâche. Lorsqu’après la signature je fus déclaré vainqueur, au dessus de ma tête j’élevais le style haut de ma bille. Je partis me reposer dans ma trousse avant que l’on me soumette à une prochaine épreuve, pour des réponses à ces vœux peut-être.

  21. Nouchka dit :

    Quand j’étais stylo, chaque matin, je courais sur la page.
    Ce premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, j’ai perdu l’équilibre. Ma plume a dérapé et je me suis retrouvée hors de mon cadre habituel.
    Perdu, je me sentais perdu dans cette corbeille à papier, coincé entre des mouchoirs usagés, un exemplaire périmé de la presse locale et quelques emballages de bonbons au chocolat.
    Comment allais-je réussir à remonter sur le bureau ? Je ne trouvais aucune idée pour lancer un S.O.S et obtenir de l’aide.
    Pourtant, le premier janvier, est un jour où je dois me dépasser, courir vite et longtemps pour que les vœux que j’exprime, parviennent promptement aux amis, parents et relations, destinataires privilégiés.
    Mon maître ne s’est pas rendu compte de ma chute. C’est pourtant lui qui m’a fait chavirer alors qu’il se levait précipitamment pour quelque urgence qui l’a dirigé dans une autre pièce.
    Maintenant, il ne revient pas et ne va pas imaginer la situation dans laquelle il m’a mis. Encore heureux que je ne me sois rien cassé grâce au matelas de cochonnerie qui a amorti ma chute.
    Fatigué de toutes ces émotions, je me suis assoupi. Le rêve m’a distrait de mes préoccupations. Je me suis senti rouler et parcourir le monde allongé sur le flanc. Les facettes de mon corps me donnaient des sensations étranges, comme des chatouillis plutôt plaisants. Cette course s’est arrêtée. J’ai émergé de ce songe, étourdi et effectivement hors de la corbeille à papier. Le chat de ma maison, m’envoyant valser de ci de là en fonction des coups de patte qu’il m’attribuait. C’est ainsi que la course a trouvé une fin sur le tapis du salon. Là, je ne roulais plus assez bien à son goût. Le chat m’y a abandonné pour jouer avec un autre substitut de proie.
    Le lendemain, la femme de ménage m’a relevé de cette situation allongée entre les poils du tapis et m’a rangé, à mon domicile, dans le pot à crayon où je passe une partie de mon temps et où mon maître sait me trouver.
    Les vœux ont donc repris leur course ce deux janvier. J’ai mis un zèle tout particulier à courir sur les pages, tant mon bonheur était grand de retrouver l’usage de noircir du papier à qui mieux-mieux.

  22. Antonio dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, j’aperçus une putain d’inspiration qui trémoussait son papotin en vue d’un petit exercice textuel payant.

    Mon encre ne fit qu’un tour. Je bouillonnai à l’idée de prendre mon pied avec pour un billet. Je tournai la page sur laquelle je venais de suer et repris mes esprits sur une nouvelle que je voulais propre et parfumée.

    Je l’abordai alors, élégamment, en lui offrant un premier vers, compris dans la proposition, et commençai à me laisser envoûter par son charme et son bagout. J’entrevis ses formes qui me firent littéralement tourner la tête. Je ne sus laquelle caresser en premier avec mes mots qui ne tenaient plus en place.

    Du calme ! me dis-je, tu vas encore bâcler le travail. Nous entrâmes dans le vif du sujet, dans sa suite qu’elle s’était inventée. Lorsqu’elle se mit à me sortir le grand jeu. Des clichés, certes, pour démarrer, un peu poète-poète, mais très vite, nous passâmes à des jeux plus insolites, complètement fous même, tant nous nous inspirions, l’un l’autre.

    Mon texte semblait l’enchanter. J’avais une plume aguerrie, me dit-elle, rougissante à mon oreille. Mais avec une professionnelle, comment savoir si elle simulait. Peu importait, les compliments sont tous bons à prendre, un premier janvier.

    Je repartis, la mine réjouie, y laissant un gros billet, sale pour certains qui diront que je badine avec l’écriture, qu’une inspiration qui se respecte doit venir du cœur pour trouver les maux justes à panser, au sein d’un foyer de sentiments légitimes, et non d’élucubrations infâmes de mauvaise vie.

    Mais moi, je m’en fous, ce que j’aime c’est que cela fasse couler beaucoup d’encre.

  23. Akpo dit :

    Merci pour cette proposition d’écriture

  24. Akpo dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle…
    Apres une année 2021 à gratter du papier pour rien.
    Jeu l’idée de faire grève et de cesser toute activité  tant que mon proprietaire n’arrêtait  pas de me faire courrir pour rien. J’en avais assez toujours raconter les même  histoires  tous les jours ! L’heure de la révolte avait  sonné.
    Moi ce que je voulais c’était m’amuser  librement au gré de mes envie et pas travailler comme un forçat à l’usine. Ca devenait pénible à la fin. J’étais fatigue au moins si j’avais été  un stylo bille jaurais eu une vie plus courte, là il fallait toujours me recharger en cartouche  une vie de stylo plume quoi Combien d’année encore à tenir…comme cela?Javais le sentiment  de ne pas etre libre de juste executer mécaniquement ce que me disait de faire mon proprietaire. Jetais un stylo plume apres tout je voulais des histoires a la hauteur de ma reputation!

    La page blanche et moi  nous étions d’accord avec les syndicats du papier s’en était fini de notre activité pour l’instant tant que mon propriétaire ne nous donnerait pas à écrire des choses plus amusantes….et, ne nous donnerait pas quelques moments de repos.

  25. FANNY DUMOND dit :

    Chaque matin quand j’étais stylo, je courais sur la page. Un premier janvier, alors que je prenais mon souffle en haut de la page blanche pour envoyer mes bons vœux à mon pote qui gambadait chez Philippe, je me suis retrouvé en panne d’imagination. Je ne savais plus rien écrire d’autre que le passe-partout  » Bonne année, bonne santé « . D’habitude, je trouvais une formule personnelle pour chacun, mais ce matin-là, j’étais peut-être pris de surmenage à force d’avoir bossé sur des cartes durant huit jours. Tout à mes triturages de méninges, je notais sur une feuille volante quelques bribes de phrases qui étaient toutes plus banales les unes que les autres. 

    Soudain, plus rien ne voulut s’inscrire. Je fus secoué dans tous les sens au point d’en avoir le tournicoti-tournicoton. Il fallut se rendre à l’évidence : j’étais tari, tant physiquement que dans mon inspiration.

    Dans l’attente de jours meilleurs, je fus remisé dans le pot à crayons d’où j’entendais des pianotages de doigts. Je m’ennuyais dans le noir et sur des trombones tout tordus, des punaises qui se donnaient un malin plaisir à piquer ma carcasse, près de la gomme qui me narguait avec son côté bleu, de trois cartouches qui m’auraient sauvé la vie et d’un malheureux bout de crayon à papier tout mâchouillé et qui, pour couronner le tout, faisait grise mine. Jusqu’au jour où une menotte me sortit de ma prison.

    – Dis mamie ! Je peux le prendre ton beau stylo à encre, car j’aimerais bien écrire une jolie carte à un copain ? 

  26. iris79 dit :

    A tous je souhaite une excellente année à venir.
    En espérant pouvoir choisir le plus possible les mots de nos histoires sans avoir à subir les maux de la grande…

  27. iris79 dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche, j’eus à peine le temps de souffler qu’il fallût retourner à ma tâche. Je savais que cette journée était particulièrement symbolique et pleines de promesses. Je repartis de plus belle.
    J’eus le tournis face à cette course folle, par le rythme de la main ! Je traçais à n’en plus finir des ponts et des déliés, des accents, des tirets. Je rédigeais des listes et des bilans, des souhaits et des rêves secrets. A ce rythme là pour sûr mon encre ne ferait pas l’année !
    Mais ce que j’écrivais m’enchantait, me serrait parfois le cœur, me tirait des larmes même, me faisait sourire et parfois franchement rire. Je connaissais ce travail de rédaction de bilans et de projections. Je me souviens très bien de ce que j’avais écris l’an passé. J’aime cet étourdissement et ce récit intense même si mon activité est dense mais c’est aussi ici et maintenant que mon existence fait sens ! Parce que chaque 1er janvier tout particulièrement, ELLE délaisse son clavier et me serre entre ses doigts. Je sens les battements de son cœur dans la pression de sa main qui m’étreint, j’aime ses pulsations. Mais cette année, je sens comme une urgence, j’ai un peu de mal à suivre. Cette année n’a ressemblé à aucune autre.
    Mais quand la main s’est soudainement arrêtée, j’étais suspendu au-dessus du vide et aux mots à venir. Je ne comprenais pas cet arrêt si soudain. J’étais étonné par l’interruption de la cadence folle des écrits et en même temps très excité des récits à venir. Avions-nous terminé notre mission pour cette année ? Il faut dire que cela avait été très chargé. Que d’émotions, de courses folles, de sentiments divers et emmêlés. Je compris quand elle me posa un instant pour saisir ses crayons de couleurs que ce n’était qu’une jolie pause. ELLE finissait ainsi chaque cahier, en dessinant avec tout son talent un symbole dont le sens m’échappait et qui, il est vrai, justifiait que je passe la main à mes camarades.
    Je sus que mon travail dans ce carnet était terminé ! Après de nombreuses années passer en duo avec ce confident, j’allais noircir les pages d’un autre. Et visiblement, nous allions faire connaissance sans tarder.
    ELLE ouvrit ce nouveau cahier. J’adorais déjà les odeurs de ce papier. Tout en haut de la première page, je donnais mon meilleur pour écrire la date du 2 janvier avant de me reposer. Elle notait toujours la date du lendemain…Demain serait un autre jour et j’avais hâte d’être le témoin d’une nouvelle année.

  28. GUIGUE dit :

    Chaque matin, quand j’étais stylo, je courais sur la page.
    Un premier janvier, alors que je reprenais mon souffle en haut d’une page blanche…

    Je me suis souvenu, du premier jour, où j’ai pris mon élan ,
    Cette première fois, où l’on m’a déposé sur cet océan blanc

    Le contact du papier m’a tout de suite galvanisé,
    Je me souviens encore de ce sentiment de légèreté

    La main tremblante de celle qui me tenait
    provoqua en moi une légère anxiété

    Mais au bout de quelques boucles, de quelques saut
    Je me laissé apprivoisé, plus besoin de lasso

    Ses doigts tout en légèreté
    Me faisait virevolter

    La vélocité de sa main
    M’invitait à prendre de multiples chemins.

    Qu’elle liberté de pouvoir gambader
    Sur cette page blanche nacrée

    Je sentais la jeune fille se libérer
    Je courais, courais à un rythme endiablé

    Lorsqu’elle s’interrompait, Lorsque son poignet se relevait
    Je savourais ce plaisir de pouvoir coucher des mots sur le papier

    Les mots jaillissaient, les hésitations disparaissaient
    La chaleur de ses doigts, fluidifiait l’encre de mon corps argenté

    Pris de joie et d’exaltation, Je sentais le plaisir l’envahir
    L’encre, sous ses coups de boutoirs, n’arrêtait pas de jaillir

    Le plaisir de noircir cette feuille blanchit
    le faisait grandir, comme un enfant affranchi

    Jamais je ne me serais arrêté
    Si sa main ne m’avait pas déposé
    Sur son bureau bien rangé.

    Je l’observais, relisant
    Son regard , celui d’un enfant

    Bouche ouverte, regard fier
    Il était venu le temps pour la petite écolière

    De me déposer, dans son étui
    Hélas, c’est fini pour aujourd’hui

    Je n’ai alors qu’une seule envie
    Qu’elle me resserre très fort, à nouveau, entre ses doigts

    Pour continuer cette si belle poésie
    Pour continuer à être son porte-voie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Répondez à ce calcul pour prouver que vous n'êtes pas un robot *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.