356e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie.
jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, mais…
Inventez la suite
Chaque proposition d’écriture créative est une bataille contre la routine et l’endormissement de l’imagination. Un petit combat pour maintenir en vie l’enthousiasme d’imaginer, d’inventer, de créer.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie.
Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, mais … dans le petit pré attenant à leur vieille ferme.
Un matin, ils y virent une caravane noire et rouge.
Madame demanda à son époux d’aller y voir de plus près.
Il vit des gamins qui semblaient inoffensifs ; ils jouaient de la guitare et chantaient.
Monsieur s’en retourna vers ses vaches laitières, un peu intrigué tout de même ; mais il avait beaucoup de travail et bientôt oublia la présence de la caravane.
Cependant, Loterie, qui était de nature curieuse, un peu livrée à elle-même, s’approcha à son tour de cette bande de joyeux drilles.
Loterie adorait le hasard des choses, celui qui vous conduit sans prévenir vers des chemins inattendus.
La caravane était grande ouverte au soleil. Personne alentour.
La petite entra et … trouva des enfants de son âge en train de jouer au bingo.
Un petit garçon lui tendit la main et dit : « Bonjour ! Tu es dans la caravane des enfants maudits par leur prénom … Comment t’appelles-tu ?
– Loterie, répondit-elle.
– Voici Sweepstake, Loto, Cash, Astro et Euromillion !
Nous t’attendions pour décoller. Nous partons au pays des jolis prénoms.
C’est ainsi que Loterie disparut. Ses parents jurèrent, mais un peu tard, qu’ils ne le feraient plus.
Mais ils n’eurent plus jamais d’enfant.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie. Jamais ils n’auraient imaginé ce qu’il s’en suivit. Pas sur le champ bien sûr, il fallut six années pour qu’ils en prennent conscience.
C’est lorsqu’elle dût aller au supermarché du sport où elle devait acheter un maillot de bains qu’elle s’en fit une joie débordante et qu’un hic se présenta.
A peine franchi la porte d’entrée qu’elle courut au rayon natation. Au passage, elle salua sa copine d’école :
– Je vais chercher un maillot de bains ! tu viens lui dit-elle. Elles coururent et s’affairèrent à trouver le meilleur qui soit. Ce fut très rapide, elle avait fait son choix depuis longtemps. Son père n’eut pas le loisir d’arriver au rayon qu’il fallut déjà retourner à la caisse.
Dans son ordinateur, le commerçant inscrivit les formalités d’usage de la carte de fidélité : Nom, Prénom…
– Loterie !
– Au nez ! plaisanta celui-ci.
Elle eut un mouvement de recul, c’est la première fois qu’on osait la ridiculiser sur son identité. De son index, elle toucha le bout de son nez. Et le macho insista :
– L’eau te rit au nez ! répété-t-il en lui décochant un large sourire.
» Comment l’eau pourrait-elle lui rire au nez ? »
En voyant l’étonnement de sa fille, le père rit aux éclats.
– C’est pour rire, ma petite Lolotte ! dit-il béatement.
Mais il n’y en avait que deux qui riaient, lui et le caissier, contre une petite fille. Elle lui jeta le maillot et s’enfuit à travers le magasin.
– Qu’est-ce qu’elle a ? demanda le père au vendeur qui commençait à comprendre.
– Ben ! Elle a peut-être touché le mauvais numéro.
– Ah ! fit le père dubitatif.
Le vendeur n’osa poursuivre sur le thème de la loterie. Il replia déçu, le maillot et le père partit à la recherche de Loterie. Il parcourut toutes les allées et retourna trois fois au rayon natation.
Son inquiétude monta au fur et à mesure qu’il arpentait. Avec cette phrase qu’il se répétait comme une litanie : L’eau te rit au nez ! l’eau te rit au nez ! il essayait de se rassurer. Quel numéro est-elle en train de me faire ? La prochaine, je ne l’appellerai pas tombola. Si c’est un garçon, je ne choisirai pas non plus Morpion. Si je la fais demander au micro, ils vont croire à une farce. Qu’ai-je fait ? » Au bout d’une demi-heure, le farceur se résigna à s’adresser à la réception.
Pendant ce temps, la petite était partie choisir un bonnet de bains. puis elle était tombé sur un autre vendeur qui lui indiqua une cabine d’essayage.
Les recherches furent telles que l’immense magasin s’en trouva sens dessus dessous. Le haut-parleur demanda à la petite Loterie de venir à la caisse.
L’attente fut si longue que la petite ne vint pas. Au bout de vingt minutes, le père se dit : » On a assez ri ! »
Tous les vendeurs ou presque se rendirent disponibles. Comme dans un film, ils se mirent en ligne pour inspecter les moindres recoins du magasin : personne du nom de Loterie ne répondit à l’appel. Disparue !
Elle ne pouvait être sortie, on l’aurait vue.
Son père sortit pour se diriger vers sa voiture.
– Loterie rit au nez ! Loto rit au nez ! répéta-t-il encore. L’auto rit au nez ! se dit-il enfin ! Qu’est-ce que tu fais là ? dit-il à sa fille en la prenant dans ses bras. Tu m’as fait peur, où étais-tu ?
– Je suis passée avec ma copine, personne n’a rien vu.
Le soir, grande conférence à la maison sur ce qui était arrivé à Loterie.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie.
Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit. Pas sur le champ, bien sûr, mais la petite fille grandit, et devint de plus en plus étrange : à chaque question, elle ne répondait qu’en jouant à pile ou face pour décider de ce qu’elle devait répondre. Et cela générait parfois des situations cocasses, lorsque deux décisions consécutives étaient vraiment inconciliables.
Cette originalité fut vite appréciée de ses camarades, qui s’amusaient à la consulter chaque fois qu’elles se posaient une question, et, ensemble, elles mirent au point un système de questions à choix multiples, chaque réponse possible était dotée d’un numéro, d’abord de 1 à 6 pour utiliser un dé classique, et ne dépendant plus des connaissances acquises.Leur imagination sans bornes se trouva vite à l’étroit avec un choix si limité ! Il existait bien des dés à faces multiples, mais les 30 ou 60 faces ne correspondaient pas toujours au nombre de solutions évoquées.
Et c’est pour résoudre ce problème que l’incorrigible joueuse inventa le système du loto tel que nous le connaissons aujourd’hui, des boules numérotées que l’on tire au hasard, chacune correspondant à une réponse précise fixée à l’avance par les consultants : ce fut une organisation parfaite, « une question, un nombre », et seules les boules nécessaires mélangées dans le sac. Les curieux affluèrent pour consulter la voyante et découvrir leur avenir, se fiant à la seule chance de la main innocente qui plongeait dans le sac pour en sortir « le » bon numéro… Ils repartaient tous ravis de la réponse obtenue, ayant dépensé une somme minime pour économiser des heures d’hésitations.
Le plus extraordinaire de cette confiance aveugle dans le hasard, c’est que, globalement, cela ne changea rien au déroulement de l’Histoire.
C’est vrai qu’ils s’étaient sentis mal, très mal. Surtout lorsque leur aîné avait assassiné le cadet. Tout ça pour une histoire de fumée. Ils s’étaient sentis mal, très mal !
Le père, car ses valeurs fondamentales ne lui permettaient pas d’assurer sa descendance avec ce fils fratricide.
La mère, car la chair de sa chair était meurtrie et personne ne pouvait lui expliquer sa souffrance.
Plongés dans leur désarroi, mais loin de se replier sur eux-mêmes, ils philosophaient, pour se réconforter, sur la théorie de la chute des pommes.
Côté pédoncule, on poursuit l’aventure, acceptant risques et périls
Côté mouche, on abandonne et… tant pis pour l’avenir de l’humanité.
Quelle ne fut pas leur surprise lorsque la première pomme tomba ! Et pour cause, elle s’écrabouilla, en une comportée succulente.
– Dans ce cas, laissons faire le destin…dit-il d’une voix de ténor.
– Laissons faire, hm….enchaîna-t-elle de sa voix de soprano.
Le tourbillon des jours les emportait, chassant les sombres pensées, déployant les ailes des rêves enchanteurs.
A l’aube d’une saison nouvelle, elle se sentit renaître. Il la trouva merveilleusement épanouie. Et cette beauté magnifique perdurait, amplifiait. Le bonheur les habitait.
Jusqu’au jour où … une petite fille poussa son premier cri alors que la mère laissait filer un dernier soupir.
– Mais c’est quoi, cette Loterie, hurla le père en levant un poing rageur vers le ciel.
Lorsqu’il se calma enfin, il regarda la petite : elle avait un sourire d’ange.
– Je crois que j’ai gagné le gros lot avec toi, ma petite Loterie.
Il était loin de s’imaginer que les ennuis allaient commencer. Non pas par quelque révolte. Non ! Les ennuis commencèrent quand elle arriva à l’âge de raison et se mit à poser des questions alambiquées.
– C’est qui ton papa ? Et le papa de maman ? Elle est où, maman ? Ils sont où, mes grands-parents ? Pourquoi t’as pas de nombril ? Pourquoi tu craches sur le tronc du pommier ? Il viendra quand, mon Prince Charmant ? C’est qui qui a fait tout ça ? Et comment ? C’est quoi la jalousie ? C’est quoi la désobéissance ? C’est quoi…
Désespéré de ne pouvoir répondre, le père imagina un stratagème. A chaque question posée, il répondait inlassablement :
– Je suis heureux que tu me poses cette question ! Elle est très pertinente. Écris-la dans un grand cahier. Viendra bien un jour où tu trouveras la réponse, où tu seras Dieu !
Loterie notait au fil des jours, des mois et des années toutes les questions qui tourbillonnaient dans sa tête, sur son petit paradis, sur cette terre, sur cet univers ou l’existence même d’autres univers.
Le temps passait et Loterie ne trouvait pas la moindre ébauche de réponse ou d’hypothèse.
Après avoir laissé éclaté sa colère, son dégoût, son mépris, sa tristesse et sa peur, elle se laissa submerger par la surprise puis la joie.
Elle empoigna son cahier et traça deux colonnes à côté de ses questions. Elle ramassa un galet d’obsidienne, lisse d’un côté, rugueux de l’autre. Et Loterie joua.
– Pile, le bien, face, le mal. Pile, je gagne tout, face je perds tout…
Vint le jour où Loterie se lassa de son jeu et les colonnes des dernières pages du cahier restèrent vierge. Le cahier tomba dans l’oubli….mais le jeu de Loterie ne se perdit pas. Au contraire, il s’inscrivit dans le patrimoine de l’humanité !
Des siècles plus tard,
Dans une bibliothèque,
Un certain Pascal trouva, coincé entre deux livres, un manuscrit, vieux comme le monde. Curieux comme peut l’être un mathématicien, un physicien et un philosophe réunis, il tourna les pages et se prit au jeu de Loterie.
De retour chez lui, il s’installa à sa table. Ouvrit le livre de ses Pensées et y ajouta un ultime chapitre : « Le pari »
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie.
Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, mais le jour où un inspecteur leur retira leur permis pour conduite abusive et état de contestation envers les autorités.
En effet, Monsieur et Madame « Gain » voulaient jouer de leur humour et affirmer leur liberté en choisissant ce prénom. Auparavant la police des prénoms choisissait pour chaque enfant un prénom selon le calendrier.
De ce fait, toutes les personnes nées le même jour portaient le même prénom. Le prénom en lui même était dépersonnalisé et c’était obligatoire depuis l’uniformisation mondiale.
Monsieur et Madame Gain étaient anxieux. Ils attendaient par courrier la nouvelle carte d’identité de leur enfant.
Ils savaient que pour récupérer leur permis, des stages de savoir être étaient exigés.
Il décidèrent d’accepter la future identité de leur enfant et ne pas se laisser formater.
Un jour où Monsieur Gain allait une fois de plus, tremblotant, ouvrir la boite aux lettres, il trouva la fameuse enveloppe.
Il l’ouvrit lentement auprès de sa femme et découvrit : XX356.
XX pour femme. 356 le chiffre que chaque personne ayant trahie devait porter par ordre chronologique de trahison.
Toute sa vie Loterie devrait porter la trace de la rébellion de ses parents.
Pour gouverner les autorités étaient prêtes à stigmatiser les êtres humains, les humilier, les séparer, les rendre peureux sur des générations.
Jamais un être humain ne pourra estimer l’impact de ses actes.
Mince, à la place de 032024 il faut lire 356. Quelle tête de linotte je fais…
( suite) Imaginez…Loterie, tu as pris tes billets? Loterie, tu as pensé à prévenir tes parents pour la loterie, c’est toi le gros lot…Oh! oui Loterie…c’est toi qui tiendra la billetterie…Et les rires qui vont vont ou qui iront avec, gras, sots,débiles bref non, c’est pas possible ça! Heureusement, ils ont eu la bonne idée de demander à Monsieur Agrotis de lui offrir son deuxième prénom. Il soupira d’aise à cette idée bienheureuse.
Il a choisit après diverses variétés,il a opté pour Laniidaé…ainsi,les autres pourront lui donner comme petit nom » Lani » ou » idaé » ou d’autres encore,il espérait simplement que son jeune coeur d’enfant se portera sur le chant.
Madame Farlouse Motacillidaé aimerait que l’enfant porta le petit nom coquet de Linotte, car dit-elle, leur chant est mélodieux.
Les parents restent ferme sur leur position…reste à départager les deux adversaires du second prénom.
Monsieur Agrotis est très fier, c’est son prénom qui a été choisit et ce soir, il va voir de ses yeux la petite » Loterie-Laniidaé Macaon », cela sonne bien.
Il est sur un petit nuage. Il fut reçu par la famille et son regard se porte enfin sur l’enfant. Quelle beauté. Il en était sûr, elle fera tournée bien des têtes.
L’enfant grandit très vite et comme de fait, elle connue bien des soucis à l’école de la vie.
En grandissant, elle décida de prendre son deuxième prénom afin de vivre un peu plus tranquillement…et cela se passa mieux.
Le jour de la remise des diplômes tant attendus, Lani pressaient ses mains les unes contre les autres, les sentant moites, elle les essuya tout contre ses habits de mai.
Chaque étudiants reçu à l’appel de son nom et prénom son diplôme des mains de Mademoiselle Libellula Depressa très grande enseignante.
Tous s’approchait lorsque la voix criarde de Monsieur Yerolycosa Némoralis se faisait entendre.
Quant arriva enfin celui de Lani, elle frissonna puis elle entendit…
« Loterie-Lanidaé Macaon »!? Elle entendit de forts éclats de rire.
La pauvre enfant s’envola sans se retournée malgré les appels de ses parents.
Jamais elle ne revint. Son petit coeur fendu en deux par la douleur…Elle choisit un petit coin de prairie et se laissa bercée par les chants de ceux qui du jour au lendemain l’acceptèrent sans lui posés de questions.
De Loterie plus jamais il ne fut question. Chaque être volant ou rampant connaissait par contre la très belle Madame Lani Macaon qui, épousa par un beau jour le seul Macaon qui vivait non loin de la prairie de Lani. Ils furent heureux et eurent beaucoup de petites chenilles.
Monsieur Agrotis fut le seul témoin de leur union et resta un ami fidèle jusqu’au bout de leur vie. ( petite anecdote, les jeunes parents demandèrent à leurs nombreux enfants de se nommés comme ils le souhaitaient, la seule condition!!! Gardés leur nom de famille, Macaon. » y-l
Choisir librement oui da mais alors ce qui se passa par la suite, ils ne pouvaient y croire…
Faites vos jeux, les jeux sont faits, rien ne va plus…Allez m’sieurs dames, arrêtez-vous, venez goûtez aux chouchous de Maxine…
Les feux de la rampe, un manège qui vous donnera le frisson effet garantie .
Oh! les jeunes brailla le forain…vous n’avez peur de rien à votre âge,hein! Approchez vous, prenez place sur le tri-vertige et vous m’en direz des nouvelles!
La fête battait son plein;les divertissements les plus fous étaient arrivés dans la nuit et dès le lendemain soir, les jeux de lumières, de sons de musiques,les cris puissants des gens habillés des couleurs les plus criardes se firent entendre.
La grande place était envahie,les hommes et les femmes, les jeunes et les ados n’en pouvaient plus…leurs regards étaient accrochés,leurs oreilles entendaient des bruits divers et variés…Leurs sens complètement mis sens-dessous, dessus.
Macaon, Bucèphale, Pudibonde, en étaient à ça!
_Les imbéciles, ils avaient osés.Pourquoi donc affublé un enfant d’un prénom pareil?
A quelle époque croyaient-ils donc vivre? Monsieur Agrotis en savait quelque chose et son épouse Pudibonde avait vécue elle aussi une enfance impossible dû à son prénom et son nom si farfelu.
Bucèphale leur meilleur ami votait quant à lui la vie ou plutôt la nuit sous un autre jour soit dit en passant.
Pudibonde ne connait l’effervescence que durant les mois de mai et de juin, le reste du temps…elle n’aime pas sortir,laissant son Agrotis faire sa vie et la dévorée à pleine bouche.
Ah! il est ou le temps ou les enfants portaient le nom de leur mère ou de leur grand-mère?
Bon, il est sûr que Zigène, Pudibonde, Bucèphale et bien d’autres ne sont pas les plus beaux qui soit mais… là, la belle enfant…ils avaient osés-Loterie, certes,ils vivaient avec des nomades,allant de ville en ville, longeant des endroits extraordinaires ou le monde portait en lui tant de mystère mais quand même!
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie.
Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, mais…
Merde ! Quelle vie de merde ! Ils avaient déjà quatre filles et voilà qu’on leur annonçait l’arrivée d’une cinquième !
La scoumoune, le mauvais œil, le diable en personne habitait peut être la maisonnée …
Le père avachit dans son canapé s’en moquait, voilà bien longtemps qu’il s’était résigné.
Lui, on l’avait baptisé Victor Emmanuel, un patronyme prémonitoire de réussite ?
Il exerçait comme cantonnier… une sacrée destinée !
Son épouse quant à elle avait réussi à décrocher un emploi indéterminé en tant que technicienne de surface. Toutefois, une nuance non négligeable venait animer leur vie de couple, elle était salariée dans un hôtel de haute renommée. Elle ne trainait pas derrière un camion d’ordures ménagères aux relents putrides. Elle humait des détergents et parfums de haute qualité ! Parfois même, elle confectionnait un bouquet de rose pour égayer la chambrée. L’ensemble du personnel de l’hôtel s’amusait à la prénommer « Sa Majesté » eusse égard à son joli prénom de Margot.
Quelle ironie, Victor Emmanuel et Margot ! Roi et Reine des poubelles !
Vous comprenez bien à l’idée qu’un prénom eût une incidence sur l’avenir de leur progéniture, cela leur semblait étranger, pour ne pas dire déplacé.
Ainsi ils prénommèrent leurs filles au gré de leur humeur :
La première se présentait sous le Saint nom de Marie, un nom commun qu’on attribue en début de lignée. Peut-être l’idée première fut-elle un petit espoir d’évoluer ? Les mauvaises langues affirmeront que ce nom fut le fruit d’une éducation catholique… comme pour se faire pardonner de leur premier péché …
Et puis pour la deuxième, le prénom s’était naturellement imposé. Pour cause, on leur avait prédit un fils. Même à l’échographie, on avait cru apercevoir un petit kiki, alors ils l’avaient prénommée Saloperie !
La troisième avait une tête de poisson alors ils l’avaient affublé du jolie prénom de Dorie, vous savez la gentille dorade qui tourne en rond dans le monde de Nemo…
La quatrième, un poil ventru, se prénommait Pénurie !
Pour celle-ci, ils n’avaient pas hésité, elle venait assurer une belle prime dans le montant accordé par les allocations familiales. On pouvait d’ores et déjà envisager, l’acquisition d’un écran plasma haute définition ! Aussi, en mémoire de cet événement, ils l’avaient prénommé Loterie !
Jamais ils n’auraient pensé qu’elle allait percer dans le domaine financier …
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie. Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, mais…
Il y avait belle lurette que la bonne fée ne s’était pas attardée au-dessus de leur maison. Mais il leur sembla que depuis quelques temps, la chance avait tourné. Non pas comme la girouette par Mistral rageur, mais tout de même, un peu…
Il avait retrouvé du travail. Elle avait retrouvé le sourire. Les temps s’annonçaient enfin meilleurs.
Un matin, elle déposa une paire de chaussons au coin de la table.
Il la regarda, elle posa sa main sur son ventre.
Dans un éclat de rires, il la souleva de ses bras vigoureux et la fit tourner joyeusement.
Depuis, ils n’eurent de cesse de penser au prénom qu’ils donneraient à leur futur enfant, qu’il fut garçon ou fille.
Ils pensèrent à tout : à un prénom de secours, à une enseigne de restaurant, à une carrière au Palais, à des vacheries, au hasard d’une tombola, au succès des jeux de la Française, aux sauts de chats entre fortune et infortune, aux trous de mémoire, aux conjugaisons fantasques…ils avaient pensé à tout, sauf à une chose…
Les ennuis commencèrent à la crèche.
Certaines puéricultrices écorchèrent le prénom de Loterie. D’autres l’amputèrent carrément. Loterie devint « L’otarie » ou « L’autre ».
Dotée d’un bon caractère, Loterie réagit positivement à la prédiction de l’effet Pygmalion. Au fil des jours, ses joues se remplirent, son corps se potela et elle prenait plaisir à s’alanguir sur les tapis de jeux colorés.
Loterie riait et pensait que c’était ça, sa vie.
Elle fit une entrée fracassante à l’école primaire, avec ce surnom qui lui collait à la peau.
L’otarie.
En surpoids, il lui arrivait de briser un pied de chaise ou de faire basculer une table trop basse.
Loterie compensa. Aucun problème, aucune dictée, aucune date d’histoire ou de liste de capitales ne lui résistaient. Certains de ses camarades la surnommaient Big Memory.
Loterie ne se plaignit jamais. Elle pensait que c’était ça, sa vie.
Pour son entrée au Collège, ses parents lui offrirent un ordinateur et un smartphone.
Ils transformèrent les combles en un bureau-chambre lumineux et confortable.
Ils étaient heureux. Convaincus d’avoir pensé à tout et d’avoir offert le meilleur à leur fille. Le meilleur, sauf …ce prénom devenu quolibet, enfermé dans le secret.
Ils ne se sentirent plus de joie lorsqu’ils virent Loterie se transformer en une magnifique jeune fille.
Un matin, au petit déjeuner, la place de Loterie demeura vide un peu trop longtemps. Aux appels répétés de sa mère, un silence glacial fit écho. L’inquiétude la gagna. Elle monta à l’étage et frappa.
Elle attendit vainement.
Elle poussa la porte. Deux pieds lui heurtèrent le front.
Un hurlement emplit la maison. Puis un autre succéda lorsqu’elle lut sur un billet ce mot assassin: Harcèlement.
Sous une pluie battante, les funérailles furent atroces.
Après le cimetière, une foule nombreuse se rendit à la salle municipale pour une collation substantielle et l’échange des derniers témoignages de sympathie.
Enfin, les parents se retrouvèrent seuls, désemparés.
La mère enfila sa veste.
Le père endossa son imper qui, tout à coup, lui semblait trop large.
Arrivés devant chez eux, il plongea une main dans une poche, à la recherche des clés. Rien. Dans l’autre, un papier plié. Il regarda sa femme. Sans doute, un mot de quelqu’un qui…
Cruauté du destin : un billet de Loterie.
© Clémence.
BRAVA !
La petite fille coulât une enfance heureuse au milieu de camarades prénommés Rodomontade,Bateau Mouche ou Tarlatane, depuis que la possibilité de choisir librement le prénom de son enfant avait été offerte aux parents.
Elle se sentait à sa place, la petite Loterie,ne se doutant pas qu’un jour tout cela changerait.
Un peu avant ses vingt ans,elle tombât follement amoureuse de son professeur d’Economie qui leur enseignait la part de chance et de hasard pouvant apparaître dans un système réputé codé,rigoureux et sans fantaisie.
Elle fut d’abord troublée par le contenu des cours qui remettait en question ses fondamentaux et ouvrait des perspectives aussi infinies qu’incertaines. Ces nouvelles notions n’étaient cependant pas pour lui déplaire, d’autant plus que le charisme et le charme du professeur ne la laissaient pas indifférente.
Elle buvait ses paroles,attendant les moments où,emporté par un élan passionné et convaincant au sujet d’une théorie audacieuse,il passait la main dans ses cheveux d’un air égaré.
Quelle élégance,et cette fragilité sous-jacente derrière l’autorité du maître!
Mais ce qui la faisait fondre délicieusement, c’était la manière dont il ôtait ses lunettes pour la fixer intensément,elle,la petite blonde au premier rang,et se penchant en avant :
« Vous saisissez ce que je veux dire? »
Elle acquiesçait en rougissant.
Loterie changeât de style vestimentaire,modernisât sa coiffure,portât des lentilles de contact et un mardi,à la fin du cours,il s’adressât à elle:
« Loterie,passez me voir dans mon bureau,j’aimerai parler avec vous du contenu du dernier exposé que vous avez commis,sur la faculté de tout un chacun à décider par lui même ou laisser les propriétés intrinsèques des mathématiques exponentielles diriger son destin.
-Oui oui monsieur Gueule Cassée
balbutiât l’étudiante éblouie.
C’est à partir de là que tout commençât.
Quiterie !!… C’était décidé ! Elle se prénommerait Quiterie !
Madame avait longtemps cherché, jamais satisfaite des propositions de Monsieur. C’était trop court, ou trop commun, ou trop lié à tel ou tel personnage… Les interrogations et les doutes classiques. Mais quand elle avait trouvé dans un dictionnaire de prénoms anciens ce « Quiterie » elle avait eu le coup de foudre.
Monsieur reçut ce prénom en pleine figure, et ne manifesta d’autre objection qu’un sourcil en accent circonflexe, à quoi Madame répondit par un menton en galoche. Ce que femme veut….
Un haussement d’épaules désabusé plus tard, le destin de la petite fut scellé.
L’heureux papa pointa dès l’ouverture aux guichets d’État Civil, selon le souhait impératif de Madame.
Une bonne demi-heure de marche à pieds séparait le « petit nid d’amour » du bâtiment administratif dans ce hameau isolé de Triffouilly les oies et Monsieur avait des soucis plein la tête. Des petits et des gros, mais en ce jour de plein hiver ils s’embrouillaient et se congelaient dans sa cervelle, rendant le tri difficile. Aussi, au moment de monter les trois marches de la mairie, un trou noir se fit dans sa matière grise et la bouffée de chaleur qui l’agressa en passant la porte acheva de lui ramollir la cervelle.
Quel était donc ce prénom fantasque choisi par la maman ? Ca se terminait par « rie »… et ça ressemblait à un mot familier…
Derrière son guichet, une grosse dame attendait.
« Au suivant sivouplait » salua son arrivée.
Monsieur s’avança, tout rouge et avoua son trou de mémoire.
Soupir d’impatience mal dissimulé.
« Ca se termine par « rie » ? Ca évoque un mot connu ? Braderie ? Sucrerie ? Mercerie ? »
Grands gestes de dénégations de Monsieur.
« Loterie !! » lança la collègue de la grosse dame, du guichet voisin, avec un grand sourire qui signifiait : « J’ai trouvé ! »
Loterie fut approuvé à l’unanimité des employés et du public qui avaient suivi le débat, et adopté illico malgré les doutes appuyés de Monsieur.
Une salve d’applaudissements salua même l’originalité de ce prénom et chacun souhaita toute la chance possible à cette petite Loterie. Monsieur, lui, s’efforçait de sourire…
La scène qui accueillit son retour dépassant toutes les bornes du supportable, et comme nous n’avons pas pris la précaution de mettre en garde nos lecteurs sensibles en préface, nous passerons rapidement sur le sujet.
Quelques mois passèrent.
Un jour, Madame tira de la boite aux lettres une enveloppe aux couleurs du drapeau. La missive tricolore qu’elle renfermait annonçait que Loterie, « la bien-nommée » précisait la lettre, était le x millionième habitant de ce beau pays et qu’en cette qualité, l’État décidait de lui faire un cadeau. Et comme son prénom la prédestinait sans aucun doute à un triomphe dans les jeux de hasard, on avait décidé en haut lieu de lui attribuer un billet de la Loterie Nationale. On demandait seulement l’autorisation, en échange, d’utiliser son cas dans une publicité pour cette institution en perte de vitesse. A cette fin une équipe de télévision se proposait de venir interviewer les heureux parents de la future millionnaire.
Madame retrouva immédiatement le sourire. Sa notoriété prochaine lui donnait des ailes.
On prépara l’arrivée des journalistes et un battage médiatique d’enfer assura le passage de l’interview sur toutes les chaines nationales. L’enfant fut longuement interrogée et émit une salve de arreuh que ses parents traduisirent avec empressement.
La suite donna le résultat escompté. Le jour tant attendu du grand tirage au sort arriva. Des experts firent une longue introduction pour rappeler l’enjeu particulier de la séance. Monsieur le Préfet lui-même se déplaça au nom des Autorités nationales pour serrer la menotte de Loterie et anticiper son succès.
Des millions de Français, scotchés devant leur écran, virent apparaître – un à un, on ménageait le suspens, – les numéros gagnants.
Pas un ne se trouvait sur le billet de Loterie.
Et Monsieur prit une nouvelle volée de bois vert.
Je me suis habituée à ce que tout au long de ma vie quiconque me rencontre pour la première fois me pose cette sempiternelle question :
– mais pourquoi donc as-tu (ou avez-vous, c’est selon) été prénommée Loterie ?
Question à laquelle je fais la réponse bête mais vraie, toujours la même :
–parce que mes parents ont acheté un billet gagnant trois jours avant ma naissance.
Si je ne me retenais pas je les enverrais proprement balader, mais par expérience j’ai vite compris que cette réponse simplette mais explicite me débarrasserait plus rapidement de leur agaçante curiosité. Comme de juste, d’ailleurs il avait prévu le coup, mon père dut glisser une enveloppe bien garnie dans la poche de l’officier d’État civil pour qu’il accepte de m’enregistrer sous ce prénom loufoque. Celui-ci fut le premier des rapaces que mes parents fuirent le plus vite possible après avoir encaissé leur gain faramineux. On pouvait jalouser le fait que le sort ait favorisé ces gens ne payant pas de mine mais on aurait eu bien tort de les prendre pour des imbéciles.
Ils étaient donc devenus riches, très riches, très très riches, richissimes du jour au lendemain, ils avaient parié sur le hasard lequel, c’est bien connu, fait bien les choses. Et cette fois-la il faut bien admettre qu’il s’était surpassé : ils avaient tiré le gros lot, et quel gros lot !
Tous deux étaient des citoyens tout à fait ordinaires, de milieu modeste, pratiquant le parler des faubourgs parisiens, un argot un peu brutal mais qui me séduisit. Dès que l’on commença à m’apprendre à parler ce fut ce langage que je choisis de pratiquer pour la vie. Je pensais que ce mode d’expression imagé et direct me parerait d’une carapace des plus efficaces pour me protéger. Rien de tel que quelques mots rugueux, voire grossiers, pour remettre à leur place et faire reculer les fâcheux qui s’agglutinent autour de vous pour essayer de tirer quelque profit.
On a beau s’échiner à prétendre que l’argent n’a pas d’odeur, moi je sais d’expérience que ceux qui lui courent après reniflent à plein nez celle du papier monnaie quand elle vous colle à la peau et flotte autour de vous comme un parfum indélébile où que vous alliez. Le vieux proverbe qui prétend cela a tout faux.
Cette montagne d’argent ne m’a gâché ni ma jeunesse ni mon enfance. En revanche elle a bien failli par la suite avoir ma peau. Papa et maman m’ont quasiment abandonnée pour partir virer et tourner autour du monde, ils appliquèrent en cela la même recette que tous les gagnants d’un soudain gros ‘paquet’. Mon éducation étant à faire, ils me déposèrent purement et simplement dans un collège suisse et m’y oublièrent plusieurs années.
N’étant pas sentimentale, je n’en souffris pas. Cette institution chic et snob avait pour élèves un ramassis d’enfants de toutes les couleurs venus de tous les pays et de tous les milieux dont on s’était bien assuré avant de les inscrire que les parents possédaient les coffres-forts adéquats. J’étais, et de loin, la moins raffinée. Si mon langage choqua les professeurs, il enchanta mes camarades, qui s’empressèrent de l’imiter et d’utiliser en se marrant les pires mots de mon vocabulaire. Celui-ci s’apprenant plus facilement que les leçons,les professeurs essayèrent bien de me réformer avant que je ne déteigne sur tout mon entourage mais comprirent vite que c’était peine perdue.
À défaut d’avoir gagné en distinction, je quittai cette institution en emportant un souvenir qui, au vu de la tournure des événements actuels, me met toujours en joie lorsque je vois à la télé rien de moins que Kim Jong-un qui occupait un bureau proche du mien dans les classes de la pension suisse. Oh, à l’époque il n’avait rien d’explosif ni de nucléaire. Il était déjà bien rebondi de sa personne et surtout passablement casse-pieds. Vous saurez que s’il arbore maintenant cette drôle de cafetière, c’est parce que c’est moi qui lui ai mis la tête au carré en quelques gnons bien appliqués et qui l’ai tenu plaqué au sol pendant qu’à la tondeuse on lui faisait la coupe qui le rendit si célèbre qu’il s’applique à l’entretenir.
C’est quand je quittais cette pension que petit à petit les choses prirent une mauvaise tournure. La fièvre du jeu me saisit aussi vite que l’eut fait une typhoïde carabinée. Je fis le tour du monde de tous les casinos, même que par deux fois, j’y tombais sur mes parents assis l’un au black-jack l’autre à la roulette. Nous passèrent de bons moments à nous péter au champagne, mais ça n’alla pas plus loin.
Si eux surent demeurer prospères, il n’en fut pas de même pour moi, la roue finit par tourner à l’envers jusqu’au jour où les jeux furent faits et que rien n’alla plus. Pas grave, rien à secouer, je suis de la race de ceux qui, riches ou pauvres et comme les chats, retombent toujours sur leurs pattes.
Un véritable billet gagnant !
Vous me complimentez, j’en suis fort aise, eh bien : écrivez maintenant !
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie. Jamais ils n’auraient imaginé…
la somme d’ironie et de sottises qu’elle aurait à entendre tout au long de sa vie.
Pour eux qui n’avaient jamais gagné le moindre sou à quelque jeu de hasard que ce soit, s’offrir une Loterie pour eux tout seuls, c’était un rêve ! En quelque sorte un pied de nez à la misère qui les poursuivait depuis toujours.
A ses potes de bistrot, il disait en riant : j’ai eu un ticket avec la mère et touché le jackpot avec ma fille ! Alors pour parler cash, on s’est dit banco, on l’appellera Loterie… parce que loto ou astro pour une fille… Bofff ! Ah ah ah…
Elle, la petite, subissait en classe les quolibets de ses camarades. Quand elle avait une bonne note, c’était « T’as gagné le gros lot ! ». Quand elle ratait une interro après avoir beaucoup révisé c’était « T’as perdu au grattage, attend le tirage! ». Quand elle devint femme, la mignonne entendit mille fois entre deux sifflets admiratifs « Quel beau p’tit lot ! », « Tu rapportes combien mignonne ? ». Elle avait de la répartie et leur lançait en souriant des « Perduuuu ! » retentissants ou des « Même pas en rêve t’auras un lot de consolation ! ». Le plus balourd de ses harceleurs, c’était Kevin. Tellement balourd que c’en était parfois touchant. « Tu sais Loterie, quand je te regarde, j’ai les boules » disait-il… Ça la faisait rire aux éclats. T’es bête disait-elle !
Personne n’aurait imaginé que Loterie épouse et prenne le nom de celui qui, depuis l’école primaire, l’avait tant taquinée, moquée, harcelée : son camarade Kevin Million.
Et comme on avait toujours le droit de choisir librement le prénom de ses enfants, leur fils se prénomma Euro ! Euro qui comme Loterie a fait de bons tirages… pour le plus grand bonheur de ses parents et grands parents.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie…
Des jours et des nuits qu’ils égrainaient d’interminables listes de prénoms pour cette enfant à venir. Une fille, leur vœu le plus cher. Il fallait d’autant mieux lui trouver un ravissant petit nom. Original, unique comme le serait leur progéniture. Ils persistèrent, en éliminant bon nombre qu’ils trouvaient un peu trop exotiques.
C’est en regardant le tirage du loto à la télé que l’illumination se fit. N’osant encore proférer celui qui avait surgi comme une évidence, ils se regardaient, les yeux humides.
– Tu crois ?… Mais que penseront les voisins ? Et ta mère ?
Elle continuait à sourire béatement, ignorant le montant faramineux de la cagnotte qu’ils ne gagneraient pas encore ce soir.
– Loterie ? Si c’est pas une chance pour entrer dans la vie ?!…
Ils s’endormirent, comblés.
Personne ne trouva rien à redire, pas même la grand-mère, totalement subjuguée par cette jolie poupée qui lui faisait des risettes. On trinqua au bonheur familial et tout rentra dans l’ordre.
Enfin, en apparence. Car, comme dans les contes, rien n’est jamais si évident.
Les quolibets fusèrent dès la petite école, avec les messes basses des chipies et les coups de cartables en douce. Loterie compris vite que le vaste monde n’était pas le cocon familial. Elle tenta le Y à la fin de l’encombrant prénom, mais cette « Lotery » pseudo-anglaise fleurait toujours le blasphème et ne convainc personne.
Sa jeunesse fut un vrai calvaire. Elle finit pourtant par s’endurcir, ignorant le vilain rictus de ses professeurs quand ils faisaient l’appel, et les regards ironiques des parents à la sortie des cours.
Imperturbablement, les siens continuaient à prétendre qu’ils lui avaient donné le plus beau prénom du monde, que c’était par amour, etc.
L’amour, elle crut le rencontrer : il s’appelait « hasard » et disait la comprendre, qu’il en avait souffert, lui aussi…
Mais, contrairement aux contes, ils ne furent pas toujours heureux et n’eurent jamais d’enfant.
Au grand dam des parents qui avaient repris leurs listes… et coché « Tombola ».
Bon week-end, Christine
Vacheries
Autrefois dans les fermes on leur donnait des noms,
Selon leurs robes, Blanchette ou Brunette,
leurs « qualités morales », Charmante ou Docile,
les fleurs de saison, Pâquerette ou Marguerite.
Certaines se voyaient attribuer des noms de prestige :
Ainsi Marquise et Princesse digéraient à travers champs.
Aujourd’hui, avec l’élevage intensif
elles portent toutes le même prénom : Loterie
Peu importent leurs attributions personnelles!
Elles anonyment un numéro.
Il n’y a personne pour les appeler de toute façon
A tout bout de champ, parce qu’il n’y a plus de champ.
Elles sont jetées en pâture, dans des étables en fer.
Jamais elles n’auraient imaginé
devenir anthropovaches
carnivores de farines animales!
Un jour prochain leur numéro sera tiré.
Et elles-mêmes finiront
En boites, en cubes, réduites en poudre.
Mortes au champ d’horreur.
Vacheries
EXCELLENT !
merci c’est très aimeuuhble!
Ils l’avaient prénommé Loterie. C’était une erreur. Cela devenait donner une note originale au patronyme banal de Martin. Ils avaient souffert tous les deux de rencontrer autour d’eux d’autres Martin d’autres Michel et Valérie Martin. Loterie Martin ils étaient sûrs qu’il’n’y en aurait qu’une. L’alternative était Mélodie Martin. C’était la sage femme qui avait entériné leur choix quand elle avait souri. « C’est la deuxième de la semaine. »
Enfant, on la surnommait Lolo ce qui conduisait à demander son vrai prénom. La réponse attendue était Laurence ou Lola, Lolita. À l’énoncé de Loterie, les sourcils devenaient circonflexes, les lèvres formaient un o qui ne sortait pas. Les plus aimables commentaient d’un « c’est original » d’autres d’un » pourquoi pas » avant de se détourner. Leurs parents n’en a aient pas cru leurs oreilles et avaient été, pour une fois, d’accord pour déclarer fermement » ici ce sera Lola »
L’adolescence fut une longue crise. Les pleurs, les çris, la rage n’en finissaient pas. « comment avez vous pu me faire ça ? Une idée pareille ! Ma vie est un vrai gâchis. Avoir un copain avec un prénom pareil ! Ma copine oui … elle s’appelle Loterie.Vous n’imaginez pas le résultat ? stupéfaction et fou rire général. » Elle refusa de sortir, souffrit d’anorexie. Finalement elle trouva l’âme sœur : un Jean Chrisostome Martin. La tension familiale tomba. Question prénom, il y avait finalement pire. Jean Chri était juriste, elle était avocate. Au palais elle avait vite compris que son prénom entrerait dans la saga des huissiers. On rigolait dans son dos : nous avons une jeune avocate pleine d’avenir Maître Martin non pas Alexandra Martin, l’autre Loterie Martin et ils ajoutaient à voix basse : tout un programme. Elle fit carrière néanmoins.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie. Jamais ils n’auraient imaginé ce qui s’en suivit.
Pas sur le champ, bien sûr, ils n’avaient encore rien planté, mais à force de tripoter la poisse dans le pot, ça allait forcément accrocher quelque part, cette part d’un gâteau qu’ils croiraient toujours pouvoir toucher.
De fait, le père était allemand et la mère vietnamienne. Installés depuis peu en France, ils crurent bon, pour mieux s’intégrer dans le pays de bidouiller le prénom de leur fille, de se rapprocher des valeurs fondamentales du terrain.
Ainsi Lotte Riz….devint Loterie. Débarquée dans le Pacifique aurait ‘elle été rebaptisée Lotarie ?
Le père, depuis qu’on lui avait offert un vélo, croyait ferme à la roue qui tourne. Et comme ceux misant sur leur bonne étoile, il pédalait beaucoup mais l’horizon reculait sans cesse.
Dès l’aubaine, il allait avec Pousse Pousse, son épousse visiter leurs plantations. Lui, avait semé de la choucroûte de sel, elle du riz au lait de poule.
Au quotidien, ça les nourrissait….mais commercialement, ça ne rencontrait pas le succès escompté.
Loterie passa son enfance entre les pâtés de boue et les siestes couchées. Parfois, elle passait des après-midi entières à observer ses parents, grands semeurs de plants de guigne.
Puis un jour, elle se mit à creuser sa veine de terrain. Elle y installa des tubercules bizarres, des grimulettes, des masbolas et des tomcottes.
Il ne s’agissait que de patates sorties de son imagination productive. On en trouvait des noires, des bleus, des violettes, des roses et des quadrillées dites patates de Vichy.
Les parents se rendirent à l’évidence. C’était peut-être bien le bon ticket, pour l’avenir. Ils rebattirent les cartes des champs et abandonnèrent les naissances approximatives dans les choux et la colle de riz.
Les patates à l’eau ne tarissaient pas. C’était la proévidence, il fallait recycler la chance dans ce nouveau panel de qualités gustatives et visuelles.
Il créèrent 365 recettes, une pour chaque jour et il y a peu Loterie ouvrit son premier restaurant.
Au milieu des ampoules d’amulettes, elle accrocha sur la façade le panneau de ses rêves:
CHEZ LOTERIE. BARAKA FRITES.
Choisir librement le prénom de son enfant étant permis, ils décidèrent de la prénommer Loterie. Jamais ils n’auraient imaginé…
Que leur petite fille serait à ce point adulée.
Après les commentaires d’usage que chacun s’octroie le droit de faire sur un prénom inhabituel, les réactions dubitatives, fielleuses et sarcastiques laissèrent place petit à petit à des demandes inattendues, plus étonnantes les unes que les autres.
En effet, sans que l’on sache vraiment d’où elle partit, une rumeur enfla et se propagea comme une traînée de poudre laissant entendre que la petite Loterie avait un don, celui de faire gagner les gens de son entourage à des jeux d’argent.
A partir de ce moment là, ses parents croulèrent sous des demandes extravagantes et complètement inhabituelles. Chaque jour, le facteur était contraint de sortir de sa voiture, lui qui d’ordinaire se garait au plus près de la boite pour y glisser le courrier sans avoir à mettre le pied à terre. Propulsé au rang de privilégié puisque côtoyant très régulièrement la famille, sa déférence envers les proches de Loterie en était devenue maladive et pesante. Ses sourires convenus et intéressés le persuadait lui-même d’être le prochain heureux gagnant à son fameux tiercé hebdomadaire pour lequel il se rendait au PMU une fois par semaine sans manquer de narrer avec moult détails le privilège qui était le sien de se rendre quotidiennement chez la fameuse Loterie.
Bien sûr dans cette grande ville où ils vivaient, il se trouvait toujours quelqu’un pour nourrir la légende et raconter le récit d’une victoire à tel ou tel jeu d’argent. La magie ne s’estompa donc pas et ne connut qu’un léger essoufflement autour de ses quatre ans.
Que dire de la vie de Loterie à l’école quand le moment fut venu ? Un pastiche de vie sociale. Tout le monde se pressait autour d’elle à tout moment Les mercredis et week-ends ne suffirent plus à honorer les invitations qu’elle recevait. Tous les prétextes étaient bons pour l’approcher, la toucher. Comme tout être vénéré, elle recevait des offrandes (majoritairement des poches de bonbons qui, un temps la ravirent, avant de provoquer des réactions de rejets proches de la nausée).
Bien sûr, Loterie souffrait. Après avoir été ravie d’être le centre du monde, choyée, adulée telle une rock star, elle fut gagnée par une profonde mélancolie, bien consciente d’être célèbre pour un fait dont elle n’avait aucun mérite.
Ses parents lui cachaient leur profonde aversion pour cette ville qui les étouffait, rongés par la culpabilité d’avoir à un moment crucial de leur existence été trop audacieux, assez fous et tristement ridicules de donner un prénom superficiel à leur fille qu’ils aimaient tant.
N’y tenant plus, ils partirent un jour sans prévenir personne. Ils devaient tout recommencer, tout reconstruire dans un autre lieu où leur fille pourrait être ce qu’elle voulait être et retrouver tous ensemble le sens de la richesse d’une vie de famille.
Et tout cela commença le jour où Loterie put répondre par son second prénom à la question de la boulangère : comment t’appelles-tu ?
« Prudence, Madame ».
Elle aurait pû avoir Victoire comme second prénom!