336e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune
et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit.
Il était temps, elle approchait les 50 berges…
Inventez la suite en développant le même anthropomorphisme
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit. Libre et légère, elle rêvait de cascades, de ruisseaux ruisselants. Elle pris la poudre d’escampette par un beau soir d’été. Chaleur aidant, elle s’évapora en fines particules, c’était drôle, c’était léger, c’était inattendu et surprenant. Soudain elle se trouvait des milliers, atomes évanescent prenant leur envol, montant vers le ciel dans l’air lourd. Tournoyante, elle forma un nuage blanc, crémeux, mousseux, doux et appela le vent pour l’emmener loin, très loin, découvrir le monde.
Tout était simple là-haut, et tout était nouveau. Elle pouvait tranquille observer en bas : que choisirait-elle ? Une savane africaine ? La plage de copacabana ? Un petit village de Provence ?… Quand elle aperçu une belle jeune femme endormi dans un champ, elle décida de descendre sur elle en fine goutelettes, et emporta sur son chemin ses odeurs, son grain et se précipita dans un joli ruisseau.
bravo Delphine
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les 50 berges !
Par bonheur pour elle, les hommes avaient inventé le réchauffement climatérotique. Tout le temps était tout le temps détraqué et un jour, deux jours, trois jours durant, il se mit à pleuvoir du pont. Du pont des Arts, pour être précis, il plut des cadenas et des rambardes.
Quand toutes ces amours ou preuves d’amour furent tombées dans l’eau pour y rejoindre les clés des cadenas et les amours de Guillaume Apollinaire, la Seine, car c’était elle, déborda de reconnaissance :
– Ah merci, merci, Pont des arts, Averse et Pluie de cadenas ! Depuis le temps que j’étais serrée dans ce lit ! Je ne pouvais même pas étendre mes bras ni sentir le sang affluer à mes joues ni même jouer à l’habile beau quai ! De quoi perdre la boule !
Et la Seine d’envahir Paris, de se répandre en bavardages dans ce nouvel entourage, d’aller rire au nez et à la barbe du zouave du pont de l’Alma, de mettre la main, comme une sœur, dans sa culotte, de se moquer de sa chéchia.
– Fichez le camp sur le champ ! » ordonna la statue du militaire.
Ça tombait bien, le Champ de Mars n’était pas loin. Elle s’ébattit gaiement sur ce nouvel espace mais soudain elle entendit une grosse voix qui lui disait :
– C’est ça ! C’est ça ! Entrez dans mon cabinet sans rendez-vous ! Allongez-vous sur la canopée, pendant que vous y êtes !
– Oh je ne monterai jamais jusque là-haut, répondit la graine d’évaporée. Car il est dit dans le « Livre sacré des fleuves et des rivières » que l’histoire du patriarche de la Noë est une légende lutécienne non vérifiée. Mais qui êtes-vous donc, Monsieur ?
– E.I. Felturm, psychanalyste. Qu’est-ce qui vous amène ? Vous avez de la chance, je le suis aujourd’hui. Amène.
– Eh bien voyez-vous j’avais comme qui dirait une petite envie de m’épancher et j’ai trouvé une fenêtre de « j’me tire ».
– Allongez le pognon et vos fesses sur le champ et racontez-moi vos débuts dans la profession. Remontez bien à la source, surtout !
– Eh bien voilà, Docteur Felturm, c’est assez oedipien comme comportement et somme toute naturel pour un fleuve : j’ai toujours eu envie de voir la mer ! Alors je me suis nourri de ce rêve, de l’eau qui tombait des nuages, j’ai grossi, j’ai tracé mon chemin, j’ai fait les quatre cents coups dans le calcaire, j’ai suivi ma voie, j’ai coulé des jours heureux, j’ai passé l’été en pente douce, puis j’ai décliné…
Il s’ensuivit tout un flot de paroles plaintives, une dégoulinade de souvenirs en cascade, d’épanchements de Seino-vie que le psychanalyste écouta impassible. Ou plutôt il entendit tout ce roman-fleuve comme un clapotis de potins, des bruits de vagues et de ragots de virago, une remémoration de murmures sous ramure qui l’endormirent presque. Il se demanda si la cliente ne lui montait pas un bateau-mouche tant elle versait de larmes sur son sort de voyageuse énurétique en perpétuel transit avec des aspirations au voyage vers le large à la longue étouffées sur les bords. Quand elle eut vidé suffisamment son sac il l’arrêta et lui dit :
– Rentrez chez vous, remettez-vous au lit et laissez faire les choses. Ne traitez que le courant. Vous allez la voir bientôt, la mer. Vous allez le trouver, votre havre de paix. Si vous êtes pressée, vous n’aurez qu’à regarder le film homonyme d’Aki Kaurismaki en DVD. Ou alors en streaming.
– Merci beaucoup, Docteur Felturm. Je vous dois combien ?
– Il est d’usage qu’on me paie beaucoup et en liquide mais pour vous ce sera gratuit. D’habitude on me casse les pieds avec de vieilles histoires mais vous, vous me les avez lavés avec des rêves d’avenir. J’ai juste une chose à vous demander.
– Oui ?
– Vous avez une voix de crécelle un peu énervante. Aussi, quand arriverez aux Andelys…
– Oui ?
– Bouclez-la !
P.S. Cette histoire d’inondation de Paris est totalement imaginaire mais il est tout à fait possible – vous m’en verriez alors ravi – que certaines et certains d’entre vous l’aient… crue !
https://lechronoscaphe.com/la-crue-de-la-seine-paris-1910-en-cartes-postales/
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit.
Il était temps, elle approchait les 50 berges…
50 berges rayonnantes et dynamiques ! D’ailleurs c’est pour cela qu’elle avait envie de découvrir de nouveaux horizons.
Elle salua, ponts, berges, pêcheurs qui furent bien tristes, et s’en fut.
Pendant quelques lunes, son seul repaire concernant le temps, elle serpenta et se modela au gré des terrains inconnus qu’elle parcourait. Or, ce voyage ne ressemblait pas à ce qu’elle avait imaginé car peu à peu la terre la buvait et bientôt il ne resterait plus rien de cette jolie rivière qu’elle avait été.
Traversant une forêt d’épicéas, elle rencontra un fin ruisseau sautillant sur le fond rocailleux de son lit. « Il va me sauver !» pensa-t-elle. Elle s’enhardit à lui demander si elle pouvait y mêler ses eaux. Il accepta immédiatement de peur qu’en restant seul il ne s’affaiblisse jusqu’à disparaître.
La rivière retrouva goût à refléter soleil, lune, enfin tout ce qui avait envie de se dédoubler dans son miroir aquatique.
Serpentant nonchalamment, ils rencontrèrent une jeune Japonaise, personnage incongru dans ce bocage si loin de sa terre natale. Elle portait deux nasses pendant de chaque côté d’une longue tige en équilibre sur ses épaules, et bénissait avec ferveur le courant devenu plus ample.
Elle posa ses nasses, se laissa glisser dans le ruisseau-rivière et entreprit de construire une sorte de réservoir d’eau courante pour y déposer ses carpes Koi aux dessins d’écailles exceptionnels. Des années générationnelles de travail passionné dont elle était maintenant l’unique héritière. Sa seule richesse, mais qui pouvait comprendre ? Et qu’allait-elle en faire ?
Le ruisseau-rivière fut très flattée d’héberger de si précieux poissons. Il se sentit investit d’une mission importante ; préserver ces joyaux de la culture japonaise. La jeune fille ressentit ce chaleureux accueil, et partit tranquillisée.
Chaque jour, à une heure précise, assise sur ses talons au bord de la berge, elle commençait par le bénir, puis caressait longuement ses carpes en invoquant sa famille afin qu’elle protège son trésor.
Le ruisseau-rivière, s’efforçait de garder un débit favorable à ses hôtes.
Un promeneur découvrit par hasard cet aquarium naturel aux poissons d’une grande beauté et en fit part à des amis qui en firent part à des amis. Les visiteurs arrivèrent en masse, puis les journaux, la télévision, les images firent le tour de la planète. La jeune fille ne trouva plus un moment de solitude pour venir caresser en tout quiétude ses chères carpes Koi.
Des spécialistes vinrent les admirer et les expertiser. La convoitise se développa. Le département se mobilisa pour les protéger en les faisant garder jour et nuit en attendant de leur fabriquer un endroit où les présenter au public moyennant finance. Le ruisseau-rivière ne savait que faire pour les protéger.
Un jour, les gardiens interdirent même à la jeune fille de s’approcher. Ils prirent peur en la voyant chercher à toucher les poissons. Elle les implora, mais rien n’y fit, ils avaient des ordres.
Elle ne comprenait pas pourquoi soudain tout avait changé. Et puis, qui pouvait prêter attention à une gamine toute maigrichonne, mal fagotée ? Ses yeux bridés et son allure caractéristique ne mirent la puce à l’oreille de personne.
Désespérée, elle partit en amont du ruisseau-rivière le suppliant de l’aider. Son chagrin était si grand que ses larmes n’avaient pas le temps de sécher. Le cours d’eau s’était attaché à cette petite japonaise si consciencieuse de préserver son trésor. Il était furieux de voir la dégradation de cette belle histoire dont il avait eu la chance de faire partie.
Il fallait cacher les poissons. Il murmura à la jeune fille de se poster dans trois matins à cet endroit et d’attendre avec ses nasses.
Par chance, en amont, de fortes pluies avaient entrainé de la terre. Elle se transforma petit à petit en boue, rendant l’eau opaque. Bien loin de tout le charivari occasionné par ses carpes Koi, la jeune fille, assise sur ses talons, attendait patiemment, avec les nasses ouvertes.
Elle récupéra son trésor, remercia le ruisseau-rivière, puis ses parents et s’en fut…
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit.
Il était temps, elle approchait les 50 berges…
Les hommes l’avaient appelée « La Femme sans Tête » et cela l’indifférait.
Elle avait l’insolence et la folie de la jeunesse.
Elle surgissait là où on ne l’attendait pas.
Elle ne courait pas, elle bondissait.
Elle ne coulait pas, elle frondait.
Les prairies étaient son terrain de jeu.
Les sous-bois, sa plage de récréation.
Les roches luisantes, sa source de jouvence.
Les jours passaient, heureux ou malheureux.
L’été l’écrasait
Le soleil la réchauffait ou la brûlait
Les crocs des pêcheurs mordait son innocence.
Sous les ponts, elle s’alanguissait, aspirant à quelques moments de trêve.
Elle s’arrondit, s’étala, s’affala, soupira.
Au clair d’une lune aveuglante, elle ferma les yeux
Laissa couler les rêves
Dans les eaux de son regard fatigué.
…Elle enlaçait de ses bras, les méandres des peaux délicates.
Rivière de diamants ou rivière d’émeraudes.
Rivière ensanglantée de quelques rubis de feu
Elle était de toutes les fêtes, de tous les galas,
Dansant menuets et rondeaux.
Elle, la « Femme sans Tête » faisait tourner les têtes
Elle, impératrice ou reine
Courait vers son destin.
Il l’appelait dans le tumulte de la nuit
Elle quitta vivement la fête
Trébucha, se releva
Se précipita dans ses bras fougueux.
Elle se laissa emporter par ses promesses
D’une force infinie,
Par ses promesses
D’une éternité.
Mer ou océan, cieux et montagnes
Vie souterraine pour se ressourcer
Avant de resurgir…
Ici ou ailleurs
© Clémence.
Merci Laurence et Peggy .
Bonne journée à tous !
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les cinquante berges. Son lit devait traverser des marécages et des îles si nombreuses, que vues du ciel elles rappelaient un immense filet dont les mailles préservaient une flore spécifique à cet endroit. Le faible courant, les eaux chaudes et dormantes cachaient la légende des tourbiers d’autrefois. Mais le passé ne l’intéressait plus. Elle devait trouver du nouveau et contourner la plage où des baigneuses lisaient le dernier roman de …. Tourner la page devint son rêve.
A la sortie d’un vallon, elle fut séduite par la force d’un fleuve bouillonnant. Elle aventura un bras vers une de ses rives bétonnées. Superman lui fit des promesses de vie écologique et de folles soirées illuminées sur les bateau-mouche. Dans ses mille reflets miroitèrent des petits rus. Il l’entraîna dans un endroit où il avait agencé des couverts et une nappe. Il la guida dans des méandres où elle fut dépaysée. Mais elle se perdit parmi les herbes. Le gros célibataire économisait de manière phréatique mais polluée. Elle dut développer des trésors d’imagination pour se libérer. Elle garda en mémoire son aventure et en nourrit son expérience.
Elle enviait ses cousins turbulents qui exploraient joyeusement les Pyrénées. Ils étaient nés dans le même nuage, mais des circonstances aléatoires les avaient séparés. Les informations qu’elle avait d’eux lui venaient par le biais de reportages. Les kayaks bondissants y riaient à gorge déployée. Les truites frétillantes excitaient l’appétit des campeurs téméraires. La musique torrentielle éclatait parfois en un million de gouttelettes colorées qui s’imposaient en arc-en-ciel. Elle souhaitait se laisser porter par des harmonies qui se renouvelaient chaque jour telles une symphonie pastorale.
Des maraîchers la sollicitèrent pour irriguer leurs productions. Elle frôlait alors les soixante berges. Son âge lui importait peu. Les vues des journalistes lui donnèrent l’envie de voyager et de constamment se former, pour acquérir, se dit-elle, une certaine sagesse et une manière à elle de rester jeune. Des peintres s’invitèrent et vantèrent la beauté de la belle endormie. « C’est bien beau d’être utile, ça fait joli sur les cartes postales ! Mais un jour je m’émanciperai. » Sa réputation devint internationale. Son environnement fut proposé à l’inscription au patrimoine de l’UNESCO. L’année suivante, elle sortit de son lit. On recensa alors soixante-dix berges et une crise d’ado. Ainsi, dans une revendication légitime, les peintres proposèrent d’inscrire la planète entière au patrimoine.
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune
et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit.
Il était temps, elle approchait les 50 berges…
mais après une dernière nuit dans son lit douillet tout de même
elle demanda à son bras gauche son avis ?
Celui-ci lui conseilla de consulter une cartomancienne qui pourrait peut-être lui prédire son avenir. A son âge, ce serait plus prudent.Il y en avait une qui consultait le mardi de chaque semaine, sous le pont à quelques vagues de là. J’aurais préféré qu’elle consulte sous « le pont des soupirs ». Mais, réfléchis donc, lui dit-il, c’est à Venise où tout le monde parle italien et je ne crois pas que tu la comprendrais pas plus les pêcheurs qui sont les seuls à murmurer parfois à tes oreilles.
Et puis te jeter dans la mer adriatique, je ne donne pas cher de ta peau si je puis dire.
Ah bon !
Ecoute passe encore quelques nuits dans ton lit pour prendre une décision !Il y a un dicton qui dit que la nuit porte conseil . Et puis tu sais je ne te suivrai pas je suis bien ici, j’ai mes habitudes, alors tu deviendras manchotte .
Vexée, elle se renfonça dans son lit en mettant son drap sur sa tête, elle ne voulait plus rien voir, rien entendre tout en se disant que demain serait un autre jour..Il pleuvait, il pleuvait depuis des jours…et dans cette nuit fatidique un barrage hydraulique voisin s’effondra et elle fut expulsée violemment de son lit….
Depuis son lit est asséché. Pauvre rivière ! disparaître à 50 berges c’est dramatique ! L’incident ne fit pas même la une des journaux.
Grain de folie
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts
Et de ne refléter que le soleil et la lune
Elle décida donc de sortir de ses gonds
Et de franchir le rubicon
A 50 berges il était vraiment temps
De réfléchir d’autres horizons !
Son rêve le plus secret ?
S’offrir une cure de béton
De ciment, de macadam
Et même du tarmac des avions.
Marre des ricochets
Des libellules, des papillons
Marre des pêcheurs à la ligne
Des brochets, truites et autres gardons
Au diable les plantes aquatiques
Qui l’empêchaient de respirer
Elle voulait s’acoquiner
Avec une tribu de végétaux
Très spéciaux. ..
Tous en plastique!
Mais que lui est il arrivé ?
Eh bien marre d’être moquée
-Tu l’as vue là -bas se la couler douce ?
Mais maintenant tout ça c’est fini
Marre, marre, marre
Elle va larguer les amarres
Épouser une autoroute, la mettre dans son lit
Et définitivement changer de vie !!
JOLIE CETTE RIVIERE QUI SE LA COULE DOUCE
Très chouette et poétique ce Grain de folie
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts. Elle n’avait jamais roulé sa bosse juste des galets. Elle n’avait pas d’amis, des compagnons maussades, ses affluents qui la boudaient, parce qu’elle les avalait. Elle se fit belle, elle n’était plus toute jeune. Elle enfila des bas soyeux, elle lissa les algues, ses cheveux. Elles vaporisa une senteur marine. Elle devient ondine et se colora d’opaline. A son passage les regards se liquéfiaient. Elle alla jusqu’à la mer en longeant la rive. Elle voulait rencontrer des sirènes, des naïades, se faire des amies. Allongée sur la plage elle fit venir un faune et un feu follet. Celui-ci entreprit de flirter et sans y prendre garde d’un baiser énamouré il souffla notre rivière qui devint vapeur, buée et disparut dans les airs
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts,de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir.Il était temps,elle approchait les 50 berges.
Elle confia son désir à son compagnon le courant qui la guidait fidèlement depuis toutes ces années.
Au début de leur rencontre c’était beau,ils découvraient.Ils étaient fougueux,traversant saisons et lieux avec l’ardeur de leur jeunesse.
Aujourd’hui,le plaisir s’émoussait,du moins pour elle,car lui ne parlait guère,occupé à accomplir avec application sa tâche monotone.
Un matin, la rivière dit au courant:
« Cher ami,je suis lasse de toujours passer par ces endroits que je connais par coeur et qui m’ont vu vieillir. il faut que je me sorte de là.A mon âge,j’ai besoin de repos,de liberté, sinon c’est le burn-out assuré.
– Que préconisez -vous, demanda entre le Puy en Velay et le Chambon sur Lignon, le courant dubitatif.
– Je voudrais sortir de mon lit,voir d’autres horizons,peut-être devenir plan d’eau,lac,ne plus bouger sans arrêt, mais ne sais comment m’y prendre.
Son ami leva les yeux au ciel:
– Lui seul là haut peut vous aider,une bonne inondation et vous ravagez tout sous vos excès.Vous vous choisirez alors un lieu pour couler,si je puis dire,des jours paisibles à stagner quelque part.
– Je veux tenter l’expérience, s’écria-telle,enthousiaste. »
Ils adressèrent un message aux nues qui se mirent en quatre pour déverser sur la région dix jours de pluies diluviennes et ininterrompues.
La rivière gonfla,charria de la boue,des cailloux,les cadavres d’animaux surpris par cette soudaine montée des eaux.Elle s’étala sur des kilomètres carrés et choisit de combler un petit vallon abandonné et aride .
Il coulât un peu d’eau sous les ponts avant qu’il ne reverdisse et devienne accueillant, mais le résultat fut magnifique.
Tous les soirs elle s’endormait dans les bras de son tendre vallon.Ils devinrent un lieu paisible reflétant le soleil puis la lune,recherché par quelques pêcheurs à la ligne qui gardait jalousement le secret de ce havre privilégié.
Il lui fallut bien du courage de patience et de confiance pour atteindre enfin l’océan
Là elle devint invisible
Plus de berges
Plus de méandres
Plus de grandes herbes s’enracinant sous elle
Plus de rochers freinant sa course
Juste la liberté d’être et de s’étendre
Fluide libre
Enfin grande …
Rose
Le rejoindre à tout prix
Le Grand Fleuve
Lui si passionné
Elle languissante
Elle vit une cassure sur sa rive gauche
Et s’engouffra, confiante, glissant vivement entre l’herbe haute
Puis trouva un passage souterrain et disparu
Il lui fallait tenir hors d’haleine jusqu’à lui
Son Grand Fleuve
Elle le vit tout brillant très fluide tes beau
Et calmement elle se mela à ses eaux vertes
Pour toujours
Blanche
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les 50 berges. _Tu fais quoi fillette, lui lança Emile Bourdu de sa voix rauque de fumeur de cigarillos bons marcher?Tu t’en vas ou comme ça, hein! Dis tu te crois maligne là, et puis quoi! Misène la douce rivière l’écouta et paresseusement exulta. Quoi on la voyait faire! Quoi on espérait d’elle un semblant de quoi au fait? Misène s’obligea à continuer son délassement et s’empourprant de vase rose elle continua sur sa lancée. Belle, comme elle était belle malgré ses cinquante berges… Ferdinent Alongé se moqua ouvertement en lui donnant du M’selle et en lui fredonnant une vieille rengaine qui la fit mousser._T’en fais pas douce rivière ,Oh Misène la légère, nous serons toujours là et à ton retour de nouveau brûleront nos chants d’amour…Oh Miène la douce, quand tu reviendra chargée de limon fertile,nous pauvres drilles de bons coeurs resterons à tes côtés afin de bercer tes marmousets…Elle l’éclaboussa et d’un formidable bouillonnement sortit enfin de son lit.Libre, elle se voyait enfin libre et courant ou plutôt glissant aveuglément en fredonnant elle se retrouva soudain encerclée. Un extraordinaire torrent se joignit à elle, exultant, elle se colla tout contre lui et rose de satisfaction se laissa emportée.Le lit tumultueux était si doux qu’elle ne voulait en sortir quand au gré d’un étroit passage ils furent séparés. Hurlant sa rage, elle fut noyée par le fleuve et sans complaisance pour elle…il l’a poussa fortement. Elle ondula et pleurant de dépit rejoignit son lit. Les deux hommes pleurèrent avec elle,mais, dans leurs coeurs de pêcheurs…ils étaient tout heureux de retrouver leur délicate rivière.
Elle était née toute petite, quelques gouttes, à peine un filet d’eau, le «ru» que l’on croise souvent dans les mots… croisés. Si discrète que personne n’avait songé à lui donner un nom. Puis, chemin faisant, de cabane en cabane, de hameau en hameau, de bourg en bourg , de ville en ville, et d’année en année, elle avait pris du poids.
Elle profita de la traversée d’une calme plaine, pour jeter un coup d’œil dans le miroir du ciel, elle fut stupéfaite d’y voir à quel point elle avait grossi. Il est vrai que ses flots étaient devenus turbulents, ils claquaient fort sur les rochers, descendaient à toute blinde chevauchant les petits rapides, déployaient un tumulte si violent en dévalant les cascades qu’elle en restait sourde durant quelques kilomètres.
Passant près d’une école, elle entendit qu’on parlait d’elle, qu’on lui avait donné un nom, et qu’on l’avait même inscrite sur la carte des cours d’eau punaisée au tableau. Elle fut si stupéfaite du patronyme dont on l’avait baptisée qu’interdite et choquée, elle stoppa un instant pour reprendre sa respiration.
On l’avait appelée « la Dondon ». Elle entra dans une rage folle. Elle n’en revenait pas. La Dondon, non mais, et puis quoi encore ? Ils ne savent pas à qui ils ont affaire !
Elle attendit que son amie la Lune se lève pour lui demander conseil sur la suite à donner à ce baptême antidémocratique, insultant et qui lui faisait honte. La Lune lui demanda un peu de patience, la priant de lui laisser le temps de tenir conseil avec les planètes les plus proches et quelques étoiles stars du zodiaque. Dès l’aube, la Lune avant de céder sa place au Soleil, rendit le verdict des sages de la galaxie : « Nous, éléments du Ciel et de la Terre, sommes déterminés à ne plus être asservis par les hommes. Toute appellation déplaisante arbitrairement imposée appellera vengeance. »
Exactement la permission qu’elle attendait. Renforcée et désormais placée sous la protection des astres, elle demanda à la Lune de jouer de son influence notoire afin de déclencher une Dépression, laquelle ne se le fit pas dire deux fois et se réjouit de venir donner un coup de main à sa petite sœur vexée.
Alors, le ciel, noircit, gronda, tonna, éclata, tomba sur les têtes, éclaira de tous ses feux. Des trombes d’eau inouïes se déversèrent à plaisir : noyer, noyer, encore noyer et rien d’autre. La Dondon enfla, gonfla, déborda, et se roula dans ses propres flots avec délectation. Elle ricanait « vous allez voir si je suis grosse Dondon ou pas … »
Elle épargna les poissons de rivière parce qu’elle aimait bien en avaler un quand elle avait un petit creux. Mais elle lamina les bateaux-lavoirs avec leurs lavandières, les éclusiers, les tâteurs de goujons, les mouches et leurs pêcheurs, les canoteurs, les caboteurs, les mariniers, et sous les ponts balaya tous les clodos.
Elle prit soin cependant de n’engloutir qu’une maison : l’école du village par la fenêtre de laquelle avait filtré l’infamante injure.
Quand elle fut satisfaite, repue et épuisée d’avoir fait tant de dégâts, elle adressa un grand salut à son amie la Lune et envoya quelques baisers à la Dépression son alliée. Apaisée, elle retourna dans son lit : ce n’était pas encore aujourd’hui que par humiliation elle irait se suicider en se jetant dans le barrage.
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les 50 berges.
Normal, quand on arrive au delta. Dégringolée de la montagne, elle n’avait pas tout mesuré du précipité de sa vie.
Parvenue dans la plaine, elle avait freiné ses instincts. Quelques poissons remontant furieusement le courant lui avaient peut-être suggéré que tout n’était pas si clair en bas. Que les flamants rose ne cachaient pas tout des boues rouge.
Des relents salés et poisseux lui remontaient avec les vents du sud. Ca ne puait pas vraiment mais ça sentait mauvais.
Il fallait tenter de se faire oublier, de se peaufiner jolie, de se présenter calme, de prendre son temps, le partager avec les autres.
Au début, elle sortit de son lit, sur la pointe des pieds en évitant de froisser les draps des pâtures.En caressant les pattes des vaches dans le bon sens des poils de leurs maîtres.
Sans bousculer les arbres non plus. En leur donnant la possibilité de s’acclimater à cette nouvelle humidité bienveillante. Leur proposer un bain de siège plutôt qu’un encerclement brumeux.
Y accueillir des oiseaux, retenir leur passages, leur proposer des îlots de tranquillité, des nids possibles, pour expliquer encore et encore aux hommes qu’on pouvait se nourrir le la nature sans s’en bâfrer.
Que ca valait le coup de sortir de sa couche, matelas d’inconscience et d’oubli, de se lever un peu plus tôt, de s’appliquer sur toutes nos toilettes.
Et qu’entre les bancs de sable et ceux de pierre, il serait possible d’asseoir quelque chose de plus fluide.
J’aime beaucoup l’idée du delta. Je me suis toujours demandé ce qui amenait un fleuve à se lâcher de la sorte. La crise des 50 berges, bien sûr !
Qui l’eut crue ?
À peine eut-elle ouvert la bouche, de dégoût, elle déversa sur le champ une vague d’immondices qu’elle charriait en son fond depuis trop longtemps.
Sur le pont, un homme impuissant regardait le désastre se produire, quand sur chaque rive, les agents de rivière n’osaient imaginer le pire.
« Il faut refaire le barrage, putain ! » hurlait l’un d’eux en courant en amont de la rivière.
« Facile à dire, tu as vu la pression dessus ? Ça ne tiendra plus très longtemps ! » lui répondit un expert en la matière.
« On n’a pas le choix, lui rétorqua le premier. Il faut qu’il tienne ! »
Tous oeuvraient énergiquement sur la vieille construction qui avait plus de trente ans, limitant les dégâts.
Mais la rivière battait déjà la campagne. Les terres sans consistance cédaient sous les vagues nauséabondes qui emportaient les premières stations d’épuration.
Elle était sortie de son lit, d’un bond, et avait prit tout le monde de cours. Elle allait faire le ménage.
Elle était rivière, elle rêvait en secret de devenir océan, avec une arche à la taille de la France sur son dos qui recomposerait le monde à son image. Telle était la prophétie du créateur, son père.
La montée des eaux s’affirmait, mais tout le monde s’était retroussé les manches.
« Le barrage tiendra sans doute jusqu’à dimanche, mais je ne lui donne pas cinq ans de plus. » dit l’expert, les pieds dans l’eau.
(Désolé, mais mon imagination est un peu polluée en ce moment)
Moi, ça m’a fait sourire….toujours ça de pris!
« Bon » we!
Oui c’est déjà ça. Merci.
Gardons le sourire et le we sera bon.
Dormante sous les vents elle répandait ses voiles ses rêves en émergeant lissaient les bancs de sable ses plis se reflétaient au hublot du grand ciel des rides superficielles parfois apparaissaient enrosée le matin sous le soleil mutin…
Un jour elle décida
D’abandonner son lit
A d’autres candidats
Et les eaux elle perdit
Dormante sous les vents
elle répandait ses voiles
ses rêves en émergeant
lissaient les bancs de sable
ses plis se reflétaient
au hublot du grand ciel
des rides superficielles
parfois apparaissaient
enrosée de matin
sous le soleil mutin…
Un jour elle décida d’abandonner son lit à d’autres candidats…Et les eaux elle perdit
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune
et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les 50 berges…
Ce n’est pas trop difficile, il lui suffit d’envoyer un clin d’œil coquin à ses amis, et les nuages se précipitent, et la montagne se soulage de sa neige.
Et d’abord, elle grossit, s’enfle, telle la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, elle se sent bouffie et laide, telle la star au sortir de la salle d’opération, elle se dit « il faut souffrir pour être belle » et persiste dans son projet.
Quand, enfin, ses digues cèdent, elle peut respirer en s’étalant mollement sur la plaine, noyant tout sur son passage, s’étalant sur les prés, les bois, les maisons, contournant les collines pour voir ce qu’il y a, plus loin. Elle jouit alors d’une extraordinaire sensation de plénitude, enfin.
Et tant pis pour ces cris de désespoir que lancent les hommes qui l’admiraient du temps qu’elle était sage, et maintenant la détestent : ivre de liberté elle n’a que faire de leur amour.
Et tant pis pour ces animaux, qui venaient si dociles boire dans son lit gazouillant et lui raconter amicalement ce qui se passait dans les bois, au pré ou à l’étable. Maintenant, fous de terreur, ils la fuient comme la peste.
Et tant pis pour les poissons, eux aussi déboussolés, qui tournent en rond, et, ayant perdu tous leurs repères, s’échouent lamentablement sur ses nouveaux rivages inconnus.
Et tant pis pour les arbres majestueux et rassurants, qui veillaient sur son parcours et la guidaient doucement vers sa fin naturelle, et ne sont plus que buissons égarés dans son désert liquide.
Petit à petit, le doute s’installe dans sa conscience éparpillée : elle ne se reconnait pas dans ce nouveau contour informe et instable, et se sent en danger dans cet environnement qu’elle ne maitrise plus : est-elle encore une rivière digne de ce nom, ou une flaque informe et dévastatrice ?
L’amour et l’amitié de la nature environnante commencent à lui manquer, et surtout, sa déception est immense :
Elle reflète toujours autant le soleil et la lune, mais maintenant de toute sa surface infinie, et eux, toujours fidèles à eux-mêmes, sont devenus aussi envahissants qu’elle-même : ils sont omniprésents. Rien n’a vraiment changé.
Une fois de plus, la nuit avait été agitée. Ça coulait pas de source cette idée de se faire la belle. Quitter son chenal, certes, mais c’est qu’il y avait de la route jusqu’à l’embouchure !
Pourtant elle rêvait de plus en plus souvent de jouer des méandres. Grimper sur la colline et dévaler la pente tel un bon gros torrent. Se lâcher en hurlant, jaillir comme un geyser. Montrer enfin sa vraie nature sauvage. Adieu ablettes alanguies sous l’œil des pêcheurs somnolents. Trop longtemps reléguée en deuxième catégorie, elle jouerait désormais dans celles des sportives réputées. Adulée par de jeunes et fringants kayakistes en mal de sensations fortes qui viendraient de très loin batailler sur ses rapides, se faire des frayeurs et ravir des médailles.
– J’en ai un !
Sortie brusquement de sa rêverie par un gamin piaillant, elle le regardait tirer vaillamment sur sa canne. De la future graine de terre-neuvas, pas peu fier de ramener sa pêche pour midi, le minot !
Elle sourit, se disant qu’après tout, on était pas si mal que ça ici. Et pour le grand voyage, il serait toujours temps demain, après-demain…
Bon week-end, Christine
A la source elle était joyeuse et insouciante. Elle courait dans les champs et s’infiltrait sous les roches. Le ruisseau avait grandi en courant vers un torrent fougueux qui dévalait les pentes comme un chenal fou. Après avoir suivi quelques cours magistraux, sa jeunesse rapide s’était écoulée de ravins en vallées sans aucun barrage. Elle avait su éviter les marais cage et n’était jamais restée à cours d’eau afin de ne pas tomber dans un étang sans avenir. Elle avait cru aux romans fleuves qui lui offraient différents débouchés, subissant l’influence des affluents qui l’appelaient. Insouciante, elle avait écouté la truite de Schubert et la Carpe d’Apollinaire, elle avait dansé sur le lac des cygnes et avait pardonné le vis des écrevisses qui venaient pique-niquer un peu trop souvent sur sa nappe phréatique.
Mais un jour un saumon très remonté lui avait comté la folie de l’homme. Des hommes qui, de gué ou de force, envahissait ses berges pour abîmer son eau limpide et brimer sa liberté de mouvement. Elle avait toléré ses moulins et ses forges mais son industrie chimique l’avait rendu malade. Depuis ses 40 berges elle avait mal au bassin et son haleine était chargée d’alluvions empoisonnés. Les nitrates et pesticides que l’homme lui imposait la rendait dépressive.
Elle en avait mare. Il fallait qu’elle se mettre en colère avant que son grand âge ne la fasse sombrer dans les méandres de sa fin de vie, vers son retour à la mère. Avec l’aide de ses amis le vent et la pluie, elle voulait une dernière fois redevenir sauvage. Elle voulait déverser sa fureur sur les riverains endormis, les inonder d’un message alarme, d’un massage à larmes sur ce qu’ils perdaient à causes de leurs excès. Elle savait que d’autres rivières, des fleuves peut-être, suivraient bientôt son exemple.
La nature a de la mémoire et ferait payer cher à l’homme son manque de respect pour elle.
Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune
et quelques pêcheurs à la ligne.
Elle décida de sortir de son lit.
Il était temps, elle approchait les 50 berges…
Comme toute belle femme, elle trichait sur son âge.
Elle prétendait en minaudant qu’elle n’avait que deux berges, pas une de plus.
La plupart des gens étaient certains du contraire, et en particulier les pêcheurs installés sur les îles au milieu du courant.
« Ma chère, vous oubliez les îles et les bras morts », lui disait-on souvent.
Mais cela n’a jamais pénétré dans les méandres de sa mémoire.
Jusqu’au jour où elle a commencé à se sentir mal à l’approche du delta : elle a senti comme un éclatement de sa pensée car elle savait que sa fin était proche.
Alors elle est allée voir Shiva, une notaire aux cinquante bras, pour qu’on se souvienne de ses dernières volontés :
« Je voudrais que mes cendres soient réparties au milieu de l’océan ».