1 avis sur écrit souhaité par Colette Bonnet
J’avais déjà un avis sur la couleur des choses
On ne m’avait pas demandé mon avis sur la couleur du papier peint de ma chambre.
Pourtant j’avais dix ans et, j’avais déjà un avis sur la couleur des choses ! Surtout, quand il s’agissait de ma chambre, mon repaire identitaire, royaume protecteur de mes rêves !
Mon cher royaume, c’est un beau jour en rentrant de classe, que je te découvrais tout neuf mais, plus à moi. Une impression de souillure malgré ta nouvelle peau. Mais, je t’aurais voulu à ma manière, des fleurs, des fleurs comme s’il en pleuvait pour faire éclater ma vie au champ d’Alice !!
- Va voir ta chambre me dit mon père, c’est une surprise !
J’entrouvrais doucement la porte pour découvrir ton nouveau look printanier : Du vert partout ! Un vrai terrain de golf mais sans balle magique !! Du vert à vous badigeonner un printemps sans fête ! Mais, il y manquait les roses, les lys et leur parfum ! Moi j’y aurais mis sûrement des papillons, des oiseaux pour la légèreté du cœur, c’est vital !
- Alors ? Tu ne dis rien ?
Je regardais prostrée dans un mutisme défaitiste ce bocal vert asséché, sans lagon et sans large. Tu n’étais plus à moi ! Tu n’étais plus à moi ! Nous ne nous appartenions plus !
- Mais, enfin, tu trouves pas ça joli ?
Je restais toujours sans réponse, adieu mes ponts invisibles pour enjamber mes peurs les soirs de haute mer ! Adieu mes évasions incrustées comme secrets aux murs des rêves ! Murs colorés de mes rires, de mes pleurs, de mes déroutes d’enfant voyageur ! Ils étaient si importants ces voyages après les dures sanctions à l’école !
J’avais déjà un avis sur la couleur des choses…
- Pourtant ta mère et moi on croyait te faire plaisir ! Et puis tu sais, il a coûté cher ce papier !
Il n’y a pas de meilleur plaisir que le prix de la liberté ! Avec le vieux papier peint de la couleur de mes larmes, je m’y retrouvais ! Ce vert avait beau être vert, il y manquait tous les désirs de mon enfance. Il fallait donc que je reparte à zéro, m’en réinventer d’autres pour le seul plaisir des yeux parental ?
Ah ! Lui offrir une si belle chambre ! Et voilà la reconnaissance !!
La couleur de la chambre ne se mesure pas à la reconnaissance.
J’avais déjà un avis sur la couleur des choses…
Alors, le soir dans mon lit qui avait perdu lui aussi son moelleux, je réinventai un royaume à ma façon. Je me levai, tirai pinceau et gouaches de ma sacoche et esquissai sur ses murs une symphonie printanière qui allégea mon sommeil et mes rêves !
Le matin avant de repartir pour l’école, je fermais ma porte comme on ferme un secret, mais, le soir en rentrant :
- Qu’est-ce que t’ as fait ? Le papier peint, il est foutu !
J’avais déjà mon avis sur l’empreinte des choses…
on devrait refiler le papier « pain » aux copains herbivores de l’exercice créatif 211
Très sympa. Les mots glissent tout seul.
Beaucoup de sensibilité. Un vrai plaisir dans la lecture.
Au final, j’adore…
Merci Colette
Merci à vous Gepy!
J’aime beaucoup, on ressent bien le désarroi de cet enfant au vu de son domaine saccagé. L’incompréhension parent/enfant car ils ne sont pas sur la même longueur d’onde.. Effectivement qui ne s’est pas retrouvé un jour dans une situation similaire. Grande douleur infantile !
Quel est l’enfant qui ne reproche rien à ses parents ?
Merci pour ce moment suspendu. Mon attention et mon émotion ont été d’emblée mobilisées par votre texte. Et elles se sont maintenues jusqu’à la fin. De très belles images, des trouvailles poétiques. Bravo, danielle
« Du vert à vous badigeonner un printemps sans fête ! »
J’ADORE CETTE PHRASE . ELLE VA COLORER MA JOURNEE
« J’avais déjà un avis sur la couleur des choses »
TRES BONNE IDEE CETTE REPRISE POUR PONCTUER LE TEXTE
J’ai voulu cette répétition pour donner plus de force à mon texte. Merci sincèrement.
Très beau texte qui nous replonge tous dans des évènements plus ou moins similaires vécus pendant notre enfance.
Quant à Jean Marc, il rêve, il somnole, il est plongé dans les mystères du papier de sa chambre. Chut !!!
Merci sincèrement.
Bonjour, très joli texte, sensible et qui nous ramène à l’enfance et à ses « grosses » peines. Pourquoi ne pas essayer de l’écrire au présent : c’est une « astuce » soufflée un jour par Pascal qui donne au texte un aspect encore plus vivant. Mais ce n’est qu’une suggestion. Bravo et merci de l’avoir partagé. Christine
Merci pour votre commentaire Christine et aussi du conseil.
bonjour,
Votre texte est très beau. La surprise qu’avait voulu vous faire et qui vous fait venir les larmes au lieu de la joie Une chambre est un refuge ou les parents n’ont pas leur place. Je suis fille unique et ce lieu était vital pour moi. J’écris depuis l’âge de 16 ans et j’avais besoin de ce lieu qui a tout vu : mes joies, mes peines . Heureusement pour moi, mes parents ne m’ont jamais ce coup là.
Mais je trouve bien amusant la petite revanche que vous avez eu et imagine leur consternation en voyant les modifications que vous avez peint.
Mireille
On n’avait pas droit de parole. Mais… Merci Mireille.
Alors, Jean-Marc? Pas encore levé?
Bonjour Colette
Vraiment, rien à dire sur votre texte! J’ai trouvé ce texte très joli, il m’a tenue d’un bout à l’autre, je le trouve bien écrit. Toutes ces rêveries que vous trouviez dans l’ancien papier peint me ravissent. Ce petit drame (mais grand pour cet enfant!)est décrit sobrement.
Votre texte me plaît beaucoup.
De plus qu’il me ramène à ma chambre d’enfant, que je partageais avec ma soeur: il y avait du papier à petites fleurs roses, de la moquette rose, des couvre-lit roses. J’ai aujourd’hui 46 ans, je déteste toujours autant le rose!!!
C’est vraiment du vécu! Je ne vous dis pas la suite, la punition! Merci pour votre commentaire.