Un bon texte a une belle voix
Tout à un rythme, une cadence, un tempo : les jours, les saisons, les marées, la respiration, notre coeur…
Le rythme est comme l’air, on le retrouve partout, et naturellement dans l’écriture.
Un texte a une voix musicale.
Il fredonne en cadence, on l’entend dès les premières lignes.
C’est elle qui invite le lecteur à marcher main dans la main avec l’auteur.
Moi qui suis dyslexique et incapable de retenir les règles de grammaire, je n’ai que mon oreille pour construire mes phrases, pour savoir si elles grincent, piétinent ou swingent.
Quand vous relisez un de vos textes, écoutez-le chanter, entendez son timbre, vérifiez s’il parle d’une même voix. Une fois lu, fermez les yeux et entendez-le résonner ; chaque texte a son souffle, chaque phrase sa respiration, chaque mot son soupir.
Dans les bons textes, il y a du tempo, c’est toujours la fête de la musique.
Ceci dit, soyez prudent avec la musicalité d’un écrit, elle peut être militaire…
Veillez à ce que vos phrases n’aient pas revêtues « l’uniforme » et ne soient agencées militairement. L’adjudant Syntaxe fait rarement bon ménage avec la créativité.
La musique a sept lettres, l’écriture a vingt-cinq notes.
Citation de Joseph Joubert
Lorsque nous écrivons les mots murmurent quelque part dans notre tête et cette musique intérieure est une aide précieuse pour qui sait l’entendre.
Se laisser guidé par la sonorité des mots sans les intellectualiser est un moyen de faire chanter et respirer la langue.
Ce » laisser faire » est une approche de l’écriture automatique.
Là où s’arrêtent les mots commence la musique » Haydn
Est-ce qu’on peut dire qu’un texte a une voix ? La voix serait plutôt celle de l’auteur. Mais si l’auteur s’en va que devient son texte ? Si le texte est bon, il sera trouvé par une autre voix. Si le texte n’est pas bon, il se perdra. Le texte est donc le reflet de la pensée. Peu importe les règles qui la véhiculent, si la pensée est belle, elle restera.
» Pour ma part, si j’ai plus réussi dans le roman, c’est juste lié au fait que j’y ai consacré un peu plus de temps qu’aux autres formes d’art car j’ai une pratique quotidienne de l’écriture, à hauteur de plus de quatre heures. Mais je crois surtout que toutes les formes d’art se nourrissent mutuellement : je ressens les émotions au travers de la musique et cela engendre aussi une musique des mots. »
Bernard Werber, auteur
« Un corbeau perché sur un arbre » et « Maître Corbeau, sur un arbre perché »…
Dans la première formulation, la syntaxe est linéaire, la compréhension immédiate. Elle ne l’est pas dans la seconde qui nous demande un moment de réflexion pour comprendre que ce n’est pas l’arbre qui est perché.
La poésie, le genre sans doute le plus « libre » de la création littéraire, dispose d’une belle marge de manœuvre pour jouer avec l’ordre établi par les syntaxes, grammaticales, politiques, idéologiques – les trois sont en relation.
Vous avez raison, nous avons chacun notre rythme propre, scandé par les battements de notre cœur, la pulsation du sang dans nos artères.
Son expression, en littérature comme en musique, comme en biologie, suppose une connaissance et une pratique de règles. Sans elles, le rythme n’est que désordre. Une fois acquises, on peut – on doit ? – les « oublier » (cf. l’inversion de « perché » dans le vers de La Fontaine) pour une expression, plus ou moins réussie, mais forcément originale, de soi.
La grammaire – je ne parle pas de la manière dont elle est enseignée, ce qui est un autre problème – (donc la syntaxe), a ceci d’intéressant qu’elle est l’expression de la vie d’une collectivité, avec sa logique, ses cohérences, ses contradictions, son inconscient, ses anomalies, ses exceptions…
Bonjour et merci pour ce commentaire très pertinent. En ce qui concerne la connaissance des règles, certaines personnes peuvent s’en passer. Django Reinhardt, guitariste de jazz, n’avait que quelques notions de solfège (selon la légende…)
Je pense aussi qu’écrire c’est savoir s’affranchir des règles, non pas de facon systématique, mais quand il le faut. Quand on a quelque chose à dire et qu’écrire devient une nécessité pour l’auteur, il n’a que faire des règles. Seules la créativité et la musicalité comptent. C’est pourquoi l’exemple de Django Reinhardt en est une parfaite illustration !
» Le neuroscientifique Daniel Levitin assure que notre cerveau possède une compétence incomparable quand il s’agit de mettre en relation des structures aussi complexes que la musique. Nous sommes ainsi capables de reconnaître instantanément le même air dans deux chansons différentes, ce dont les ordinateurs sont incapables » Source : Magazine Books, été 2010
Ça alors….
Je ne doute aucunement de cette théorie avancée par un neuroscientifique, mais j’en tire des conclusions très …. embarrassantes pour moi!
Ainsi donc, je dois avoir un ordinateur à la place de mon cerveau car je ne m’étais jamais rendue compte que « O sole mio » et « It’s now or never » étaient le même air….
Et encore moins « La lettre à Elise » et « Tout l’amour que j’ai pour toi; de Dario Moreno… »
Sans oublier « Les milles colombes de M. Mathieu » et « Casta Diva de Bellini »…
Un texte littéraire n’est certes pas écrit comme une sonate de chambre, mais il a, quand l’auteur est bon, sa propre musique, c’est évident.
Bonjour Pascal,
Je vous prie de m’excuser d’avoir envoyé des lignes en dehors de votre blog. Comme je viens de le découvrir, tellement heureux d’avoir fait sa connaissance que j’ai eu le sentiment d’avoir loupé des cours, alors dans la joie de vouloir rattraper, je suis passé par la marge.
Merci et bravo pour l’idée de ce blog !