Tintin au frigo…

Notre époque est-elle moralement supérieure aux précédentes ?
Depuis quelques années, une tendance s’est imposée en occident : réécrire ou “nettoyer” les œuvres littéraires du passé pour les adapter aux sensibilités d’aujourd’hui.
On traque les remarques sexistes, les stéréotypes raciaux, les blagues douteuses, les attitudes machistes, tout ce qui peut heurter un lecteur contemporain. Ce phénomène est très souvent associé à la “cancel culture”.
Prenons l’exemple bien connu d’Agatha Christie. Son célèbre roman Les Dix petits nègres a été rebaptisé Ils étaient dix, afin de supprimer un titre aujourd’hui considéré comme offensant. Tintin proscrit dans des écoles, etc. Certains applaudissent au nom du respect et de la dignité humaine.
Personnellement, j’y vois une forme de censure réécrivant l’histoire sous prétexte de bonne conscience.

Écrits, alors que les normes sociales différaient beaucoup des nôtres, les romans policiers sont particulièrement visés.
De talentueux auteurs, comme Simenon, Frédéric Dard ou Chandler, peuvent faire les frais de cette relecture morale. On efface une remarque misogyne ici, un personnage un peu trop stéréotypé par là. Le tout sous couvert d’inclusivité ou de vertu. Mais à quel prix ?
Derrière cette volonté de rendre les textes plus acceptables, certains coupeurs de mots en quatre, ont un mobile plus prosaïque : l’argent.
En expurgeant les passages jugés problématiques, on s’assure que les œuvres restent commercialement viables.
Mieux encore : si les droits d’auteur sont tombés dans le domaine public, un éditeur peut proposer une version actualisée, propre à séduire une nouvelle génération de lecteurs, tout en empochant les bénéfices d’un classique remis au goût du jour.
C’est à croire que notre époque est moralement supérieure aux précédentes ?
Peut-on juger les œuvres du passé avec les yeux du présent sans trahir leur essence ? Faut-il purifier les textes pour les adapter à une société qui croit détenir la vérité, au risque de gommer leur valeur historique, littéraire, voire subversive ?

Pourquoi s’arrêter aux livres ?
On pourrait, tant qu’on y est, restaurer certains monuments historiques en ôtant les sculptures jugées trop sexuées ou suggestives ? Pareillement pour les tableaux, quand les femmes sont trop déshabillées. Ou comme un village, proche de chez moi, détruire une croix en pierre susceptible de déranger une minorité.
Allons-nous réécrire nos dictionnaires pour éradiquer les mots à double sens, ou bannir les expressions issues de contextes culturels différents ?
Voire imposer un code du propos, et verbaliser tout propos indécent, désobligeant, grivois, inconvenant, libre, méprisant, obscène, pittoresque, puéril, salé, etc.
À force de vouloir tout remettre au propre, on fabrique une mémoire aseptisée, inodore, sans aspérités. Le passé n’est plus qu’un miroir poli de notre propre époque.
Ce grand nettoyage moral pose une question essentielle : voulons-nous comprendre le passé ou le réécrire ?
La littérature, comme l’art en général, est un témoignage de son temps, avec ses défauts, ses limites, ses outrances.
On ferait mieux d’apprendre à nos enfants, comment aborder avec distance et un esprit critique, ce que nos ancêtres ont créé. D’en extraire une richesse plus profonde que celle d’une version corrigée pour plaire aux sensibilités du moment.
Le monde est-il devenu fou ? Pas nécessairement. Mais il semble parfois avoir oublié que le respect de la mémoire et de la complexité humaine demande plus d’intelligence que de gommes ou de paires de ciseaux.
Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com
Toute idéologie – et l’Histoire l’a démontré – a quelque chose de dangereux. Elle s’inscrit souvent dans la fracture, suscite des divisions, attise la haine. Elle a ses dogmes, ses prédicateurs, ses inquisiteurs, ses bûchers.
Toute idéologie a le masque de la vertu. Mais sa signature est le sang.
Tout à fait !
Bonne journée Béatrice !
Que d’amertume m’sieurs-dames… Que d’amertume!
Sachons aussi arrondir les angles et rester humbles:-)
Cela me fait penser à la période nazie durant laquelle les tableaux représentant, à leur yeux, l’art dégénéré étaient interdits…
Pour appréhender ce phénomène de disparition, il est nécessaire, je crois, de s’inscrire dans le temps long.
Des révolutionnaires ont guillotiné le roi représentant la tête de la Nation. Le même mouvement « intellectuel » voudrait gommer nos racines et notre souveraineté afin de nous manipuler. Comme s’il détenait la vérité !
Que faire contre un pouvoir faible et égocentrique qui ne sait pas ou ne veut pas protéger son peuple et qu’il taxe d’impôts le plus au monde ?
Au « Pays des Droits de l’Homme », il faudrait peut-être ce qu’est la laïcité et la liberté d’expression qui restent des notions vagues.
Ce qui revient à dire que c’est à chaque Français de s’affirmer en tant que tel, sinon la France va disparaître.
Que léguerons-nous à nos enfants ?
Définir ce qu’est la laïcité et la liberté d’exprsionn, si d’un autre point de vue on empêche les enfants de s’exprimer c’est contradictoire.
Merci pour ces réflexions, j’y adhère totalement. Je vais reprendre vos propos dans mon blog, en vous citant évidemment. Sauf si vous ne le souhaitez pas.
Cet effacement de ce qui peut choquer évoque ce que des auteurs de dystopies ont voulu dénoncer. Et on tend vers cela. C’est triste et alarmant. .
Vouloir « purifier » les écrits n’est à mes yeux que la preuve de notre couardise et notre fainéantise cérébrale.
On apprend du passé pour aller vers le futur, en évitant les erreurs et en tenant compte de toutes les sensibilités.
Mais au vu de ce qui se passe actuellement dans le monde, c’est pas gagné, loin de là. Cela ressemble davantage à un rétropédalage.
Faudrait-il prévoir un autodafé ???
De mon côté je n’ai pas de mot assez fort pour dire combien je suis scandalisée, écœurée, par ce mouvement de nettoyage d’une prétention incroyable ! Qu’ils en écrivent qu’ils leur conviennent mais qu’ils ne touchent pas à ces trésors de la littérature.
D’abord qui sont-ils ces « Ils »? Où sont les défenseurs ? Pourquoi ne les entendons-nous pas ? À bientôt un cache-sexe au David !
Ton Tintin au frigo m’a beaucoup intéressée je pense qu’il faut laisser le passé au passé mais en tenir compte. Repartir sur des bases nouvelles, plus actuelles si on se sent bien dans notre époque. Cependant il y a nombre de livres et films qui relatent l’histoire… Même ‘s’ils’ le veulent, ce ne sera pas possible d’oublier Versailles ni les femmes nues sur les tableaux des ‘ Fauves ‘ sinon un jour, on gommera aussi le noms des couleurs au prétexte qu’elles correspondent a une teinte de peau ! Voilà l’été tous voudront être ‘bronzés’. Serions-nous si mal dans notre peau ?🐭