Exercice inédit d’écriture créative 106

Mettez-vous à sa place
et racontez l’angoisse d’un parapluie oublié quelque-part.

17 réponses

  1. Clémence dit :

    Mettez-vous à la place d’un parapluie et racontez son angoisse d’avoir été oublié quelque-part.

    Quand je suis sorti de mon Ardèche natale, j’étais superbement beau ! J’étais inédit dans mon habillage : une indienne de Marseille bois de rose. Mon mât était fait d’érable doré et doux et terminé par une poignée à la courbe divine.
    Elle eut le coup de foudre, je n’en suis pas peu fier ! Elle n’a pas hésité une seconde : elle m’a vu, elle m’a pris en main, m’a ouvert, refermé puis ne m’a plus quitté. Nous sommes même repartis bras dessus, bras dessous !

    Dans cette région méridionale jouxtant le Midi, la vie n’était pas trop usante…Juin avec les grandes pluies printanières, octobre avec les pluies automnales…Alors, bien souvent, ma Belle m’utilisait en ombrelle afin de protéger son teint clair.

    Un jour, elle épousa un homme, un grand voyageur. Ainsi, avec ma Belle, nous fîmes de jolis voyages en cabriolet, à la découverte du Midi. Nice, Cannes et Menton étaient des noms qui chantaient à mes baleines !

    Une itinéraire nous emmena dans le haut Var : les curiosités touristiques étaient variées : les champs de lavandes, Moustier Sainte Marie et son étoile, la cascade de Sillans, le musée Terra Rossa en hommage aux fabriques de tomettes à Salernes…
    Salernes…là où naquit mon plus grand malheur : l’oubli….

    Au gré des ruelles de la bourgade et des boutiques, ma Belle me déposa à ses pieds afin de délier les cordons de sa bourse. Elle partit et m’oublia, allongé au bas du comptoir. Personne ne me vit pendant les heures suivantes.

    En fin de journée, je fus ramassé par un quidam. Son épouse ne me trouva pas à son goût et m’abandonna sur un banc municipal.
    Des gamins me choisirent et me transformèrent en cheval, en épée, en bois à bastonnade….
    Je rêvais à ma Belle. J’en étais sûr, elle reviendrait sur ses pas ; elle remuerait ciel et terre…Mes angoisses croissaient au même rythme que mes espoirs décroissaient…

    Je commençai à me rompre quelques baleines puis à perdre mes couleurs. Un coup fatal sapa mon moral : une fissure dans le bois du mât, blanchi et décati…

    J’errais au gré de mes abandons successifs…jusqu’à ce premier de juillet. Je gisais lamentablement à côté d’une poubelle quand, tout à coup, un orage surprise éclata. Une passante me voyant perdu, s’empara de moi pour continuer sa route et se rendre chez le boucher, au coin de la rue.

    Je soupirais d’aise, mes larmes n’étaient pas des larmes de pluie mais des larmes de joies. Enfin, quelqu’un avait de la compassion pour moi, peut-être même un peu d’amour…Je me sentais revivre !

    A peine arrivé à la boucherie, je  dus constater que l’orage avait cessé. Ma « quelqu’une » m’oublia dans un Anduze ébréché…Il ne fallut pas plus de trois jours pour que je retombe dans la triste léthargie de l’oubli.

    Aujourd’hui, lorsque je repense à ces moments, je me dis que cette année fut tout de même exceptionnelle. Mi-juillet, une vacancière du Nord vint passer deux semaines dans le coin. Elle s’intégra bien vite aux us et coutumes, adoptant les habitudes des villageois. Signes du destin ! Un frigidaire vide, des provisions à faire et…un nouvel orage !

    Elle prit, dans sa voiture, un vieux parapluie et se rendit au centre du village. Elle entra dans la boucherie du coin avec son parapluie bleu et blanc. Le boucher, revenant du bar-tabac, rentra aussi avec moi, le pauvre parapluie oublié en indienne bois de rose.

    La vacancière s’extasia sur ma beauté ! Je rougissais dans la paluche du bonhomme. Celui-ci, dans un éclat de rire, dit à la vacancière :
    – Tenez, Petite, je vous le donne, c’est un parapluie oublié. Il fera votre bonheur, j’en suis sûr ! Et puis, il sera plus élégant entre vos mains qu’entre les miennes !

  2. Sabine dit :

    Aïe, aïe, aïe, pauvre de moi. Pourquoi m’a-t-elle oublié dans ce porte-parapluies ? J’étais bien, moi avec elle. Quelqu’un d’autre va me prendre aujourd’hui. C’est certain, je suis chez un coiffeur et il pleut. Une tête bien coiffée et mal pensante va faire semblant que je lui appartiens.
    Un vieux monsieur qui va me laisser pourrir dans sa voiture ? Ou une jeune fille pleurnicheuse qui versera plus de larmes sur moi qu’il ne tombe de gouttes de pluie ? Non, une rombière maniaque qui va m’ébouillanter pour me désinfecter. Ou alors… ou alors…Une surveillante de lycée qui m’utilisera pour taper les élèves qui sortent des clous. Pire, un artiste sculpteur qui va me mettre en mille morceaux pour me remonter en singe de métal.
    Au secours, aidez-moi. Je ne veux pas finir en singe. Au secours…
    ©Margine

  3. Françoise -Gare du Nord dit :

    J’avais été oublié dans le hall d’un grand hôtel de Marrakech. Mais, me diriez-vous, qui a besoin d’un parapluie à Marrakech où la pluviométrie est l’une des plus faibles de la planète ?
    Pourtant, j’avais mon utilité et, aussi paradoxal que cela-puisse paraître, en aucune façon pour protéger mon propriétaire des intempéries.
    Combien de fois n’avais-je été ouvert pour lui sauver la mise ? Cela avait commencé lorsqu’enfant, il avait arraché les ailes de Cri-Cri, le canari de sa grand-mère ? Il m’avait alors convoqué pour la première fois de sa vie. « C’est pas moi, c’est mon grand frère qui m’a obligé ». Ou encore jeune adulte, lorsqu’il avait refusé d’assurer la paternité de l’enfant « Je ne suis pas responsable de la défaillance d’un préservatif ». Dans sa vie professionnelle, je ne chômais pas. Un plan de licenciement? « C’est la crise et la faiblesse de la demande du marché européen ». Une grève ? « C’est la faute des syndicats et leurs éternelles revendications ! ». Une production totalement ratée ? « Encore ces médiocres ouvriers des pays de l’Est ! ».
    Et ce fameux week-end, cette assemblée générale avec les actionnaires de cette multinationale auxquels il avait fallu annoncer une baise vertigineuse des profits. « Nous ne pouvons être tenus responsables de la hausse des matières premières ni de l’agressivité des entrepreneurs chinois».
    En l’imaginant dans quelque situation délicate dans laquelle il s’était empêtré, je paniquais littéralement et étais couvert de gouttes de sueur froide. Comment allait-il faire sans moi ? Moi qui l’avais toujours protégé de sa lâcheté.
    Le temps passa lorsque j’appris, dépité et peiné, qu’il m’avait remplacé. Il avait pris des leçons de tennis et était devenu maître dans l’art de renvoyer la balle.
    Je demeurais, seul et oublié de tous, des années, dans le hall de cet hôtel marocain. Jusqu’au jour où un homme d’affaires anglais me prit. Depuis, ce jour, je vis à Londres où je suis ouvert, chaque jour, qu’il pleuve ou non.

  4. Halima BELGHITI dit :

    Lire « Nous » à la place de « Tous »… Merci

  5. Halima BELGHITI dit :

    La bonne nouvelle c’est que je suis dans une baignoire. J’aurais pu échouer dans l’une de ces horribles choses métalliques où l’on range les parapluies têtes bêches. Et me retrouver dans le noir à l’étroit. Moi qui suis claustrophobe !
    J’aurais pu me retrouver oublié dans un bus, largué dans un métro, abandonné sur le quai d’une gare. Non, elle m’a oublié dans une baignoire. Au départ, nous étions nombreux : il y avait le parapluie vert-pomme d’Isabelle, le parapluie transparent de Louise, le grand noir d’Estelle, le petit pliable de Victor. Et tous les autres que je ne connais pas. Nous étions au moins une dizaine de parapluies dans cette baignoire vide, à égoutter les ultimes perles de pluie qui ruisselaient encore sur nos baleines. Alors, on nous a posé là pour toute la soirée. Puis au fur et à mesure que les gens quittaient la fête, la baignoire se dépeuplait. Tous n’ étions bientôt plus que deux retardataires. Le parapluie rouge d’Hélène et moi-même. Ça tombait bien. Cela fait longtemps que j’en pince pour elle. J’aime sa forme féminine d’ombrelle et son tissus si rouge, si flamboyant qui enflamme mes sens. J’entrepris de lui conter fleurette, de lui déclarer ma flamme. J’espérais secrètement ne me pas prendre une douche froide. A peine avais-je amorcer un début d’approche que l’on vint le chercher pour partir. Adieu petit parapluie rouge de mon coeur. Quand te reverrais-je de nouveau? Je me sus dit qu’Alice finirait par venir me chercher et que l’on rentrerait tranquillement à la maison. Que je réintégrerais le placard habituel bien au sec, où j’irais rejoindre mes potes au milieu des bottes. J’ai attendu, attendu…tellement attendu! Mais personne n’est venu. Alice est partie sans moi. Elle a quitté la fête sans penser à me récupérer. Et je suis là dans cette baignoire glaciale et blanche, déserte, qui soudaine me parait immense. Je sais bien que je ne suis pas perdu pour de bon. Je suis sûre qu’Alice va se rendre compte que je ne suis pas là. Qu’elle va me chercher partout, repenser à tous les endroits où elle aurait pu m’oublier. Je sais que demain, dès que Marie, s’apercevra de ma présence dans sa baignoire, elle rappellera un à un tous ses convives pour trouver mon propriétaire. Mais et si je devais rester là encore longtemps ? Et si Alice, débordée d’activités, tardait à venir me chercher ? Que vair-je devenir ? Ou va-t-on me ranger ? Et si l’on me range, ne va-t-on pas m’oublier ? Qui va se soucier de mon sort ? Qui va entendre ma complainte ? Pas de panique, Ludovic. Inutile d’anticiper. Personne ne s’est encore rendu compte de ta présence pour l’instant. Tu vas passer la nuit, ici, mais dès demain matin, Marie te découvrira. A ce moment-là et seulement alors, tu paniqueras si rien ne se passe. Allons, allons, reste calme Ludo, la nuit porte conseil. Essaie de dormir, détends ton mât, relaxe ton anneau… Et puis au moins, ici tu es à l’abri de la pluie… !

    Halima BELGHITI

  6. Mais elle s’en va ?
    Elle part et me laisse là. Tout seul.
    Le temps que je m’en rende compte, il est déjà trop tard. Elle a disparu.

    En arrivant, elle s’est assise à droite de la pile des magazines. Moi j’étais à ses côtés. On a attendu très longtemps avant que le docteur l’appelle
    Elle s’est levée pour le suivre quand il a annoncé son nom :
    – Madame Pépin ?
    Moi je suis resté à ma place à l’attendre.
    J’attends depuis des heures.

    Il fait chaud dans la salle d’attente. C’est calme. La pluie a enfin fini de tomber. Il règne une obscurité presque liquide avec le nuit qui tombe.

    J’attends sagement qu’elle sorte. Qu’on rentre enfin à la maison.

    En sortant, alors que je suis à moitié assoupi, elle passe devant la salle d’attente à toute vitesse. Sans s’arrêter. La porte claque. Elle est partie sans moi !
    Mon Dieu, comment est-ce possible ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
    Je reste tout seul avec cette stupide pile de magazines. Ils sont tous plus vieux les uns que les autres. Ils ont été oubliés depuis des lustres aussi ceux là ?

    Elle est partie en me plantant là. Tout seul comme un idiot.
    Pourquoi a t’elle fait cela ? Qu’est-ce que je lui ai fait pour qu’elle m’abandonne ? Sans elle, que vais-je devenir ?

    Le docteur m’emmène chez lui, sans un mot.
    Ce soir, je finis la journée chez lui. Au fond d’un vieux cache pot en étain. Ratatiné au milieu d’une multitude d’autres parapluies oubliés…

  7. Peggy dit :

    -Zut où j’ai bien pu mettre mon parapluie ?

    – Je suis là, sous la commode, c’est ton satané voyou de fils qui m’a caché et oublié là. Viens vite me chercher, vite s’il te plaît. Je n’en peux plus. La femme de ménage passe l’aspirateur, mais le meuble est trop bas, elle n’arrive pas à m’atteindre. Je crie sans voix, je pleure sans larmes. J’entends tout et je ne peux me manifester. Je suis là, abandonné, rêvant aux promenades sous la pluie où tu pestais contre le mauvais temps alors que je jubilais. Tu ne l’as jamais su, mais je fredonnais toujours le merveilleux « Chantons sous la pluie » qui met de la joie au cœur.
    Et voilà, je me recouvre petit à petit de poussière et si cela continue je disparaitrais complètement, tu m’auras remplacé par un autre sans aucun regret. Je suis sûre, qu’il ne te restera même plus le moindre souvenir de mon indéfectible protection.

  8. Antonio dit :

    Si dans un quart d’heure elle ne revient pas, je suis mort.
    Bon sang, si seulement je pouvais m’ouvrir, je serais visible, je pourrais attirer l’attention, au pire me retrouver aux objets trouvés, au moins il y aurait de la compagnie, on pourrait se raconter nos histoires, au mieux quelqu’un m’adopterait pour une nouvelle aventure.
    Mais non, je suis planté là, sur ce banc de sable, invisible.
    Et pour cause il n’y a pas un chat.

    Plus que dix minutes et je disparais à tout jamais.
    J’ai à peine deux mois, c’est jeune pour un parapluie. Qu’est-ce qu’il lui a pris de m’emmener ici ? … Mais jamais il ne pleut en Bretagne, il bruine, il pleuvote tout au plus.
    Ah si seulement je pouvais m’ouvrir, avec le vent qui se lève j’aurais une chance de m’envoler, de m’accrocher à un arbre, d’être ramassé, que sais-je ?
    Comment ça marche ces ailes ?
    Ah, quel manche je fais !

    Plus que cinq minutes, ouvre-toi bordel !
    J’ai envie de crier, de pleurer mais que peut faire un parapluie face à ses émotions ?
    Voilà qu’il pleut. Merci mon Dieu de m’avoir entendu.
    Oyez oyez !
    Parapluie, qui veut un parapluie ?
    Y a pas un égaré comme moi qui passerait par là, heureux de me trouver ?
    Allez quoi !
    Ohé ! Y a quelqu’un ?
    Et si elle revenait ?
    Oh, tu parles, elle a couru vers lui dès qu’elle l’a vu au loin, qu’il pleuve ou qu’il vente, je n’existe plus, son protecteur a désormais deux bras et un gros pull en laine où poser sa tête d’amoureuse.

    Ca y est la voilà, je suis cuit. Oh, en plus elle est froide, brrr !
    C’est bon elle repart.
    OHEEE ! Y A QUELQU’UN ?
    Oh, non, la revoilà … Aaaah ! … brrrr !
    S’il vous plait, y a quel… gloups ! … … argh ! … brrr !
    Bouuh ! … Je ne veux pas finir au fond avec les baleines !

  9. isabelle hosten dit :

    Orage ! Oh désespoir ! Oh averse ennemie
    N’ai je donc tant battu sous ces intempéries…
    Ne me suis-je illustré sous des cieux déchaînés
    Que pour voir en ce jour mon corps abandonné
    La toile encore intacte, et les baleines fières
    J’ai assumé mon rang comme on part à la guerre
    De mon maître le chef toujours j’ai protégé
    Oh cruel souvenir de ma gloire mouillée…
    Me voici au rebus, dans l’ombre d’une vasque
    Inutile parade contre vents et bourrasques
    Ingrate félonie que la mémoire des hommes
    De leurs meilleurs amis, et seul je m’époumone…

  10. Fred Nache dit :

    QUELLE VIE DE PARAPLUIE

    Je suis un grand et beau parapluie, multicolore tirant sur le rouge et violet au point d’attirer l’œil des passants. Mon maître est, non plutôt, était un imbécile. Figurez vous que l’autre jour, il se décide à aller faire des courses au centre ville, prend le bus, puis achète ses légumes. La pluie tombait et je lui procurais un abri salutaire pendant qu’il me dédiait ses remerciements silencieux.
    Ses courses terminées, il reprit le bus tout chargé de paquets. Dans le bus, il réussit à trouver une place assise et gardant ses paquets sur ses genoux, il me déposa à ses pieds où j’attendais qu’il me reprenne. Mais il se mit à parler avec sa voisine d’en face pendant le trajet.
    Au moment de descendre du bus, il était tellement occupé à lui faire une bise qu’il eut à peine le temps de se précipiter vers le portillon et il m’oublia aux pieds de la belle.
    Quel étourdi ! Je restai là et deux personnes me piétinèrent puis me poussèrent du pied sous le fauteuil tant et si bien que je me retrouvai caché aux yeux de tous.
    Que pouvais je faire pour me signaler à l’attention des humains ? Le soir, on me laissa dormir seul toujours caché aux yeux du monde. Imaginez mon angoisse et ma solitude, seul dans la nuit dans un lieu inconnu avec des bruits divers de moteur et de circulation. Qu’allais je devenir, que serait ma vie future? Je n’arrivais pas à me débarrasser de mon angoisse. Et le lendemain, le supplice recommença. Des passants s’assirent avec délectation et posèrent sans le savoir parfois leur pied sur mon manche ou mon beau tissu qui en devenait terne et plein de boue. C’était terrible!
    Ce n’est que dans la soirée que mon supplice prit fin. Alors que le bus achevait sa course et que très peu de voyageurs étaient assis à l’avant, une vieille dame toute mouillée vint s’asseoir au siège arrière et surprise de me trouver à ses pieds, me prit dans ses mains, m’ausculta, regarda si quelqu’un la voyait et remarquant que personne ne l’observait, elle descendit tranquillement avec moi à son bras, contente d’avoir une protection contre la pluie devenue battante.
    J’espère qu’elle sera moins étourdie que mon idiot de maître. En tout cas, je vais dormir au chaud tranquille chez quelqu’un qui m’aime bien.

  11. patricia dit :

    Un parapluie oublié .

    « Que vais je faire de tout ce temps que durera ma vie… »
    Plein de tristesse, mais pas complètement abattu, un joli parapluie s’en va, clopin-clopant, dans les rues de la banlieue de Lille. la pluie est grasse et noire mais cela lui va bien au parapluie car il est copain avec toutes ces gouttes d’eau qui lui tombent dessus …et clip et clop… : quelle jolie musique à ses oreilles …Il n’est jamais seul sous la pluie .

    Et puis, au coin d’une rue, il rencontre un chat mouillé;
    – « Brrrr, il fait froid. » se dit le chat .
    Alors le parapluie, oubliant son angoisse, se précipite pour protéger ce chat de ces soudaines trombes d’eau et ouvre grand son coeur …voilà le chat qui soupire de plaisir à l’abri sous le parapluie déployé , multicolore rouge , orange et jaune.
    Le parapluie lui propose de le ramèner chez lui.
    « Comment t’appelles tu « : lui demande le parapluie .
    -« Je suis sans nom, mais peut être pourrais tu m’en donner un? »
    -« Oui « :dit le parapluie, « je vais t’appeler: mon sauveteur » .
    -« Ah bon » : dit le chat étonné !
    -« Et moi ! »: dit le parapluie, « quel nom me donnerais tu? » –
    – » Arc en ciel »: répond le chat sans hésitation.

    La pluie vient de cesser de tomber et un splendide arc en ciel resplendit au dessus de leurs têtes. Nos deux copains partent, bras dessus , bras dessous, en chantant et riant, le coeur gorgé d’espoir .
    -« Ah nous l’aventure sous de meilleurs horizons »…

  12. Durand Jean-Marc dit :

    « Et maintenant…que vais-je faire…de tout ce temps… »

    Saloperie de rengaine, me revenant, à chaque fois que ma vie de parapluie chancelle…vacille.
    S’il paraît que la chanson et l’espoir font vivre…moi, je n’y crois pas…enfin plus…plus vraiment!

    Je marne encore aux oubliettes…un pot de grès, au fond d’un restaurant.
    « Que sera ma vie ??? »
    Rien…que dalle! Je leur serai le grand indifférent. Le coin me va bien.

    Puis…c’est Eddy qui me ramone la mémoire « J’ai oublié de l’oublier ». Je lui chantais souvent…au dernier de mes compagnons.

    Lui n’avait pas oublié le rendez vous avec une dame…dans un pli de restaurant…autour d’une table tranquille, rien que pour deux… presque amoureux.

    Il m’avait planté là. Lorsqu’on aime, on ne croit qu’au soleil. Alors qu’en fait, seule la pluie vous éclaircit la vue.

    Ensuite…c’est le grand Jacques, me rappelant qu’ « on oublie rien, on s’habitue, c’est tout ».
    Ben non…moi, je ne m’habitue pas…à être oublé, partout, par hasard, par inadvertance.

    Je m’inquiète clairement de mon insécurité…et je râle!

    Puis, c’est Léo qui me tue le moral: » Avec le temps des kways, va…tous les parapluies s’en vont…on oublie leur visage, leur voix…qui vous disaient tout bas…ne prend pas froid… »

    Je ne tente même plus de discuter avec mes voisins de solitude. Ils sont tout tristes et…poussiéreux. Je ne veux pas leur ressembler…je me redresse.

    Je tente de conserver une allure digne…attirante. Je me dis que…peut être, un amateur de « petit coin de paradis » accompagnerait une rencontre fortuite…avec une « passante » ??

    Allez, courage…demain, il pleuvra.

  13. éléonore dit :

    L’angoisse d’un parapluie oublié quelque part
    Je m’en doutais , je le craignais , ah ! je la connais la bougresse ! toujours à s’arrêter à droite, je discute avec monsieur Jules ; à gauche avec madame Louise et vas-y je choisi une laitue, et : il sont bien frais vos œufs ? et ainsi de suite jusqu’au rôti de dimanche . Moi au fond du panier je suis dans un état ! écrasé sous les carottes terreuses, dégoulinant de flotte insipide , les poireaux se rependent sur mon taffetas précieux , enfin , il fut considéré comme précieux il y a belle lurette.. je me souviens du jour où je lui fut offert. Madame Jeanne me regardais avec admiration, me caressait l’échine doucement , s’extasiait en palpant voluptueusement la nacre sculptée de mon manche délicat. Oh ! elles furent de courte durée ces tendres amours. Pensez donc c’est monsieur Fernand qui m’avait délicatement mis entre ses jolies doigts ! Mais monsieur Fernand … on l’a vite oublié lui aussi . Trop pressant , collant pour tout dire. Amoureux , mais évaluant mal l’esprit de liberté de sa belle « andalouse. »
    Rejeté dans le tréfonds du placard à balais, chiffonné entre serpillères et plumeaux, que faire ?
    Au prochain jour de marché sauté de son vieux panier , me perdre discrètement ? être sauvé par une fraiche jeune fille un jour de pluie ? voilà . Mon plan d’action était au point .
    Le jeudi suivant il tombait des cordes et madame Jeanne n’alla pas au marché . le jour suivant elle sorti faire des corses « en ville » me fourra sans ménagement derrière le cric au fond de son coffre de voiture , allant jusqu’à me tordre 2 de mes fines baleines en acier brillant .
    Sortant de sa voiture , extirpant ses multiples sacs, elle me fit tomber dans le caniveau visqueux , ne s’aperçu de rien, la mégère ! parti en chantonnant faire ses emplettes inutiles.
    Une demoiselle passe sur le trottoir mouillé , me remarque en riant . Regarde Ludo , un vieux pébroc ! il est sympa !
    Une saleté oui, tu veux dire , et d’un geste dédaigneux il me jette dans la première poubelle venue.
    Je trépigne, mon taffetas s’ éraille de haut en bas, mes flèches d’acier se distordent d’humiliation. Je crie : Jeanne ! Jeanne ! je t’en supplie , je veux retrouver ton antique panier , ton minable placard sombre, mais chauffé . je ne veux pas finir dans la décharge puante, au milieu d’ horribles monstres pervers .
    Un homme élégant se penche au-dessus de mon désespoir, me contemple avec circonspection. Il me ramasse et me secoue avec un certain dégoût .
    Tiens tu ressembles au joli parapluie qu’en d’autres temps j’avais offert à une dame aimée.
    Que penserais-tu de finir dans mon grenier ?
    Toi qui connais bien ma douce désirée , que dirait-elle d’un surprenant chapeau de paille avec mille de cerises et plumes duveteuses ?
    Pff !! Elle ne porte que des capuches ignobles en plastique .
    Un parapluie , même un peu passé de mode lui serait plus utile.
    Fernand, bien sûr c’était lui, pris la rue adjacente et s’arrêta pour sonner chez Jeanne qui d’une voix perçante hurla : Entrez ! apercevant son ancien amant et son minable objet elle se mit à sourire et se confondait en remerciements.
    Ils renouèrent amitié autour d’une tasse de café brûlant . et moi oublié sous une chaise je ne vis rien du renouveau de leurs amours.

  14. Sylvie dit :

    La séance était terminée. Les spectateurs quittaient peu à peu la salle. Le grand parapluie grenat, allongé par terre de tout son long sous les sièges, vit ses deux propriétaires enfiler leurs imperméables et se diriger vers l’allée.
    « Non, ils ne vont pas me faire ça, ils ne vont pas me laisser ! Hé, je suis là, sous les sièges. Ne m’oubliez pas ! Comment leur dire, leur rappeler que je suis là ? Je ne suis qu’un objet pour eux, ils ne comprennent pas mon langage. Ah, ça y est, ils partent, je suis perdu… Ils n’arrêtent pas de parler du film, je distingue encore leurs voix. Il y en a bien un des deux qui va avoir un éclair de lucidité, le nouveau 007 leur a fait perdre tout sens commun ou quoi ! Sans vouloir être prétentieux, d’après les quelques paroles que j’ai pu capter du film – par terre, je n’ai rien pu voir -, franchement j’incarne bien mieux l’élégance britannique que ce voyou de Bond qui détruit à tout va, mais bon… En attendant, la salle se vide, et me voilà seul, livré à moi-même, moi le soi-disant « grand et beau parapluie grenat », acheté en Allemagne (c’est du solide, paraît-il, la qualité allemande !). J’ai déjà passé plus de deux heures allongé sur la moquette sale et trouée, en plus j’ai des bleus partout : le voisin du dessus n’a pas arrêté de me donner des coups de pied. Heureusement que j’ai les baleines solides. D’habitude, ils m’accrochent au siège de devant, mais ce soir, salle comble, impossible d’avoir un siège à moi, ils m’ont lâchement abandonné par terre. Je n’ai pas l’habitude d’être rejeté dans les bas-fonds, moi le « beau parapluie grenat ». Ah, qu’est-ce que c’est ? Quelque chose m’a touché, j’en ai la chair de baleine. Je me fige, je me replie sur moi-même, si seulement ils avaient pensé à me mettre dans mon fourreau. Ils ne s’en servent jamais du fourreau, c’est pourtant pratique et dedans au moins, je suis un peu en sécurité. Ici, dans le noir et la poussière de ce vieux cinéma, je suis vulnérable. C’est quoi, ces petites choses qui m’effleurent, ça dégringole du haut, aïe, ça gratte, ça colle et en plus ça sent mauvais, une odeur de grillé. Je vais être dévoré, je sens que ma dernière heure est arrivée. Brr…, je n’aime pas ça, cet endroit est glauque, je vais me sentir mal… Tiens, on dirait…oui… ce sont des pas. Ouf ! Ils reviennent me chercher. Un bruit de moteur, la brosse d’un aspirateur. Non, ce ne sont pas mes propriétaires. J’ai peur, j’étouffe. Et puis, stop, arrête d’angoisser comme ça, détends-toi, libère un peu tes baleines, respire un bon coup et essaie d’avoir une pensée positive. Tout n’est pas perdu, c’est probablement la femme de ménage. On va enfin s’apercevoir que je suis là et je vais quitter ce trou sordide, pour retrouver mon chez-moi, le pot à parapluie en cuivre du vestibule, où je peux admirer la pluie tomber drue sur la terrasse et me délasser après une bonne petite douche. Aïe, je crois que j’ai reçu un coup d’aspirateur dans les côtes. Aïe, encore un. Hé, vous là, vous me faites mal ! »
    De grosses mains saisirent le beau parapluie grenat et l’accrochèrent énergiquement au chariot de nettoyage.
    « Elle n’est pas tendre, celle-ci, mais au moins, je respire et j’ai une chance de retourner chez moi ».
    A une heure tardive de la nuit, sous une pluie battante, alors que le cinéma fermait ses portes, un couple, trempé des pieds à la tête, entra précipitamment dans le hall et s’adressa avec de grands gestes à un employé. Puis le couple, riant, l’air soulagé, sortit du cinéma et ouvrit un grand parapluie grenat. Agrippés à la solide poignée en bois du parapluie, ils glissaient, l’un contre l’autre, sur la chaussée mouillée comme sur la scène invisible d’un théâtre endormi.

  15. Christine dit :

    Heps ! Oh là ! Pssst !… Voilà ! elle fiche le camp au bras de son amoureux et moi, elle m’oublie, tout simplement.
    Il a cessé de pleuvoir, et après avoir siroté leur Coca, les yeux dans les yeux, ils sont repartis en m’abandonnant dans ce bled perdu, au centre de la France. C’était pourtant chouette le voyage en Bretagne, même si j’ai passé la plupart du temps dans l’entrée, pendu à côté des vieux cirés. N’empêche, j’ai entendu les vagues aller et venir, les cris des mômes venus s’éclater avec leurs planches à voile. Je les ai vu s’enlacer tous les deux, frictionner leur corps après le bain en rentrant de Boëde où elle avait failli s’enliser dans la vase noire au bord du chemin ; épuisés après l’incontournable visite des menhirs de Carnac, grisés par le cidre blond de chez Dan Ewen où ils s’étaient empiffrés de crêpes chaudes : heureux quoi !
    La voiture s’éloigne, ils sont partis. La serveuse du café vient de m’apercevoir, abandonné sur le dossier de la chaise. Elle a l’air gentil, un brin grassouillette. Elle me regarde, jette un œil vers la rue : elle aussi les a vu se tailler, les tourtereaux : inutile de courir après, ils étaient de passage, comme la plupart des clients ici. Un instant, j’imagine qu’elle va me sortir de mon désarroi, me proposer une deuxième jeunesse à son bras. Mais elle soupire et me relègue vite fait dans un coin de l’arrière salle, à côté d’un kway oublié lui aussi, et que personne n’a jamais réclamé. Quand j’aurai fini de ronger ma misère, j’engagerai la conversation avec ce compagnon d’infortune, on se racontera les vacances, le bon temps, la vie d’avant l’exil…

    Bon dimanche à tous.

  16. Smoreau dit :

    Je le savais. Depuis des année, je le craignais. Je le pressentais même. Mes proches me disaient pessimiste. Non ! Pas pessimiste, réaliste. Dieu sait, que j’en ai entendu des histoires de parapluies perdus. Ceux qu’on ramène aux « objets perdus ou trouvés », je ne sais plus. Ils attendent sans jamais se déplier pendant un an et un jour. D’autres qui sont abandonnés dans un train, un métro. Adoptés par une autre main. C’est horrible.
    Quand elle m’emporte le matin, je ne sais jamais si je vais retrouver la maison le soir. Combien de fois, pendu à un porte manteau ou à une chaise, j’ai entendu : « Oh ! J’oublie mon parapluie ! ». A chaque sortie, je me paye une tachycardie, des angoisses et des suées froides. Ce matin-là, ciel bleu et soleil. Je reste à la maison. Zut ! Evelyne Delhiat annonce en souriant des pluies pour l’après-midi. Et séance tenante, elle m’empoigne. J’essaie de résister, me tord la baleine pour m’accrocher au porte-manteau. Rien n’y fait, c’est parti pour une journée d’angoisse. S’il pleut, ça va, je sais qu’elle pensera à moi. Mais il suffit d’un rayon de soleil et là je cours un risque terrible. Aujourd’hui, elle part repérer pour ses cadeaux de noël. Ca va être coton. Bus, métro, magasin, re magasin, salon de thé, etc. Autant d’occasions d’être oublié. Je m’accroche. Heureusement, avec mon manche canne, je lui tiens le poignet fermement. « Oh ! Les jolies vitrines ! Oh ! Le sapin ! » Cela lui rappelle son enfance. Elle s’arrête devant la cabane du père noël pour regarder, émue, le visage des enfants qui s’approche vers ce barbu. Elle plonge dans ses souvenirs, se laisse bercer par la féérie. Elle s’assoit pour profiter de cet instant magique. Elle a tout posé à terre : sac, manteau et… MOI. Je n’existe plus. Elle a 5 ans. Je me laisse aller et m’endors.
    HOups ! oh ah ! Où est-elle ? Partie ? Sans moi ? Au secours, Maman ! J’ai peur. Je pleure.
    Une grosse voix douce m’a réveillé. J’ouvre les yeux et je vois le Père Noël qui me prend avec délicatesse. Les enfants sont partis, le magasin ferme.
    IL NEIGE ! Et, je suis tenue par une grosse main chaude. Je protège le père noël ! Un rêve.

  17. Nathalie dit :

    Bouh, me voilà tout seul, perdu, négligé, oublié par mon propriétaire.
    Mais pourquoi il m’a emmené dans son périple ?
    Je pouvais rester à la maison : je ne m’y ennuie jamais.
    J’aime pas les voyages ! Maintenant, il est parti. En déclarant : « je n’en ai plus besoin ». Je me doutais bien qu’il parlait de moi…
    Mais pourquoi il m’a mis dans sa valise ?
    Il aurait pu deviner que je ne servirais à rien ici. Ici, il ne pleut jamais. C’est le Sahara. Et maintenant les autochtones commencent à me toucher, à me déplier, à me tester. Moi, le parapluie, protecteur face aux tourments parfois violents de la météo, transformé en élégante ombrelle : quelle honte !!

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