Exercice inédit d’écriture créative 86

Deux jeunes feuilles, sur une même ramure,
se frôlaient lascivement au gré du vent d’été.
« Quelle époque !  soupira une vieille branche.

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6 réponses

  1. Clémence dit :

    Deux jeunes feuilles, sur une même ramure, se frôlaient lascivement au gré du vent d’été.
    « Quelle époque !  soupira une vieille branche.

    Quelque part à la Réunion, vers les Hauts, s ‘épanouissaient langoureusement les sensitives aux délicates étoiles roses, les poinsettias aux bractées carmins et les lantanas aux ravissants pompons dans le jardin de Madame Boyer.
    – « Mi aime » les fleurs, aimait-elle à répéter aux hôtes qu’elle accueillait dans sa maison traditionnelle.

    J’ai tout de suite eu le coup de foudre pour cette propriété, mais aussi pour cette vieille dame.
    Elle était extraordinaire ! Petite de taille, le teint cuivré et des yeux noirs, un chapeau de paille éternellement enfoncé sur sa tête.

    Elle parlait créole. Normal, mais ce qui était surprenant, c’est qu’elle ne parlait pas seulement de son Ilet, mais du monde entier où elle avait bourlingué.

    J’étais stupéfaite des souvenirs qu’elle évoquait : un village de Toscane, une bière belge, un monument de Varsovie, les steppes de Sibérie, la pampa d’Amérique du Sud et même l’ancien Congo Belge !
    Le soleil se couche très tôt, sous les Tropiques. Les soirées passées sous la varangue sont magnifiques. Ces instants étaient presque devenus addictifs….
    Je regardais avec plaisir , les feuilles des sensitives se rétracter au moindre souffle, au moindre passage d’aile…Et j’attendais avec impatience le moment où elles allaient se détendre…***
    Ce double mouvement devenait obsessionnellement hypnotique…

    Le silence était extraordinaire, la nature s’assoupissait, mes paupières tombaient…
    Dans un dernier sursaut de conscience, je vis deux jeunes feuilles se frôler lascivement ; il ne me semblait pas que c’était au gré du vent…Elles le voulaient ! Leur jeu amoureux relevait d’une grâce féline et sensuelle.

    C’est alors que j’entendis une voix derrière moi. Ce n’était pas la voix de Madame Boyer, c’était une voix rauque, éraillée, grinçante, grimaçante…
    – Quelle époque, non mais quelle époque !
    J’étais stupéfaite. Pourquoi ces paroles ?
    – Regardez-moi cela…et que je me frotte et que tu te frottes… mais quelle époque !

    Moi, je trouvais cela très amusant, émouvant, poétique même. Toucher une micro parcelle de la feuille composée et voir tous ces folioles se resserrer le long du pétiole, c’est magique ! Et la feuille entière est atteinte de ce spasme…

    Mon imagination parfois un peu trop folle me susurra.. « comme un long frisson d’amour… » . Je m’imaginais les deux feuilles de la sensitive s’initier aux jeux et aux plaisirs de l’amour… les frôlements, les frissons.
    – Regardez, mais quelle époque !
    Agacée par cette voix ronchonneuse, je levai les yeux et vis une vieille branche toute rabougrie, toute desséchée. Pas étonnant qu’elle soit jalouse, la vieille ! Sa période amoureuse doit dater de Mathusalem ! Je me repris et la regardai avec tendresse…

    – Allons, allons, je peux comprendre que la vue de cette jeunesse suscite un gros brin de jalousie… Mais d’autres pourraient vous envier tout autant !
    – Ah, bon ? Pouvez-vous m’en dire plus….
    – Vous êtes une vieille dame, certes ! Mais vous avez vécu ! Les souvenirs et expériences que vous avez additionnés au cours de votre vie doivent atteindre un nombre impressionnant. Votre vision sur le monde doit également être exceptionnelle !
    – Oui, c’est vrai, vu sous cet angle…
    – Et imaginez les affres que vont vivre ces jeunes tourtereaux : quitter le nid familial pour bâtir le leur, trouver un emploi, fonder une famille, se faire du souci pour leurs petits, craindre les rides et les flétrissements, craindre la chaleur et la sécheresse…. Que de tourments pour pimenter leurs amours naissantes…
    – Vous avez raison, vu sous cet angle… Cette période de tourments est finie pour moi ! Je peux me reposer, profiter d’une stabilité certaine, me réjouir en ressassant mes souvenirs, partager le ravissement des touristes. Hmmmm, somme toute, ma vie a du bon, soupira la vieille branche en sombrant dans un sommeil réparateur.

    Je ne tardai pas à rejoindre la fraîcheur de ma chambre. Quatre jours plus tard, je fis mes adieux à Madame Boyer, aux sensitives coquines et à ma vieille branche !

    Une année plus tard, alors que j’écoutais « Unchained melody », je reçus un courriel de Mme Boyer :
    «  Vous ne le croirez certes pas…. La vieille branche est couverte de jeunes feuilles…J’espère encore vous accueillir dans mon Ilet…. »

    +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

    ** Les feuilles alternes ont la particularité de se replier au moindre choc (le vent, la pluie, le toucher…), ce qui en jargon botanique est appelé thigmonastie.

  2. gepy dit :

    Deux jeunes feuilles, sur une même ramure, se frôlaient lascivement au gré
    du vent d’été. « Quelle époque ! soupira une vieille branche.

    Et l’aile de la chouette s’étendit et le rideau tomba.
    Lorsque l’aile de la chouette se releva, le public était en délire.
    Les chenilles processionnaires étaient sorties de leur cocon pour l’occasion.
    Les rossignols chantaient leur bonheur, du haut de leur nid.
    Au sol, les fourmis avaient pausé dans leur travail.
    Les lapins ne couraient plus. Ils étaient statiques, assis sur leur postérieur. Cet immobilisme en disait long sur leurs impressions.
    Les feuilles de chênes, d’acacia, de bouleaux s’étaient redressées dans un même mouvement, accompagnées par le vent qui adorait se mêler à la foule.
    D’autres spectateurs pourraient être cités ce soir, mais ils sont vraiment trop nombreux pour les nommer tous.
    La salle était comble comme toujours depuis le début du printemps.
    Notre vieille branche et nos deux jeunes feuilles saluèrent l’assemblée. Elles n’étaient pas peu fières de leur succès. Le vent n’avait pas eu à souffler très fort,
    aujourd’hui. Aucune erreur, aucun oubli dans le texte, la perfection.
    On applaudit aussi, au passage, le travail de notre accessoiriste, l’écureuil, si rapide, si agile, quasi invisible dans toutes ses interventions.
    Notre pic-vert nous fait un rappel. Après tout, les trois coups de théâtre, c’est lui qui les exécute à chaque réprésentation.
    Comme nous le savons tous, l’automne arrive à grand pas et ce spectacle va devoir s’interrompre.
    Le public a donc fait une ovation magistrale au créateur de cette pièce ; cette incroyable pièce sans cesse rejouée, chaque année, à la même époque par différents acteurs sur des mises en scènes variées mais dont le scénario reste inexorablement le même. Il est d’une telle puissance.
    Son créateur, imposant mais discret, silencieux et pourtant tellement présent, si fort et en même temps si vulnérable, si élégant qu’il peut se montrer nu, ce grand créateur, nous le connaissons tous.
    Nous le remercions sincèrement du bonheur qu’il nous transmet depuis la nuit des temps.
    Merci à toi Ô Grand Arbre !
    Que nos jeunes feuilles soient folles et heureuses, et nos vieilles branches restent râleuses et bienveillantes !

    Et nous nous retrouverons au printemps prochain, toujours aussi nombreux et enthousiastes.

    C’était un reportage de « Fin de saison ».

    Gepy

    Je sais, c’est « planplan » mais l’angle m’a amusé.

  3. Fred Nache dit :

    LA FEUILLE ET LA BRANCHE

    Que ta peau est douce
    Comme un tapis de mousse
    Dit la feuille à sa voisine
    Qui lui faisait bonne mine

    La vieille branche chenue
    Regardait ce plaisir menu
    Et jalouse de tant d’aise
    Ralait comme une punaise.

    En rêvant de son passé
    Elle préférait rêvasser.
    Carpe diem, lui dit la feuille
    Avant que la vie t’endeuille.

  4. Antonio dit :

    Deux jeunes feuilles, sur une même ramure, se frôlaient lascivement au gré du vent d’été.
    « Quelle époque ! » soupira une vieille branche.

    Mais elles n’étaient pas seules à « batifeuiller ». La montée de sève gagnait petit à petit d’autres tiges qui, par les caresses incessantes du vent et les baisers ardents du soleil, frémissaient de tout leur hêtre. Trois folioles prenaient même le pied de l’arbre, s’entrelaçant comme si leurs limbes ne faisaient qu’un, sous les yeux offusqués du vieux crouton de bois sec.
    « Mon Dieu ! Folâtrer de la sorte… de mon temps nous avions un peu plus de retenue !
    – Mais de votre temps vous ne connaissiez que le bitume et les gaz d’échappement, lui rétorqua un rameau qui logeait quelques feuilles légères au nervures saillantes que de larges décolletés laissaient entrevoir.
    – Vous n’avez pas honte d’exposer ces pauvres feuilles dans leur plus simple appareil, répond la branche âgée. Tout ça pour se faire cueillir par les premiers promeneurs.
    – Et si ça leur plaît à elles de se faire cueillir ?
    – Est-ce que vous leur donnez le choix, à vous pencher à hauteur d’hommes ? … Ah, depuis que la voie Georges Pompidou n’est plus routière, on se croirait à Pigalle où on s’envoie en l’air pour être dans le vent.
    – Mais regardez comme les gens sont heureux, en dessous, argumente encore le rameau. Ne voyez-vous pas qu’ils ont l’air de mieux respirer quand nous folâtrons, justement, comme vous dîtes ? »

    La vieille se raidit d’indignation et se cassa sous le poids de son aigreur. Un petit garçon la ramassa et leva la tête. Il vit deux jeunes feuilles sur une même ramure, rouges comme des pommes, se détacher et s’envoler, emportées par un tourbillon dans le ciel de Paris.
    Le petit garçon leur courut après, armé de son nouveau bâton.

    « Pan ! Pan ! … cria-t-il alors, vous êtes mortes ! »

  5. Durand Jean Marc dit :

    Ah…non…pas d’accord. Les jeunes feuilles,elles vont faire leurs galipettes sous d’autres essieux (Oui, l’arbre est situé près d’une casse). Le bûcheron est malade (Oui, l’homme du bois a chopé le tétanos en farfouillant dans les essieux).

    Il n’a pas pu se déplacer que les vertèbres, pas pu assurer la fin de son bouleau.

    L’arbre est toujours debout comme le veau d’or, le sceptre du matin et les damnés de la terre

    Donc, la vieille branche, même hospitalisée, on se la garde!

  6. vergeylen alain dit :

    Deux jeunes feuilles, sur une même ramure, se frôlaient lascivement au gré du vent d’été. « Quelle époque ! soupira une vieille branche.
    Un bucheron arriva. Il coupa l’arbre.
    Fin des soupirs.
    Le silence s’installa.

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