Exercice inédit d’écriture créative 59
Dans la famille on a toujours été marteau.
Imaginez un texte en partant de cette phrase.
Méfiez-vous !
Ne vous contentez pas de la première idée qui vous viendra à l’esprit.
Dans la famille on a toujours été marteau.
Imaginez un texte en partant de cette phrase.
Méfiez-vous !
Ne vous contentez pas de la première idée qui vous viendra à l’esprit.
Dans la famille on a toujours été marteau.
« Je n’ai jamais porté le nom de mon père. D’ailleurs, ma mère ne l’a jamais informé de mon existence. »
Telle devrait être la première ligne de ma biographie. Biographie que je n’écrirai jamais.
Cependant, il me plairait de me confier à vous, quelques instants.
Ma vie fut parfois si lourde … Aussi lourde qu’un coup de marteau asséné sur mon auguste crâne et ma chevelure chenue lorsque je découvris une certaine lettre.
J’appris ainsi que j’avais dans mon ascendance quelques personnages intégralement « marteau » , dont un grand-père brutal et alcoolique. Rudoyant femme et enfants.
Mon père, lui, bénéficia de l’amour et de la bienveillance de sa mère ainsi que celle d’une famille voisine qui l’accueillit des journées entières puis des nuits…
Fut-il traumatisé par la vie de couple de ses parents ou par une rupture sentimentale, nul ne le saura véritablement. Il ne prit jamais femme et n’eut pas de descendance légitimement reconnue.
Mais ce que le monde entier sut de lui, c’est qu’il devint un génie. Un génie un peu marteau. Frappant du soir au matin, l’ivoire ou l’ébène, le papier ou sa tête.
Un génie, mon père…
Il écrivit la plus belle lettre d’amour.
Il composa la plus belle sonate marteau *…
Mon père, ce génie, s’appelle Ludwig. Ludwig Van Beethoven.
Moi, je m’appelle Élise, Élise De la Cour Debetterave.
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Pour la petite histoire :
La Sonate pour piano n°29 en si bémol majeur, opus 106 est dite « Hammerklavier », ou grande sonate pour piano forte.
En allemand, « marteau » se dit « hammer »
Le grand-père de Ludwig est né en Belgique, à Mechelen.
La traduction textuelle de « Van Beethoven » est « du jardin (cour, champ, ferme) de betteraves ». Le « du » n’étant pas une particule nobiliaire.
Dans la famille on a toujours été marteau. Sauf moi.
Ma mère, qui claque des dents quand elle a mal aux pieds, passe son temps à l’église pour souffler sur les cierges en déclamant à tue-tête : « Bon anniversaire, Jésus ». Mon père, qui a une araignée au plafond, est surnommé ‘La jaunisse’ : il a peint la maison en jaune, s’habille en jaune, se nourrit de citrons et à chaque printemps, il se roule dans les pissenlits. Vous voyez le genre, quoi…Mon grand frère, aveugle des oreilles et sourd des yeux, chante partout qu’il a appris à nager…mais pas dans l’eau. Quant à ma petite sœur, qui yoyote du plafonnier, elle lance en l’air des flopées de pétards toutes les nuits pour casser les étoiles.
Et moi, je les regarde. Je les regarde vivre. Je les photographie, je les peins, je les filme, je les sculpte. Souvent je les peins. Ou plutôt, je les dessine. Partout : sur les tables, sur les murs, sur les trottoirs. Ce que je préfère, c’est les peindre aux crayons de couleur sur le sable. Comme ça, je peux veiller sur eux, ces dérangés du ciboulot. Parce que je suis Dieu, quand même !
©Margine
Déjà petit je me voyais parcourir les océans, franchir les limites d’une famille qui à peur de son ombre, je m’imaginais comme les voisins du corail d’en face, « les grands blancs » comme on disait dans les abysses, profitant de leur aura pour régner sur les eaux salées de tout le globe et faire peur à toutes sortes d’espèces vivantes sur la planète, en arguant la nageoire dorsale comme signe de terreur. Je me voyais aussi en hybride des mers, flottant léger comme le faux frère « baleine », pas celui de Stanley Kubrick, mais bien ce géant des courants chauds qui malgré son gabarit était doux comme un poisson chat. Sinon comme j’étais un peu feignant dans mes premiers jours d’alvins, ma mère pensait que j’étais un dormeur, une frayeur s’empara dans toute la fratrie. Mais après les premiers doutes une lueur d’espoir apparut peu à peu quand mon nez poussa de façon bizarre. Alors que l’adolescence battait la chamade, je fus pris d’un dilemme, je fus enrôlé par une étrange espèce qui sillonnait dans le coin prêchant la bonne parole. Un pèlerin m’expliqua mon frère qui me tança de m’éloigner de ce type d’hurluberlu qui vous endoctrine en moins de deux et vous pousse à faire des choses peu raisonnables. Plus tard quand les premiers amours surgirent avec son lot de chagrin, je fus sous le charme de l’ange des mers, qui me fit tourner en bourrique pendant quelques temps, beaucoup trop au goût de ma copine d’enfance Lu« scie ». Mais « l’amour rend aveugle » et vu que nous le sommes tous cela ne dérangeait pas grand monde. Parfois je m’aventurais dans « l’aqua-zoo » où nous pouvions croiser des léopards, des zébrés, des taureaux, des tigres et même des renards. Puis j’ai eu ma phase un peu obscure, en bon névrosé, je m’étais mis en marge de ma colonie en essayant des produits qui vous colorent la peau pendant 72 heures, quelle ne fut la colère de mon « vieux » quand je suis revenu tout bleu voir même gris un soir de déprime, illico dans ma chambre cloitré à la maison en guise de purgatoire durant une semaine. Bref après plusieurs péripéties il fallait bien se faire une raison et je suis rentré dans le rang. J’ai intégré l’école supérieure de l’outillage, comme tous les males de la famille, où j’ai croisé beaucoup de gens de la « meute ». Dans la monotonie de ma scolarité je m’octroyais parfois certaines escapades, une virée à « l’humain» le supermarché du centre ville avec mon pote mako ou un tour dans les boîtes de nuit avec nain le petit de la bande, citron le pur jus, soyeux le beau gosse, farfadet l’esprit du groupe, maille qui avait toujours la moutarde qui lui montait au nez surtout quand grande gueule nous pourrissait nos fins de soirée en toisant les océaniques et les grands blancs à coup de brimades moqueuses. En définitive mes rêves de bambin se sont vite éloignés au fil des rencontres et des turpitudes de ma vie de jeune squale. Alors je ne vous cache pas que j’ai toujours le désir de me trouver à la croisée des courants pour conjurer l’atavisme familial mais mon grand-père me rabâche toujours, « tu sais petit dans la famille on a toujours été marteau ».
Mickaël D.
Dans la famille on a toujours été marteau.
Mon père surtout.
Il m’appelait son petit clou. Ce petit mot de rien du tout, ce mot doux qu’un père donne à un fils, comme il résonnait dans mon crâne quand il le prenait pour enclume !..
Toutes les subtilités de la langue française tintait en moi jusqu’à l’éclat. Je n’étais plus ce clou, petite cheville indispensable à la fixation de sa tendresse, plus non plus sa douce semence, le fruit béni de ses entrailles. J’étais le clou de son exaspération, le piton dont la tête dépasse et dépassera toujours de trop.
Il n’était pourtant pas mauvais homme. Piètre père mais pas mauvais homme.
Ses larges mains étaient tannées du ciment charrié sur les chantiers où il trimait 10 heures par jour. De belles mains plates, épaisses, puissantes, qui venaient de loin, dans un élan tragique, comme au ralenti, mais qu’on ne pouvait esquiver.
Il avait découvert le communisme au bistrot. Le petit livre rouge avait peu à peu remplacé le petit kil de blanc au sommet de son hit-parade personnel. C’est à dire que le blanc était passé en deuxième position. À table il étanchait sa soif de justice sociale en larges rasades de Sauvignon et nous abreuvait de doctrine anti-capitaliste et de lutte finale.
Les autres ouvriers le respectaient pour son goût du travail bien fait et l’admiraient pour sa détermination. Il tirait fierté de son travail mais il savait aussi poser les outils quand c’était nécessaire. Toujours en première ligne dans les grèves. Toujours le premier pour tenir tête au patron.
C’était à tout point de vue un vrai perfectionniste. Chaque jour il rentrait du chantier et embrassait ma mère sur le front, demandait des nouvelles. Que j’aie été sage comme une image ou fait les pires âneries importait peu. Son regard se posait sur moi, puis le feu de Dieu s’abattait sur le monde. Après l’ouvrage Il frottait ses mains simplement comme pour les laver, baissait les manches de sa chemise de grosse toile qu’il avait pris soin de remonter pour notre tête-à-tête quotidien, puis il partait comme il était venu, sans un mot.
C’était un homme de parole. Quand il promettait une raclée, sûr qu’il vous la donnait. Jamais un mot plus haut que l’autre. Sa main s’abattait en silence, avec fermeté et rigueur.
Il était vaillant à l’ouvrage. Jamais il ne cillait ni ne se plaignait tandis qu’il me mettait le postérieur à vif.
Intègre. On pouvait toujours le supplier, rien ne le déviait de sa route. Il se fixait un objectif, mes joues, mon dos, mon crâne, et filait droit dessus, vaillamment.
Il était fier aussi, mais sans orgueil. Il ne se glorifiait pas auprès de ses camarades des corrections qu’il m’administrait. Jamais on ne l’entendait en parler sur le chantier. Pas vantard pour deux ronds. Du passé faisons table rase.
J’aurais pu devenir cinglé. Péter un câble. Déjanter. Prendre un couteau et l’égorger, tuer un père aimé de tous y compris de moi-même ? M’enfuir, et faire le désespoir de ma mère ?
J’ai choisi, comme il me l’avait appris, de faire face. D’affronter. De ne plus être ce clou qu’on enfonce et qui s’écrase. D’être moi aussi le marteau qui aplatit, qui broie, qui atomise. Le feu de Dieu qui s’abat sur le monde. 2012, à ce titre, sera mon année. L’apocalypse c’est moi. Déterminé, perfectionniste, de parole, vaillant à l’ouvrage, intègre, fier mais sans orgueil. Je suis trader à la City.
© SoizeD.
Dans la famille on a toujours été marteau. Je vous présente mon père ‘Marteau Polo’, ma mère ‘Marteau Grands Pieds’, ma soeur ‘Marteau Mawak’ et moi ‘Marteau Torino’. Établis rue de la Martinerie, dans l’atelier d’un martiniquais bricoleur, nous nous tapons de franches rigolades lorsque nous ne sommes pas au turbin. Ca vous cloue le bec ? Eh oui même les marteaux peuvent être un peu timbrés, en dehors d’être des emmanchés !
© Gwenaëlle Joly
Dans la famille on a toujours été marteau. Et on ne changerait pour rien au monde. Déjà, c’est une marque française et puis le reste, franchement, ne vaut pas un clou. Un jour j’ai pris un tournevis en location et après être monté à mille tours avec, j’ai perdu le contrôle du manche et j’ai dévissé avant d’emplafonner le mur. Dix jours de plâtre, sans parler du lissage et rebouchage des plaies de façade.
Côté sécurité, le marteau c’est top, un pare chocs à toute épreuve ! … Et puis quelle reprise ! … Un vrai bolide qui atteint les 100 km/h en quelques secondes !
Dans la famille on est marteau, c’est clair, Il faudrait être fou pour changer !
Dans la famille on a toujours été marteau. Enfonce-toi cela dans la tête, me disait mon père. Je suis né dans une oreille indélicate. J’étais obligé d’entendre tous les mots, ils se fracassaient sur mon tympan comme des coups de massue porté sur quelque ferraille. Le pire ce fut le jour où mes osselets à bout patience me matraquèrent de jurons. Impossible de rester sourd à cette révolte intérieure. Je passais une annonce pour échanger ma fonction contre une autre. Hélas, ma réputation était forgée et le clou c’est que je n’étais qu’un amateur (anagramme de marteau) pour les autres sens. Alors, pour me rappeler à mes devoirs, mon père s’acharnait et me répétait « dans la famille on a toujours été marteau ».
Dans la famille on a toujours été marteau.
C’est une richesse que nous cultivons depuis des générations. Notre patrimoine familial repose exclusivement sur ce grain de folie que nous transmettons avec fierté à nos enfants, dans l’espoir que jamais cette transmission ne prendra fin. Nous sommes fiers d’avoir su préserver la pureté de notre espèce, de n’avoir accepté dans notre cercle familial que les plus méritants, ceux qui ont pu faire état d’attestations d’enfermement dans des établissements réputés ou ceux qui ont joui toute leur vie d’une solide réputation de fou, de dément, de barge, de givré, de dingo, de cinglé. Ceux-là nous les avons aimés comme personne, nous leur avons offerts ce que nous avons de plus précieux, nous les avons accueillis au sein même de notre famille, comme des frères. Ils sont venus nous enrichir.
Quand le monde sera devenu complètement fou, peut-être finirons-nous par en être les maitres.
Dans la famille, on a toujours été marteau.
Dans ma belle famille, ils étaient plutôt faucille.
On a donc croisé nos destins et nos emblèmes.
On a emménagé rue du Colonel Fabien.
Mes deux rejetons y sont nés. Très vite, ils se sont révélés rebelles et contestataires.
J’avais beau voir rouge, pas moyen de les faire rentrer dans le moule.
Georges, l’aîné me tapait sur les nerfs. Avec ses discours belliqueux et ses arguments massue, il me faisait Marchais.
Arlette, la cadette me coupait sans cesse la parole. Encore plus tranchante que son frère, elle avait adhéré au MF. Seul le parti « Marteau Faucille », me serinait-elle, se préoccupe du genre humain.
Enfin, ce dont je vous parle, c’est du passé. Mes deux oiseaux ont quitté le nid. Ils bossent tous les deux à l’International. Y a pas à dire, ça nous fait des vacances.
Tenez, nous y sommes en vacances. Par la fenêtre du séjour, je vois ma douce dans le jardin. Elle est montée sur une échelle et avec une faucille coupe du gui en prévision de l’an neuf. Quant à moi, sur mon phono, j’ai mis Claude François et je twiste sur son célèbre tube : « Si j’avais un marteau ».
Alain Lafaurie
Marteau, de père en fils. Comme un tic, un truc qu’on se refile en douce.
Quand je suis arrivé au monde, ma mère a soupiré « il le sera aussi… ».
Parole fatale qui scellait mon avenir à l’héritage familial.
Alors, comme eux, je me suis mis à boiter, tantôt de la tête et tantôt du cœur. C’était plus ou moins violent selon les jours ; parfois presque imperceptible, et puis ça revenait, comme un hoquet. Il n’y avait guère qu’en rêve que ça passait. Alors je me suis mis à rêver : que j’étais quelqu’un d’autre, que je partais, ailleurs, très loin. Que j’oubliais mon nom, le leur et tout et tout.
J’ai fermé les yeux, j’ai effacé la mémoire, et les battements du cœur. J’ai fait le vide et ma valise, avec rien dedans. J’ai pris le premier train qui a roulé, roulé jusqu’au bout de la terre. Jusqu’à la mer. Jusqu’au silence. Jusqu’à l’amour… et aux premiers battements de ma tête et de mon cœur qui se sont remis à cogner, jour après jour…
Dans la famile on a toujours été marteau. C’est ce que l’on se disait à mes débuts. Mais au fil des années les détails se sont précisés. La composition familiale incluait aussi bien le marteau comme un pilon que le sage comme une image. Et j’appris donc que la folie a ses coins de sagesse et, vice versa, la sagesse n’exclut pas les idées folles. En somme, c’est à perdre la tête… ce qui est souvent la chose la plus sage à faire.