Il était seul. Désespérément seul.
En quatre années seulement, il avait tout perdu : ses deux enfants et son amour, Ghita.
Son désespoir atteignait une telle profondeur qu’il était sur le point de tout abandonner. Même moi, sa fidèle plume, j’étais abandonnée sur le bureau. Je trouvais ma vie un peu « légère », bien que je compatissais au malheur de Peppino.
Heureusement, ses amis étaient présents, ses contrats à honorer aussi. Il se remit à l’écriture. Je me sentais bien dans sa main. Elle courait, courait…,jamais je ne m’étais sentie aussi légère. Parfois, il s’arrêtait. Je savais alors que de douloureux souvenirs surgissaient. Je me faisait discrète.
Le succès lui répondit. Il fut acclamé et il retrouva le goût d’écrire avec une force et une conviction extraordinaires.
Engagé politiquement il glissait des messages patriotiques au détour de ses plus belles pages. Je me sentais alors si forte et si légère à la fois, fière d’être auprès de lui.
Peppino a trente-huit ans. On dit de lui qu’il a atteint sa pleine maturité. C’est vrai. Je le sais, je le sens. C’est un bonheur indicible d’être avec lui.
Ses œuvres sont magnifiques, même si de temps à autres, il lui faut donner quelques coups de ciseaux ou changer un titre. Pour l’occasion, la malédiction était jugulée, le nouveau titre était bien trouvé !
Un soir, satisfait de l’avancement de la première partie d’une trilogie, il me réserva une surprise. Il écrivit pour moi. Une envolée, un véritable bijou d’une légèreté absolue.
Quelques jours avant le printemps de 1851, la Fenice est en liesse !
Dès le soir tombé, dans les rues de Venise, je suis sur toutes les lèvres.
Je suis « La donna è mobile »
Je suis « La plume au vent »…
L’Italia musicale a qualifié Rigoletto de « maudite », le Times , d’ « opéra le plus faible du signor Verdi » .
La critique ne réalisa pas que Verdi venait de présenter une de ses œuvres les plus accomplies.
« Viva VERDI » clamait la foule.
Ce n’était pas seulement un hommage au compositeur. C’était un message politique et un souhait patriotique que le peuple lançait :
« Viva Victor-Emmanuel, Roi d’Italie »
A cette époque, une grande partie de l’Italie du nord était sous l’influence autrichienne.
Une plume trouve sa vie un peu légère.
» Je ne suis pas du genre à me plaindre mais que ma vie est légère, je dois dire! . Au moindre petit coup de vent ou courant d’air, je m’envole sans même connaître ma prochaine destination. Jadis je faisais partie du plumage d’une belle oie blanche qui connut un destin funeste. On fit de son foie un met de fête, de sa chair un festin pour gourmets et de ses plumes une couette pour les hivers rigoureux. Rescapée de justesse de l’édredon, je me suis alors retrouvée sur un chapeau en guise d’ornement. Mais j’étais bien trop légère pour tenir en place. J’ai repris ma folle course portée par l’air…et depuis…je vole, je vole et je virevolte …au gré du vent ! J’aurais voulu avoir un peu de plomb dans l’aile, ce qui m’aurait permis de prendre racine quelque part… mais ma condition est celle du plume… légère et volatile… peut-être qu’une âme charitable pourrait redonner du sens à ma vie, je suis encore bien belle et n’ayant pas trop servi, je pourrais m’accomoder de mille et un conditionnement si seulement on me remarquait là…posée sur un banc… »
C’est bien gentil, Antonio, merci merci. Cette histoire est tirée de faits réels, ce qui lui donne sans doute ce côté docu-drama dont vous avez saisi toute la portée et la profondeur (non ?..) : mes plumes s’assèchent dans leur plumier depuis que je brosse la souris dans le sens du poil.
Que de belles plumes inspirées, ceci dit. Ça décolle à plein tube… Aucune allergie à la plume à signaler, on dirait !
Une plume trouve sa vie un peu légère.
Des années à gratter pour un plumitif déplumé des histoires lourdingues de femmes frivoles qui s’envoient en l’air avec le premier pingouin venu, des récits de vieilles cocottes qui se jettent à poil dans n’importe quel plumard…
Elle aimerait tant s’encrer ailleurs, mettre le grappin sur du velu, du lourd, du Goncourt. Rédiger « Les mille et une nuits », « Guère épais », l’Encyclopédie Universalis, le «Mahabharata », le catalogue Manufrance !
Mais ses rêves ont du plomb dans l’aile. Et sa cervelle n’est qu’un petit poids. Bientôt, l’autre plum-cake l’aura troquée contre une souris. Elle va y laisser des plumes…
Une plume trouve sa vie un peu légère et elle la traîne telle une chape de plomb. Dix ans maintenant qu’elle est dans cette troupe. Elle ne sort pas tous les soirs, cela dépend de la revue. C’est sûr elle a un rôle prestigieux, elle habille uniquement les premiers rôles, en blanc et or. Elle, c’est une plume blanche, une plume de cygne, prélevée lors du premier plumage d’adulte, juste sous les grandes ailes. Elle est flexible et soyeuse, douce et à peine duveteuse. Avec ses compagnes, elle fait le bonheur de la danseuse, dans ce grand boa de plumes blanches et de fil d’or, manipulé avec précaution, et rangé délicatement après le spectacle, dans son papier de soie. Mais dix ans à s’exhiber le soir, dans cette ambiance cabaret, feutrée, luxueuse, sur des filles calibrées et légèrement frivoles, elle en a le cœur lourd de lassitude. Les conversations se ressemblent de soir en soir, maquillage, tenue, ou ai-je mis, t’as pas vu, dépêchons nous mesdemoiselles, levée de rideau dans deux minutes, allez, allez… Alors ce soir elle rêve. Nous sommes au 16ème siècle, elle est plume d’écrivain, elle est sa plume, son objet précieux, unique et à travers elle, il inscrit ses idées, il rédige ses écrits, il raconte des nouvelles, il couche ses mémoires. Elle l’aide à réfléchir, il la trempe délicatement dans l’encrier, elle s’applique a ne pas faire de tâche. Elle et lui ne font qu’un. Elle donne vie à ses idées, elle obéit à ses envies, trace les liés les déliés. Sa vie s’est remplie de mots, sa vie est lourde de sens et elle ne s’est jamais sentie aussi légère.
Une plume trouve sa vie un peu légère. Elle y apporterait bien plus de consistance, de matière pour peser dans l’air du temps. Parce que l’avis d’une plume est aussi léger que celui d’un petit pois qu’on laisse écossé et qu’on n’égoutte même pas. Déjà, c’est moins léger, là !
Mais peser, c’est souvent pour elle se battre contre du vent. Voilà ma petite plume légère, qui a toujours pris des gants jusque-là, se gonfler à bloc, et de tout son poids plume se mettre à boxer l’air qui d’une simple rafale du gauche suffit à lui voler dans la plume, lui faisant faire un roulé-boulé sur dix mètres en arrière.
Knock-out dès le premier round, la plume n’a pas dit son dernier mot. Un oiseau qui passait par là se saisit de l’appendice tégumentaire égaré et le plante sur son dos au milieu de ses autres congénères déjà en position de combat, prêts à fendre l’air à vitesse grand V. Le vent n’a pas résisté longtemps et sous l’impulsion du rapace qui se jette sur lui, tourbillonne et tombe comme une feuille morte.
Depuis cette histoire, ma plume, aussi légère qu’elle a pu l’être, s’accroche désormais au dos de mon imagination et se fend la gueule de l’air du temps, sans retenue… mais avec des gants bien sûr !
« Ho mon hôte, je le sens en ta chaire, nos jours sont proche de se taire ! J’ai vécu en ta compagnie, te ornant de toute ma prestance, de faste épisodes, d’inoubliable séquences. Des prairies jonchées de mauves pensées, à ces forêts sombres et apaisantes où nul pas d’humain ne s’est jamais posé. Ho mon hôte, n’aimerais tu pas voir cela rapporter ? Les fées, les beautés, les faits d’armes perdus. Que le vent qui nous parcourut toi, mes soeurs et moi, ne l’emporte pas, qu’il ne nous ait pas uniquement, toi et nous, fait frissonner, mais qu’il soit soufflé de génération en génération, transmit par ma pointe pour conjurer l’oubli. Ton esprit et le miens ont vu de nombreuses choses, nous pouvons apporter à un humain, que son talent éclose. On m’a dit de te rendre sur ce chemin ce soir, au près de l’abreuvoir. Tu y rencontreras un jeune homme à l’allure méritoire. Je dois t’avouer que je regrette de n’avoir été que spectateur, fais lui don de moi, que j’acte, que je fasse bon conteur. »
Ainsi, je me promenai dans une lande sombre quand je vis un oiseau, il s’agissait d’un pan. Un pan majestueux et faible, arrogant et discret, il me barrait la route, et, quand j’ approchai, il me regarda fixement :
« – Veux tu une de mes plumes ? dit le pan.
– Que pourrais-je en faire ? Elles te scient si bien, pourquoi voudrais-je t’en déposséder ? J’ai plus de plume qu’il ne m’en faut à vrai dire, et je ne les utilise bien pas assez.
– Justement, dis le pan, prend celle-ci, fait lui honneur, répand l’encre de part sa pointe. Cette plume n’a de spéciale que notre histoire et le symbole que tu lui accordera. Le reste viendra de ce que tu lui soutireras.
– tu en as certes quelques une, mais une ôtée, elle ne reparaîtra plus.
– je m’en vais. Je sais mon heure venir, bien que je ne puisse avoir la certitude. J’ai rêvé cette nuit que je me tenais là et qu’une lumière venait se saisir de cette plume pour la glisser dans la main d’un homme, haut et brun, mince et saillant. À ta vue, j’ai su qu’il fallait te l’octroyer. N’ai crainte, tire vivement dessus s’il te plait. »
Ce qu’il fit, il me saisit et tira. Le pan, mon hôte, fléchi. Je restai accroché, il me saisi à deux mains et tira de toute ses forces, il fini par pousser un cri d’effort et retombant sur son postérieur d’une violence relative, nous fûmes alors enveloppé de mille plumettes et étincelles jaillissant d’un puit de lumière à revers. La lumière fila en l’air, tourbillonna et éclata de toute part.
Depuis, l’homme ne voit plus, mais la plume, elle, oui.
Face à moi, des yeux écarquillés de désir. Ils en oublieraient presque leur coupe de champagne.
Sur la scène, prise dans un spot rouge, je virevolte.
Chaque soir, je me prends pour le clou du spectacle jusqu’à l’instant fatidique, le moment où Elle me laisse tomber comme une vieille chique, cette fraction de seconde où, accrochée à Son boa, je mords la poussière sous les hourras du public. Il faut dire qu’un rien L’habille ou plutôt La déshabille.
Reptile inanimé, je gis au sol tandis qu’une musique lascive accompagne Ses contorsions.
Finalement, ma vie se résume à une succession de vols planés certes applaudis mais c’est tout de même un peu léger.
Souvent, j’envie ma cousine qui, quotidiennement prend un bain d’encre pour enchaîner les déliés de sentences définitives sur du papier qui boit avidement ses paroles. Bien qu’elle se dise un peu usée du bout, elle vient de boucler un ouvrage dont elle m’a confié en exclusivité le titre : « Lourdes, un miracle ». Je lui ai dit qu’on ne pouvait rêver mieux!
Une plume trouve sa vie un peu légère. Elle débuta en tant que nègre pour de grands éditeurs et elle finit par écrire sans y trouver d’intérêt. Elle fit donc appel à un nègre… mais pour découvrir bien vite que l’imagination, comme l’a si bien dit Einstein, est souvent plus importante que le savoir (écrire). Heureusement André Gide vint à son secours avec sa remarque, pour autant qu’ellle pouvait s’en souvenir, que tout fut dit ou écrit mais en tous temps peu de gens écoutent vraiment ou lisent avec attention et par conséquent il est régulièrement nécessaire de re-écrire ce qui a été dit ou écrit. Je pourrai peut-être re-écrire les Essais de Montaigne, s’écria-t-elle avec joie. Simplement lire le teste original et le re-écrire sur un beau cahier tout neuf. Et ma vie redeviendra pour de bon un peu légère !
P.S. merci Françoise — Gare du Nord.
« Attention, la plume dans le c… est un cliché, mais souvent à la base de si charmantes photos » Un outré d’Outreau.
« Il n’empêche qu’à trop tremper sa plume dans le c… l’écrivain moyen (la grande majorité) a toutes les chances de n’écrire que de la m….. ! » Un autre outré d’Outre Mère!
Une plume trouve sa vie un peu légère. Nègre depuis des lustres d’une demi-douzaine de poids lourds de l’édition française, elle s’ennuie ferme. Elle trouve superficielles les ballades bucoliques et bénins les contes pour enfants. Un peu futiles les chansons d’amour à l’eau de rose. Volages les fables à dormir debout. Insignifiantes les mémoires d’un amnésique ou puériles les biographies d’adolescents pré-pubères. Négligeables les nouvelles et finalement très frivoles les comédies.
Ce qu’elle à quoi elle aspire c’est la grande littérature : les épopées épiques, les romans russes, les tragédies grecques, les drames au romantisme échevelé et la poésie lyrique. Hélas, elle n’a ni le souffle ni l’envergure nécessaires.
Et tout autant que la légèreté de ses écrits, l’anonymat lui pèse. Alors, pour sortir de l’ombre, elle décide de faire appel à un nègre.
Une plume trouvait sa vie un peu légère
Elle ne manquait pas d’aplomb
Elle travaillait aux Folies-Bergères
Et y trouvait le temps long
Je ne suis pas de boa, bougonnait-elle
Ni de paon ni même d’autruche
Je vais m’enfuir d’ici à tire-d’ailes
Laisser ces dindes et ces cruches
Ce spectacle dans le vent est bien trop à la mode
Comment pourrais-je donc faire pour jouer la fille de l’air ?
Avec peu de discours et beaucoup de méthode
Il me faut m’arracher, déplumer ce derrière
Elle peaufina un plan, ourdit une stratégie
Et quitta les coulisses au gré d’un vent coulis
Dieu dans Sa bonté et Sa grâce infinies
Tint à récompenser la vertu de la belle
Séant, il la pria de venir près de Lui
Un ange il convoqua, la piqua sur son aile
Le chargeant instamment de se rendre au plus tôt
L’offrir incognito à Claude Nougaro
Forcément…elle avait choisi le cul d’une poule…et pas que de luxe, le genre à plumer le dindon, à se farcir le premier pigeon venu, à s’envoyer en l’air… avec le premier volatile friqué…le basculer en coq en pâte…la bague au doigt sacré du mariage…..la bagouse et tout…Enfin, rien que du lourd!
Je lis avec plaisir ces traits de plumes, qui m’accrochent, qui me piquent et qui lentement vont me conduire sur l’oreiller ou il fera bon poser sa tête.
Duvet de plume j’arrive.
Bonne nuit à vous
Je vois donc que la plume — qui s’est faufilée parmi nous entre deux lettres — est pour beaucoup de nature légère et non pas seulement pour qui la vie est devenue légère. Fort bien. J’attends la suite…
Une vie trop légère. Au début, elle s’était amusée. Chaque soir, elle virevoltait, s’envolait au son d’une musique gaie. Avec ses compagnes, elle sortait de scène sous les applaudissements et les hourras. Elle était fière. Elle était sur scène ! Mais vite, elle n’aima pas les yeux portés sur elle ou plutôt sur cette chose ronde qu’elle tentait de cacher.Plantée sur le faux cul d’une danseuse du Lido, elle était « matée. Et ces moeurs légères lui laissaient un goût amer. Elle avait quitté son maitre paon pour un petit cul qui se trémoussait. Triste loi de l’orientation professionnelle des plumes de paon arrivée à l’âge adulte. Elle regrettait sa participation à la fameuse roue. Tous ces yeux qui s’extasiaient… Elle avait le coeur gros.
Elle a pourtant tenté de s’alourdir un peu. Elle a choisi de se lester pour moins voler. ce qu’elle veut, cette plume, c’est rester sur terre. Assez de côtoyer les nuages, trop de vent, de brise et de tempêtes dans sa petite vie ! Elle veut du lourd, du solide, du costaud.
Peite plume a bien regardé autour d’elle. Elle a vu des canards mais eux aussi volaient. Elle a vu des oreillers mais a pensé que la vie serait bien triste en restant au lit.
Elle a décidé de prendre un peu de temps pour changer d’état. Et puis un matin, elle a trouvé. Un beau chapeau passait pas là. Elle s’y est accrochée. Depuis elle se balade, vit avec une très belle femme et se laisse souvent caresser.
Une plume trouve sa vie un peu légère. Les concurrentes ou compagnes d’autrefois se sont éloignées et semblent même ne plus reprendre leur place. L’encrier s’est aussi déplacé vers une des étagères et ne se donne aucune peine au-delà de l’observation continue, silencieuse. De temps à autre, elle sursaute quand la boîte sur le bureau crache des goutelettes noires sur des feuilles de papier en mouvement. Au début, la plume s’affola devant toutes ces transformations ; la vie sembla alors se détériorer. Mais le calme dans ses mouvements finit par dévoiler sa beauté. Elle trouve sa vie un peu légère mais ne regrette rien. L’attente c’est dans la nature. Ne rien faire a tout pour plaire. Comme un long sommeil qui est fait pour un doux réveil. On attendra pour lire. On attendra pour écrire.
Mes exercices sont des accélérateurs de particules imaginatives. Ils excitent l'inventivité et donnent l’occasion d’effectuer un sprint mental. Profitez-en pour pratiquer une écriture indisciplinée.
Ces échauffements très créatifs vous préparent à toutes sortes de marathons : écrire des fictions : nouvelles, romans, séries, etc.
Une plume trouvait sa vie un peu légère, alors…
Il était seul. Désespérément seul.
En quatre années seulement, il avait tout perdu : ses deux enfants et son amour, Ghita.
Son désespoir atteignait une telle profondeur qu’il était sur le point de tout abandonner. Même moi, sa fidèle plume, j’étais abandonnée sur le bureau. Je trouvais ma vie un peu « légère », bien que je compatissais au malheur de Peppino.
Heureusement, ses amis étaient présents, ses contrats à honorer aussi. Il se remit à l’écriture. Je me sentais bien dans sa main. Elle courait, courait…,jamais je ne m’étais sentie aussi légère. Parfois, il s’arrêtait. Je savais alors que de douloureux souvenirs surgissaient. Je me faisait discrète.
Le succès lui répondit. Il fut acclamé et il retrouva le goût d’écrire avec une force et une conviction extraordinaires.
Engagé politiquement il glissait des messages patriotiques au détour de ses plus belles pages. Je me sentais alors si forte et si légère à la fois, fière d’être auprès de lui.
Peppino a trente-huit ans. On dit de lui qu’il a atteint sa pleine maturité. C’est vrai. Je le sais, je le sens. C’est un bonheur indicible d’être avec lui.
Ses œuvres sont magnifiques, même si de temps à autres, il lui faut donner quelques coups de ciseaux ou changer un titre. Pour l’occasion, la malédiction était jugulée, le nouveau titre était bien trouvé !
Un soir, satisfait de l’avancement de la première partie d’une trilogie, il me réserva une surprise. Il écrivit pour moi. Une envolée, un véritable bijou d’une légèreté absolue.
Quelques jours avant le printemps de 1851, la Fenice est en liesse !
Dès le soir tombé, dans les rues de Venise, je suis sur toutes les lèvres.
Je suis « La donna è mobile »
Je suis « La plume au vent »…
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L’Italia musicale a qualifié Rigoletto de « maudite », le Times , d’ « opéra le plus faible du signor Verdi » .
La critique ne réalisa pas que Verdi venait de présenter une de ses œuvres les plus accomplies.
« Viva VERDI » clamait la foule.
Ce n’était pas seulement un hommage au compositeur. C’était un message politique et un souhait patriotique que le peuple lançait :
« Viva Victor-Emmanuel, Roi d’Italie »
A cette époque, une grande partie de l’Italie du nord était sous l’influence autrichienne.
Une plume trouve sa vie un peu légère.
» Je ne suis pas du genre à me plaindre mais que ma vie est légère, je dois dire! . Au moindre petit coup de vent ou courant d’air, je m’envole sans même connaître ma prochaine destination. Jadis je faisais partie du plumage d’une belle oie blanche qui connut un destin funeste. On fit de son foie un met de fête, de sa chair un festin pour gourmets et de ses plumes une couette pour les hivers rigoureux. Rescapée de justesse de l’édredon, je me suis alors retrouvée sur un chapeau en guise d’ornement. Mais j’étais bien trop légère pour tenir en place. J’ai repris ma folle course portée par l’air…et depuis…je vole, je vole et je virevolte …au gré du vent ! J’aurais voulu avoir un peu de plomb dans l’aile, ce qui m’aurait permis de prendre racine quelque part… mais ma condition est celle du plume… légère et volatile… peut-être qu’une âme charitable pourrait redonner du sens à ma vie, je suis encore bien belle et n’ayant pas trop servi, je pourrais m’accomoder de mille et un conditionnement si seulement on me remarquait là…posée sur un banc… »
Halima BELGHITI
C’est bien gentil, Antonio, merci merci. Cette histoire est tirée de faits réels, ce qui lui donne sans doute ce côté docu-drama dont vous avez saisi toute la portée et la profondeur (non ?..) : mes plumes s’assèchent dans leur plumier depuis que je brosse la souris dans le sens du poil.
Que de belles plumes inspirées, ceci dit. Ça décolle à plein tube… Aucune allergie à la plume à signaler, on dirait !
Ca c’est « plumant », Soize ! (comprendre un mixte entre décoiffant, poilant et bien écrit)
Une plume trouve sa vie un peu légère.
Des années à gratter pour un plumitif déplumé des histoires lourdingues de femmes frivoles qui s’envoient en l’air avec le premier pingouin venu, des récits de vieilles cocottes qui se jettent à poil dans n’importe quel plumard…
Elle aimerait tant s’encrer ailleurs, mettre le grappin sur du velu, du lourd, du Goncourt. Rédiger « Les mille et une nuits », « Guère épais », l’Encyclopédie Universalis, le «Mahabharata », le catalogue Manufrance !
Mais ses rêves ont du plomb dans l’aile. Et sa cervelle n’est qu’un petit poids. Bientôt, l’autre plum-cake l’aura troquée contre une souris. Elle va y laisser des plumes…
Une plume trouve sa vie un peu légère et elle la traîne telle une chape de plomb. Dix ans maintenant qu’elle est dans cette troupe. Elle ne sort pas tous les soirs, cela dépend de la revue. C’est sûr elle a un rôle prestigieux, elle habille uniquement les premiers rôles, en blanc et or. Elle, c’est une plume blanche, une plume de cygne, prélevée lors du premier plumage d’adulte, juste sous les grandes ailes. Elle est flexible et soyeuse, douce et à peine duveteuse. Avec ses compagnes, elle fait le bonheur de la danseuse, dans ce grand boa de plumes blanches et de fil d’or, manipulé avec précaution, et rangé délicatement après le spectacle, dans son papier de soie. Mais dix ans à s’exhiber le soir, dans cette ambiance cabaret, feutrée, luxueuse, sur des filles calibrées et légèrement frivoles, elle en a le cœur lourd de lassitude. Les conversations se ressemblent de soir en soir, maquillage, tenue, ou ai-je mis, t’as pas vu, dépêchons nous mesdemoiselles, levée de rideau dans deux minutes, allez, allez… Alors ce soir elle rêve. Nous sommes au 16ème siècle, elle est plume d’écrivain, elle est sa plume, son objet précieux, unique et à travers elle, il inscrit ses idées, il rédige ses écrits, il raconte des nouvelles, il couche ses mémoires. Elle l’aide à réfléchir, il la trempe délicatement dans l’encrier, elle s’applique a ne pas faire de tâche. Elle et lui ne font qu’un. Elle donne vie à ses idées, elle obéit à ses envies, trace les liés les déliés. Sa vie s’est remplie de mots, sa vie est lourde de sens et elle ne s’est jamais sentie aussi légère.
© Gwenaëlle Joly
(pour commencer, j’aime bien l’idée de l’encre !)
Une plume trouve sa vie un peu légère. Elle y apporterait bien plus de consistance, de matière pour peser dans l’air du temps. Parce que l’avis d’une plume est aussi léger que celui d’un petit pois qu’on laisse écossé et qu’on n’égoutte même pas. Déjà, c’est moins léger, là !
Mais peser, c’est souvent pour elle se battre contre du vent. Voilà ma petite plume légère, qui a toujours pris des gants jusque-là, se gonfler à bloc, et de tout son poids plume se mettre à boxer l’air qui d’une simple rafale du gauche suffit à lui voler dans la plume, lui faisant faire un roulé-boulé sur dix mètres en arrière.
Knock-out dès le premier round, la plume n’a pas dit son dernier mot. Un oiseau qui passait par là se saisit de l’appendice tégumentaire égaré et le plante sur son dos au milieu de ses autres congénères déjà en position de combat, prêts à fendre l’air à vitesse grand V. Le vent n’a pas résisté longtemps et sous l’impulsion du rapace qui se jette sur lui, tourbillonne et tombe comme une feuille morte.
Depuis cette histoire, ma plume, aussi légère qu’elle a pu l’être, s’accroche désormais au dos de mon imagination et se fend la gueule de l’air du temps, sans retenue… mais avec des gants bien sûr !
Une plume trouve sa vie un peu légère.
Et décide alors de jeter l’encre.
« Ho mon hôte, je le sens en ta chaire, nos jours sont proche de se taire ! J’ai vécu en ta compagnie, te ornant de toute ma prestance, de faste épisodes, d’inoubliable séquences. Des prairies jonchées de mauves pensées, à ces forêts sombres et apaisantes où nul pas d’humain ne s’est jamais posé. Ho mon hôte, n’aimerais tu pas voir cela rapporter ? Les fées, les beautés, les faits d’armes perdus. Que le vent qui nous parcourut toi, mes soeurs et moi, ne l’emporte pas, qu’il ne nous ait pas uniquement, toi et nous, fait frissonner, mais qu’il soit soufflé de génération en génération, transmit par ma pointe pour conjurer l’oubli. Ton esprit et le miens ont vu de nombreuses choses, nous pouvons apporter à un humain, que son talent éclose. On m’a dit de te rendre sur ce chemin ce soir, au près de l’abreuvoir. Tu y rencontreras un jeune homme à l’allure méritoire. Je dois t’avouer que je regrette de n’avoir été que spectateur, fais lui don de moi, que j’acte, que je fasse bon conteur. »
Ainsi, je me promenai dans une lande sombre quand je vis un oiseau, il s’agissait d’un pan. Un pan majestueux et faible, arrogant et discret, il me barrait la route, et, quand j’ approchai, il me regarda fixement :
« – Veux tu une de mes plumes ? dit le pan.
– Que pourrais-je en faire ? Elles te scient si bien, pourquoi voudrais-je t’en déposséder ? J’ai plus de plume qu’il ne m’en faut à vrai dire, et je ne les utilise bien pas assez.
– Justement, dis le pan, prend celle-ci, fait lui honneur, répand l’encre de part sa pointe. Cette plume n’a de spéciale que notre histoire et le symbole que tu lui accordera. Le reste viendra de ce que tu lui soutireras.
– tu en as certes quelques une, mais une ôtée, elle ne reparaîtra plus.
– je m’en vais. Je sais mon heure venir, bien que je ne puisse avoir la certitude. J’ai rêvé cette nuit que je me tenais là et qu’une lumière venait se saisir de cette plume pour la glisser dans la main d’un homme, haut et brun, mince et saillant. À ta vue, j’ai su qu’il fallait te l’octroyer. N’ai crainte, tire vivement dessus s’il te plait. »
Ce qu’il fit, il me saisit et tira. Le pan, mon hôte, fléchi. Je restai accroché, il me saisi à deux mains et tira de toute ses forces, il fini par pousser un cri d’effort et retombant sur son postérieur d’une violence relative, nous fûmes alors enveloppé de mille plumettes et étincelles jaillissant d’un puit de lumière à revers. La lumière fila en l’air, tourbillonna et éclata de toute part.
Depuis, l’homme ne voit plus, mais la plume, elle, oui.
© Hazem 2011
Une plume trouve sa vie un peu légère…
Face à moi, des yeux écarquillés de désir. Ils en oublieraient presque leur coupe de champagne.
Sur la scène, prise dans un spot rouge, je virevolte.
Chaque soir, je me prends pour le clou du spectacle jusqu’à l’instant fatidique, le moment où Elle me laisse tomber comme une vieille chique, cette fraction de seconde où, accrochée à Son boa, je mords la poussière sous les hourras du public. Il faut dire qu’un rien L’habille ou plutôt La déshabille.
Reptile inanimé, je gis au sol tandis qu’une musique lascive accompagne Ses contorsions.
Finalement, ma vie se résume à une succession de vols planés certes applaudis mais c’est tout de même un peu léger.
Souvent, j’envie ma cousine qui, quotidiennement prend un bain d’encre pour enchaîner les déliés de sentences définitives sur du papier qui boit avidement ses paroles. Bien qu’elle se dise un peu usée du bout, elle vient de boucler un ouvrage dont elle m’a confié en exclusivité le titre : « Lourdes, un miracle ». Je lui ai dit qu’on ne pouvait rêver mieux!
Alain Lafaurie
Une plume trouve sa vie un peu légère. Elle débuta en tant que nègre pour de grands éditeurs et elle finit par écrire sans y trouver d’intérêt. Elle fit donc appel à un nègre… mais pour découvrir bien vite que l’imagination, comme l’a si bien dit Einstein, est souvent plus importante que le savoir (écrire). Heureusement André Gide vint à son secours avec sa remarque, pour autant qu’ellle pouvait s’en souvenir, que tout fut dit ou écrit mais en tous temps peu de gens écoutent vraiment ou lisent avec attention et par conséquent il est régulièrement nécessaire de re-écrire ce qui a été dit ou écrit. Je pourrai peut-être re-écrire les Essais de Montaigne, s’écria-t-elle avec joie. Simplement lire le teste original et le re-écrire sur un beau cahier tout neuf. Et ma vie redeviendra pour de bon un peu légère !
P.S. merci Françoise — Gare du Nord.
« Attention, la plume dans le c… est un cliché, mais souvent à la base de si charmantes photos » Un outré d’Outreau.
« Il n’empêche qu’à trop tremper sa plume dans le c… l’écrivain moyen (la grande majorité) a toutes les chances de n’écrire que de la m….. ! » Un autre outré d’Outre Mère!
Une plume trouve sa vie un peu légère. Nègre depuis des lustres d’une demi-douzaine de poids lourds de l’édition française, elle s’ennuie ferme. Elle trouve superficielles les ballades bucoliques et bénins les contes pour enfants. Un peu futiles les chansons d’amour à l’eau de rose. Volages les fables à dormir debout. Insignifiantes les mémoires d’un amnésique ou puériles les biographies d’adolescents pré-pubères. Négligeables les nouvelles et finalement très frivoles les comédies.
Ce qu’elle à quoi elle aspire c’est la grande littérature : les épopées épiques, les romans russes, les tragédies grecques, les drames au romantisme échevelé et la poésie lyrique. Hélas, elle n’a ni le souffle ni l’envergure nécessaires.
Et tout autant que la légèreté de ses écrits, l’anonymat lui pèse. Alors, pour sortir de l’ombre, elle décide de faire appel à un nègre.
Françoise Denaules
Une plume trouvait sa vie un peu légère
Elle ne manquait pas d’aplomb
Elle travaillait aux Folies-Bergères
Et y trouvait le temps long
Je ne suis pas de boa, bougonnait-elle
Ni de paon ni même d’autruche
Je vais m’enfuir d’ici à tire-d’ailes
Laisser ces dindes et ces cruches
Ce spectacle dans le vent est bien trop à la mode
Comment pourrais-je donc faire pour jouer la fille de l’air ?
Avec peu de discours et beaucoup de méthode
Il me faut m’arracher, déplumer ce derrière
Elle peaufina un plan, ourdit une stratégie
Et quitta les coulisses au gré d’un vent coulis
Dieu dans Sa bonté et Sa grâce infinies
Tint à récompenser la vertu de la belle
Séant, il la pria de venir près de Lui
Un ange il convoqua, la piqua sur son aile
Le chargeant instamment de se rendre au plus tôt
L’offrir incognito à Claude Nougaro
Forcément…elle avait choisi le cul d’une poule…et pas que de luxe, le genre à plumer le dindon, à se farcir le premier pigeon venu, à s’envoyer en l’air… avec le premier volatile friqué…le basculer en coq en pâte…la bague au doigt sacré du mariage…..la bagouse et tout…Enfin, rien que du lourd!
Je lis avec plaisir ces traits de plumes, qui m’accrochent, qui me piquent et qui lentement vont me conduire sur l’oreiller ou il fera bon poser sa tête.
Duvet de plume j’arrive.
Bonne nuit à vous
Je vois donc que la plume — qui s’est faufilée parmi nous entre deux lettres — est pour beaucoup de nature légère et non pas seulement pour qui la vie est devenue légère. Fort bien. J’attends la suite…
Troquée contre un plomb, elle mesura le poids des à priori!
Une vie trop légère. Au début, elle s’était amusée. Chaque soir, elle virevoltait, s’envolait au son d’une musique gaie. Avec ses compagnes, elle sortait de scène sous les applaudissements et les hourras. Elle était fière. Elle était sur scène ! Mais vite, elle n’aima pas les yeux portés sur elle ou plutôt sur cette chose ronde qu’elle tentait de cacher.Plantée sur le faux cul d’une danseuse du Lido, elle était « matée. Et ces moeurs légères lui laissaient un goût amer. Elle avait quitté son maitre paon pour un petit cul qui se trémoussait. Triste loi de l’orientation professionnelle des plumes de paon arrivée à l’âge adulte. Elle regrettait sa participation à la fameuse roue. Tous ces yeux qui s’extasiaient… Elle avait le coeur gros.
Elle a pourtant tenté de s’alourdir un peu. Elle a choisi de se lester pour moins voler. ce qu’elle veut, cette plume, c’est rester sur terre. Assez de côtoyer les nuages, trop de vent, de brise et de tempêtes dans sa petite vie ! Elle veut du lourd, du solide, du costaud.
Peite plume a bien regardé autour d’elle. Elle a vu des canards mais eux aussi volaient. Elle a vu des oreillers mais a pensé que la vie serait bien triste en restant au lit.
Elle a décidé de prendre un peu de temps pour changer d’état. Et puis un matin, elle a trouvé. Un beau chapeau passait pas là. Elle s’y est accrochée. Depuis elle se balade, vit avec une très belle femme et se laisse souvent caresser.
Une plume trouve sa vie un peu légère. Les concurrentes ou compagnes d’autrefois se sont éloignées et semblent même ne plus reprendre leur place. L’encrier s’est aussi déplacé vers une des étagères et ne se donne aucune peine au-delà de l’observation continue, silencieuse. De temps à autre, elle sursaute quand la boîte sur le bureau crache des goutelettes noires sur des feuilles de papier en mouvement. Au début, la plume s’affola devant toutes ces transformations ; la vie sembla alors se détériorer. Mais le calme dans ses mouvements finit par dévoiler sa beauté. Elle trouve sa vie un peu légère mais ne regrette rien. L’attente c’est dans la nature. Ne rien faire a tout pour plaire. Comme un long sommeil qui est fait pour un doux réveil. On attendra pour lire. On attendra pour écrire.