Exercice inédit d’écriture créative 17

Deux poubelles, sur le bord d’un trottoir,
discutent le bout de gras.

Imaginez leur conversation

11 réponses

  1. Françoise - Gare du Nord dit :

    Deux poubelles, sur le bord d’un trottoir, discutent le bout de gras.

    Bonjour. C’est vous la nouvelle ?

    Oui. J’ai répondu à une offre d’emploi de la mairie. Comment est la vie dans le quartier ?

    Plutôt agréable. C’est un quartier assez animé, très coloré si vous voyez ce que je veux dire.

    Je vois. Cela va me changer. Je viens d’une commune rurale. Je m’ennuyais ferme. Je n’étais sortie qu’un seule fois par semaine. « Bourrée la semaine, sortie le samedi » tel était notre surnom. Contenir des ordures ménagères ce n’est pas une sinécure vous pouvez me croire.

    Je vous crois. Ici, notre surnom c’est « La poubelle du quartier », ce n’est guère mieux, vous en conviendrez

    J’en conviens. Dites-moi, vous évoquiez un quartier très coloré. C’est un problème, avouez-le ?

    Un peu je l’avoue. Au début, il n’y avait que nous, que des vertes. Nous étions entre nous, pas de problème donc. Puis la blanche est arrivée suivie de près par la jaune.

    La blanche. La jaune. Mais de quoi parlez-vous ?

    Ils ont mis en place le fameux tri sélectif, ce qui, soit dit entre nous, est un pléonasme. Et là, les problèmes ont commencé. Avant, les gens savaient ce qu’ils devaient faire. Mais à partir de la mise en place du nouveau système, le public était perdu. Que faire des pots de yaourt ? Du papier aluminium ? L’angoisse, vous n’imaginez pas.

    J’imagine. Mais en quoi consiste le nouveau système ?

    La poubelle blanche, celle avec le trou, reçoit tous les verres. Cela fait un boucan d’enfer, vous vous en doutez

    Je m’en doute. Et la jaune, dites-moi ?

    Je vais vous le dire. Avec la blanche, au moins c’est clair. Du verre et que du verre. Mais avec la jaune c’est plus compliqué et plus confus. Du papier, du carton, du plastique. Les bidons et les flacons, les barquettes et les canettes, les prospectus et les catalogues, les emballages et les journaux. Elle nous a causé beaucoup de tort. Sans compter qu’elle nous snobe, prétendant que nous sentons mauvais

    Mais vous disiez que malgré tout,  c’est un quartier vivant. Vous me le confirmez

    Je vous le confirme. Quoique cela ne nous concerne pas particulièrement, nous les vertes. Non, non, croyez-moi, ce tri nous amène tout droit au chômage. Et ce n’est pas fini

    Que m’annoncez-vous ? Une nouvelle venue en vue?

    Précisément. Ma cousine qui vit à Paris, dans le XIXe arrondissement, m’a annoncé que viennent d’être mises en places des poubelles marron

    Marron. Marron comme un avocat véreux ?

    Vous ne croyez pas si bien dire. Figurez-vous qu’on y jette les déchets alimentaires : les épluchures et les pelures, les arêtes et les squelettes, les sachets de thé et les filtres à café etc..Tout cela nous revenait de droit. Elle nous vole notre travail

    Qu’allons-nous devenir ?

    Qu’allons-nous contenir ?

    Une heure plus tard, alors que nos deux commères réfléchissaient encore sur leur devenir gravement compromis, un camion-poubelle vint à venir.

    Mais il nous ignore, il passe devant nous sans s’arrêter

    Ce doit être le jour du verre, c’est le tout de la blanche. Encore elle !

    Mais à peine eut-elle fini sa phrase qu’elles virent la poubelle blanche arriver en pleurs.

    Mais que t’arrive-t-il tu es livide ?

    Je suis vide, vide. Plus personne ne me remplit. Il n’y en a plus que pour le conteneur à verres. Je suis définitivement finie, perdue à tout jamais pour le Service de nettoiement qui a viré sa cuti et préfère les conteneurs aux poubelles. Votre tour viendra, vous pouvez me croire, Mesdames, votre tour viendra

  2. Clémence dit :

    Deux poubelles, sur le bord d’un trottoir, discutent le bout de gras.

    Dix-huit heures.
    Une ville de province,
    Un quartier tranquille,
    Une rue conviviale.
    Un trottoir bordé de forsythias.

    Deux poubelles côte à côte.

    L’une tressaute du dernier hoquet de son four-rire.
    – Eh bien, ma chère voisine, tu es de bonne humeur, ce soir !
    – Oups, oui ! Tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé !
    – Allez, vas-y, raconte, je sens que tu en meurs d’envie.
    – Je ne me souviens plus si je te l’avais déjà dis. Mais je te le rappelle. Ma propriétaire est une personne charmante et bonne cuisinière. Très organisée voire maniaque !
    – Ces traits ne s’opposent pas, que je sache.
    – Non, mais attends, c’est ce qui est arrivé par la suite…Mais, il faut que je te dise. Avant…
    – Avant ? Tu en fais des mystères !
    – Non, ma chère, ce ne sont pas vraiment des mystères.

    Voilà, ma propriétaire est donc très organisée. De ce fait, je sais toujours de quoi seront faits mes lendemains. Mon menu, mes taches et les déchets.
    Tu vois, dans mes strates, immuablement, invariablement, atterrissent par ordre chronologique : la liste de provisions, ensuite la facturette et pour finir, les déchets.

    – Mmmm, ce n’est pas comme chez moi, je reçois … euh, pardon, où est le problème ?
    – Le problème est que cette fois, rien de colle !
    – Comment cela, rien ne colle ? Tu veux dire que plus rien ne pègue ? Elle nettoie ses déchets ?

    – Si tu m’interromps à chaque fois, je ne parviendrai pas à te raconter la suite rocambolesque !
    – Bon, je t’écoute « corpus et couverclus cousus » !

    – Première strate : je réceptionne la liste des achats : « 4 Cuisses de lapin, 3 tomates mûres, ail, olives noires, huile d’olive… » Chouette, me dis-je, je vais déguster un lapin à la niçoise…Je bavais, je salivais, je me pâmais… Tiens, j’avais même pensé à t’inviter !
    – Je te remercie, c’est super sympa !
    – Mais voilà que déboule, toute chiffonnée, la facturette. Je me pousse d’un couvercle de boîte de conserve pour m’aider à la déchiffonner. Et je lis, stupéfaite : « Blancs de Poulet, 800gr, Oignons 350 gr, beurre, Champignons de Paris, 300gr, vin blanc, Tomates coeur de bœuf 450gr … »
    – Ça alors ! Comment expliques-tu cela ?
    – Il m’a fallu tendre l’oreille pour comprendre ! Madame a tout de même remonté les bretelles à Monsieur…

    – Ça alors, pourquoi ?
    – Ça alors, tu vas toujours répéter ça ?
    – Euh, non….
    – En fait, Madame a eu un léger malaise. Elle a confié la liste à Monsieur et il s’est rendu au super marché. Au retour, en déposant les sacs recyclables, il lui a dit fièrement : « Au rayon viande, il n’y avait plus de lapin, alors j’ai pris du poulet. Je me suis souvenu que j’allais à la chorale ce soir, alors, une haleine aillée, cela fait désordre. Il n’y avait plus d’olives noires, mais j’ai pensé que les champignons cuits noircissaient aussi… ». Madame en a eu le souffle coupé. C’était la première fois que Monsieur prenait de telles initiatives en cuisine.

    – Bien, bien. Il est sur la bonne voie. Et alors…. ?
    – Alors, Madame lui a suggéré de s’occuper du repas.
    – Et il a obtempéré ?
    – Tu parles ! Parole de poubelle ! Il nous a concocté un poulet Marengo de derrière les fagots !
    – Dis-donc, il ne t’en reste pas une portion, histoire de se faire un bout de gras ?
    – Siiiiiiiiiiiii, zou, sortons les gamelles !

    © Clémence

  3. dumouchel dit :

    Les lueurs du jour commencent à caresser la petite ville d’Elbeuf. Je sens une main me prendre, il est 5 h, elle se lève tôt pour une ballade !
    Ah mais non, elle me laisse là sur le trottoir.. mais pourquoi ?
    – Bonjour, tu es nouvelle ?
    – Je ne sais pas
    – Eh bien ta couverture est jaune, la mienne est verte tu es donc nouvelle tu es là pour le tri, j’ai entendu les locataires en parler la semaine dernière.
    – Je ne me rappelle rien, je ne sais même pas qui je suis ! J’étais vide hier, comme ma mémoire et je matin, je suis pleine de cartons, journaux, livres et compagnie ouverte, fermée puis ré ouverte. J’ai l’impression d’être un nouveau né. Mais dis donc, c’est normal cette odeur que tu dégages ?
    – oui, et ce n’est pas faute de ma faire laver ! mais entre la vieille qui termine pas ses assiettes et le célibataire qui ne ferme jamais ses sacs, tu imagines bien qu’en été ce n’est pas la fête ! En plus les jeunes mariés du 3° n’ont pas trouvé mieux que de faire un gosse alors maintenant j’ai aussi les couches ! Tu as de la chance tu sais, toi tu n’auras que des déchets propres !
    – Tu es en train de me dire que je ne serai pas aussi désagréable que toi ? c’est géniale
    – Dis donc, toi, tu restes une poubelle alors pour ce qui est d’agréable tu pourrais faire mieux !
    – Ah et tu es susceptible ! bon d’accord, explique moi donc cette histoire de tri ?
    – ca sert à faire recycler tous les objets
    – mais que veut-elle recycler ? du boudin, du steack, des pommes de terres impossible ! Du coup, avec mes cartons j’ai la chance de ne pas avoir les désagréments de l’odeur et de servir après récupération ! mais tu sais, les autres locataires aussi ne me mettent que des cartons d’emballages, journaux, pub. C’est plutôt bien !
    – Parle pour toi, avec ta couverture jaune ! Moi avec ma capote verte, je me retrouve avec des couches, des mouchoirs, j’ai des cartons mais ils sont sales donc j’ai pleins de mauvaises odeurs. Tiens le camion arrive ! Et il va encore me secouer pour être sur de tout enlever. Je sentirai mieux quand la gardienne m’aura laver.
    – Bah et moi il me prend pas ?
    – Non toi c’est l’autre camion ! Veinarde, ils sont cool avec les poubelles jaune : c’est grâce aux odeurs que tu n’as pas ! Par contre, toi, la gardienne ne te lavera pas tout de suite, tu risques d’attendre quelques mois ! allez zou on se revoit dans deux jours ma belle ? Tu auras peut être des choses à me raconter mon nouveau né préféré !!!!

  4. dumouchel dit :

    – Regarde moi ça comme je suis pleine ! ça fait un mois que ça dure ! Deux fois par semaine, je suis gavée comme une oie.
    – Comment cela ce fait ? toi qui n’a jamais rien à donner à ces chers sans abris.
    – Le pire c’est que je n’ai toujours rien à leur donner, ce jeune couple qui vient d’emménager, ils jettent des feuilles, des cartons, des livres, absolument rien à manger. Je ne sais pas comment ils font. Et toi, quelles sont les nouvelles ?
    – Ma petite vieille ne termine jamais ses assiettes, du coup, elle garde, elle garde et quand elle jette : ça pue grave !!! mais dit donc ton couvercle n’est plus le même tu as fait peau neuve ?
    – Oui, je ne sais pas pourquoi, j’ai entendu la gardienne parler de recyclage ? mais que veut-elle recycler ? du boudin, du steack, des pommes de terres impossible ! Du coup, avec mes jeunes j’ai la chance de ne pas avoir les désagréments de l’odeur ! mais tu sais, les autres locataires aussi ne me mettent que des cartons d’emballages, journaux, pub. Je crois qu’ils commencent tous à faire le tri de leurs déchets, c’est plutôt bien !
    – Parle pour toi, avec ta couverture jaune ! Moi avec ma capote verte, je me retrouve avec des couches, des mouchoirs, j’ai des cartons mais ils sont sales donc j’ai pleins de mauvaises odeurs, sans compter le célibataire qui ne sait pas fermer ses sacs !
    – Tiens le camion arrive !
    – Bah et moi il me prend pas ?
    – Non toi c’est l’autre camion ! Fais gaffe, ils sont moins cool avec les poubelles vertes : c’est à cause de votre odeur ! allez zou on se revoit dans deux jours ma belle ?

  5. Sabine dit :

    Deux poubelles, sur le bord d’un trottoir, discutent le bout de gras.

    – Brrr…
    – Hein ?
    – A glagla.
    – Ho !
    – Atchoum.
    PLIC PLOC PLIC PLOC PLIC PLOC
    – Oups!
    OUAF OUAF, GRRRR, PSSSiii
    – Beurk!
    – Pouah!
    PIN PON, PIN PON, PIN PON
    – Aïe aïe ouille…
    – Outch !
    TUT, TUUUT, T-U-U-U-T, VROUM
    – Chuuut !!!
    COCORICO, DING DONG, COCORICO
    – Allez, à demain.
    – A demain

    ©Margine

  6. Halima BELGHITI dit :

    Deux poubelles, sur le bord d’un trottoir, discutent le bout de gras.

    – Dis donc, ce n’est pas parce que tu brilles comme un sous neuf, qu’il faut tout te permettre
    -Ecoute, Pepa, il faudra que tu te fasses une raison. Je suis la nouvelle poubelle par opposition à toi…
    -Tu peux le dire Fafa, lui dis-je: presque de dix ans de bons et loyaux services pour être remplacé par une gourde arrogante comme toi !!
    – N’importe qui à ma place, passerait pour une gourde arrogante auprès de toi, me répondit Fafa. Parce que la pillule ne passe pas bien. Mais c’est comme ça ma vieille, on appelle ça le renouvellement des générations…Disons que je suis un peu plus moderne que toi…mais il tient à toi…la preuve, il te garde quand même…
    -Il manquerait plus qu’il me bazarde ! me suis-je exclaffé
    – Mais il aurait pu. Tu peux le constater toi-même, depuis que je suis là, tu ne bosses plus. C’est moi qu’il remplit sans cesse le plus…Et c’est moi encore qu’il sort le soir de ses petites mains dodues. Ce chef me plait décidément beaucoup… Il a eu le bon goût de me mettre à contribution…toi tu as fait ton temps !
    – Redis- le pour voir, me suis-je indignée . Je sers parfaitement encore la cause et je peux te le prouver ! Je peux contenir une fois et demie, ce que tu contiens !
    – Mais qui ça intéresse rétorqua Fafa, c’est moi qu’il astique deux fois par semaine…pas toi !
    – Mais pour qui elle se prend celle-là !! ais-je pensé tout haut
    Le soleil se couchait au loin. Bientôt ses dernières lueurs éclaireront une dernière fois la ville, puis la nuit tombera…
    – Je vais me coucher, dit Fafa. Demain, les éboueurs passent à 5h du matin…Bonne nuit Pepa
    -Bon’uit marmonnais-je à voix basse.
    « C’est terrible de terminer comme ça, pensais-je…jetée comme une vieille poubelle, et remplacée par une pimbêche, un soupçon trop vaniteuse ! Je ne l’ai pourtant jamais lâché pendant toutes ces années…mon couvercle fonctionne toujours, et je tiens le coup. On n’en fabrique plus des poubelles comme moi. Solides et pratiques…Aujourd’hui elles sont sophistiquées et précieuses ! C’est vrai qu’elle est rutilante Fafa. Mais bon, ce n’est pas juste ce que l’on attend d’une poubelle, il me semble… »
    Et , tout en ruminant, je m’endormis d’un sommeil profond. Les éboueurs passèrent effectivement à 5 heures. Je les ai à vaguement entendu…
    Deux heures plus tard, je fus réveillé par les cris de colère d’Eric, le chef cuisinier aux doigts dodus : « C’est pas possible !! Ma poubelle toute neuve ! Je viens de l’acheter! Elle a disparu !! On me l’a volé ! Des espèces d’imbécille me l’ont piqué !! Les enfoirés !!  »
    Eric n’arrêtait pas de faire les cent pas, pour se calmer. Puis il se retourna soudain vers moi et me dit : « Bon ben, je vais faire avec toi, tant pis, tu fais aussi bien l’affaire, et au moins on ne te piquera pas toi !!.J’ai bien fait de te garder ! Je ne vais pas en racheter une neuve…si c’est pour que me la vole ! Pas les moyens !  »
    Et lorsqu’il me prit sous le bras pour aller me décrasser un peu, avant que je ne reprenne du service, je pensais en souriant:  » C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes !
    Halima BELGHITI

  7. Alain dit :

    Brèves de Trottoir

    -Tiens, te voilà, toi! Mais dis donc, c’est pas ton jour de sortie!
    -Passé le nouvel an, on écluse le trop plein y compris les recyclables ce qui me vaut l’honneur de te côtoyer. Comment vas-tu, collègue?
    -Oh moi, tu sais je marche aux déchets ordinaires. C’est la routine, je me sens juste un peu ballonnée.
    -Il est vrai que tu n’arrêtes pas de baîller mais je rêve ou ça sent la marée?
    Les plateaux de fruits de mer, c’est l’enfer mais, paradoxalement, c’est aussi le rêve: un peu d’océan, même avarié, à Bécon Les Bruyères et je me sens toute remuée!
    -Où va se nicher le romantisme! S’émouvoir pour des bigorneaux énucléés et des bulots qui sonnent creux, faut être un peu timbrée!
    -Que veux-tu, les lendemains de fête, ça craint. Mais qu’est donc cette feuille de chou qui dépasse de ton couvercle?
    -Oh ça, juste des nouvelles pas fraîches.
    -Laisse moi lire. PSG a encore perdu, tu parles d’un scoop!
    -Y a mieux, regarde cet entrefilet, on n’a pas moins de trois miss France, laquelle préfères-tu?
    -Difficile à dire, elles sont toutes élancées et maigres comme des arêtes de poisson. Pardonne moi, je ramène tout à la mer en ce moment.
    -A en avoir la nausée! Tiens à propos, un pensionnaire m’a gratifié d’une croûte dont il voulait se débarasser, comme si j’allais pouvoir la recycler!
    -Ben raconte, quelle genre de toile?
    -Une marine : des baigneuses à Trouville sur fond de parasols arc-en-ciel. J’comprends pas pourquoi ils l’ont jetée. Cette aquarelle, c’est du soleil dans la banlieue!
    -Et je parie qu’ils l’ont remplacée par une de ces toiles abstraites tout en barbouillage, un peu comme ton vieux carton de pizza.
    -Les gens jettent n’importe quoi! Tiens, comme tu me vois, j’ai hérité d’un presse-purée à l’ancienne en parfait état. Faut croire que la manivelle n’est plus tendance. Trop peur d’user de l’huile de coude. Pressés comme ils sont, leur faut maintenant du presse-purée presse-bouton.
    -Allons donc, même ça c’est trop fatiguant, elles sont lyophilisées leurs patates. Mais dans le fond, tu as raison, ce presse-purée, il aurait fait un tabac dans un vide-grenier.
    -A défaut, ils auraient pu le déverser chez nos consoeurs de la déchetterie. Tu sais que je les envie, celles-là. Leur degré de spécialisation atteint presque la perfection.
    -Oui, sauf pour le conteneur de tout venant. Et puis, ne les jalouse pas de trop. Tu te vois recevoir les déchets métalliques. Et cling et clang à tous les voyages, plus de moyen de stocker en paix.
    -Bon, on cause, on cause, et qu’est-ce qu’ils foutent nos éboueurs? Une panne d’oreiller après les agapes du réveillon? Une grève surprise?
    -Ah non, ne parle pas de malheur! Je ne tiens pas à fermenter à l’air libre.
    -Ça risque pas d’arriver. Avec le froid ambiant, c’est plutôt la congélation qui nous guette.
    -Ce serait plutôt la confiscation. Regarde, voilà notre habituel glaneur qui s’approche.
    -Dis donc, l’est bien sapé aujourd’hui, le bougre aurait-il touché le tiercé?
    -En tout cas, il n’a pas oublié ses gants plastique. Moi, je veux bien lui rendre service mais je suis allergique à ses chatouilles!
    -Et délicate, en plus, t’aurais du faire corbeille à papiers!
    -Chut! Plus un mot, le v’là qui radine…
    Après une fouille méthodique, le glaneur s’empare du presse-purée, de la toile aux baigneuses et de la feuille de chou. L’article sur les Miss France retient toute son attention.
    -Y a pas à dire, l’a bon goût, le diable!
    -Je dirais même plus, un prince, un seigneur!

  8. Gwenaëlle dit :

    – Salut ma belle, t’es nouvelle ?
    – Oui j’viens d’arriver, j’viens ramasser les papiers.
    – Ah oui ! Tant mieux ça m’fera moins d’boulot ! Plus d’emballages, plus de plastique, plus de verre maintenant plus de papier et une copine de plus ! Elle est pas belle la vie ?
    – Une vie d’ordures !
    – De quoi tu t’plains ? Elle est pas pourrie ta vie, au moins ça pue pas les papiers !
    – Non, mais j’sais pas lire, alors tu sais les canards …
    – Et puis t’en jettes avec ton couvercle jaune !
    – Mouais.. jaune canard !
    – Oh ! regarde la vie du bon côté, nous sommes indispensables, on nous nourrit abondamment, on nous sort régulièrement, on voit du monde
    – Oui t’as p’t’être raison.. Oh, on me rentre, à demain, pour de nouveaux déchets ?
    – Ah non demain, c’est pas mon jour, à vendredi !

  9. Morroni Jerome dit :

    – Mon pauvre Ben tu as vraiment une drôle de mine depuis un moment…c’est quoi les huitres ?
    – Tu sais Bac, depuis que la concierge m’a collé « PLASTIQUES » je t’avoue que j’ai du mal à digérer…j’aurais préféré un organisme encore vivant. Enfin, j’me comprends. On te change de statut comme ça sans prévenir, sans convention et te voilà étiqueté. Bac, dans ma benne c’est la lutte.
    – Allez, entre le vieux du cinquième qui comprend rien et le célibataire du premier, tu vas pas me dire que tu choppes pas des restes ? Y’a bien des anarchistes dans cet immeubles ?
    – Non, je te jure, ils sont tous tombés dans le délire du trie, à croire qu’il y a un inspecteur des poubelles qui contrôle. Des anar dans le 16eme … et pourquoi pas des bobos t’en qu’on y est… en tout cas il va falloir prévoir un recyclage de benne, car le Ben il a du mal à suivre.
    – Allez, soit cool c’est pour « l’environnement », la planète, le futur. Grâce à toi c’est le monde qui va mieux !
    – Qui va mieux, qui va mieux, en attendant c’est l’indigestion et c’est mon estomac qui a des remontées…. vertes…. Je déborde, je dégouline presque…
    – C’est clair, ils auraient du coller l’étiquette à la grosse d’en face, depuis qu’il n’y a plus de monopole du vert.
    – Non ce qui est clair c’est que toi, avec ta consommation de fruits et de légumes, même réduite aux épluchures, aux restes soupes ou aux oubliés du frigo, manquerait plus que tu n’es pas le couvercle qui brille et les roues bien huilées. Avec un peu de chance y’a même du bio dans tout ça.
    – Allez bon, fais pas la tronche, pense à l’ami Bile, …. tu sais comment ça vieillit une pile toi ? moi j’te dis c’est pas beau. Imagine, les camarades dans les cliniques vétérinaires ou dans blocs opératoires… on est pas bien là ? dans notre local du 16 eme ?
    – Arrête Bac, je vais vomir …

  10. Marie-Ange dit :

    – Aïe… ouille… y en a marre !
    – Allons bon, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?
    – Le locataire du 2ème gauche a encore vidé ses bouteilles dans mon estomac ; elles se sont cassées… à coup sûr je vais faire un ulcère !!!
    – Râle pas ! moi c’est sans arrêt que je reçois des bouteilles.. et il ne m’arrive rien !
    – Oui, mais toi tu es faite pour ça, tu ne bouffes que du verre, ton corps est habitué !
    – C’est faux, parfois on me met des journaux… une fois j’ai presque été asphyxiée par l’odeur de l’encre d’imprimerie, mais je ne t’ai rien dit !!!

    – Oh ! toi, t’acceptes tout… moi pas, j’ai du caractère, moi, ma chère…
    – Tu es surtout une emmerderesse !!!
    – Quoi ?
    – Oui, une emmerdeuse chronique, ce sont les pires !
    – Merci ! En tout cas je me sens toute endolorie…
    – Bon, ça va.. pense plutôt à ton cher container d’en face !
    – Ah ! oui… tu as raison… ça va mieux rien que d’y penser… mais, où est-il je ne le vois plus ?
    – Ah ben ! il ne manquerait plus qu’on l’ait supprimé… pauvre de moi, je n’aurais pas fini de t’entendre !!… Mais non, il est caché derrière la voiture en stationnement… regarde !
    – Ahhh ! ouf ! j’ai eu peur ! Bon, maintenant je vais pouvoir dormir tranquille.. Bonne nuit ma nénette !
    – Bonne nuit niquedouille, à demain !

  11. Antonio dit :

    – Salut Mado ! Y a longtemps que t’es là ?
    – M’en parle pas, José m’a déposé là comme une merde y a deux heures. On voit bien que c’est pas lui qui se les pèle par moins deux et se fait renifler le couvercle par une horde de chats et chiens mal élevés.
    – Ah, tous des ordures ! Les gens ne respectent plus rien. Ils croient quoi, qu’on est bonnes qu’à se faire fourrer et remercier sur le trottoir en attendant que le Fernand ramasse le fruit de notre travail ?
    – Ah ben tiens, quand on parle du loup !
    – Je crois que je vais encore me faire tirer les oreilles.
    – Pareil, on fait plutôt vache maigre en ce moment.
    – Bonjour Monsieur Fernand !
    – Comme vous voyez Monsieur Fernand !
    – Mais c’est pas notre faute Monsieur Fernand !
    – Des explications, Monsieur Fernand, y en a deux : les emballages et le tri sélectif.
    – Ah oui, c’est le drame ça, le tri sélectif !
    – Les gens ne cuisinent plus. Ils n’ont plus le temps. Aujourd’hui ils se ruent chez Picard. Y a qu’à déballer, enfourner et c’est prêt. Tout dans l’assiette et le reste dans la poubelle bleue.
    – Ah, pour ça, elles font les fières sur les trottoirs, les pouf’ bleues, chargées ras la gueule. Bientôt elles descendront quatre fois par semaine à notre place.
    – Et l’amoureux des fruits et légumes, fraîchement sélectionnés au marché du dimanche matin, c’est pas qu’il nous boude, il composte ! … Dans son jardin, sur son balcon, histoire de se persuader qu’il est bien l’homme du vingt et unième siècle, précurseur du développement durable.
    – C’’est bien simple, j’ai pas vu une pelure de patate depuis le grenelle de l’environnement. Pareil, les magazines, végétaux, piles, médicaments, disparus ! … recyclés !
    – Avant on bossait pour des peaux de bananes, maintenant c’est pour des clous.
    – Et tous les ustensiles qui ne servent plus, les jouets des gosses, vendus sur e-bay !
    – Hé, doucement ! … Aïe ! … un peu de délicatesse tout de même !
    – Mon chapeau !! …
    – Ouais c’est ça, à demain, Monsieur Fernand !
    – Tu m’aides à me relever ? Quelles brutes !
    – Des ordures j’te dis, tous des ordures !

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