Petit bonhomme est né
HISTOIRE CHARGÉE D’ENSEIGNEMENT (9)
Petit bonhomme est né !
Ses parents sont heureux. Très heureux.
Leur bébé est éveillé, papa et maman sont émerveillés.
Cet enfant, c’est évident, est très intelligent, bien plus intelligent que ceux de son âge.
Petit bonhomme grandit. Il entre à la garderie. C’est lui le plus beau, le plus gracieux, le plus futé, aussi.
Maman a d’ailleurs commencé à lui apprendre à lire des petites histoires illustrées. Papa lui apprend patiemment à compter, avec un boulier sur lequel bébé doit faire coulisser des petites boules en bois.
Petit bonhomme grandit encore, il entre à la maternelle, mais pas n’importe laquelle. Une maternelle pour les enfants précoces, parce qu’il ne faut pas que cet enfant doué, perde son temps à jouer, manger et faire la sieste.
Petit bonhomme a plein de jouets éducatifs dans sa chambre, la place commence à manquer.
Il saura bientôt nager, maman l’accompagne à la piscine, deux fois par semaine.
Papa a décidé qu’il fera du judo et apprendra l’anglais, comme lui quand il était petit, il saura se faire respecter et en avance sur les autres, quand il entrera au collège.
Maman et papa sont totalement d’accords sur ce point, pas question d’avoir une tablette ou de regarder des dessins animés à la télé, ça rend idiot.
Petit bonhomme grandit encore. Il entre à l’école primaire. Publique, d’abord, mais elle est trop laxiste. Ses parents le sortent vite de là et le scolarisent dans une école privée. C’est beaucoup plus sérieux et strict. On prépare les enfant à affronter la dure réalité de la vie.
Petit bonhomme est un bon élève, toujours dans les cinq premiers. Mais ses parents sont déçus, il n’est jamais le premier. Ils décident alors de l’inscrire à des cours particuliers. Petit bonhomme suit ses cours les jours où il n’y a pas école. Et pendant les vacances.
Petit bonhomme a encore grandi, c’est devenu un adolescent qui n’a jamais le temps de s’ennuyer.
Il joue au tennis et du piano, est déjà ceinture marron de judo, apprend le chinois et travaille 48 h par semaine, comme son grand-père, bien avant Mitterrand.
La famille habite une tour au 20e étage. La famille ne prend pas l’ascenseur au rez-de-chaussée, mais toujours au 7e étage, c’est très bon pour le souffle et le cœur.
Aujourd’hui, maman arrive la première, elle dispose de son vendredi après-midi.
Ce sont les vacances de Noel, Petit grand bonhomme est resté à la maison. Il s’est échiné tout l’après-midi sur un cahier de devoirs pour surdoués. Maman arrive sur la pointe des pieds, colle son oreille contre la porte et écoute si son fils n’a pas allumé la radio ou la télé pendant leur absence.
L’appartement est silencieux, elle sourit, son fils est un bon petit gars, sérieux et studieux.
Elle entre. Le froid la surprend. La fenêtre du séjour est grande ouverte. Sur la table, un mot : « Je n’y arrive plus, maman ! »
20 étages plus bas, le corps de grand petit bonhomme gît sur le trottoir.
Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com
Une histoire tragique ! En effet il n’y a pas d’éducation sans liberté laissée à l’enfant.
Merci Pascal de nous rappeler que nous ne devons pas céder totalement à notre désir de transmettre et de protéger.
Ces parents ont certainement voulu « armer »leur enfant devant la vie, laquelle est basée sur « la loi du plus fort » et de la compétition, afin qu’il ait un bon statut social. Qu’il fasse partie des « dominants ».
Or, un être est autre chose qu’une « fonction » et que ses « possessions ». Sa véritable identité, son originalité, son essence se trouvent dans ce qui le fonde au plus profond de lui-même et qui le rend unique.
Favoriser cette émergence et lui offrir tous les moyens de s’épanouir est le rôle des parents. Lequel n’est pas inné. Parfois, ce sont les enfants qui donnent aux parents les leçons dont ils ont besoin pour grandir.
Je ne voudrais pas enfoncer des fenêtres ouvertes mais c’est curieux l’énergie que met l’adulte à éduquer l’enfant pour qu’il devienne quelqu’un d’autre que l’être parfait qu’il est déjà tandis que lui, dans sa crise de la quarantaine, épuisé, cherche à retrouver ses désirs d’enfant.
L’éducation est à l’enfant ce que l’intelligence artificielle est à la création, des couches de conditionnement qui nous plombent plus qu’elles nous élèvent.
Un texte plein de réalisme. La compétition toujours la compétition pour aller où, faire quoi ? Passer à côté de son existence. La flânerie est nécessaire, elle permet de rêver, de voyager dans son imaginaire et d’être ainsi créatif et libre. La seule plate-bande qu’il ne faut jamais mépriser,
asservir, c’est notre cerveau. La plus grande valeur à acquérir c’est la liberté. Dans nos sociétés, elle relève plus de l’acquis que de l’inné.
Il y a quelques années, on se moquait des Japonais qui « performaient » leurs enfants.
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.Nos enfants ne nous appartiennent pas, Khalil Gibran
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain,
que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et
Il vous tend de Sa puissance pour que
Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie;
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable.
Khalil Gibran, (extrait du recueil Le Prophète)
Merci Achille de nous rappeler ce très beau texte.
Un très beau texte d’un poète qui mérite d’être lu. Merci
Bonjour Pascal
Voilà qui me ramène à mes années infirmières où j’ai malheureusement rencontré trop de situations identiques . L’enfant idéalisé , objet de réparation etc……Glaçant oui .
Rien ne sert de faire vivre à nos enfants, nos propres regrets ou nos aspirations. Le rôle des parents est de rendre l’enfant heureux, lui apprendre à se sortir de tous les problèmes avec positivité, faire jaillir sa personnalité. Cette société négative, triste, pesante et trop exigeante met nos jeunes au bord du précipice.
Brrr !…
Voilà qui ne risquait pas de m’arriver !
QI =1-
Une cervelle de passereau.
La peur du vide et »ils » habitaient au rez de chaussée !
Cette histoire sur un air trop connu. Hélas 🐀