Parlez à l’oreille de vos lecteurs
Prêtez-vous à cette expérience : pensez à un film que vous aimez beaucoup et imaginez-le sans accompagnement musical.
Sans aucune musique liée aux événements et aux actions de l’histoire qui se déroule sous vos yeux,
Juste quelques bruits et les paroles.
À votre avis, ce film aurait-il :
– Le même ressort ?
– La même emprise sur votre imagination ?
– Est-ce que ses images auraient la même force, les actions, le même rythme ?
C’est pareil pour une histoire racontée par écrit, les mots doivent évoquer des images et des sons,
c’est grâce à cela que l’imagination du lecteur se met en route.
Quand des lecteurs liront votre histoire, il faut que le rythme des phrases les accompagne,
que les mots que vous aurez choisis leur parlent à l’oreille.
Prononcez les mots ci-dessous et entendez comme la musicalité de leurs syllabes vient corroborer leur sens :
Chuchotis
Tohu-bohu
Arc-en-ciel
Illisibilité
Cahin-caha
Oiseau (mot qui contient toutes les voyelles)
Fracasser (Ce n’est pas un hasard si Théophile Gautier a choisi comme héros Le Capitaine Fracasse)
Comme son cousin l’italien, le français chante. Moins bien cependant car les étrangers le perçoivent comme un gazouillis***.
Cela, du fait d’une syllabation dite « ouverte », où le son des voyelles n’est pas interrompu par une consonne finale.
Le français est une langue vocalique, les voyelles sont dominantes par rapport aux consonnes.
Pour chanter, notre langue a donc besoin de ricochets sonores entre les syllabes accentuées identiques. Des sortes de rimes donnant un rythme.
Quand on raconte une histoire, on ne rédige pas, on écrit, c’est tout l’art de la littérature.
Le rythme de l’écriture s’acquiert par des années de pratique, par un apprentissage du dosage des mots qui chantent.
Si vous débutez, commencez par faire des gammes avant d’improviser ; imitez les auteurs que vous appréciez.
Pensez également à lire à haute voix les livres qui vous plaisent.
Cela pour entendre leur tempo et leur musique,
vous découvrirez des choses que vous ne pouvez pas entendre lors d’une lecture silencieuse.
*** Au fait ! Si l’envie vous vient de gazouiller dans les arbres, cliquez ici
Je trouve que les verbes évoquant le langage ou la façon de s’exprimer parlent parfois pour eux-mêmes :
Chuchoter, susurrer, murmurer, babiller, marmonner, grommeler, palabrer, jaser, cancaner, papoter, pérorer, haranguer, ergoter, pontifier, chicaner …
Tout à fait d’accord pour le plaisir de la lecture à haute voix, enregistrant des ouvrages pour non-voyants, j’ai découvert l’ampleur de certains mots, leur volume de diction, les rythmes, les jeux des sonorités, les constructions, les divagations poétiques évidentes
» Les années » de A Ernaux, après le « Très Bas » de Bobin, belle diversité