J’étais ailleurs, j’étais autre…
Quand j’étais enfant, le monde n’avait pas encore rétréci au point de tenir dans une poche. Il n’était pas éclairé par des milliards d’écrans ou filtré par des algorithmes. L’Internet n’existait pas. Pas même la télévision, du moins dans mon milieu social
À cette époque, mon univers se limitait à la rue et les petits copains.
Parfois, mes parents m’offraient un cadeau : écouter d‘audacieux explorateurs raconter leurs aventures.

Je me souviens encore de l’excitation ressentie en ces moments-là.
Les conférences se tenaient dans la salle le cinéma. Des voyageurs explorateurs racontaient leurs aventures sur l’avant-scène.
Moi, dès qu’ils commençaient à parler, je n’étais plus là. Je traversais des déserts, me frayais un passage dans la jungle, je découvrais la source du Nil, j’entendais les chants et les tam-tam, je mangeais à même le sol et dormais dans un hamac entre deux palmiers. Je vivais leurs aventures comme si j’avais voyagé dans leurs sacs à dos, comme si j’avais marché juste derrière eux sans qu’ils s’en rendent compte.
Je crois que c’est à partir de là que tout a commencé.
À l’école, on me croyait inattentif. À part à la récré, rien ne semblait m’intéresser. J’étais un mauvais élève. Il rêve trop, il n’est pas là ! S’exclamaient les adultes.
Personne avait découvert ma dyslexie. Moi non plus.
Les mots que j’entendais parlaient une langue que j’étais le seul à comprendre. Ma grammaire avait ses propres règles, inaccessibles aux autres. J’étais seul dans ma tête à suivre mon imagination qui courait vite, très vite, vers des mondes m’aidant à oublier celui où je ne sentais pas à ma place.
Ces rencontres avec les explorateurs étaient comme un entraînement secret. J’apprenais à voir ce qu’on ne montrait pas, à entendre ce qui n’était pas dit. Mon imagination musclait son œil intérieur, son oreille du dedans, son nez intra-muros.

Je lisais beaucoup aussi. Lentement, mais vraiment beaucoup. Notamment Les Belles Histoires de l’oncle Paul dans Spirou. Ce personnage racontait des récits souvent historiques ou liés à des inventions. Elles me captivaient, me transportaient. Cette approche ludique de l’histoire et de la découverte, offrait des moments de lecture passionnants. Contribuant ainsi à la renommée de Spirou.
Aujourd’hui, on me demande souvent : “Mais comment fais-tu pour avoir autant d’imagination ?”
Je ne sais jamais quoi répondre, c’est un mystère. Mais si je cherche parmi les raisons, alors je revois cette salle de cinéma, cette estrade sur laquelle prenaient place les explorateurs, j’entends ces voix tranquilles qui disaient : « Là-bas, c’était comme ça… » et moi, dans mon fauteuil trop grand, je quittais tout. J’étais ailleurs. J’étais autre. Peut-être que j’y suis resté. C’est aussi simple que ça…😉
Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com
Cet échange est très beau.
Cher Pascal tu connais mon admiration !
Il a fallu que tu supportes tant, mais quelle belle victoire in fine.
Puisque tu aimes l’idée du cerf-volant (moi aussi) il m’ a emmené tellement plus loin que je n’imaginais.
Cher Pascal, merci pour ce beau partage : le petit garçon rêveur que vous étiez aurait peu-être été heureux de jouer en 3D à des matchs de football avec des copains virtuels ? Ou de s’immiscer au milieu d’une chasse dans la jungle en interférant avec des hologrammes de Pygmées ?
C’est sans doute pour avoir tant lu Spirou qu’il vous reste une part de ce côté lunaire de Gaston Lagaffe qui fait notre bonheur.
Cher Pascal, vous êtes notre Astérix de la culture, dans votre enfance vous êtes certainement tombé dans le chaudron qui contenait la potion de l’imaginaire… continuez à nous entraîner dans votre monde, nous sommes nombreux à vous suivre avec un immense plaisir.
Prenez bien soin de vous.
Avec toute mon admiration amicale.
Cher Pascal, j’aime beaucoup votre expression : « Mon imagination musclait son œil intérieur, son oreille du dedans, son nez intra-muros »
Elle sait aujourd’hui, avec force et talent, étirer les parois de notre monde, si bien qu’il a retrouvé la vastitude de votre enfance… et de la nôtre.
L’évasion par l’imagination: instinct de survie?
L’art est d’avoir su en faire votre vie et de savoir nous embarquer.
Merci pour tout!
Tu es un artiste Pascal qui nous emmène accrochés au cerf-volant des idées. C’est magique, on tient la ficelle des mots et youpi… On est embarqué ! Continue de nous enchanter, ça nous caresse dans le sens du poil. Merci 🐀
Merci, Sylvie, touché au cœur, mon cerf-volant brame de plaisir.😊