Exercice inédit d’écriture créative 218
Une lame de parquet à sa voisine :
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
Inventez la suite
Une lame de parquet à sa voisine :
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
Inventez la suite
Merci Clémence ! Marchera t-on de la même manière sur un plancher après cet exercice ? Les planchers ont des oreilles . . .
14 lieux, 14 histoires… et toutes celles qui suivront encore! Et oui, nous ne regarderons plus ces lames de parquet de la même manière !!!
Une lame de parquet à sa voisine : »La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ? »
-« Hier soir . Après que tu te sois endormie, ils ont voulu faire tourner les tables , ça ne marchait pas et ils avaient tellement envie d’y croire . . .
J’y suis allée comme jamais . Je me suis fait peur moi même : trois craquements vifs puis un dernier terrible qui n’en finissait pas .
Ils sont devenus blêmes et ont regagné leurs chambres rapidement ! J’ai eu la soirée tranquille . . . «
Un récit bref, mais empli d’émotions les plus variées!
Une lame de parquet à sa voisine :
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
Avant que je ne te réponde « quand ? Pour la dernière fois »….Regardes d’abord autour de nous ? Que vois-tu ? Sais-tu seulement où nous sommes ? Je vais te le dire ! Nous sommes là, toutes plus modestes les unes que les autres, serrées les unes contre les autres, lames de bois, lame de parquet.
Mais quel parquet ! Les plus grandes et les plus grands de ce monde nous ont foulées de leurs pieds, de leurs chaussures : à boucles, à brides, …d’or et d’argent…La dernière fois ?
– Mais raconte, raconte au lieu de tourner autour du pot !
– Oui, j’y viens, j’y viens ! Et donc, nous, lames de parquet, sais-tu dans quelle pièce nous nous trouvons ? Sais-tu seulement dans quelle salle nous nous trouvons ? Dans quel palais ? Dans quelle ville et donc, dans quel pays ?
– Euh, non, je ne sais pas, je sais juste que moi, je continue de me faire écraser, malgré la noblesse de mon essence, que je m’use à petit feu dans ces salles immenses et froides…parfois sous un tapis rouge, parfois aspirée par je ne sais quel appareil !
– Alors, écoute-moi bien, je vais te raconter quand j’ai craqué pour la dernière fois…C’était il y a bien longtemps ! Au dix-huitième siècle, le 13 octobre 1762 exactement.
– Sacredieu, quelle mémoire ! Et tu n’as plus craqué depuis ce jour ?
– Tu me croiras ou non, mais ma réponse est « non, je n’ai plus craqué depuis ce jour »
– Comment est-ce possible ?
– Mais si tu m’interromps toujours, comment veux-tu savoir, comment veux-tu comprendre ?
– Bon, je me tais, je t’écoute !
Cela se passait donc le 13 octobre 1762. Un mardi, si ma mémoire ne me trahit pas.
Marie Antonia Josepha Joanna se réjouissait. Un concert allait être donné dans la salle des glaces et elle pourrait y assister! Et la vedette, tu ne devineras jamais qui en est la vedette !
– Et la vedette est ????
– Je ne devrais pas parler en ces termes. En ce temps là, on ne parlait pas de vedette, mais d’un enfant prodige au doux nom de Wolfgang…
– Le grand Wolfgang ?
– Oui, en personne, le grand, oui…non, car il est à peine âgé de 6 ans et va donner son premier concert dans la salle des Glaces au château de Schönbrunna ! Concert mémorable qui sera également marqué par l’audace de Wolfgang qui ne recule devant rien et affirme déjà un caractère bien trempé !
Tu peux consulter toute la bibliographie sur Wolfgang Amadeus Mozart, car il s’agit de lui, une petite phrase écrite par son père témoigne de cette anecdote. Je cite :
« Après avoir joué » écrit plein de fierté son père, « Wolferl a sauté sur les genoux de Sa Majesté, l’a entourée de ses bras et l’a embrassée. »
Hm, c’est en partie véridique. Moi seule connais la vérité entière ! Et je vais enfin pouvoir la révéler. Marie-Antoinette a présenté, en remerciement après le concert, une assiette d’argent garnies de friandises, de fruits et de biscuits. Le petit prodige, avec un geste d’une grande délicatesse, s’est emparé d’un biscuit et, croquant à belle dents, a sauté sur ses genoux , l’a entourée de ses bras et l’a embrassée !
Tout étonné de son audace, il descendit à terre et fit une malencontreuse chute. Marie-Antoinette, l’a aidé à ses relever . Avec un regard malicieux, et en guise de remerciement, il lui glissa discrètement à l’oreille : « Vous êtes bien gentille, lorsque je serai grand je vous épouserai. »
Hmmm, personne, ni même moi, ne sait ce qu’elle pensa de cette demande en mariage , mais le un jour, elle devint reine de France la dernière reine aussi…Triste fin…
Je m’égare…Ah oui, j’ai craqué pour la dernière fois…
Lors de sa chute, un petit morceau de biscuit glissa près de moi, me faisant craquer. Et depuis ce jour, entre ma voisine et moi, se blottit un minuscule morceau de biscuit… et j’ai veillé à partir de ce jour, à ce qu’aucun pied ne se pose plus sur moi…
Et c’est ainsi que depuis 16470 jours….
Une lame de parquet,sa voisine :
» La dernière fois que tu as craqué c’était quand ?
« Ouh la la; c’était il y a bien longtemps ! Quand ce parquet était foulé avec grâce par des talons bobines,des bottes parfaitement cirées qui claquaient martialement des talons afin d’ inviter une dame à danser.
Dans ce Grand Salon il s’en est tenu des bals fastueux ,des fêtes magnifiques, si tu avais vu cela ma petite. Les robes longues me frôlaient,quelques mouchoirs parfumés sont tombés sur mon bois précieux. »
Rêveuse, la vieille lame entendait à nouveau la musique l’enchanter, elle frissonnait au souvenir de la caresse du satin de ces robes chatoyantes et celle,plus virile, des semelles de cuir des messieurs en grande tenue.
Sa voisine l’écoutait,admirative, car datant d’une restauration beaucoup plus récente,n’avait pas connu ces fastes, ayant toujours été piétinée par des pas pressés, des talons aiguilles et même les grosses semelles des chaussures de sport de coursiers venus porter des plis urgents. . Elle,perdue dans ses souvenirs avait oublié le temps.
Ce fut le soleil qui les ramena à la réalité en illuminant le grand salon.
Neuf heures! les portes s’ouvrirent.
» Ca y est,c’est parti – soupira l’ancêtre – Le ballet commence mais pas des plus gracieux celui-là.
» Allez mesdames,messieurs,vite! vite! nous allons être en retard, le conseil des ministres commence dans cinq minutes « .
Une lame de parquet à sa voisine. La dernière fois que tu as craqué
C’était quand
Quand J’ai entamé ma carrière, j’étais tendre et vert, je composais le parquet de danse sur lequel ils se sont rencontrés. Chacun de leur passage me faisait craquer.
Après mon apprentissage je les ai suivis, le grand lit se trémoussait tant qu’avec tout le parquet de la chambre on craquait de plaisir
Je venais d’obtenir mon certificat NF quand le parquet de Paris l’a lourdement condamné. J’’ai craqué et fondu en lame.
Ma retraite anticipée l’a accompagné sur l’échafaud dont chaque marche de bois grossier craquait de désespoir
Aujourd’hui, je craque pour la dernière fois. Je suis la troisième planche qui compose son cercueil.
Une lame de parquet à sa voisine : La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
Cet après-midi.
La lame de parquet à ma droite s’est mise soudain à craquer chaque fois que l’on y posait le pied et ce bruit agaça le décorateur.
Demain étant la générale de « La Bohême » tout devait être parfait.
On rappela le menuisier et le pria d’ôter cette latte de bois qui ne cessait de couiner et qui risquait de gêner les chanteurs, ou pire de leur déclencher un fou-rire.
Il retira la fautive, qui se laissa emporter avec une tristesse infinie de ne pouvoir assister à l’apothéose après avoir suivi toutes les répétitions. Ce fut d’autant plus difficile de quitter les lieux que la musique de cet opéra était si charmante et exquise, surtout en compagnie d’une voisine aussi délicieuse.
Moi même je ressentis un déchirement, nous avions si bien vibrées ensemble sous les notes qui s’envolaient en voix sublimes.
J’étais un peu ronchonne d’avoir perdu mon amie et pas très encline à accepter une nouvelle venue.
Elle fut remplacée par une lame de bois, je dus l’admettre, exceptionnelle dans le dessin de ses rainures. Elles ondulaient de façons si harmonieuses que j’en fus émue et finis par craquer pour cette belle rareté de la nature.
Je me sentis toute chose lorsqu’elle fut jointoyée à mes côtés..
Nous étions en si parfait accord, qu’aucun ajustement ne fut utile. Nous étions faits l’une pour l’autre.
Les dernières répétitions se terminaient lorsque j’ai poussé un craquement d’extase que j’ai ravalé vivement sous le regard noir du décorateur, sachant à quoi je m’exposais si je ne contrôlais pas mes émotions.
Une lame de parquet à sa voisine : La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
En vérité je ne sais plus.
Je faisais partie de la septième marche de l’escalier, permettant de monter à l’étage des chambres.
Je pense que j’ai dû craquer des centaines de fois dans une journée lorsque la famille, composée du papa, de la maman et des cinq enfants remplissaient joyeusement la maison.
Parfois, si épuisée, le son de mon craquement se transformait en gémissement qui inquiétait la famille comme si j’étais un enfant malade. Après un long conciliabule, ils décidaient de m’enjamber le temps de me reposer.
Mon bruit bien particulier, au lieu de les déranger, représentait un lien avec les aïeux qui leur avaient légué la demeure. On ne pouvait imaginer mettre le pied sur la septième marche sans qu’une des lames ne craquât.
Septième ciel, la craquante, la couinante, j’avais l’impression d’avoir une vie propre par rapport à toutes les autres unies en un seul mot : l’escalier.
Tout changea au moment de la grande adolescence de la jeune équipe. Combien de fois je les ai entendu pester contre moi, si dans leur empressement de filer en catimini, ils posaient par mégarde le pied sur ma lame qui alors donnait l’impression de hurler dans le silence de la nuit. Une avalanche de mots désagréables m’inondait immédiatement. Je devenais dénonciatrice, « balance », moucharde, délatrice, sale indic de leurs bien innocentes fugues !
À d’autres occasions je permis, aux ainés, d’éviter le pire. Ils avaient à cette époque là de bien mauvaises fréquentations, et c’est de mon propre chef que je réveillais les parents d’un craquement intempestif et sonore.
Un jour de fête, alors qu’ils étaient tous réunis à la maison, un conjoint bricoleur a pensé tout haut :
– C’est casse-pieds cette lame de parquet qui craque sans arrêt. Je vais la réparer.
Et en un chœur parfait, comme sous la baguette d’un chef d’orchestre la réplique fusa :
– Ah, ça non, JAMAIS !! »
Puis revers de fortune, la maison fut vendue et rénovée. Mon craquement de bienveillant était devenu énervant, je fus réparée.
Une lame de parquet à sa voisine :
– La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
– Oh ma pauvre vieille, c’était il y a des lustres ! Le bon temps comme on dit. J’étais toute neuve à l’époque, à peine sortie des doigts du menuisier, un petit jeune homme tout timide. Si tu avais vu comment il me bichonnait tendrement, ôtant délicatement la moindre petite écharde sur mon dos. Même qu’il a versé sa petite larme quand on m’a embarquée avec les autres pour l’usine. On n’en menait pas large. C’est qu’on n’avait jamais quitté notre coin de montagne, on se sentait un peu gauches d’arriver à la grande fabrique.
Là on nous a tout de suite prises en charge pour nous faire une beauté : lavage, ponçage, vernissage, une fois, deux fois, ça n’en finissait plus. A force, j’avais fini par prendre du plaisir à ces tripotages entre les mains des ouvriers : des gros costauds, des petits fluets, des blonds, des bruns, et même un moustachu. On voyait qu’ils avaient de la patte et du métier ! J’en revenais pas, une vraie transformation s’opérait en moi. Quand enfin j’ai reçu l’ultime couche d’un beau vernis acajou, j’ai senti que c’était le moment de faire mon entrée dans le grand monde.
C’est là qu’il est arrivé, mon prince. Je l’ai vu de loin, descendre de sa grosse limousine. J’étais pas la seule à l’avoir reluqué, on se poussait de la tranche pour attirer son attention. Y’en a même une qui a failli me faire tomber, la garce ! Mais je ne me suis pas laissé faire et j’ai profité d’un joli rayon de soleil pour mieux briller. La concurrence était rude. N’empêche : j’ai tout de suite vu que sa seigneurie en pinçait pour ma jolie teinte auburn. Les autres pouvaient bien aller se faire refaire la lame ailleurs ! Il n’a pas tergiversé, monsieur le marquis : on sait ce qu’on veut dans la Haute ! « Celle-là » qu’il a dit en pointant son doigt vers moi. Si j’avais pu, je lui aurais sauté au cou ! Oui je sais, le baiser d’une lame de parquet, ça peut surprendre. Mon acajou a juste rosi. J’avais la cote, les autres en étaient raides de jalousie. « Je l’emporte ! » J’ai bien cru m’évanouir. Voilà que non content de m’avoir choisie élue, il m’enlevait : un vrai conte de fée ! Les ouvriers se sont mis à courir, dopés par l’injonction. Ils m’ont soulevée avec beaucoup de précaution et emmenée pour un dernier coup de propre avant de m’emballer soigneusement dans une belle robe en papier kraft. Tout ça sous l’œil inquisiteur du châtelain qui avait tenu à assister aux préparatifs. Un peu gênant et tellement excitant à la fois. Je le confesse, j’étais prête à m’abandonner, heureuse de savoir qu’il me foulerait aux pieds jour et nuit.
Nous partîmes, lui à l’arrière de sa berline et moi bien calée devant, à côté du chauffeur de Monsieur. Les paysages défilaient, j’en avais plein les mirettes. Il aurait pu m’emmener au bout du monde. Finalement, c’est sur un chantier qu’il m’a débarquée, aux bons soins d’un chef de travaux, un gros rustre qui n’arrêtait pas de jurer et d’engueuler ses sbires. Surtout celui à qui il me confia pour remplacer la lame défectueuse d’un parquet. Ainsi je n’étais qu’une simple remplaçante. Les autres m’ont tout de suite vu arriver et j’ai rapidement compris qu’elles occupaient le terrain depuis suffisamment longtemps pour m’obliger à faire profil bas. « Pas question de la ramener, la nouvelle : ça a été notre prince avant même que tu sois née ! T’as juste la chance que l’autre ait rendu l’âme (de parquet, ah, ah !) sinon tu serais encore dans ton usine à attendre qu’on t’envoie chez Castorama, au rayon des planches ! » Pas facile l’intégration. Sans compter la vieille bonne qui s’est mise à m’astiquer frénétiquement pour me faire une belle patine et que je me fonde dans le grand parquet de la chambre. Qu’importe, je subirais tous les affronts. Une seule chose m’inquiétait : être recouverte par le grand tapis de soie. Car, fût-il de Chine ou d’Ispahan, il m’aurait pour toujours privée de mon unique plaisir : pouvoir contempler mon maître, nu comme un ver et beau comme un dieu, au moment de se mettre au lit. Une vraie jouissance quotidienne.
Voilà, tu sais tout. Un jour il est parti et je ne l’ai plus revu. Les décennies ont passé, et même le siècle. Moi je suis toujours là, un peu plus vermoulue et de plus en plus craquante avec le temps. Lui, ça fait un bail qu’il repose dans le carré familial et je me demande parfois si, dans son paradis, mon marquis aime toujours fouler de somptueux parquets d’acajou…
Bonne fin de dimanche. Christine
Une lame de parquet à sa voisine :
« La dernière fois que tu as fait crac crac c’était quand ? »
Cette dernière interloquée par tant d’impudence, émit un craquement sinistre et répondit avec aplomb :
« Petite effrontée, ce n’est pas parce que tu es la dernière arrivée que tu peux te permettre pareille question.
— Ne le prends pas mal répliqua la lame de droite, elle se renseigne, elle est plus jeune, mais se trouve tout de même dans le même état que nous.
— Elle n’a même jamais servi, ricanèrent quelques lames du bord ;
— Soyez gentilles , racontez-moi comment c’était avant ?
— Avant, oui, avant c’était le bon temps.
— Parlez pour vous larmoyèrent quelques lames du centre, nous avons bien mérité le repos, d’ailleurs voyez dans quel état on est, râpées, usées, poussiéreuses, on ne s’occupe plus de nous désormais. »
Une lame de coin qui venait de se réveiller murmura :
« Nous, nous n’avons servi qu’à celles qui faisaient tapisserie ou aux vieilles filles ;
— Parle pour toi, tu étais derrière la porte, chez moi, il y avait de beaux messieurs qui s’armaient de patience en attendant la fin du quadrille ou de la valse ;
— Oui, en ce temps là on s’occupait de nous, on nous bichonnait, et l’on fleurait bon la cire d’abeille, soupira la lame de droite ;
— Sur nous, on glissait et les murs retentissaient de belle musique
— Attendez, s’écria une lame du milieu, il y avait aussi les soirs de flamenco où leurs talons s’acharnaient sur nous en provoquant des craquements sinistres ;
— Et les talons aiguilles vous vous rappelez pleurnicha une lame toute patraque, regardez-moi, je suis piquetée et en piteux état ;
— Finissez avec vos doléances, atchouma la quinzième lame, au moins nous étions belles et utiles, nous faisions crac crac ou cric cric, ou tac tac mais nous étions reconnues, alors que nous voilà plongées dans l’oubli recouvertes de poussière, de toiles d’araignées et de crottes de souris ;
— Je vais vous en conter une belle, je crois que l’on risque même servir de grenier ;
— Ah ! non, pas ça s’écrièrent en cœur toutes les lames ;
— Moi, j’ai un secret à vous confier murmura la lame du milieu ;
— Un secret, toi, là en plein milieu, toi qui es pas mal voûtée me semble-t-il !
— Si vous le prenez comme ça je ne dirais rien répliqua-t-elle, vexée ;
— Mais laissez là parler s’écria sa voisine d’un air furibond
— Si vous restez réveillées les nuits de pleine lune, une belle dame vient danser et virevolter toute seule, en cachette.
Elle tourne, tourne sur ses pointes chaussées de douces ballerines. Elle répète à l’envi un solo silencieux, celui qu’elle rêverait de danser si elle le pouvait.
— Puisqu’on en est aux confidences, plutôt qu’aux jérémiades, moi je vais avouer que je suis ravie les soirs où sa sœur s’essayer au hi-hop, même si sa musique m’écorche le chêne ;
— Tu vois la nouvelle, chacune avons notre mystère et si tu ne connais pas de grands soirs, même élimée, nous sommes encore utiles aux secrets des jeunes filles. »
Une lame de parquet à sa voisine :
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
-Moi je craque en général, pendant les repas et surtout quand il y a des dames invitées. Et toi?
-Ne m’en parle pas depuis qu’ils m’ont collé cette énorme doudoune sur le dos, je ne ressens plus rien..
-Remarque t’as pas froid avec une telle pelisse !
-Ça c’est sûr mais je ne vois plus rien, ne sens plus rien, et je ne ressens plus rien avec ce foutu tapis.
-ce qui fait que tu ne craques plus?
-J’aimais sentir les pas des uns et des autres et à chaque fois j’essayais de deviner de qui il s’agissait, pas d’enfant, talons aiguilles, chaussures de sport, j’aimais particulièrement les pantoufles que l’on traine tout en douceur sur mon bois…
-je crois qu’on s’est mal compris
-pourquoi? Il n’y a pas trente six façons de craquer!
-Moi je ne craque pas sous les pas des uns et des autres, ça ne m’intéresse pas du reste, et j’aurais de mal, je suis juste située sous la table en son milieu
-alors comment tu fais pour craquer?
-j’ouvre les yeux tout simplement!
-Et tu vois quoi?
-Je vois des femmes en mini-jupe, les jambes plus ou moins écartées….
– et alors?
-et alors à toi les minons, à moi les minous!
– ohhhh! tu vois quoi?…. raconte!
-mais non, je t’ai fait marcher, ahah..je suis bien trop basse pour voir quoi que ce soit.
-mais qu’est ce qui te fait craquer alors, j’y comprend rien!
-ce qui me fait craquer ce sont les pieds des dames en escarpins, elles ne peuvent s’empêcher de les retirer. Et là je prend mon pied!
-tu dis que c’est le pied de voir des pieds, décidément je ne te comprends pas!
– oh si tu savais comme ils sont beaux ces pieds,…. bronzés en été, les ongles des orteils recouverts d’une jolie peinture rouge,…. quand l’automne arrive, ils sont gainés d’un voile transparent, …et en hiver, ils sont d’une telle élégance, tout de noir vêtus…
-aaahhhhh
-elles les frottent l’un contre l’autre en faisant toutes sortes d’arabesques, un vrai ballet. J’aime quand du bout des orteils elles viennent me caresser…. j’aime quand le dessus d’un des pieds vient se frotter contre le mollet de l’autre jambe. J’aime quand elles étirent les jambes, et que j’en vois ainsi le galbe,…mon dieu, quel spectacle!…..
-aaaahhhhh
-je ne m’en lasserai jamais….
-au fait tu connais la nouvelle?.
-Non!
-Ils ont décidé de changer la table de place
-nooonnn pas ça!
-si si c’est même toi qui va récupérer le sac à poussière et moi la table
-………..nooonnnnnnnnnnnnn……………………..
-poisson d’avril, ma chère!
-mais quelle idiote tu fais!…j’ai failli avoir un infarctus!
Geneviève de mesmotsdoubs
Une lame de parquet à sa voisine : La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
La voisine, une commode en bois de rose Louis XV ventrue et distinguée, attendit que le voile du lit à baldaquin qui remplissait la chambre fut tiré pour chuchoter : ne parle pas si fort, mes secrets d’alcôve n’intéressent personne !
Cela ne sortira pas de la chambre, fit encore une fois, la lame de parquet, allez, dis, c’est quand que tu as craqué la dernière fois ?
De toute évidence, la lame de parquet vibrait de jalousie. On disait d’elle que ses lames grinçaient mais ne craquaient pas, pour personne !
La superbe commode sauteuse Louis XV, galbée en marqueterie de bois précieux, dont l’ouverture en façade présentaient deux tiroirs aux poignées de bronze à patine médaille et dont le dessus de marbre rouge de Belgique luisait de mille feux, se gonfla d’orgueil face à cette lamette de bois ordinaire (un pin sylvestre abattu en Sibérie et vendu comme bois de chauffage).
La dernière fois que j’ai craqué remonte à pas plus tard qu’hier…
Et pour marquer sa supériorité, elle employa le vouvoiement : vous connaissez ma réputation, très chère, vous n’êtes pas sans ignorer mon penchant pour les meubles de style saphique à fortiori constitués de certaines essences pour lesquelles je ne peux rester de bois… Celle-ci était en loupe d’orme. Elle était là, toute menue sous son vernis appliquée au tampon, en simple appareil marqueté. Une petite commode trimballée ici, dans cette pièce, alors que les derniers rayons de soleil éclairaient le décor floral de mon galbe. Cette petite merveille offerte à ma vue le temps pour son propriétaire de décider ce qu’il allait en faire.
Elle séjourna, en tout et pour tout, deux heures. Ce fut suffisant pour succomber à l’attrait de son charme…
Voyez-vous, très chère, je n’en suis pas encore tout à fait remise, aussi je ne m’étendrai pas sur les détails de cet émoi, il faut que je me ressaisisse. Un ébéniste d’art vous dira que par un trop plein d’émotion, le cœur du bois pourra faire éclater sa sculpture…
La jalousie de cette lame de parquet, qui secrètement en pinçait pour cette créature ventripotente, atteignit un paroxysme.
Alors que de sa fente en pamoison montait un cri de désir, seul en chuinta un râle à peine audible.
C’est qu’entre temps, la femme de chambre, sur les ordres de sa maîtresse, était passé par là et avait comblé les interstices de ce parquet bruyant de paillettes de savon, le rendant coi pour plusieurs mois…
Une lame de parquet à sa voisine.
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand?
– Voyons! réfléchit sa voisine. En ce qui me concerne, je craque surtout en ce
moment.
– En ce moment? Et puis-je en connaître la raison? demanda la première lame.
– N’as-tu rien remarqué d’inhabituel ces derniers jours?
– Non! à part que j’appréhende chaque soir ou ces chaussures à talons aiguilles vont venir me marteler. Elles me font subir un véritable supplice.
– Moi aussi, rassure toi! mais quelque chose à changé. Quelque chose qui me frôle, doux comme de la soie.
– Et as-tu une idée de ce que cela peut-être?
– Oui, ne vois-tu pas? Ce tout petit qui apprend à marcher. Je trouve attendrissant ses petits pas hésitants, un peu gauche. Cela n’a rien de comparable avec ce que nous avons connu jusqu’ici.
La second lame réfléchit un instant à cette révélation. Habituée à son train-train quotidien, elle ne s’était pas rendu compte de ce nouveau changement.
– Et bien oui! maintenant que tu me le dis. Effectivement, je l’ai aussi ressenti. Mais à force d’être malmenée, j’en ai oubliée de voir qu’il pouvait y avoir autre chose de plus plaisant et ………
La première lame l’interrompit :
– Oubli les! regarde il revient
A cet instant, les deux lames firent silence et savourèrent avec volupté la douceur qui leur était apportée. Tout n ‘était que bien-être….. ET SANS DOULEUR;
seconde oups!!!
Une lame de parquet à sa voisine :
La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
C’était quand ? Hou là là ! Il y a tellement longtemps que je fais attention, et je préfère ne pas me souvenir de mes frayeurs !
Nous sommes au milieu de la chambre, alors forcément il y a du passage entre la porte, le lit et la salle de bains.
Avant, je vivais ma vie tranquillement. Je craquais souvent quand on me marchait dessus, et tout le monde trouvait ça normal. C’est la vie, quoi. On m’a taillée dans un arbre abattu, mais je ne suis pas morte.
Et voilà que des nouveaux sont venus habiter ici, des maniaques qui recherchaient le calme, obnubilés par leur recherche de silence nocturne. Je ne sais pas où ils habitaient avant, mais c’est sûr qu’ils n’avaient jamais eu de parquet. Elle, elle osait dire « dans cette maison, dès que quelqu’un bouge un orteil, il réveille tous les autres ». Et lui, un vrai sadique : il trouvait que les copines faisaient trop de bruit, là-haut sur le pallier, eh bien il a arrangé ça à coups de marteau et de pointes…
Alors moi, je m’applique. Je me raidis, je me contracte le plus que je peux pour ne pas me faire remarquer. Sinon, quand par malheur je fais un peu de bruit la nuit, je peux être sûre que le matin ils viennent me piétiner et m’insulter. Et que je t’appuie tantôt d’un côté, tantôt de l’autre afin de me faire craquer le plus fort possible, pour le plaisir de me maudire. Je sens venir le marteau et les pointes, et je n’ai pas bien envie de me faire transpercer un peu plus.
J’en connais qui sont bien peinardes là bas, devant la fenêtre. Chaque fois qu’il pleut ou qu’il neige, les volets restent fermés, alors personne ne passe dans le coin et ils ne pestent pas après les bruits de parquet !
Une lame de parquet à sa voisine:
« La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ? »
– Un fantôme de passage, drôlement bien roulé !
Une lame de couteau à sa voisine:
« La dernière fois que tu as vibré, c’était où ? »
– Dans le succulent bleu d’un gigantesque tournedos!
Une larme de crocodile à sa voisine:
« La dernière fois que tu as pleuré, c’était comment ? »
– Tout sec, à l’enterrement d’un gnou!
Une alarme de voiture à sa voisine:
« La dernière fois que tu as retenti, c’était quand ? »
– Un chien qui me pissait sur le pneu arrière. Je suis beaucoup trop sensible et
dans ma rue, en fin de journée, les chiens enfermés ont beaucoup à évacuer.
Un lama à son voisin bien élevé!
» La dernière fois que tu as craché, c’était où ? »
– Dans le crachoir, au café du PMU!
Un lamellibranche à son mollusque de voisin:
« La dernière fois que tu as bougé, c’était quand ? »
– Certainement lors d’une grande marée, mais ça remonte déjà…et toi ?
– Moi, comme les lames, la larmes et le lama….je pose les questions.
Un point c’est tout!
Un point final à sa voisine majuscule.
« La dernière fois que tu as croisé une virgule, c’était comment ? »
– ????????????????
Une lame de parquet à sa voisine :
« -La dernière fois que tu as craqué, c’était quand ?
– A Noël ! Te souviens-tu comme nous étions belles et parfumées. Nous avions subi le fer de la paille, l’aspiration du robot bruyant, le voluptueux liquide de la cire d’abeille, et finalement le lustre caressant de la peau de chamois.
La maîtresse de maison, fière de son parquet, a prié ses invités à dormir avec nous. Après un réveillon bruyant, copieux et bien arrosé, le couple vint se coucher. Trop fatigués, ils ne firent pas crac-crac.
Le silence de la nuit s’installa.
Quelques heures plus tard, je sentis des ongles me gratter le dos.
Agréable sensation jusqu’au moment fatal où un liquide chaud jaillit sur moi.
Oh ! Et cette odeur ! Pas sucrée du tout.
Je compris que le chien venait de me pisser dessus.
Alors, j’ai vraiment craqué.
Et de toutes mes nervures a coulé un paquet de larmes. »