Exercice inédit d’écriture créative 192
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives.
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragrance.
Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Imaginez la suite
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives. Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragrance. Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Et c’est justement parce que ces dernières restaient à l’état de « notions » qu’elle décida un approfondissement par la visite des égouts de Paris afin de parfaire ces deux langues.
Arrivée au pont de l’Alma, elle emprunta l’entrée et descendit prudemment dans les entrailles la ville Lumière de plus en plus polluée en surface : polluée dans tous les sens du terme : promiscuité, odeurs suffocantes, coups de poings dans l’œil, nuisances sonores, saveurs acres et doucereuse masquées tant bien que mal par les pchitt-pchitt !
Elle allait se régaler…2500 km de réseau souterrain….ça promettait, même si la visite n’était autorisée qu’une heure durant sur un petite partie !
Elle avait gracieusement déposé un masque sur ses narines afin d’atténuer d’éventuels relents trop virulents…on ne sait jamais….
Mais, à sa grande surprise, au détour d’une fissure, une charmante senteur émana ; elle lui rappela la poudre de riz sur le bout du nez de sa maman…. Odeur délicate de violette….
– Je dois rêver, dit-elle, c’est la claustrophobie qui réveille ce souvenir olfactif d’enfance…
Mais à peine quelques embottées (enjambées faites avec des bottes aux pieds) plus loin, ce furent l’odeur suave des iris, la délicate rondeur des roses, les tintinnabulements du muguet ! Un bouquet merveilleux aux fragrances subtiles …
– Je dois certainement passer sous une parfumerie…
Déjà, elle s’enivrait , attablée à l’orgue à parfums et créant les plus belles sonates et symphonies !
Elle continua dans ce boyau ondulant lorsque, tout à coup, ses narines partirent dans une danse effrénée, ponctuée d’éternuements…Cardamome, gingembre, paprika, piment d’Espelette, cannelle….thé noir, thé vert, thé de Chine, thé de Russie…
– T’es en dessous de la plus belle boutique d’épicerie fine !
Explosion de senteurs qui vous fait atterrir aux quatre coins du monde, bien que la terre soit ronde !
Elle marchait au détecteur d’odeurs…. Tabacs blonds et bruns avec leurs arômes et senteurs de jardins d’interdits….
C’est alors, alors que …. là, …. là, elle prit son pied de senteurs insolites !
La chaleur doucereuse de la paille jouxtait l’âcreté des urines. Les meuglements et couinements, ponctuaient les ah et les es oh des badauds, petits et grands !
La griserie du mélange des nectars des terroirs… vin rouge, vin blanc et rosé, bière… tout coulait à flot dans les canaux de Bacchus ! Ça dégorgeait de partout….
La bouche pincée, mais le cœur en fête, elle voyait, plus vrai que nature, les paysans et les fermiers aux teints rougeauds s’essuyer les lèvres de leur langue et de leur manche bleu de travail…
Elle voyait, comme dans les tableaux de Vermeer, les fermières et les paysannes au teint frais et aux bras garnis de dentelle, couper de larges tranches de pain et de fromage … les effluves des pâtes molles, dures, bleues ou persillées s’entremêlaient en volutes inextricables….
La ferme dans toute sa splendeur….
– Oh, vous, la ferme…..j’ai envie d’autres voyages olfactifs encore plus puissants!
– « Y’a qu’à demander, ma Belle ! Par ici pour un petit tour de piste…. »
Mains grasses triturant un chiffon doux plus maculé qu’immaculé, diesel, essences, huiles, graisses en tous genres….cuirs neufs ou cuirs vieillis, lanternes ou phares LED, roues de bois aux senteurs forestières ou pneus de caoutchouc rappelant la syrah….pouah !!!!!
– Pour un salon d’exposition, on est bien à mille lieues des fragrances délicates et sublimes mais j’enrichis mes gammes… c’est ce qui compte !
Mais ,vous diront les amateurs de belles mécaniques , qu’est-ce que ça sent bon, ça vous prend aux tripes, ça vous soulève le cervelas….
Elle avait fait son plein d’olfactif pour aujourd’hui ! Par chance, ce plein lui avait coûté quelques quatre euros et quarante centimes ! … bien loin de la facturette d’une station service ou d’une parfumerie, bien loin aussi d’une note de restaurant !
Restaurant….. ahgggggggrrrrrr….. c’est ça , la dernière senteur que j’avais détectée….un fumet digne du poème de Monsieur de Musset …..
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives.
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et la Fragrance.
Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Maintenant elle pouvait être fière d’elle, elle venait de décrocher brillamment sa maîtrise en langues O.
Cette fois il fallait se mettre au travail. Sa tâche était bien définie. Elle devait transmettre ses connaissances et ne pas faillir aux demandes de sa supérieure.
» Oui, la vue c’est important! Alors ouvrez-vos yeux! » Dit-elle, en martelant son discours. « Les fleurs doivent être fraîchement écloses, les pétales pimpants. Le parfum n’en sera que plus harmonieux et c’est là que votre sens olfactif va devoir montrer toute son efficacité!
Les commandes peuvent varier, soyez attentives chaque matin!
Pour un parfum capiteux, allez rendre visite au muguet. Si on vous parle de délicatesse c’est chez les roses que vous la trouverez. Si on vous demande une fragrance enveloppante laissez vous envouter par les fleurs d’asclépias. La douceur vous la trouverez chez le mimosa. Les valeurs sûres du classique, ce sont les lavandes et les fleurs d’acacia, mais ne vous attardez pas, elles manquent de raffinement! Pour un parfum dynamique allez voir du côté du potager, la menthe et l’oranger devraient vous aider. Pour un parfum à la note confite précipitez vous chez les œillets. Pour une odeur chyprée pensez à l’iris. Ahhh…le jasmin, ne l’oubliez pas, il est éclatant, à lui seul c’est un feu d’artifice!…
Et surtout, inutile d’aller traîner du côté des cuisines, rien de bon à prendre de ce côté-là! » . Hurla-t-elle.
C’est ainsi qu’elle acheva son discours. On n’entendait pas un bourdonnement dans la salle!
Elle avait du mérite, elle avait travaillé dur pendant ses études, mais elle avait surtout beaucoup d’ambition…oui elle savait qu’en préparant la meilleure gelée royale, un jour elle serait Reine à la place de la Reine
Geneviève T.
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives.
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Flagrance. Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation ainsi que de maigres rudiments sur les Relents et les Miasmes. Elle quitta l’Université après avoir soutenu une thèse sur les Parfums orientaux
Licenciée des Langues O et dévorée d’ambition, elle ne souhaita pas en rester là et s’inscrivit à l’E.N.A (Ecole Nationale de l’Audition) où elle assista son Maître de recherches, le Professeur Barouf, dans les travaux qu’il dirigeait sur les Changements de tons puis elle décrocha brillamment deux Masters, le premier portait sur les Bruits de couloirs, le second sur les Sons de cloches.
Avide de reconnaissance et de diplômes, elle intégra ensuite l’Institut Universitaire du Toucher où son tact troubla un jeune étudiant. Elle lui prêta un temps main forte pour faire avancer les connaissances sur les attouchements et les affleurements, les palpations et les manipulations, les pétrissages et les massages.
Mais son insatiable soif de connaissances et la peur de s’ennuyer la poussèrent à le quitter pour étudier au CNAM (Conservatoire National des Aromates du Monde) où elle découvrit un monde de saveurs : des notes poivrées, des histoires épicées, des larmes amères, des remarques acides, ces filles sucrées et celles qui avaient du piquant. Malgré le sel de certaines conversations, elle trouva cela finalement bien fade et prit la poudre d’escampette, munie cependant d’un DEA (Diplôme des Epices et Assaisonnements).
Ne perdant pas de vue son objectif, à savoir garder un œil sur tout ce que les savoirs que la Faculté offrait, elle voulut suivre les cours de Sciences PO (Percevoir et Observer) où, elle eut un échange de vue avec Iris, sa pupille, au rire cristallin.
Hélas ! Aveuglée par sa suffisance, elle commit à cet instant une regrettable faute de goût et resta sourde aux exhortations de ses amis et de sa famille. Son air de ne pas y toucher ne la sauva pas et sur ce coup-là elle manqua cruellement de flair.
Ainsi s’acheva la carrière universitaire de l’infortunée Camille Sans-Sens.
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives. Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragance. Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Après de brillantes études de Saveurs étrangères appliquées à la Faculté d’Olfactivité moderne et plusieurs séjours en République démocratique du Parfum et aux Odorats Unis, elle occupa différents postes de truchement olfactif à la Best Smell Corporation qui, grâce à ses talents, évita plusieurs alliances véreuses et réussit une OPA fumante sur la Société internationale des épices. C’était une interprète hors du commun, dotée de qualités exceptionnelles, que ce soit pour retranscrire les notes dégagées par l’Effluve du Nord dans la Fragance du Sud ou pour décortiquer les molécules de Remugle populaire et les assembler aussitôt en Senteur diplomatique. Lors d’une conférence internationale, elle fut repérée par des représentants du Ministère des Essences Etrangères. C’est alors qu’on la pressentie pour être interprète officielle du Ministère. Elle passa ainsi toute sa carrière à effleurer les narines des plus hauts responsables internationaux avec vapeurs d’accord, concentrés de pacte ou extraits de compromis. On lui doit les plus grands traités de paix internationaux. Il y a exactement dix ans, jour pour jour, qu’elle nous a quittés, emportée par une infection subite. Cet après-midi, une vague de commémorations a défilé devant sa tombe et un vent de messages soufflés dans toutes les langues a balayé son épitaphe. On aurait même vu, à la cérémonie, le Président de la République du Parfum aux côtés du chef du Remugle libre.
La frontière s’en moquait. Les bonnes comme les mauvaises odeurs,
s’accrochaient aux vallées, tourbillonnaient avec les vents locaux.
Elles se parachutaient par dessus les cols, stagnant parfois des heures au
dessus de ses narines ou filant vers des horizons inconnues d’elle.
Ses préférées lui parvenaient souvent de la moyenne montagne. un mélange de
lait de brebis, de cèpe et de bois brûlé de tabac. Les pires lui parvenaient du
creux des vallées, là où de grands sillons poisseux laissaient filer de drôles
de poissons, des cascades de truites mécanisés dont la puanteur la faisait fuir.
En haut les vautours n’empestaient pas vraiment mais quelques grosses fientes
avaient parfois perturbé sa sieste sacrée. Et c’était bien pour çà qu’elle
cherchait l’abri des grands arbres, des sombres rochers, des cavités. L’arôme
des baies la faisait parfois lanterner dans quelque buisson mais elle demeurait
rarement à découvert. Parfois, elle repérait de loin la pestilence du chasseur,
une flaque de vomi, résidu d’une nuit d’attente et de beuverie.
Elle coupait court à toute gourmandise, fuyait, camouflait ses propres effluves,
se roulait dans la lavande, croisait et recroisait ses pistes d’évacuations.
Chaque jour elle effaçait ses traces sur les bornes de leurs territoires. Elle
basculait d’une de leur limite à une autre, chevauchait les enclaves forestières,
noyait dans les torrents les restes d’une mauvais haleine.
C’était une ourse de déjà 15 ans et elle savait toujours d’où le vent de la mort
pouvait la surprendre.
Chaque hiver, elle choisissait une caverne différente, une année en France, une
année en Espagne. C’était une authentique polygrotte.
Nez à nez
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet, la Fragrance
Elle avait même quelques notions de Remugle et d’Emanation
Mademoiselle était un Nez, reconnu dans le monde entier.
Il ne fallait pas lui en conter, rien ne lui échappait
Elle évaluait comme ça, au Pif, n’importe quelle odeur
De la plus subtile senteur à la plus horrible puanteur.
Elle traversait les continents pour échanger des informations
Elle allait toujours plus loin chercher l’inspiration
Car Mademoiselle était en quête du meilleur
Pour assouvir sa passion
Elle cherchait, depuis longtemps,
Ce que pouvait bien sentir l’air du temps
Mais, le bougre, il était si changeant …
Un jour, dans un avion, elle rencontra un être délicieux
Qui lui conta fleurette en lui racontant un monde merveilleux
Fait de robes, tanins, bouquets et fruits savoureux
Monsieur était un Palais de grande renommée
Un expert qualifié, aucun vin ne lui résistait
Il les connaissait tous sur le bout de la langue et du nez
Mais, ce jour-là, c’est un tout autre petit nez qui l’avait attiré
D’autres effluves qui l’avaient enivré
Et c’est une alchimie bien loin de leurs pratiques habituelles
Qui s’est emparée de ces deux savants
Jusqu’à les emporter dans un face à face sensuel
Bien loin, si loin de leur vie d’avant.
Grâce à son pote Erasmus, elle avait parcouru la planète dans les 5 sens. C’était une polyglotte. Une spécialiste des langues olfactives. Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragrance.
Mais aussi,
Une spécialiste des langues gustatives. Elle parlait le Sapidité, le Flaveur et l’Arôme.
Une spécialiste des langues tactiles. Elle parlait le Caresse, le Palpable et le Frôler.
Une spécialiste des langues auditives. Elle parlait l’Esgourde, le Tintouin et l’Acoustique.
Une spécialiste des langues optiques. Elle parlait le Ciller, le Zieuter et le Discerner.
Elle avait même quelques notions de Remugle et de l’Emanation.
D’Insipide et de Fadasse.
D’Attouchement et de Tripatouillage.
D’Acouphène et de Portugaisensablée
De Bigleux et de Nyvoigoutte.
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives.
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragrance.
Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Ils auraient du se méfier d’elle au jardin du roi.
Car il se complotait des odeurs bien étranges autour des deux marronniers Pavias et du Liquidambar qui diffusaient l’essence de leur révolte au vent d’un parterre de toutes classes florales, sous effluence, qui enivrait en chœur chaque relent du trio planté à la tribune.
C’était le bouquet !
Il ne fut pas difficile à notre polyglotte de se mettre au parfum. Il lui suffit de tendre la narine aux exhalations âcres des arbres rouges pour comprendre que ça ne sentait pas bon.
Ca sentait même le roussi !
Aussitôt elle alla prévenir le jardinier du roi des émanations d’empyreumes qui se répandaient sur sa terre et qui allaient sans doute lui coûter sa tête.
Le Nôtre prit alors les devants, armé d’une longue cisaille, et écima le premier les révolutionnaires dont les feuilles de leur plan resteront à jamais caduques.
Seulement quand la révolte est dans l’air, elle finit toujours par retomber, et ce matin-là, ce fut sur la tête du roi.
C’était une polyglotte….le Senteur,le Fumet ,et le Fragrance .
Elle vivait heureuse, papillonnant de Parfums naturels en en Parfums frelatés, jusqu’au jour ou, à la suite d’une boulimie de savoir, elle attrapa une sinusite sévère qui la laissa complètement anosmique.
Elle perdit son job de traductrice chez Fragonard et finit comme goûteuse de troisième zone dans une cave de Sidi Brahim à la périphérie de Casablanca.
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives.
Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Flagrance.
Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Elle vivait les odeurs comme nul autre pareil.
Elle connaissait la part des anges,
Les poumons bandés qui se réjouissent,
Les narines dilatées et frissonnantes,
La plénitude des odeurs généreuses
Suaves, fraîches et aimables
Mais aussi les hauts le cœurs des relents acerbes, fatigués, acides,
La nausée du trop animal et du décomposé
Elle était ainsi, tellement pleine de toutes essences
Tellement sensible, à fleur d’odeur,
Et ce nez aquilin qui lui allait si bien
Ce don singulier qui la rendait unique
Et me rendait si pauvre, déficient, limité,
Je voyais bien qu’elle avait accès à une réalité plus vaste
A un monde dans le monde
Qu’elle essayait à travers les mots me faire partagé
Elle était nez et je l’aimais.
C’était une polyglotte, une spécialiste des langues olfactives. Elle parlait couramment le Senteur, l’Effluve, le Fumet et le Fragrance. Elle avait même quelques notions du Remugle et de l’Émanation.
Elle s’éveillait dans les brumes florales avec quelques touches de miel. Malicieuse, elle flirtait avec un tourbillon de bergamote. Elle était tiraillée entre les éclats d’épices chaudes, poivrées et des souffles sauvages, sucrés plus troubles. Elle s’enivrait de musc, de bouffées d’arômes de malt tourbé, de vieux cuir, volutes de tabac . Elle se laissa entraîner par le sillage d’un vétiver intense, élégant ….