Exercice inédit d’écriture créative 249

lion-cirageAvant, quand je fermais les yeux
je voyais des petits nuages bleus.

Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
moi j’ai ma petite idée…

22 réponses

  1. Beryl Dupuis-Mereau dit :

    C’est arrivé si vite…sans prévenir bien sûr… En y repensant ça ressemble à un cauchemar… Avant…
    mais à quand cela remonte-t-il ? Avant… cette insouciance, cette gaieté, cette confiance en l’avenir… ça s’est effacé si vite… Avant, je m’endormais au milieu de nuages bleus, du souvenir de soirées baignées dans les effluves de tabac blond, les longues cigarettes entre les doigts gantés des élégantes qui s’exerçaient aux ronds de fumée, les effluves de l’alcool aussi, quand la voix d’un fêtard éméché perçait le brouhaha des conversations et jetait une fausse note dans la musique continue. La drogue aussi, par moment, bon génie des improvisations. J’étais très fort pour improviser, et chaque fois les applaudissements du public et leurs sifflets enthousiastes couronnaient mes échappées belle sur mon piano de jazz. Aaah ! Le jazz !! La musique de cette époque, nouvelle et optimiste, marche en avant et confiance sans faille en un futur grandiose, goût de vivre, le doute pas permis, feu vert à toutes les entreprises, même les plus folles !! Années folles, c’est comme ça qu’on les nommait, et elles portaient bien leur nom. Quand je me revois alors, m’apparaît une grande salle très bruyante, noyée de fumée, comme dans un rêve. Des halos bleus, mobiles, aériens – le bleu était la couleur du temps, même la musique était blues – Et moi, au milieu de cette salle, seul maître à bord de mon piano, j’inspire profondément cette atmosphère et je ménage un court silence avant de me lancer à corps perdu dans une nouvelle invention au rythme endiablé. Et autour de moi, ça danse, ça se trémousse, les robes à paillettes ondulent, les boules lumineuses à facettes donnent le tournis, et je suis saoul, possédé, déchaîné sur mon clavier.
    Mais ça, c’était avant.
    Un jour d’octobre, un cataclysme s’est produit. La haute finance a bu le bouillon. Krach, ils ont baptisé ça, en une onomatopée évocatrice. L’arbre qu’on croyait solide s’est cassé en deux. Crac ! Débâcle, fermetures d’usines, chômage, longues files d’attente devant la moindre promesse d’embauche, soupe populaire, déambulation sans but dans des rues devenues sinistres à force de maisons barricadées et de grilles fermées, le désert, le néant. Plus de musique, puisque plus d’argent donc plus de clients. Une lente descente vers le silence, l’anonymat, l’insignifiance, l’ombre.
    Et aujourd’hui…
    Aujourd’hui, j’attends le client, armé de mon nécessaire à chaussures, je le supplie presque, toute dignité oubliée, assis au coin de la cinquième avenue. Qu’il veuille bien me permettre de cirer ses souliers, en échange d’une piécette qui ressemble plus à une aumône qu’à un salaire. Il fait froid, l’air est humide, et mon manteau me protège mal sans cache col. Ma vie désormais a la couleur du ciel d’hiver et de cette boite de cirage dans laquelle je rêve que je me noie toutes les nuits.

  2. Tissier mireille dit :

    Avant quand je fermais les yeux je voyais des petits nuages bleus.
    Maintenant, je vois des boites de cirage. Le docteur dit que c’est dû à mon âge, moi j’ai ma petite idée…

    Il faut dire que jusqu’à présent, j’avais été verni. Une vie bien remplie de nuages bleus dans lesquels je me mirai et m’admirai. Mon existence n’était que volupté et satisfaction. Mais alors ? pourquoi vois-je maintenant des boites de cirage?
    Le docteur me dit en mesurant ses paroles que c’est sûrement dû à mon âge. Mais que nenni! Je n’y croyais guerre. Je savais bien, moi, ce que cela signifiait; une éclipse était passée pour me faire de l’ombre et celle-ci était apparue sous les traits d’une femme volage et infidèle. Les paroles apaisantes du docteur me décida de la suite à apporter à ma situation et je balaya cette relation d’un revers de main tel un tennisman.
    Maintenant, lorsque je ferme de nouveau les yeux, je revois mes petits nuages bleus où je peux de nouveau me mirer et m’admirer tel un narcissique qui fait de même avec ses chaussures

    Mireille

  3. Nadine de Bernardy dit :

    avant,quand je fermais les yeux, je voyais des petits nuages bleus.Maintenant je vois des boîtes de cirage.
    Le docteur dit que c’est dû à l’âge
    et il tout à fait raison.Car je peux vous dire qu’avant les nuages bleus, j’en voyais, des boîtes de cirage. Noir.
    Ca a commencé lorsque j’avais 6-7 ans.
    J’étais une petite fille timide,gauche,se tenant à l’écart des autres,perdue dans ses rêveries.
     » Louise,tu rêves encore ?
    – Eh Loulou tu viens jouer avec nous? »
    Ma soeur, ou les filles dans la cour de l’école me sollicitaient pour sauter à la corde,jouer aux osselets. Craignant de montrer ma maladresse,je refusais , répondant que je préférais rester seule.
    Ma mère s’agaçait de mon attitude :
     » Louise,tu dois faire quelque chose de tes 10 doigts au lieu de rêvasser à longueur de journée dans ton coin.Tu vas m’aider à repasser »
    Quelques serviettes brûlées et elle y renonça.
    « Viens donc éplucher les légumes »
    Une ou deux coupures aux doigts,on n’en parla plus.
    « Bon écoute, ça suffit comme ça,tu vas faire un effort.Voilà les chaussures de ton père,la boîte avec tout ce qu’il faut.
    Et que ça brille »
    Je m’assis sur les marches devant la maison,brossais les godillots paternels pour en ôter la poussière.
    Et commençais par ouvrir la boîte de cirage à l’aide de la petite hélice dorée.Un parfum enivrant,fort et suave s’en échappa,une pâte sombre ,épaisse,creusée par d’autres séances de cirage s’offrait à mon regard.
    Je mis mon nez dessus,refermais la boîte pour le plaisir de la rouvrir.Recommençais,recommençais,oubliant le temps.
    « Bon alors,elles sont prêtes ?
    – Non, bafouillai-je en me mettant au travail.
    Je prélevais une noisette de cirage avec le vieux chiffon,l’étalais amoureusement sur le dessus de la première chaussure,caressant les plis du cuir usé,contournant les oeillets des lacets,les côtés,le talon.
    Et cette senteur forte,le contact doux,fondant du tissu imprégné de crème couleur de suie sur le cuir.
    Deuxième chaussure.
    Je refermais la boîte à regret,attendais un peu que le cirage pénètre avant de brosser énergiquement.
    Et toujours le parfum entêtant du cirage se répandant autour de moi.J’en avais sur les mains,au bout du nez. Encore quelques aller et retour de la fameuse petite hélice dorée.
    « Tu as fini?demanda ma mère en riant devant mon « maquillage ».N’oublie pas de te laver les mains avant d’aller faire tes devoirs »
    Des deux consignes, je ne respectais que la seconde afin de pouvoir renifler mes mains et laisser mon porte plume s’imprégner du parfum ténébreux.
    Jamais je n’ai écrit plus belle rédaction que ce soir là.
    Ce fut aussi ma perte, car on me confia toutes les chaussures de la maison. J’en vins à ne plus pouvoir me passer de la griserie du cirage.Je réussis à en garder une boîte presque vide que je cachais dans ma chambre pour,le soir,ouvrir-sentir-fermer jusqu’à ce que le sommeil m’emmène vers des rêves de boîtes noires à petites hélices dorées.

    Je grandis,me mariais,et pouvais désormais m’abandonner à ma passion sans retenue.
    Mon mari et mes enfants souriaient en enfilant leurs mocassins ou leurs bottes bien lustrés et moi, je voyais des petits nuages bleus dans leurs yeux.
    Puis je me retrouvais seule,une veuve dont les enfants vivaient loin d’elle.
    Je regardais avec tristesse la seule paire de chaussure qu’il me restais à cirer.La solitude me pesait.C’est à cette époque que j’ai recommencé à rêver de boîtes de cirage.Elles ricanaient devant moi, grandes ouvertes,leurs petites hélices brisées,comme des bouches noires menaçantes.
    Je me réveillais terrifiée,le coeur battant.
    Je fini par aller voir mon médecin à qui je racontais toute l’histoire.
    Il me demanda si, à mon âge, il ne serait pas préférable que j’ai des rêves de nuages bleus.
    « Tout à fait docteur, prescrivez-moi quelque chose dans ce sens. »

  4. Sylvie dit :

    Pays-nuage

    Avant quand je fermais les yeux
    Je voyais de petits nuages
    Bleu pâle, marine ou indigo
    D’où je puisais mes teintes
    Azurs camaïeux
    Voilés, cotonneux,
    Électriques, chaotiques
    Tempête sur toile

    J’étais ici-bas le maître du ciel
    L’artiste du pays-nuage
    Cloudscape
    Flying landscape
    L’espace d’un instant
    La couleur du temps

    Un jour, le bleu s’est fait nuit
    Ma palette s’est éteinte
    Et dans le noir j’attends aujourd’hui
    L’étoile en partance
    Vers le tableau éternel
    La couleur originelle

    ©Sylvie Wojcik

  5. Clémence dit :

    Avant, quand je fermais les yeux
    je voyais des petits nuages bleus.
    Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
    Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    moi j’ai ma petite idée…

    Belle Chérie et Beau Gosse m’ont reçu dans leurs bras. Moi, j’ai reçu mon prénom : Luka.
    Pas de cuiller en argent dans la bouche, mais un berceau douillet …

    Dans ma chambre, les premiers mois…
    Mes mains et mes pieds papouillaient l’air doux , les nuages bleus s’enlaçaient pour la berceuse de Brahms. .
    Mes mains et mes pieds s’agitaient, les nuages se déhanchaient en rock endiablé. Après vingt minutes, ils m’énervaient.
    Les yeux ouverts, je les voyais : pas assez près pour les kidnapper, pas assez loin pour les ignorer.
    Les yeux fermés, je les voyais : trop près dans ma tête pour dormir en paix, , trop loin pour m’envoler avec eux.
    C’est normal, c’est l’âge….

    Dans le living, les mois suivants.
    Fini, les yeux au plafond. Cette fois, je les ai au ras du sol.
    Les chaussures fines de Belle Chérie : un poème ! Une couleur pour chaque jour de la semaine…rose framboise, bleu nuage, vert amande… la couleur sans le parfum, une saveur grasse, à l’arrière goût de rance…Pas bon…
    Beau Gosse, boots en fleur de cuir, se contentait du gros noir qui trace des rails sur le carrelage.
    C’est normal, c’est l’âge…

    Dans le jardin, quelques années plus tard…
    L’enfance sauvage est arrivée. Les petits nuages bleus ont laissé libre cours aux traits fauves. Camouflage au cirage orange, noir et brun, sur les joues et le torse. Moi, Tigrou, Mistigri, Simba ou Tarzan à mes heures, toi, Jane…
    Sous la douche, Belle Chérie m’étrillait et Beau Gosse riait aux éclats de mes exploits !
    C’est normal, c’est l’âge !

    Au stade, quelques années plus tard.
    Avec mon équipe, les yeux dans les nuages, nous étions champions. Pas besoin de cirage, la boue suffisait ! Ma dulcinée avait les joues cirées en tricolore. Cocorico !
    C’est normal, c’est l’âge !

    J’ai déjà couvert plus d’un quart de ma vie…

    Costume trois pièces, chaussures impeccablement cirées, diplôme en poche, je lève les yeux vers « La Tour » où se reflètent les nuages bleus…
    Les baies vitrées s’ouvrent en grand pour mon premier job. Ascenseur, plus il monte, plus le poste est important. Mon doigt hésite. Oui, il y a bien deux chiffres ! A moi le monde !

    Le PDG, him self, me reçoit dans son bureau en ouvrant les bras.

    – Votre profil est parfait. Il nous faut du sang neuf pour redynamiser « La Boîte ».

    Je ne peux plus reculer, des spasmes me tordent en tous les sens.

    Big Boss m’invite à prendre place en répétant :

    – Il est temps de redynamiser « Notre Boîte » . Je compte sur vous.

    Il s’assied. Son bureau nous sépare. Il tend la main et dépose entre nous, une « Boîte de …. cirage ».

    Cool ! Des petits nuages bleus dans les yeux, une boîte de cirage entre les mains….ma vie d’homme.

    C’est normal, c’est l’âge !

  6. Nathalie dit :

    j’ai ma petite idée…
    C’est la faute à la rentrée !
    Seulement un mauvais passage,
    le temps de tourner la page.

    Finies les envolées joyeuses et les rires
    avec des amis, un peu gris,
    à repeindre le monde en rose.
    Je broies du noir et ma joie fait une pause.

    Le moral est au fond des chaussettes.
    Maintenant, il faut chausser les lunettes
    lacer des chaussures vernies
    et recouvrir des livres de film plastique.

    Mais, où ai-je rangé le réveil-matin ?
    Encore un mauvais tour de l’âge….

  7. Henriette Delascazes dit :

    Très beau texte.
    Henriette

  8. AB dit :

    IL n’est de pire naufrage
    Que perdre la raison pour d’autres rivages.
    Un Big-bazar aux allures de désespoir
    Sans couleur que celle du noir.
    Toi, mon chéri, tu es là, tu me rassures
    Quand je dis coulures au lieu de confiture.
    Mes trocs de mots t’énervent et te font souffrir
    Mais tu me souris et moi je ne peux que me maudire
    Je sais que des bêtises j’en referai plus demain
    Sans cesse, ton amour sans faille me regonfle d’entrain.
    Quand je me transforme d’un coup en une dangereuse tigresse
    Tu es près de moi, me consoles, tu n’es que tendresse.
    Avant, quand je fermais les yeux
    je voyais des petits nuages bleus.
    Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
    Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    moi j’ai ma petite idée…
    Dans ces moments où mon esprit n’est pas chaviré
    Je cherche ton regard, lui seul peut me consoler
    Alzheimer bientôt, beaucoup plus dur va frapper
    Ce sanglot ta gorge il enserre, par pudeur tu n’oses pleurer
    Moi, sa prisonnière, je ne peux même plus espérer.
    Il me reste encore quelques moments cohérents,
    Pour t’offrir ces mots tant qu’il est encore temps,
    Comme aujourd’hui,
    Te les offrir avec amour et sans bruit.

    AB

  9. Miclaire dit :

    Avant, quand je fermais les yeux je voyais des petits nuages bleus. Maintenant, je vois des boîtes de cirage. Le docteur dit que c’est dû à mon âge, moi j’ai ma petite idée…
    En fait, j’ai toujours rêvé d’être black (même si j’ai souvent été bleu…marine… après une bonne bringue !). J’ai toujours aimé défendre la cause des noirs, rendre hommage aux esclaves, dont se sont allègrement servi les européens pendant leurs années de conquêtes, honorer la mémoire des grands qui ont lutté pour leur liberté, hommes et femmes (Martin Luther King, Abrahm Lincoln, Mandela, Miriam Makeba, Rosa Parks…). Je ne manque jamais de regarder et d’évoquer les films réalisés en leur mémoire (Lincoln, Telma, la couleur des sentiments,12 Years a slave, la Couleur Pourpre,, l’Amistade). Je suis aussi passionnée de Gospel, ce courant musical exaltant, devenu un vrai mouvement philosophique tant il est associé à la liberté .
    Je dis souvent que j’aurais aimé avoir la chance de naître noire, pour avoir cette voie si extraordinaire, cette façon de chanter si exceptionnelle, ce physique si exceptionnel. Car je trouve sincèrement les noirs, et notamment les femmes très belles, très élégantes.
    J’ai d’ailleurs eu la chance de jouer dans une comédie musicale consacrée à New-York où une jeune fille s’était barbouillée le visage de cirage pour ressembler à un blues man noir américain qui jouait du saxo dans un cabaret dans Broadway.
    Depuis, il m’arrive souvent de rêver que je me transformais moi aussi, mais de la tête aux pieds, en étalant une épaisse couche de cirage sur toutes les parties de ma peau blanche, et pour cela, j’achète de nombreuses boîtes de cirage.
    J’ai alors décrit ce rêve à mon thérapeute qui est alors partit dans un délire de fou !… Il a suggéré que j’avais peut-être vécu une autre vie dans le corps d’une femme noire, il y a fort longtemps et que les traumatismes que j’avais vécus expliquaient cette sensibilité à la cause noire.

  10. Henriette Delascazes dit :

    Monsieur Perrat,
    Avant, quand je fermais les yeux, je voyais des petits nuages bleus. Doux et légers, mes rêves ressemblaient à de la barbe à papa parfumée au curaçao… des rêves de schtroumpfs quoi ! D’ailleurs il y avait beaucoup de schtroumpfettes dans mes rêves, même ceux de la sieste, ou lorsque je m’assoupissais dans le bus ! Enfin, c’était mon fantasme, vivre avec ce petit peuple toujours joyeux, alors que ma vie était bien terne.
    Je dois vous raconter, tous les matins je me levais à 5h28 exactement, préparais mon café et beurrais mes deux tartines, une avec du beurre, l’autre avec de la confiture d’abricot ou de fraise, pendant que mon bain coulait, car oui, moi je prends un bain tous les matins et une douche le soir, puis je déjeunais en silence. C’était mon moment à moi, un moment unique, le seul où j’étais vraiment seul. Ma femme et les gosses dormaient encore.
    Puis je me schtroumpfais lentement dans la mousse légèrement bleutée et j’attendais que la vapeur s’efface pour attraper le dernier album de Peyo (je les ai tous, et personne n’a le droit d’y schtroumpfer !)
    À 6h12, je me schtroumpfais rapidement, puis enfilais ce vieux costume bleu marine que je déteste, nouais ma cravate écossaise sur ma chemise blanche et me dirigeais vers l’arrêt de bus.
    Toute la journée je devais subir monsieur Uderzo qui n’arrêtait pas de me saouler avec son Obélix et son Astérix. Hergé n’était plus là. Ah ! j’ai oublié de vous dire, monsieur, je suis libraire dans un magasin spécialisé en B.D pour la jeunesse.
    Je les détestais tous, les Tintins, avec son capitaine Haddock et sa Castafiore, Boule et Bill, Lagaffe et ses gaffes, pas malin celui-là, Les Minions, Titeuf, Spiderman et ses imitateurs. Oui, tous je les haïssais et faisais le mauvais signe dans le dos du prétentieux qui voulait les acheter.
    Mes Schtroumpfs commençaient à avoir moins la côte… tant pis pour les méprisants, ils étaient tous pour moi.
    Le soir, je rentrais chez moi par le bus de 19h36 et dès le repas achevé je montais dans mon grenier, schtroumpfais le code de la serrure et pénétrais enfin dans mon rêve.
    Je commençais par les schtroumpfer, chacun à leur tour, même Gargamel et Azraël y avaient droit, ils faisaient d’ailleurs partie de ma vie ces deux-là ! (Gargamel ressemblait à mon chef, vous avez remarqué vous aussi… il ressemble à monsieur De Mesmaeker, c’est frappant !). Ensuite, je pouvais enfin vivre dans mon rêve, je schtroumpfais la tenue du Grand Schtroumpf confectionnée en cachette, schtroumpfais un album au hasard et l’aventure commençait. Quelquefois, le vrai Azraël me rejoignait (c’est mon chat, le vrai, en fait il s’appelle minou dans la famille, mais il a accepté que je l’appelle Azraël lorsque nous sommes seuls). Chaque soir nous vivions une aventure pendant que dans le salon ma femme et les enfants regardaient des films débiles ou des matches de foot.
    À 22heures pile l’aventure s’arrêtait, je me schtroumpfais rapidement, et allais rejoindre ma femme qui souvent dormait déjà ou faisait semblant.
    Ma vie était agréable et douce, ma journée se passait à attendre de retrouver mes amis, lorsqu’un soir dans le bus, une jeune femme qui ressemblait à Yoko Tsuno, c’est vrai ce que je vous raconte là monsieur, vous avez l’air surpris… lisait doucement une phrase à une jeune fille, qui ne m’inspirait rien avec son appareil dentaire (en fait, elle n’avait l’air de personne). J’écoutais les mots sortir lentement de ses douces lèvres et je me sentis subitement transformé :
    « …De la glycérine parfumée pour Marie-Thérèse, du cache-cernes pour Clarice, du dissolvant à peinture pour Paul-Émile, de l’antirouille pour Antoine, du cirage à chaussures pour Germain et du sucre à la crème pour Évangéline… »
    Ce simple mot CIRAGE réveilla en moi une sorte de pulsion et alors que je m’apprêtais à lui arracher le livre des mains pour le jeter à terre, le contrôleur se présenta pour contrôler nos billets (que peut faire un contrôleur s’il ne contrôle pas, dîtes-moi !). Ce fut une chance, car je réalisais que j’étais arrivé à la station 34 et demie et que je devais descendre.
    Je faillis me mettre à schtroumpfer… non , pas ce mot, monsieur, je ne veux plus l’entendre, à pleurer, tel est le terme utilisé pour décrire mon état de tristesse, je répandis des larmes sur mes joues glabres.
    Je traversais la rue et m’adossais à un lampadaire, face à un panneau publicitaire vantant les mérites d’une brosse à reluire et de tubes de cirages… on aurait cru des tubes de gouache et pas du cirage, d’ailleurs je réalisais alors que personne n’utilisait du cirage ! J’étais anéanti.
    Le soir, ma femme s’inquiéta lorsqu’elle ne me vit pas monter dans mon sanctuaire. Personne ne comprenait ma tristesse.
    Elle me questionna, des questions stupides : tu es malade ? tu as mal quelque part, puis s’énervant… tu n’as pas perdu ton emploi au moins ?
    Azraël, en signe d’invite vint se frotter à mes jambes, d’un mouvement irraisonné je lui balançais un coup de savate qui l’envoya valser au fond de la cuisine.
    — Miaoooooooooouuuu ! dit-il d’un air surpris.
    J’allais me coucher rapidement, les laissant tous pantois.
    — Chut, les enfants, papa est fatigué, soyez sage, il a besoin de repos.
    Ma nuit fut difficile, des boites de cirage rouge, vert, bleu, noir, blanc, s’écrasaient dans mon lit, m’engloutissaient.
    Au matin, je trouvais dans le frigo des tubes et des pots de cirage et mes tartines furent couvertes de crèmes colorées, du beurre vert, à rayures rouges, du miel bleu foncé que je jetais à travers la pièce… je crois que je hais cette couleur désormais.
    Maintenant, monsieur Perrat, je vois des boites de cirage partout autour de moi. Je ne sais qu’en faire, car je ne porte plus que des Charentaises et je ne peux pas les cirer. Le docteur dit que c’est dû à mon âge, moi j’ai ma petite idée…, c’est un coup à Titeuf qui s’est associé avec le petit Nicolas et leurs copains cette histoire-là. Car vraiment ne croyez-vous pas que c’est une histoire à dormir debout… d’ailleurs dans le cirage, j’y suis toute la journée depuis que ma femme m’a quitté.
    En direct de l’hôpital Sainte Anne – Paris
    Aux bons soins de mon psychiatre.
    Henriette Delascazes !

  11. Fanny dit :

    Avant, quand je fermais les yeux, je voyais des petits nuages bleus. Maintenant, je vois des boîtes de cirage. Le docteur dit que c’est dû à mon âge, moi j’ai ma petite idée…

    Pour passer le temps, quand nous partions en vacances dans la Simca 1000 de mon père, je regardais les nuages. Certains, tout blancs, me rappelaient des choux à la crème dans la vitrine des pâtissiers, d’autres s’étiraient comme de la ouate pour panser mes blessures, quelques-uns se couraient après et jouaient à cache-cache avec le soleil. Parfois, au loin, des cumulonimbus annonçaient un gros orage et je jubilais. À force de les fixer et de me raconter des histoires, je somnolais et m’imaginais voler sur un cotonneux nuage turquoise. C’est bête, hein, de voir un nuage bleu dans le ciel bleu ? Mais, mon nuage à moi chassait mes bleus à l’âme. Vous comprenez, ton sur ton ça s’annule. Le ciel m’a toujours attiré et je suis devenu pilote de ligne.

    Maintenant, lorsque je passe à travers des nuages noirs comme mes idées, je vois la boite de cirage Kiwi que ma mère me mettait dans la main tous les dimanches matin avant de partir à la messe. Et comme j’en mettais autant sur mes doigts que sur mes godasses, je recevais une torgnole à me démonter la tête.

    Ce qu’il ignore ce médecin avec sa métaphore à deux balles, c’est que je rêve de plus en plus souvent d’un autre nuage. Un de ces jours, ils vont tous voir de quoi il est capable le petit pilote. Ce matin, je l’ai repéré la montagne et, bientôt, j’emmènerai avec moi mes passagers sur un stratocumulus écarlate.

    Désolée, ce n’est pas très gai mais mon inspiration est à l’image des nuages. Bonne semaine à toutes et à tous. Fanny

  12. Avant, quand je fermais les yeux
    je voyais des petits nuages bleus.
    Des soleils en fleur,
    des étoiles en couleur…
    Les ailes des moulins faisaient tourner le vent
    et les orages dans l’air valsaient à quatre temps

    Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
    Des bottes en plastique, des cuillères à potage
    Des pinces à linge, des boutons de corsage
    Des clés de contact, des tuyaux d’arrosage
    Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    Que mon imaginaire a déboulé d’un étage

    Moi j’ai ma petite idée…
    je ne sais plus rêver,
    je suis fan du banal,
    piégé par l’ordinaire,
    j’regarde pas assez en l’air.

    Désormais même en ouvrant les yeux,
    je les verrai les petits nuages bleus

  13. Antonio dit :

    Avant, quand je fermais les yeux
    je voyais des petits nuages bleus.
    Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
    Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    moi j’ai ma petite idée.
    Seulement elle s’est envolée.
    Et ce ciel tout noir
    qui m’empêche de voir
    où elle a bien pu se nicher.
    Pourtant j’ai les yeux grands fermés.
    Ah! ça y est je la vois !
    Sur ce nuage, là !
    D’un coup d’aile je l’attrape.
    Oh ! Que se passe-t-il ? Clap !

  14. Brigitte Dalla Torre dit :

    super bien !

  15. Fantaisie

    Avant, quand je fermais les yeux,
    Je voyais des p’tits nuages bleus.
    Maint’nant, j’vois des boites de cirage.

    L’docteur dit que c’est dû à l’âge,
    Mais moi, j’ai ma petite idée :
    Ma fantaisie s’est bien ridée !

    J’suis devenu consensuel !
    Beaucoup plus con, moins sensuel,
    A l’imagination plombée !

    Au fond d’mes pompes, je suis tombé !
    Avant, j’étais le roi du gag,
    Tout le mond’ rigolait d’mes blagues !

    Je vivais en pleine insouciance
    Et maintenant, j’ ramèn’ ma science !
    Elles ont plus cours, mes envolées !

    J’ai plus envie de rigoler !
    Je vois s’refléter l’ CAC40
    Sur mes Richelieu d’chez Torrente !

    Avant, j’roulais en Pataugas
    Et à tous les étages, eau, gaz,
    Et bien sûr, l’excentricité !

    Maint’nant, j’ai quitté ma cité
    Neuilly a remplacé Clichy,
    J’ vis dans les clichés, les chi-chis!

    J’ai plus d’ nuages bleus dans la tête,
    Mais avec cette vie j’ m’em… bête !
    J’n’avais vraiment rien à cirer

    De vivre sans plus désirer !
    Je veux r’trouver ma fantaisie,
    R’mettr’ dans ma vie d’la poésie !

    Allez, Perrat m’y a aidé !
    L’avait bien sa petite idée !

  16. ourcqs dit :

    Avant, quand je fermais les yeux je voyais des petits nuages bleus. Maintenant, je vois des boîtes de cirage. Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    moi j’ai ma petite idée…
    Noir cirage, sombre rage oui,
    j’enrage, je manque d’éclairage,
    sans doute des commérages,
    rêvant de me faire ombrage,
    concoctant de profonds outrages,
    déclenchant de puissants orages,
    détruisant tous mes ouvrages,
    Mais après quelques séances d’azurage,
    ce n’était que mirages ….

  17. MARBOT dit :

    Avant, quand je fermais les yeux
    je voyais des petits nuages bleus.
    Maintenant, je vois des boîtes de cirage.
    Le docteur dit que c’est dû à mon âge,
    moi j’ai ma petite idée…

    Arrête de boire 😉

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