Exercice inédit d’écriture créative 199

Vivre aux crochets d'un mur

Il vivait aux crochets d’un mur depuis des années
quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler,
une rumeur, peu à peu, se propageait.

Imaginez la suite

17 réponses

  1. Clémence dit :

    Il vivait aux crochets d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler. Une rumeur, peu à peu, se propageait….

    « Ma boutique … rien de plus simple
    Regardez bien, c’est celle-là
    Numéro 15, du côté gauche
    Quatre marches, façade blanche
    Cinq perruques en devanture
    Sous un écriteau « Pommade fine »
    Vitrine bleue à la moderne
    Et pour enseigne, une lanterne
    On me trouve là, sans problème….. »

    Se plaît à chanter Figaro à tout passant qui passe et manifestant l’envie de se faire raser ou coiffer…
    Or, bien, levant les yeux à la fin de sa tirade, il vit son petit symbole de lumière, cette lanterne, cette enseigne suspendue au crochet du vieux mur, crochet qui semble donner quelques signes de faiblesse.
    – Il me faut envisager de le faire réparer, sous peine de blesser quelqu’un, confia-t-il à son voisin…

    Mais dès le lendemain, à Séville, une rumeur enfle, comme l’air de la Calomnia….Figaro, l’impertinent, va être interdit de séjour… ! Mais comment en est-on arrivé là ?

    La calomnie est une brise
    Un zéphyr assez charmant
    ….. la lanterne penche un peu
    Qui, subtile, insensible
    Légèrement, tout doucement
    commence par murmurer
    ….. sous peine de blesser quelqu’un
    Piano, piano, rasant la terre
    A voix basse, elle va sifflant
    …. je vais devoir la réparer
    puis se répand en bourdonnant
    dans l’oreille du public
    …. appeler le ferronnier ou le maçon
    elle se glisse adroitement
    elle étourdit et fait gonfler
    …. lui expliquer de ne pas tarder
    la tête et la cervelle
    s’échappant de la bouche
    …. je ne veux pas que l’on accuse
    le vacarme va croissant
    et grandit peu à peu
    ….. Figaro de velléités de jouer un mauvais tour
    elle vole de lieux en lieux
    elle ressemble au tonnerre, à la tempête
    …. à don Bartolomeo
    qui au fond des forêts va sifflant grondant
    et vous fait trembler d’horreur
    …. vieux notable amoureux de sa pupille
    Elle déborde, elle crève enfin
    se propage et redouble
    …… on dit qu’il lui a enfariné le visage
    et produit une explosion
    comme un vrai coup de canon
    …. et a même tenté de lui couper l’oreille
    un séisme, un ouragan
    un tumulte général
    …. heureusement que don Basile est arrivé
    qui retentit dans l’air
    et le pauvre calomnié
    …. Figaro est chassé de la demeure
    avili, foulé aux pieds
    sous la réprobation publique
    …. Figaro est chassé de Séville
    n’a plus guère qu’à crever….
    … Figaro-ci, Figaro là……

    Homme, méfie toi quand tu parles, car tes chacun de tes propos sera répété, amplifié, déformé ! Telle est la rumeur, comme la calomnie , une brise, un zéphyr assez charmant, qui, subtile, insensible, légèrement, tout doucement, commence par murmurer

  2. DUMOUCHEL dit :

    Il vivait aux crochets d’un mur depuis des années
    quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler,
    une rumeur, peu à peu, se propageait, elle était mourante. Il était là depuis la photo prise après la naissance du petit dernier, né le 1er septembre 56. Il avait pu observer toutes nos visites, nos repas mais aussi nos requêtes, là à regarder sous son oeil, là à ne pas nous juger mais il avait profiter aussi. Oui il faut dire que sous son air nonchalant, il savait, il savait que tôt ou tard, on le décrocherait, on le rangeait aux oubliettes… Même s’il ne lui a rien demandé, il était là à lui rappeler ses enfants, son mari, sa jeunesse ; peut-être même que tous ces souvenirs la tourmentaient, qu’elle était bercée de regrets, de chagrins…. je me plaît tout simplement à me dire que tous ces visages la rendaient heureuse, malgré leur mariage et les naissances qui en découlent….
    Ma grand-mère était rentrée à l’hôpital, et n’en ressortirait pas… la maison serait rendue et ce petit clou qui portait le portrait familial serait remercié dans les années qui suivirent…. eh oui toute chose à une fin :
    la maison familiale qui nous avait tous élevées, vue grandir avec ce petit clou serait détruite et jamais ils ne pourront parler de nous….
    Reste nos souvenirs !!!!

  3. Sélène dit :

    Traces accrochées
    Souvenirs de tableaux
    Sur un mur d’une ville enfouie
    Des visages reviennent à la surface
    Pour décrocher la lune

    Effacement
    Foncé et gondolé
    Le plan se détache
    Je contemple le vide et
    Tombe dans le paysage

    L’intenable
    Étendue qui vacille
    Un trou dans les crochets de l’oubli
    Mémoire dépendue
    Qu’interroge l’espace

    Surviennent des bruits
    A n’en plus tenir
    Une rumeur s’entête

  4. MALLERET PEGGY dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mit à circuler, une rumeur, peu à peu, se propageait.

    Comme les mauvaises nouvelles, les rumeurs se propagent vite. Souvent méchantes, pas forcément vraies. Elles peuvent être issues de la jalousie.

    Il eut beaucoup de peine lorsque les bruits lui parvinrent. Qui pouvait-il déranger à ce point ? Accroché au crochet, Il était devenu le meilleur ami du mur, celui-ci l’avait supplié de ne jamais l’abandonner.

    Le pauvre ne savait pas que ce crochet installé lors de la construction, sans logique apparente, était devenu le point d’interrogation du village.

    Le dimanche à l’heure de l’apéro les copains se réunissaient au café juste en face et les paris allaient bon train pour en trouver la raison.

    Seulement voilà, avec sa venue les copains avaient perdu leur jeu dominical. Ils avaient bien essayé de jouer aux boules, aux fléchettes mais s’en étaient lassés. Ils avaient essayé de patienter or trop c’est trop, il fallait libérer le crochet. C’était « leur » crochet et il devait rester vide et sans utilité visible pour que leur passe-temps favori puisse reprendre. Qu’Il se cherche un autre crochet, Il y était resté assez longtemps sur celui-là.
    C’était à eux de trouver dans quelle intention le propriétaire, mort depuis au moins un siècle, l’avait installé à cet endroit alors qu’à première vue il ne servait à rien.

    La rumeur enflait comme une tempête sur la mer, Il n’en saisissait toujours pas le sens mais comprenait que c’était violemment contre lui.
    Il eut si peur qu’Il demanda au mur de lui pardonner de s’enfuir. Il se sauva accroché au crochet.

  5. patricia dit :

    Après des orages incessants , l’eau monta de quelques centimètres…
    La rumeur peu à peu se propageait : » les maisons seraient inondées »
    Venise, depuis quelques années, s’enlisait vers cet avenir incertain.
    Un petit bateau coloré , qui vivait au crochet d’une habitation ,au bord du canal, s’inquiéta : »finies les balades des gens heureux! »
    Dans cet univers trop mouillé, chacun fuirait sa maison.
    « je ne serai bon qu’à porter des frileux »: soupira t’il.
    « Qu’on me délivre de ma chaine et je pourrai ainsi distribuer des vivres à ces malheureux »
    Il se voyait déjà réconfortant les uns et les autres sur son passage ,libre comme le vent en pleine tragédie humaine.
    « Que de malheurs sur cette terre ! vivement les flots lointains où la lagune débouche sur la mer. Là bas ,plus d’humains, qu’une mer en surabondance ; fini le crochet rouillé qui me broyait le dos , finie la puanteur de cette eau saumâtre  »
    Et c’est ainsi que ce petit bateau, haut en couleur ,qui vivait au crochet d’un mur depuis des années , retrouva sa liberté dans les bras de Neptune ,loin ,loin, là où l’horizon n’a plus de fin .

  6. laurence noyer dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit dans la ville s’est mis à circuler, une rumeur peu à peu se propageait et arriva jusqu’à ses oreilles. Le bruit qui court proclamait : « La rue meurt !, la rue meurt !». Aussitôt un mouvement de panique s’empara de la ville. Chaque bâtisse se pencha pour apercevoir l’agonisante, chaque façade s’avança pour vérifier l’état de sa propre rue. L’hôtel de ville alerté tenta de calmer le jeu : « Ne vous approchez pas trop, laissez la respirer, ouvrez les fenêtres, donnez-lui de l’air ». Les avenues et les boulevards craignaient la propagation. Déjà certaines venelles avaient profité d’un week-end pour coller à la roue des véhicules, les caniveaux avaient rejoint la périphérie par les égouts, les impasses, moins chanceuses, commençaient à étouffer.
    En peu de temps la ville, privée de ses voies, allait se gangrener.
    Alors, comme le bruit courait toujours je me suis décroché du mur et je suis parti avec lui.

  7. Regis dit :

    C’était une grande clé de bronze. Elle était accrochée à ce crochet de fer depuis plus de trois siècles.
    Un roi de France à qui lors de sa visite, on l’avait remis l’avait lui-même déposé au-dessus de la porte de la ville pour, avait- il dit rendre hommage à la bravoure, à la vaillance et au caractère indomptable de ses habitants et il ajouta :
    – malheur à celui qui voudra le décrocher !
    Depuis, personne ne l’avait décroché. Ni les frondeurs, ni les révolutionnaires, ni les envahisseurs ou collabos de tout poil… Personne.
    Les guides touristiques mentionnaient ainsi quelques anecdotes que des historiens sérieux qualifiaient de légendes :
    Celle, par exemple de ce commissaire de la République dépêché par la Convention qui trouvait le zèle révolutionnaire des habitants bien tièdes.
    — Citoyens, faîtes disparaître cette emblème des tyrans !
    Il fit l’unanimité contre lui, même celle des sans-culottes les plus farouches. C’était une richesse de la ville. Pas touche !
    De guerre lasse, il voulut lui-même allé décrocher l’objet. S’apercevant qu’ ‘elle était scellé, il voulut faire venir un artisan d’une ville voisine mais une dénonciation anonyme parvint à la Convention et le Commissaire se retrouva devant Fouquier-Tinville.
    En 1870, les prussiens bombardèrent la ville mais la porte resta debout avec sa clé.
    Un commandant allemand voulut lui-même s’en emparer durant la Seconde Guerre, mais il fut appelé n Russie avant de mettre son projet à exécution.
    Et la vie continuait.
    Les habitants ne levaient même plus la tête en passant devant la porte.
    Et puis voilà que ces derniers jours, une rumeur gagna la ville dont la presse régionale se fit l’écho : ON allait voler la clé, c’était sur…
    C’était, disaient les braves gens, trop tentant pour les voleurs de métaux qui sévissaient dans la région.
    Il est vrai que ces coquins n’hésitaient pas : chantiers surveillés ou non, plaques d’égout, de rues, poteaux indicateurs, et même plaques de monuments aux morts…
    Rien n’échappait à leur voracité.
    Un habitant de la ville ouvrit un blog intitulé : sauvons la clé.fr
    L’émotion était si grande que le maire dut promettre des rondes régulières de la Police Municipale…
    Cependant, une nuit celle-ci fut alertée. On avait aperçu des individus suspects prés du monument élevé à une gloire locale : Le Colonel Dupommier.
    Toutes les forces de l’ordre se retrouvèrent à cet endroit. Les medias, les édiles accoururent.
    C’était un leurre. La place devant la porte étant désertée, une petite camionnette jaune y apparut, équipée d’une échelle automatique. Une silhouette habillée de sombre, entreprit de grimper les échelons et de s’attaquer au trésor municipal…
    Le chauffeur attendait patiemment au volant.
    Tout à coup, le conducteur du véhicule entendît un hurlement suivi d’un choc sourd. Il se précipita et vit son complice à terre, apparemment indemne, le visage verdâtre complètement décomposé…
    ¬— Tu as raté un échelon ? Tu t’es fait mal ?
    — Non là haut il ya un mec avec sa tète sous le bras qui flottait en l’air et qui m’a dit : « Fais pas çà citoyen ! »
    — Toi, tu devrais arrêter de fumer avant de partir en expédition. Ah, je vous jure !
    — Mais sur il avait même une cocarde tricolore !
    Et le second malandrin se mit lui-même à l’ouvrage et monta à l’assaut de l’échelle. Son complice ne fut guère surpris d’entendre les hurlements de son compère qui détala vers le centre ville sans demander son reste.
    La Police municipale les récupéra tous les deux. Ils se jetèrent littéralement dans les bras des agents en éclatant en sanglots. Pour le coup, la bande de ferrailleurs fut décapitée
    Ils bouclèrent les deux individus qui ne tardèrent pas à être transférés en maison de repos…
    On murmurait en effet que les deux voleurs réveillaient la prison en accusant, qui un cadavre sans tête, qui un soldat allemand congelé de les visiter…
    Mais la petite ville avait retrouvé sa tranquillité…
    Plus personne ne craignait pour la porte et la clé que seuls les « selfies » troublaient encore.
    Quand au blogueur, il s’appétait à fermer son site lorsqu’un témoin vint lui remettre deux objets qu’il avait trouvé dans le caniveau lors de la fameuse nuit : une cocarde tricolore et un insigne de la Wermacht…

  8. Jean Louis Maître dit :

    Banat

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, se mit à circuler, une rumeur, peu à peu, se propageait.
    Aux marches de l’Empire, Ferdinand de Habsbourg voulait installer des Chrétiens. Les Musulmans n’étaient pas loin, au Kosovo, en Albanie, en Grèce, et l’Empire ottoman n’était pas encore le vieil homme malade de l’Europe. Alors, il fallait de bons Chrétiens pour protéger l’Empire des Habsbourg et occuper les terres vides, marécageuses mais prometteuses, avant que des Musulmans ne s’y installent.
    Nicolas Viller, lui, avait faim.
    La Lorraine était sortie exsangue de la guerre de Trente ans. Stanislas Leszczinski régnait de façon tyrannique sur les finances de Nancy, alors, pourquoi ne pas décrocher, partir, partir loin d’ici, gagner les Marches ? Un matin, Nicolas Viller serra ses bandes molletières, se couvrit de son large chapeau de feutre mais en ôta les rubans, et il attela la jument à la carriole qu’il avait remplie la veille, discrètement, car beaucoup avant lui avaient fui, après avoir vendu tous leurs biens, et l’on disait que Stanislas avait fait annuler les ventes, ruinant les acquéreurs et s’accaparant les biens des partis. Il quitta Esch-sur-Alzete sans regrets. Sa vieille mère était assise sur un coffre à linge, à l’arrière de la carriole, serrant un globe de verre où elle conservait son bouquet de mariée. Les deux fils de Nicolas et sa femme marchaient devant.
    Chemin faisant, ils se regroupèrent avec d’autres migrants que la faim et les promesses de Ferdinand avaient, comme eux, arrachés de leurs murs de terre, blanchis à la chaux.
    Le voyage fut long, mais comme ils avaient rapidement rejoint l’Empire, ils ne furent pas inquiétés.
    A Temesvar, dans le Banat que borde le Danube, ils comprirent qu’on ne les avait pas trompés : on distribuait bien des terres, Nicolas eut la sienne, marécageuse, certes, mais prometteuse. Comme les autres, il l’assécha et vécut là, prospère, près de Veliki Beckerek.
    Le temps passa, qui efface tout.
    Ou presque.
    Tous les ans, la grande fête qui rassemblait Lorrains et Alsaciens du Banat retentissait à présent d’accents germaniques, mais on y dégustait toujours des cuisses de grenouilles, dans des recettes qui se transmettaient comme le bouquet de mariée de sa mère.
    Si celle-ci fut enterrée au cimetière de Veliki Beckerek sous le nom de Viller, Nicolas, lui, le fut sous celui de Willer. Avec un « W ». Les Allemands prononcent les « V »comme des « F », et Nicolas voulut qu’on l’enterre « Viller » et non « Filler », sans avoir conscience qu’ainsi il noyait ses origines lorraines dans le grand melting-pot germanique qu’était alors devenu le Banat.
    Les fils des fils de Nicolas, tous Willer, ne gardèrent de leurs origines que quelques chansons, une chromolithographie en triptyque, la même que l’on voyait dans toutes les maisons lorraines ou alsaciennes.
    Et les cuisses de grenouilles.
    Ils vécurent au crochet d’un mur pendant des années quand un bruit, dans la ville, se mit à circuler, une rumeur qui, peu à peu, se propagea. En 1941, dans le Banat, comme dans toute la Roumanie, les jeunes gens étaient incorporés dans la Garde de Fer du Maréchal Antonescu afin de se battre aux côtés des nazis et Nicolas Willer, Nicolas, comme tous les premiers fils de la famille Willer, le fut à son tour et se battit à Stalingrad.
    Et survécut.
    Il revint au village en 1943.
    Il vécut au crochet de son mur une petite année quand un bruit, dans la ville, se mit à circuler, une rumeur qui, peu à peu, se propageait. On arrêtait et on exécutait tous ceux qui avaient servi sous l’uniforme de la Garde de Fer. Et l’on déportait leur famille. Quand les armées soviétiques approchèrent de Veliki Becherek, il comprit qu’il lui fallait se remettre en route.
    Il décrocha le triptyque en chromolithographie qui évoquait le départ de Lorraine, la route difficile et l’installation dans le Banat des Lorrains du XVIIIe siècle, avec le début de l’assèchement des marais, sa femme ramassa quelques pièces de linge qu’elle serra dans un vieux coffre qu’ils placèrent à l’arrière d’une carriole et sur lequel s’assit la mère de Nicolas, et ils partirent pour l’Autriche au milieu de la débâcle nazie, des exactions des Partisans et de la victoire des alliés. Ses enfants portaient le grand feutre traditionnel auquel étaient accrochés des rubans de couleur qui tombaient presque jusqu’au sol. Nicolas n’eut pas le cœur de les leur enlever. Et il fit bien car ils durent leur servir de viatique ou de bons auspices, ces gentils oiseaux multicolores et insouciants : on crut à une noce et ils arrivèrent sains et saufs en Autriche où on les plaça dans un camp de réfugiés.
    La nouvelle Europe était en train de se faire, et ils attendirent qu’elle voulût bien se faire, si possible, avec eux….
    Mais quel avenir ? Quel avenir pour eux, ces maudits de la Lotharingie ? Ni la Yougoslavie titiste, ni la Roumanie déjà agitée par la Révolution communiste ne pouvaient servir de refuge à un Willer au patronyme si germanique, ayant en plus combattu à Stalingrad. Aux côtés des forces de l’Axe.
    Une rumeur se mit à circuler dans le camp.
    Et s’y propagea.
    Robert Schuman, Ministre des Affaires étrangères, né à Evrange, en Moselle se rendait en visite d’état à Vienne. En Autriche.
    Voilà ce que Nicolas Willer put lire dans le journal qu’on se passait à la buvette du camp où, depuis deux ans, il séjournait sans guère d’illusions. Rentré dans son baraquement, il sortit du vieux coffre une pièce de tissu à fleurs et demanda à sa mère de lui confectionner la poupée traditionnelle qui décorait la chambre d’hôte, la chambre du Heimat de chaque maison lorraine du Banat.
    Une poupée lorraine.
    Avec des rubans dans la coiffe.
    De longs rubans qui tombent presque jusqu’aux pieds.
    Et tandis que sa mère était en train de coudre, il écrivit une lettre à Robert Schuman.
    Il y racontait tout.
    Toute l’histoire de ces Lorrains, comme lui, Robert Schuman, Lorrains donc Français, comme lui, Robert Schuman, émigrés au Banat, ballotés, comme lui, Robert Schuman, par les vicissitudes de la guerre et bloqués dans ce camp de réfugiés autrichiens depuis trop longtemps, l’Autriche que lui, Robert Schuman visitait.
    La lettre fut dissimulée dans la robe de la poupée.
    La poupée fut donnée dès le lendemain au responsable de la Croix-Rouge qui visitait régulièrement le camp.
    Elle était bien jolie, avec ses rubans.
    Elle fut remise à un Robert Schuman, attendri, qui découvrit la lettre.
    Et la lut.
    Trois mois plus tard, Nicolas Willer reçut la visite d’un attaché de l’ambassade de France à Vienne qui venait lui faire une étrange proposition.
    Le village de La Roque, dans le Vaucluse, se dépeuplait. On lui proposait, comme à d’autres émigrés lorrains ou alsaciens originaires du Banat de venir s’y installer.
    Nicolas Willer décrocha du mur de son baraquement le triptyque en chromolithographie et reprit la route.
    C’est sous le nom de Nicolas Viller qu’il est enterré au cimetière de La Roque.
    Dans l’église, une Vierge provençale, les bras ouverts, surplombe un curieux triptyque.

  9. françoise dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler, une rumeur peu à peu se propageait : des extra-terrestres avaient envahi la ville. On vit les badauds – qui étaient venus voir cet homme étrange attaché à un crochet – partir dans tous les sens : certains voulaient les voir mais d’autres, les plus nombreux, ne voulaient pas être vus de ceux-ci.

    On entendit le bruit de leurs pas puis on les aperçut. Ils se dirigèrent vers l’homme qui vivait au crochet du mur. A l’aide d’une tenaille ils le détachèrent, le mirent sur un fauteuil électrique et l’emportèrent .

    Ceci s’est passé il y a de nombreuses années. Le crochet est toujours là dans le mur et nombreux sont les habitants de cette ville et les touristes qui viennent le photographier.

  10. françoise dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler, une rumeur peu à peu se propageait : des extra-terrestres avaient envahi la ville. On vit les badauds – qui étaient venus, comme chaque jour, voir cet homme étrange attaché à un crochet – partir dans tous les sens : certains voulaient les voir mais d’autres, les plus nombreux, ne voulaient pas être vus de ceux-ci.

    On entendit le bruit de leurs pas puis on les aperçut. Ils se dirigèrent vers l’homme qui vivait au crochet du mur. A l’aide d’une tenaille ils le détachèrent, le mirent sur un fauteuil électrique et l’emportèrent .

    Ceci s’est passé il y a de nombreuses années. Le crochet est toujours là dans le mur et nombreux sont les habitants de cette ville et les touristes qui viennent le photographier.

  11. ourcqs dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler,une rumeur, peu à peu, se propageait.
    Il était là depuis des siècles, dominant la cour, sur la façade en pierre. Grand style, il en imposait. On s’arrêtait, on l’observait. Immobile, il jouait pourtant avec les ombres, intriguait. Des anciens vérifiaient s’il était toujours opérationnel, même s’il prenait quelques minutes par rapport à l’heure officielle, il marquait leur temps . Avec des idées de modernisation à tout prix , de renouvellement, des bruits couraient concernant le remplacement du gnomon par une horloge précise, à la minute près …. la belle affaire. Et ce fut un nouveau Clochemerle, les uns pour la conservation de ce chef d’oeuvre silencieux,sentencieux, avec sa devise « Carpe diem », les autres prônant le changement, le ras-le-bol du passé. Mais, avec le changement de municipalité, les priorités sont modifiées et …le cadran solaire est toujours là, objet du litige devenu la curiosité à photographier, immortaliser. ET rien n’a changé, les heures passent, s’écoulent toujours, certaines longues, d’autres bien trop brèves,

  12. Catherine M.S dit :

    Réhabilitation

    Elles vivaient aux crochets d’un mur depuis des années
    Quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler
    Une rumeur, peu à peu, se propageait :

    Il n’y a plus de larmes …il n’y a plus de larmes …il n’y a plus de larmes …
    Les larmes ont tari …les larmes ont tari …les larmes ont tari …

    Les mots, d’abord silencieux, ont roulé dans un énorme vacarme
    Plus personne n’a souri.
    Les hommes avaient déserté les lieux, les femmes aussi
    Plus de prières, plus de dévotions ni de lamentations
    Les cœurs étaient secs, les regards perdus
    Où étaient passées les croyances, les souffrances, les espérances
    Où avaient disparu les émotions
    Envolées avec les lampions ?
    Le ciel était sombre, l’air glacial
    Drôle d’ambiance, plus le moral
    Mais la ville voulait absolument retrouver la ferveur des oraisons
    Redonner aux humains le goût des effusions
    Entendre à nouveau les larmes couler
    Et recouvrer ainsi sa foi en l’humanité.

    Tous les habitants ont donc retroussé leurs manches et noué leurs tabliers
    Pour rendre au mur toute sa valeur et sa beauté
    Et à la ville son identité.

  13. Kacyne B. dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années, quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler; une rumeur peu à peu, se propageait, enflait.

    Et bientôt, celle-ci devint réalité.

    Les temps sont difficiles.
    L’argent manque.
    L’entretien de cette vieille bâtisse bourgeoise coûte.

    Madame la Comtesse, ruinée, à contrecœur, décroche ce fabuleux et précieux tableau de Legochowsky (l’ Homme aux onze mille vierges), qui m’accompagne depuis tant de lustres.

    Me voilà, seul et inutile, au milieu de ce mur de pierres jaunies par la fumée des cigares de ces messieurs ventripotents et suffisants.

    Diantre !

    Que m’arrive -t -il ?

    On me pince, me tourne.
    On me tire, m’arrache.

    Et on me jette.

    Dans cette boîte
    Avec les …clous !

  14. Christine Macé dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler, une rumeur, peu à peu, se propageait.
    Il n’y prêta d’abord pas plus attention que ça, habitué à en entendre des vertes et des pas mures. Des histoires de murs, il en avait à revendre. Plein les poches. Tout ça c’était du boniment, une fois de plus, un battement d’aile qui se prenait pour un qu’en dira-t-on et finirait par se perdre dans l’écho des potins de rues. Du vent.
    Mais ce courant d’air finit par enfler : diantre, ce n’était pourtant pas encore l’hiver ! Lui qui se croyait à l’abri pour quelques semaines encore avant d’être rappelé au turbin. On disait bien qu’il n’y avait plus de saison mais de là à sortir la pelisse en septembre, on y allait un peu fort.
    Il tendit l’oreille qu’il avait musicienne. C’est qu’à passer plus de la moitié de l’année rivé à son crochet, il avait bien fallu trouver de quoi occuper ses journées. Et ses rares voisins de passages, un châle ou un gilet jetés là à la hâte, s’avéraient peu causants.
    En été, la patère se vidait de ses habituels vestes et doudounes, remisés dans la grande malle au grenier. Désormais, c’était le fil à linge du jardin qui avait la cote, recevant non-stop – et même la nuit parfois – les maillots de bains et serviettes bariolées qui s’abandonnaient lascivement aux rayons du soleil. Grand bien leur fasse ! Lui aussi pouvait se la couler douce, certain de ne pas être dérangé dans ses réflexions, et ce d’avril à octobre : la belle saison.
    Ce qui ne l’empêcha pas de tendre l’oreille. Rumeur ou pas, le brouhaha persistait. Sauf que coincé sur son portemanteau, il n’arrivait à capter que des bouts de tuyaux : même mis bout à bout, ça ne lui donnait qu’une vague idée de ce qui se tramait dehors. Bientôt, il imagina des scénarios catastrophes, des pelleteuses destructrices ravageant la contrée, un ouragan, la fin du monde. Sursautant au moindre bruit, il se mit à compter le temps en minutes, croyant sa dernière heure venue. Il releva son col, astiqua ses boutons, redressa bravement ses épaulettes et ferma ses boutonnières : il partirait digne, fier d’avoir servi des années durant.
    C’est alors qu’attendant l’instant fatidique, il lui sembla entendre… mais oui… une petite musique, un pépiement. Il douta mais, invariablement le ton montait : une sorte de babil, désaccordé, voire disharmonieux, mais qui le fit frémir. Soudain ce ne fut plus que caquetage et gazouillis mêlés, la maison se mit à vrombir des allées et venues, on courrait, on s’interpelait, on faisait claquer les portes, on perdait la tête. Et au milieu de ce charivari joyeux, il comprit enfin d’où venait tout ce tohu-bohu : un couple de migrateurs avaient élu domicile sur le toit pour donner naissance à un petit d’oiseau. Pendant qu’il s’ingéniait à imaginer son agonie, l’histoire avait repris son cours, ou plutôt elle l’avait suivi, comme le feraient toutes les saisons à venir où il serait tour à tour de service ou au repos sur son clou. La vraie vie quoi, pas du baratin !

    Bon week-end, Christine

  15. François Nugues dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit, dans la ville, s’est mis à circuler, une rumeur, peu à peu, se propageait : « le mur d’Antoinette va tomber ! »
    Antoinette, c’est ma Grand-Mère, la maman de Papa. Son jardin, tout en longueur, est clos d’un mur en pierres mal jointoyé. Les joints se délitent, retourne en sable et la pluie qui lave tout a amoncelé une vaguelette d’ocre au pied du mur.
    Nous y allions de temps à autre.
    Un jour, j’ai cueilli une branchette de groseillier à grappes blanches, enfin, plutôt roses, sur un gros pied de ces petits fruits délicieux, bien meilleurs que les rouges si acides. J’ai fait un trou entre deux pierres et planté ma bouture. Avec un peu d’eau et de sable ramassé au bas du mur, j’ai colmaté soigneusement tout autour. Ensuite, je lui ai parlé : « écoute, là, je crois que tu seras bien ! J’espère que tu vas pousser et nous donner de belles groseilles couleur de soleil ! » Il a bougé un peu, un grain de sable le gênait quelque part, et il m’a répondu : « Oui, laisse-moi quelques années et, foi de groseillier, tu te régaleras ! »
    L’année suivante, je suis allé lui rendre visite, il avait fait trois feuilles et était bien vivant.
    Trois ans plus tard, j’ai pu faire ma première cueillette, délicieuse… Un bout de racine était ressorti entre deux pierres, un gros moellon était en équilibre juste en dessous, une grosse bosse avait gonflé autour de mon protégé, le mur se sauvait.
    Grand-Mère m’a demandé d’arracher le groseillier imbécile qui détruisait le mur et de remonter les quelques pierres qui se sauvaient.
    Je n’ai rien dit, j’ai simplement fait ce qu’elle me demandait. On ne peut rien refuser à sa Grand-Mère.

    François Nugues

  16. durand dit :

    Il vivait au crochet d’un mur depuis des années quand un bruit dans la ville,

    s’est mis à circuler, une rumeur, peu à peu, se propageait.

    S’il était là, ce n’était pas par hasard. On ne se fait pas installer sur un tel mur

    sans aucune raison. Forcément, il y avait intérêt à être placé là. Certains savent

    toujours être là au bon endroit, au bon moment. Ils se choisissent une

    perspective prometteuse. Une place discrète dont on ne distingue pas de suite

    les privilèges mais qui se dévoilent, un jour où l’autre. Certains journalistes

    dénoncèrent sa présence inutile et coûteuse. Certains disaient qu’on le traitait

    à l’anti rouille tous les six mois, qu’on le repeignait jusqu’à une fois par an.

    Et que c’était une honte de gaspiller ainsi l’argent du contribuable.

    Quelques extrémistes voulaient l’arracher, le promener en haut d’une pique,

    témoigner sur les boulevards de la vraie fin des privilèges. Mais trop peu

    osèrent se risquer face aux caméras de surveillance, aux petits espions du

    quotidien étatique.

    Finalement, un jour, on décrocha le voisin du crochet, un volet en bois. On

    installa une nouvelle fenêtre en plastique avec volet intégré, électrique,

    automatisé, sécurisé.

    On sabla le mur de la préfecture pour éclaircir le monument républicain.

    Et on y oublia le crochet.

    Certains fétichistes y passent, parfois la nuit. Tour à tour, ils le peignent en

    bleu, en rose, en noir, rouge…

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