Exercice inédit d’écriture créative 131
C’est mon maître qui a eu cette idée.
Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !
Depuis, je fais la manche, mais…
Imaginez la suite
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C’est mon maître qui a eu cette idée. Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié ! Depuis, je fais la manche, mais…
Cela me fend le museau de voir encore tant de mendicité. Mais, pour une fois, je suis d’accord pour traiter ce sujet avec un humour bienveillant.
Faire la manche n’est pas l’exclusivité de la pauvreté. C’est parfois, pour un artiste, un chemin qui conduit au succès, en serpentant de rues en placettes. C’est parfois aussi quelque chose de surprenant, de déconcertant, d’inédit.
Ainsi « la manche » de mon maître et moi. Nous ne sommes ni mendiants ni artistes. Mon maître, ce n’est pas n’importe qui : il est étudiant en sociologie .
Un jour, il m’a dit :
– Mon toutou, j’ai besoin de toi. On va s’arranger et on va leur faire pitié !
Depuis, je fais la manche, mais quelle manche !
Le matin, il faut se lever tôt et les préparatifs sont un peu longuets pour moi. Il m’arrive de me trémousser, d’éternuer et de me gratter. Une fois mes préparatifs terminés, c’est mon maître qui s’y met avec une application qui m’épate !
Cela prend du temps, certes, mais les résultats en valent la peine. En guise de récompenses : un moment agréable, le soir, à la fraîche, une sébile plus ou moins remplie – ça, mon maître s’en fiche un peu – et surtout… un plein d’images.
Huit heures, nous voilà installés sur le trottoir d’une rue fréquentée par un public qui se renouvelle et se différencie selon l’heure…
– Tu vas voir… tu vas voir , répète mon maître.
Et effectivement, je vais voir et entendre !
– Si c’est pas honteux, en arriver à ce point !
– Que fait donc la SPA ?
– Ne regarde pas, mon chéri…
– Oh, maman, tu as vu…beurkkk,
– Papa, il faut faire quelque chose…
– Quel monde, mais quel monde !
– Je ne comprends pas la municipalité qui laisse faire cela !
– Avec toutes les aides galvaudées… et il faut encore subir cela….
– Il n’a plus que la peau et les os, pauvre bête…
– ….
Tout à coup, un petit minois barbouillé demande…
– Dis-moi, le chien, tu veux un bout de ma tartine, un peu d’eau de ma gourde? Et toi, monsieur, t’as quoi aux mains ?
Les journées se passent ainsi, du matin au soir, de rues en boulevards, de quartiers en quartiers. Quelques rares et menues variantes.
Le soir venu, je saute dans la baignoire. Mon maître me frotte et rit aux éclats ! Plus l’eau devient maronnasse, plus il rit et plus je jappe ! Cela vous semble un peu incongru, non ?
Ha, ha… et bien, voilà, mon maître, étudiant en sociologie, est aussi spécialiste « es anamorphoses ».
Le matin, il me transforme en chien squelettique et lui… lui… ah ! Ses mains…..
C’est mon maître qui a eu cette idée.
Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !
Depuis, je fais la manche, mais..c’était sans compter sur la gentillesse et la bonté des hommes….
J’avais tous les atouts en patte, ma triste mine, la queue tremblotante, et le corps aussi maigre que possible… quelques puces par ci par là… les oreilles tombantes… et le regard aussi vide d’espoir que possible… jusqu’au jour où cette petite fille passa devant moi… avec ce qui devait être son maître, elle l’appelai papa c’est tout de même un drôle de nom pour un homme ! Donc, elle me lance un regard… mais à moi uniquement, je suis persuadé qu’elle n’a pas vu mon maître a moi !! puis elle parla avec son maître qui lui dit non c’est bon on a un chat tu me laisses tranquille avec les animaux… Elle marchait bien cette petite… au pas… comme moi et sans laisse !
Elle repassa, toujours avec son maître, une baguette à la main et me lança un sourire… Il me donna un bout de pain et je m’approchai timidement… puis pris le pain… mon maître n’était pas content, il voulait de l’argent lui !!!
Le monsieur demanda à mon maître si il voulait venir quelques jours chez nous… histoire de se refaire une santé : On lui donnerai à manger à lui et son chien ainsi que de quoi se laver et dormir, en échange de quelques menus travaux… Sans réfléchir Hervé, mon maître dit oui et se leva… d’une souplesse ! ils se serrèrent la main et le monsieur dit : je me présente : Emmanuel, voici ma fille Agathe… je ne comprends pas Pourquoi la fillette l’a appelé papa ? Mon maître me présente enfin : et voici Hooligan mon fidèle berger… j’ai perdu mon emploi il y a 6 mois, mais je peine à trouver un boulot, et lorsque je laisse le coquin tout seul… il mange tous les meubles…
Nous arrivâmes chez eux… que c’était beau… en plus il y avait une cour !!! et un petit lac sur le côté gauche de la maison… je crois que l’on va être bien.
Emmanuel papa, nous installa dans une pièce en disant à mon maître, je vous apporte une caisse pour votre chien avec de quoi mangé et boire pour lui. Nous passerons à table dans une petite heure, le temps pour vous de prendre un bain et de vous délasser.
Agathe en profita pour jouer un peu avec moi et me mettre du produit… pour les tiques, et les puces si j’ai bien compris.. Je lui ramenai la balle à chaque fois qu’elle me la lançait, mais elle ne courrait pas beaucoup je trouve.. elle s’est prise pour mon maître… cela fait tellement longtemps que je n’ai pas joué avec Hervé.
Nous sommes restés quelques jours et je m’entendais bien avec Agathe, lors de notre départ la petite à demandé : mais et vous allez où ? Hervé répondit… Où le vent nous portera petite mais pourquoi cette question ?
– Si vous voulez… on peut garder votre chien… pour trouver du travail ce sera plus facile ! et puis;.. vous saurez où le retrouver !
Il jeta un regard sur Emmanuel qui lui fit Oui de la tête
YOUPI !!!! je peux rester chez elle… mais que l’on soit bien d’accord, ce n’est que quelque temps, car même si mon maître n’a pas le plaisir de jouer avec moi… je lui reste fidèle.
Régulièrement, nous retournons voir cette Agathe, qui a déménagée maintenant. Elle a ouvert une maison d’accueil, pour animaux abandonnés, mais aussi pour les maîtres qui partent en vacances, afin qu’ils puissent venir les rechercher…. Elle a de la suite dans les idées cette « Maîtresse »
C’est mon maître qui a eu cette idée.
Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !
Depuis, je fais la manche, mais… je ne leur fais pas pitié !
Mon maître espérait trouver quelques onces de charité et de bienveillance dans ce monde de brutes. Il pensait plus rapide de se faire remarquer par sa maladresse que par son talent, pour percer dans le dur monde de la mode.
Mais je me débrouille bien en fait. Je suis un roi de l’aiguille. Je ne m’y prends pas comme un manche à balai, et cette manche de costume est loin de ressembler à une manche à air ! Ajustée comme il faut, elle tombe parfaitement sur le poignet du mannequin.
Cette manche va m’ouvrir d’autres horizons : à moi vestes, robes, cardigans et autres froufrous en dentelle !
Sans le vouloir, c’est mon maître qui a eu une bonne idée.
C’est mon maître qui a eu cette idée. “Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !” Depuis, je fais la manche, mais je m’empâte et je ne vais bientôt plus faire pitié à personne ! En effet, contrairement à tout ce que j’avais pu supposer, ça marche du tonnerre ! Il faut dire que côté emplacement, mon maître, il ne pouvait pas mieux choisir : à côté d’une boulangerie et à 50 mètres d’une école primaire, sachant que pour aller de l’école à la boulangerie, il n’y a pas d’autre choix que passer devant moi ! Je peux vous dire que j’ai mon petit succès avec les enfants : il suffit que je leur fasse mon regard de chien battu et, hop, le tour est joué ! Un quignon de pain par-ci, une moitié de croissant par-là, je mange pratiquement toute la journée car, en dehors du passage des enfants, ce sont les mamies qui viennent faire leurs courses et, à elles-aussi, je plais beaucoup ! Mon maître, il commence à être vert de rage car il espérait bien récupérer une petite partie de ce qu’on allait me donner mais je mange tout, tout, tout ! Il n’a plus besoin de me nourrir le soir, ça c’est certain, mais parfois je surprends son regard sur moi et c’est comme s’il m’accusait de lui enlever le pain de la bouche ! En plus, je suis certain qu’il est jaloux car quand lui mendiait, les affaires étaient moins florissantes ! Et puis, je suis bien plus mignon que lui ! Bref, tout ça pour vous dire, qu’à mon avis, je ne vais pas faire long feu à côté de ma boulangerie car le maître, il l’a mauvaise que j’ai plus de succès que lui et il ne va pas tarder à me ramener manu militari sous les quelques cartons qui nous servent d’abri et à repartir au turbin. Une vraie vie de chien, je vous le dis !
C’est mon maître qui a eu cette idée. “Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !” Depuis, je fais la manche, mais ça ne marche pas pour deux sous.
Moi, ça m’endort de rester immobile comme ça. Je pique des roupillons à n’en plus finir et les passants n’osent pas me réveiller en jetant leurs piécettes dans ma gamelle. En plus je ronfle comme un tuyau d’orgue, alors ça fait peur aux minots. Ils croient que je grogne. Mais moi je ne sais même pas grogner pour de vrai. En fait je rêve. Je rêve à des balades sur des chemins forestiers, à des siestes au coin de la cheminée, à des coussins moelleux, à des restes de dinde de Noël, aux caresses de la petite Juliette, avec ses mains potelées, à des baballes rouges lancées loin, loin, au fond du jardin. Je serais bien resté là-bas, moi. Mais entre le maître et la maîtresse, ça allait plus, qu’ils ont dit au Juge. Juliette est restée avec sa maman, et moi je me retrouve ici, à faire la manche pour lui, là. Bon, je peux pas le laisser tomber non plus. Il a tout perdu, il n’a plus que moi, il compte sur moi. Allez, c’est pas tout ça mais il faut quand même que je rapporte quelques pièces, moi. Allez, on fait ses yeux de chien battu : ça marche, ça, en général. Qu’est-ce que je ferais pas pour lui !
… je fais la manche, suite à des discussions sociaux philosophiques avec mon maître. Je suis capable de jouer bien des rôles, avec mes grands yeux doux implorants, oreilles basses, j’attendris même les piétons pressés, j’ai droit à de douces paroles, à quelques caresses, et à quelques pièces pour que mon pauvre propriétaire puisse me nourrir. Quand on commence à se poser des questions sur ma présence, seul devant mon écuelle, j’approuve, complice et j’opine du museau avec un regard lointain, très intelligent. Certains se moquent, j’ai une oreille cassée, je les ignore,ostensiblement. Et arrive l’éternel refrain de ces inconscients incapables d’assumer ..etc… Les enfants compatissent et me promettent de revenir avec leur goûter! Mais je prends un malin plaisir à montrer les dents,à grogner, quand un malotru essaie de récupérer, en me parlant doucement, les quelques piécettes que j’ai récupérées,hypocrite .D’autres sont pr^ts à appeler la police, une bête semi-errante, sans doute dangereuse, peut être enragée, alors je prends mes grands airs et la gamelle dans ma gueule, je rentre chez moi. La comédie humaine, suffit ! je préfère la servitude volontaire ….
C’est mon maître qui a eu cette idée.
Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié !
Depuis, je fais la manche mais je m’ennuie. C’est long de tendre la patte en prenant mon air le plus triste. Cela marche plutôt bien. Je ne me plains pas. Les passants sont surpris, amusés et attendris. Parfois, une pièce, un steack haché ou un os. Ils sont plus généreux avec moi qu’avec mes collègues-de-trottoir-êtres-humains. Les mamies craquent à chaque fois. Elles me donnent des gâteaux faits maison parfumés à la viande et une caresse. Elles me parlent, me demandent de mes nouvelles, me plaignent : »c’estipas malheureux, pauvre chien ». Elles ne sentent pas toujours bon. Soit le vieux poireau, soit la lavande. Je m’ennuie. Je baille. Je préfèrerais aller courir dans le square avec les enfants. Tiens, l’autre jour j’ai vu copain-chien guider une petite aveugle. Ca, j’adorerais ! C’est mon rêve canin. Être utile ! Me sentir fier… alors que là le soir, je suis tout ramollo et je me fais pitié en comptant la monnaie. Mon maître vient me chercher, me félicite mais mon coeur n’y est pas. Parfois, il me tape sur la tête si la gamelle est vide.
Un jour, un enfant s’est approché… tout doucement. Il m’a regardé dans les yeux et m’a dit « Viens, je t’emmène ». Je n’ai pas réfléchi plus d’une seconde. A moi, l’aventure !
Houps ! Je me dégourdis les pattes et je le suis. A fond de train, on quitte le quartier, je me cache derrière lui, des fois que…
On traverse un bois. Quelle joie ! Comme cela sent bon, le lapin, le mulot…et les pipis. On courre tous les deux comme des fous. On traverse une grande route. Et nous voilà… au seuil d’une grande maison. Il frappe, entre et une femme échevelée nous accueille. Il y a des milliers d’odeurs. Comme dans un zoo ! Je ne les connais pas toutes. Mon petit copain me fait faire le tour de propriétaire. Il y a 103 animaux ici. Chats, chiens, perroquet, serpent, iguane -qu’est-ce c’est ? », singe, âne, lapin, belettes, etc. Je n’en reviens pas. j’ai l’impression d’être au paradis. Ai-je trouvé l’arche de Noé ?
Comme si elle m’entendait la femme me nomme « NOÉ » ! Sait-elle lire dans mes pensées ? Ca fait peur. Je m’aperçois vite qu’elle est muette. Mais quand elle me regarde, je « l’entends ». Cela me fait drôle. J’avais développé une bonne communication avec les hommes. Je comprenais environ 40 mots et eux comprenaient une dizaine de mes attitudes. Mais là ! C’est extraordinaire. Je pense ‘j’ai faim », elle me donne vite à manger. Je me dis « pipi », elle ouvre la porte. J’adore cette femme. Elle est un peu comme ma maman. A ce mot, de l’eau coule de mes yeux. La dame s’approche, me prends dans ses bras et me câline. J’adore raconter mon histoire. C’est une belle histoire !
C’est mon maître qui a eu cette idée. Tu vas voir, il m’a dit, tu vas leur faire pitié ! Depuis, je fais la manche, mais je suis aussi crédible qu’un chiendent sur un green anglais. Quand a germé ce concept, nous étions en pleine exploration de nouveaux fantasmes comme des chats en maraude. Après avoir tenté à peu près tout ce que notre société obscène pouvait bien proposer, un désarroi sincère momifiait nos journées de milliardaires oisifs, d’un ennui mortel, à l’instar du pouvoir de nos dollars. Lui ne versait pas proprement dans le brainstorming mais en lui secouant un brin les méninges, j’avais fini par le convaincre que les nouveaux plaisirs subversifs tendaient vers un objet auquel nous n’avions pas encore songé : la gratuité. Vautré dans la chaise Niemeyer (qui avait coûté un bras depuis l’envolée du marché inhérent au décès de l’architecte), il avait brandi son Martini Gin, aussi brillant qu’un glaçon : « J’ai trouvé ! » avait-il plastronné. « Je sais ce que nous allons faire ». Un Archimède décadent soudain illuminé. Il m’avait exposé sa théorie fumeuse. J’avais fini par obtempérer, identifiant clairement le dandysme de son projet, tellement décadent et anti-bourgeois. J’avais donc réglé les derniers détails de notre mise en scène (le plus retors étant encore de ressembler à un clochard).
Depuis deux jours, en faction devant les baies automatiques de l’hypermarché le plus populeux de la région, et sous son objectif planqué derrière les vitres fumées de notre Aston Martin garée sur le parking (cherchez l’erreur…), je jouait la zoographe timide des rapports humains vomitifs. Le premier jour, lorgnant les seize euros de ma moisson, il m’avait dit : « tu es incroyablement sexy ». J’avais trouvé la remarque vertigineuse, ignorant s’il faisait allusion à ma tenue vestimentaire ou à ma capacité prodigieuse de gagner de l’argent à la seule force de la pitié populaire. Et de conclure dans une ultime saillie Célinienne : « Tu vois, de quoi se plaint-on ? La misère est une distraction comme une autre ».
J’avoue avoir ressenti, l’espace d’une seconde, une légère nausée.
A chacun sa manche!
C’est mon maître qui a eu cette idée.
Tu vas voir qu’il me dit, tu vas faire pitié!
Depuis, je fais la manche, mais ça ne marche pas terrible.
Marcel Debout, c’est le nom de mon maître, place le petit magnétophone sur un carton. A côté, sa vieille casquette où il espère voir chuter autre chose que des pellicules.
Il place les moins vieilles piles dans le machin à zique et c’est parti.
En général le matin, il commence doucement « Faut pas bousculer les gens » qu’il dit!
Alors il me fait vocaliser sur de douces rengaines, accompagnant les ouvriers jusqu’à leurs fourneaux, les marins jusqu’au fond des cales, les ménagères jusqu’au fond des chaussettes de leurs maris.
Les passants, y sont encore bien engorgés de sommeil, ils ne réagissent pas trop.
Par contre, ensuite, quand il me fait entamer le répertoire italien d’un opéra bien bazardé, ça craint.
Le Marcel, il ne se rend pas compte que les clients changent presque automatiquement de trottoir.
Parfois j’en devine un, plus souvent une, qui compatit. Elle ralentit à notre hauteur, elle sort un paquet de petits centimes d’euros, s’approche.
« Dites, Monsieur, vous ne croyez pas que le chien…aurait besoin d’une pause ? »
– Vous tracassez pas…Mdame…en plus du don…il a l’habitude. Sa mère était une grande cantatrice.
– Ah bon… et vous lui donnez régulièrement à boire ?
– Pour sûr…mon chien, c’est comme moi, pour boire il a tout ce qu’il lui faut…au plus près de la gueule.
Du coup, la dame, elle range ses pièces rouges, en ressort des jaunes. Du bout des doigts, elle les dépose dans la casquette. Elle a toujours un petit moment de recul. Elle peut craindre que les pellicules aient des pattes.
Et puis son petit chapeau de travers s’éloigne. Le filet plein de commissions la rééquilibre juste le nécessaire, ce qu’il lui faut pour ne pas perdre de vue l’horizon du trottoir.
La journée sera longue et répétitive.
Mais comme disait le vieux Diogène, un berger grec de mes potes: » Faut pas passer sa vie à ronger le même os ».
Petit à petit, je suis parvenu à lui faire saisir, au Marcel, que tous les jours, ça ne pouvait plus durer.
Demain, donc, c’est lui qui chantera. On a mis un truc au point. Le Marcel, je lui enfile le collier, je l’attache à la laisse, je pose ma patte sur la sangle. Je sors mon antique boîte de conserve, celle ayant contenu un jour des cuisses de canard.
On fait tourner la zique. Le Marcel, il s’égosille. Les gens sont surpris, ils se marrent pas mal. Ils balancent quelques pièces.
Et puis alors, au bon moment, quand le Marcel chante trop faux, j’aboie un coup, un seul, je grogne, je m’approche et je lui mord la manche.
Alors là, le public craque, explose de rire. Ma coupelle se remplit, se fait large coupe. Tout le cristal du monde s’y bouscule.
Ces journées là sont plus courtes et gaies.
Le Marcel, il n’a pas encore tout bien saisi mais il obéit.
Sinon, de toute façon, ce soir, il n’aura rien à boire.
C’est mon maître qui a eu cette idée.
« Tu vas voir, qu’il m’a dit, tu vas leur faire pitié ! »
Depuis, je fais la manche, mais j’ai pris trois kilos. Mon maître m’a installé près de la boucherie pensant que les mémés faisant la queue auraient pitié. En vérité, c’est la bouchère qui m’a pris d’affection. Chaque matin, elle me dépose dans ma gamelle en plastique rouge des restes de la veille. La journée, elle vient me caliner, vérifier que je ne manque pas d’eau…
Les passants ne me donnent plus rien. J’ai même entendu l’un d’eux dire à son enfant » Tu as vu mon fils, dans notre pays les animaux sont mieux traités que les hommes ».