LIVRES EN NOUS (4) critique littéraire d’un club de lecture

Avis sur LEURS écrits« Livre en nous »,
a la gentillesse de nous communiquer
régulièrement son compte rendu de lecture.

 

La disgrâce » de J. M. Coetzee
« David Lurie, 52 ans et deux fois divorcé, enseigne la poésie romantique et la communication. Encore très séduisant, ce Don Juan de campus se laisse aller à un dernier élan de désir et d’amour avec une jeune étudiante. Mais suite à cette aventure, il doit démissionner. Récit autobiographique. »

Ce roman, bien que sombre, a suscité un engouement unanime de la part des membres du club
– le parallèle entre les histoires individuelles et celle de l’Afrique du Sud encore marquée par les cicatrices causées par l’apartheid : le désir de revanche et la volonté de reprise en main d’une certaine population noire autrefois refoulée et colonisée (représentée par Petrus), une société en phase de mutation gangrénée par la violence urbaine et rurale, le laisser-aller des autorités et le chacun pour soi des particuliers sans jamais tomber dans le moindre manichéisme
– les personnages bien que peu attachants et n’éveillant guère d’empathie suscitent toutefois beaucoup d’interrogations, interprétations (et de discussions au sein du groupe) : le professeur d’université cynique, solitaire et désabusé qui renonce par fierté ou par vanité (?) à se défendre ; l’étudiante éternelle victime consentante d’abord du harcèlement puis dépossédée de son histoire par son père et son petit ami ; sa difficulté à communiquer avec sa fille Lucy – jeune femme complexe, pudique et farouche, déterminée à vivre dans la ferme mais résignée à en laisser une partie à ses voisins Noirs, inconsciente parfois mais lucide sur le nouveau monde en train de naître ; ses relations avec les femmes et le regard qu’il porte sur elles – celui d’un chasseur sur des proies potentielles – , son intégration d’urbain cultivé et aisé dans un monde rural, pauvre et plus primaire ; les incidences du drame sur lui et son désir de vengeance ; son retour à la ville, celui d’un homme définitivement désenchanté qui ne fait plus partie de ce pays
– cette histoire bien que fortement marquée par le contexte sud-africain est malgré tout universelle car elle évoque la violence de l’être humain dans ses oppositions homme/femmes, ville/campagne, riches/pauvres, Blancs/Noirs, bête/humain etc…
• Un film a été adapté du roman avec John Malkovich dans le rôle de David Lurie (2010)

♠ – la narration et la relation des états d’âme du personnage principal (à la troisième personne) contribuent à la froideur du roman et à aucun moment l’auteur ne pénètre dans les pensées ni nous fait part des sentiments et émotions des autres personnages
– l’incompréhension sur sa reprise de contact avec la famille de la jeune étudiante et son acceptation à l’invitation à dîner

« Les Soldats de Salamine » de Javier Cercas
« Dans les derniers jours de la guerre civile espagnole, l’écrivain Rafael Sanchez Mazas, un des fondateurs de la Phalange, échappe au peloton d’exécution des troupes républicaines en déroute grâce à un soldat qui, bien que l’ayant vu, lui laisse la vie sauve. Soixante ans plus tard, un journaliste s’attache au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans un seul regard et entreprend de recueillir des témoignages pour transformer cette histoire en fiction.»

– Pourquoi un soldat républicain a-t-il épargné Sanchez Mazas, poète franquiste ? Cette question intrigante
– « Le traitement narratif de la guerre d’Espagne évoqué dans le livre : en particulier le fait d’une sorte d’enquête historique entreprise par un personnage contemporain sur un passé ancien de plus de soixante ans; et sa quête désespérée de témoin encore vivant. J’ai aussi beaucoup apprécié le fait, en fin de compte, que l’on ne sache pas vraiment ou s’arrête la réalité historique et où commence la part de fiction, ceci étant aidé par la révélation tardive, dans le roman, de l’information que le narrateur/journaliste du récit est Javier Cercas lui-même.
– les questions suggérées autour du héros et de l’héroïsme : « Qu’est-ce qu’un héros »

♠ – de la déception : l’attente liée à cette intrigue était très forte. Or, la première partie avec cette longue succession de personnages rencontrés par le narrateur (témoins ou apparentés) est très fastidieuse. A la fin de cette première partie sans mouvement ni dynamisme, le roman n’a guère avancé. En fait, seule la 3e partie s’avère réellement intéressante et rachète tout le livre
– de la frustration : la Guerre civile espagnole (les origines du conflit, ses développements, la Phalange) n’est finalement guère exposée
– du malaise : le lecteur peut avoir un doute sur ce que le narrateur pense de la position idéologique du Phalangiste et d’une possible sympathie à son égard

Vous pouvez réécouter en poscast l’entretien de Javier Cercas enregistré lors de l’émission « La grande table » (France Culture)
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-javier-cercas-2014-01-24

« Cœur de chien » de Mikhaïl Boulgakov
« Un illustre professeur, spécialisé dans le rajeunissement des êtres humains, tente une expérience sur un brave chien ramassé dans les rues de Moscou. Il lui greffe l’hypophyse d’un individu qui vient de mourir.
Résultat inattendu : l’animal se métamorphose en un petit homme ivrogne, grossier et méchant. L’explication est simple : le ” donneur ” était un voyou alcoolique et sans scrupule. Et voilà notre professeur harcelé et poursuivi par des comités et des commissions étatiques et prolétariennes en tout genre, guidés et fanatisés par le chien devenu homme. Et pire, homme de parti ! Comme toujours chez Boulgakov, l’irrationnel, la dérision et la folie rejoignent une cauchemardesque réalité. »

– mélange de satire politique et de fantastique avec un brin de cocasserie et d’humour dans de nombreuses expressions. « L’aspect métaphorico/pastiche que fait l’auteur de la société soviétique : la caricature, l’excès, au point de dépasser tout esthétisme ou toute forme convenue (Un peu comme pouvait le faire Federico Fellini dans beaucoup de ses films, ou Ionesco dans quelque uns de ses livres) »
– « l’auteur ne se soucie pas le moins du monde du réalisme, tout en passant, parfois, malgré tout, du temps dans la pseudo description scientifique de certains détails lors, surtout, de l’improbable première opération. »
– la critique très intéressante de l’absurdité des mœurs politiques et de son par le biais de la satire
– l’atmosphère typiquement russe de la maison
– la description très impressionnante de l’opération
– les pensées du chien drôles et émouvantes sans que l’auteur ne tombe dans l’anthropomorphisme
– la fin du livre et son retournement de situation
– le questionnement sur les limites de la science

♠ – Difficulté pour certains à entrer dans cette histoire jugée trop irréaliste et trop déroutante
– «On peut parfois trouver effectivement la métaphore trop appuyée, mais il convient peut-être de la lire, chez l’auteur, comme l’exutoire de l’étouffement trop pesant de la société dans laquelle il s’exprimait »

 

2 réponses

  1. Françoise - Gare du nord dit :

    Merci pour cette suggestion. Notre club de lecture est toujours preneur de toutes propositions. Je chercherai à en savoir plus sur ce livre et le proposerai lors de notre prochaine réunion

  2. smoreau dit :

    Si je vivais à Paris, j’aimerais participer à ce club de lecture. Pour ma part, le dernier livre que j’ai apprécié est « Les poissons ne connaissent pas l’adultère » de Carl Aderhold. Histoire originale, au joli ton et originale.

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