Ces écrits qui nous emmiellent

Lorsque j’ai participé au célèbre stage « Écrire pour être lu », au CFPJ à Paris, pour me former à l’écriture journalistique, j’ai découvert le principe du « message essentiel ».
Il s’agissait d’écrire un article, en appliquant surtout pas le plan scolaire :  introduction, corps du sujet, conclusion, mais en débutant par l’essentiel. En parlant du plus important dès les premières lignes et pas dans les dernières comme dans une rédaction. Il fallait attaquer fort est vite !
Avec l’objectif de retenir tout de suite le lecteur. Éviter qu’il se désintéresse et aille lire ailleurs.

Cette façon d’écrire efficace, inspirée des Anglo-saxons perdura pendant des décennies. Mais un jour, les  Anglo-saxons, encore eux… sortirent de leur chapeau le Storytelling.
Autrement dit, ils nous fourguèrent la narration sous un autre nom. De la même manière qu’
ils réussirent à nous faire jogger au lieu de courir ou du roller à la place du patin à roulettes.

Aujourd’hui, tout écrivaillon bien formaté par les coachs « experts » en storytelling attaque un article avec du bla-bla.

Un exemple parmi tant d’autres : attaque (début) d’un article du Monde des Livres du 21.9.2018)

« Le bitume est glissant, il a plu toute la nuit. Les belles journées d’été ont laissé la place à la fraicheur piquante de l’automne qui vient, toujours trop tôt. Aurélie Filippetti a donné rendez-vous rue Mouffetard, au coeur du Quartier latin ou elle vit, a deux pas de l’église Saint-Médard. L’ancienne ministre de la Culture a troqué son ancien uniforme de travail, le tailleur pantalon, pour des baskets et un blouson en jean clair. Elle demande un café, puis un croissant qu’elle ne mangera pas. Et jette un regard désolé au livre annoté posé sur la table du café, parti en lambeaux pendant l’été. Un pavé de prés de 500 pages… »

Soit, 110 mots pour n’écrire que des banalités :
On apprend, comme au bistrot ou chez le boulanger du coin, que le bitume est glissant et qu’il a plu toute la nuit. Que l’ancienne ministre porte des baskets et un blouson en jean clair et qu’elle demande un café, puis un croissant qu’elle ne mangera pas. Nous sommes bien loin d’Alexandre Vialatte ou d’Albert Londres

Mais ne nous moquons pas, de nombreux romans emmiellent pareillement leurs lecteurs dès leurs premières pages.

« Il y a les conteurs et les écrivains. On conte ce qu’on veut : on n’écrit que soi-même. » Jules Renard, Journal

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2 réponses

  1. MALERET dit :

    Il faut sacrément jongler pour accrocher dès le début, ne pas ennuyer au milieu et étonner à la fin !!

  2. Malinconia dit :

    Et encore, dire « emmieller », c’est plutôt indulgent ….

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