Ces débuts de romans qui causent un tort aux pages qui suivent
Hier soir, j’étais à une soirée. Nous étions une soixantaine d’invités.
Quelques-uns se connaissaient, d’autres s’étaient entr’aperçus, la plupart se découvraient.
J’observais comment chacun s’y prenait pour rompre la glace.
La météo pourrie de cette fin avril leur facilitait la tâche :
» Bonsoir, il ne fait pas très chaud, » ou » Bonjour, on ne dirait pas que c’est le printemps ! »
Ces mutuels salamalecs sur les aléas climatiques amorçaient des conversations anodines.
C’est également le cas dans nombre de textes sur lesquels on me demande un avis.
Leurs auteurs commencent, pour la plupart, par une sorte d’avant-propos besogneux causant un tort aux pages qui suivent.
Ils tentent d’établir un climat qui, au final, nous refroidit…
Je crois que c’est par timidité qu’ils n’osent pas entrer immédiatement dans le vif du sujet.
Par peur de déranger ou provoquer le lecteur.
C’est pourtant nécessaire, si vous n’appâtez pas rapidement les lecteurs votre ouvrage risque de leur tomber des mains.
Sauf nécessité, ne délayez pas d’entrée de jeu, allez-y franchement.
Un livre perd beaucoup de lecteurs quand ses premières lignes (l’incipit) sont ennuyeuses.
Quand, après avoir lu la première page, on attend encore que quelque chose nous retienne.
Un début de roman, informe généralement sur le lieu, le personnage principal et la temporalité,
mais il ne faut surtout pas que cela s’éternise.
Mieux vaut intéresser rapidement et donner le ton en quelques lignes.
C’est primordial pour un comité de lecteur…
Le début d’un roman est très important, on peut rater un livre avec un mauvais commencement.
Il est nécessaire de tout faire pour séduire ses futurs lecteurs dès le début.
Souvenez-vous ! Combien de fois entendez-vous dire : « Il faut se taper les 20 premières pages, après, vous verrez, ça vaut le coup ! »
Un bon début de roman c’est un piège duquel on ne devrait plus pouvoir s’échapper.
Un ami, Bruno Pfeiffer, m’a offert dernièrement Les carnets de Pascal Vercken, « Longtemps je me suis couché de bonne heure » un tout petit livre imprimé en 1985. Ce ne sont que des débuts de roman, 80 en tout. Si vous avez la chance de le trouver chez un bouquiniste, achetez-le, il vaut son pesant de mots.
Il n’y a pas de modèles d’incipits, c’est à l’auteur de faire en sorte de captiver le lecteur.
Quelques exemples :
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas »
« Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta. »
« Quelque part, dans un archipel, existaient deux îles séparées par un arc-en-ciel. L’une était l’île aux communs, l’autre, lîle aux Panaches. »
« Gervaise avait attendu Lantier jusqu’à deux heures du matin.
Puis, toute frissonnante d’être restée en camisole à l’air vif de la fenêtre, elle s’était assoupie, jetée en travers du lit, fiévreuse, les joues trempées de larmes. Depuis huit jours, au sortir du Veau à deux têtes, où ils mangeaient, il l’envoyait se coucher avec les enfants et ne reparaissait que tard dans la nuit, en racontant qu’il cherchait du travail.”
« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il latrouva franchement laide. »
« C’est fini. La plage de Big Sur est vide, et je demeure sur le sable, à l’endroit même où je suis tombé. »
« DOUKIPUDONKTAN, se demanda Gabriel excédé. »
« Ça a débuté comme ça »
« Adreas Schaltzmann s’est mis à tuer parce que son estomac pourrissait. »
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Il faut oser.
Ne pas trop doser.
Ne pas entreposer.
Transposez vous au delà des climats.
Déposez vos trousseaux de clichés.
Soyez plus légers que vos réminiscences.
Fuyez les météos.
Chevauchez vos nuages, poursuivez vos éclairs.
Supposez vous ailleurs et autrement.
Ne posez plus pour une éternelle photo de groupe.
Proposez vous un autre possible.
Hasardez vous!
Ne mesurez pas trop les risques
L’écriture n’est pas cadastrable!
Osez!
Jean de Marque
(extrait de « Je suis enfin tombé sur un ose »)