Exercice inédit d’écriture créative 104
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien,
elle ne se doutait de rien.
Inventez la suite
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet. Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien, elle ne se doutait de rien.
Germaine était comme cela, aigrie, acariâtre, rabat joie. Elle ne ratait aucune occasion pour humilier son « pauvre » Georges, que ce soit dans l’intimité de leur foyer ou à l’extérieur.
Elle avait acquis une réputation de mégère, la Germaine. Les gamins du quartier la raillait, la bravait, alors que Georges se taisait, courbait l’échine !
Un soir, à quelques potes, au bistrot du coin, il se confia. Au cours de leur discussion, une belle idée naquit. Dès le lendemain, ils offrirent un chien invisible à Georges. Le mode d’emploi était très simple : « faire comme » !
Tout se passait bien pour Georges. Il se sentit moins seul, il se sentit plus fort. Il se sentit moins accablé, il se redressa. Il avait fière allure, Georges. Invisible et lui s’entendaient comme cochon, l’odeur en moins, la fidélité en plus !
Germaine commença à avoir des doutes et des soupçons. Elle avait de moins en moins d’emprise sur son « pauvre » Georges.
Elle l’invectivait, il souriait.
Elle grognait, il souriait.
Elle le harcelait, il souriait.
Germaine ne savait plus que faire pour lui nuire. Son souffre-douleur lui échappait !
Alors, elle pensa à se venger, à le provoquer.
Elle s’acheta un chien, un vrai. Elle lui donna le nom de « Toutou » !
Elle alla au cours de dressage et, avec le plus malsain des plaisirs, elle demanda au dresseur d’apprendre à son chien les codes inversés . Chaque personne, autre qu’elle, qui prononcerait :
– ici – le chien aboierait;
– au pied – le chien mordrait;
– assis – le chien sauterait à la gorge.
Un ami de la famille qui passait par là en fit la triste expérience.
Georges ne dit rien mais n’en pensa pas moins. Germaine dut constater, avec une rancœur croissante, que rien n’atteignait son « pauvre » Georges
Un soir, il se confia à ses potes. Bien qu’il fût la bonté et la gentillesse incarnées, il voulait tout de même donner une bonne leçon à la Germaine. Ses copains lui promirent qu’ils lui trouveraient une stratégie dès le lendemain….
Germaine, de plus en plus hargneuse, poussa son chien à attaquer Georges…
Premier ordre… les griffes du chien disparurent une à une…
Deuxième ordre… les crocs s’éclipsèrent l’un après l’autre…
Troisième ordre…. le chien flottait au-dessus du carrelage…
Germaine fulminait à l’encontre de Georges et l’accusait d’avoir jeté un mauvais sort à son gentil Toutou…
Plus elle éructait, plus le chien s’évaporait ….
Georges souriait. Il savait que le Toutou, une brave bête en somme, était doucement en train de rejoindre son chien, l’Invisible. Ils se feraient bientôt la belle et Georges les accompagnerait !
Et la Germaine, ah ! La Germaine…. Elle quitta précipitamment la maison, un soir de nouvelle lune.
Il se raconte qu’elle est partie comme une folle, une kyrielle d’elfes et de casseroles aux trousses, la poursuivant dans un boucan d’enfer !
Georges souriait….
Le chien de Jérémie
Histoire que les enfants qui veulent un chien doivent raconter à leurs parents.
Mamoune ne voulait pas d’animal à la maison. Comment l’élever, lui donner un ordre quand on est sourde et muette ?
-N’insiste pas, martelait-elle à son fils. C’est non ! non ! et non !
Malgré ces non ! qu’elle criait en langage des signes, Jérémie voulait un chien. Il n’était ni sourd ni muet, lui. Il l’élèverait, le chien ! Alors il commanda un chien invisible, une nouvelle race vendue sur internet.
Quelques jours après arrivait par porteur express un chien invisible, accompagné de sa notice :
Votre chien s’appelle Popeye. Il s’entretient comme un chien ordinaire : il faut lui donner à boire et à manger, le sortir, le caresser. Son odeur particulière pouvant révéler sa présence, ne pas oublier de le laver chaque semaine.
ATTENTION : donner impérativement un comprimé d’invisibilité au chien toutes les 12 heures si vous désirez qu’il reste invisible. A défaut, le chien se matérialisera dans les 4 heures suivant l’oubli de la prise du comprimé.
Mise en service du chien : Soulever son oreille gauche et tapez le code
POP87102
Votre chien se mettra en service et vous serez le seul à le voir.
Au début tout allait pour le mieux. Jérémie n’oubliait jamais le comprimé : à 7 heures quand il se levait, et le soir à 19 heures juste avant de passer à table. Et les balades en forêt enchantaient sa Mamoune qui croyait que son fils s’était enfin mis à faire du sport ! Le chien avait quand même un inconvénient : il aboyait. Mais comme Mamoune était sourde…Il était si intelligent et gentil qu’il devint le meilleur ami de Jérémie en quelques semaines. Ce qui impressionnait Jérémie, c’était quand Popeye essayait d’apprendre le langage des signes. Il se dressait sur ses pattes arrière et faisait de grands mouvements avec les pattes avant. Bien sûr il ne pouvait pas parler comme Jérémie et Mamoune, car il n’avait ni mains ni doigts. Mais sa gymnastique se transforma très vite en de drôles de danses qui faisaient beaucoup rire son petit maître.
Jérémie était transformé par l’arrivée du chien dans sa vie. Il avait retrouvé son sourire et sa bonne humeur, disparues depuis la mort tragique de son papa dans un accident de voiture. Désormais Jérémie dansait, chantait, sortait. Mamoune en était ravie.
Mais le secret était lourd à garder.
Jérémie décida de se confier à son ami Nicolas. Les deux garçons ne se connaissaient pas depuis longtemps, mais ils étaient rapidement devenus complices. Nicolas garderait le secret.
-Je dirais à Mamoune que tu viens dormir à la maison ce soir et je te confierai mon secret, dit- il à Nicolas.
A 19h30, le repas avalé en vitesse, les deux copains se retrouvèrent dans la chambre de Jérémie.
– Regarde, dit Jérémie en désignant le panier où il avait placé une couverture bien chaude.
Il n’avait pas donné le comprimé à Popeye. Nicolas se pencha sur le panier et vit petit à petit apparaître le chien. D’abord le museau, puis la tête, le cou…
– Ben ça alors ! Ben ça alors !
Nicolas était si surpris qu’il ne trouvait pas d’autres mots.
-Ben ça alors ! répétait-il encore.
Et pendant toute la soirée Jérémie raconta à Nicolas sa nouvelle vie avec son chien. Vers 23 heures, Popeye était complètement visible. Jérémie mit de la musique et Popeye se dressa sur ses pattes arrière pour danser. Euh…Pardon…Pour parler le langage des signes ! A minuit les deux garçons riaient encore de bon cœur. Jérémie mit sur la tête de Popeye le petit chapeau multicolore qu’il lui avait confectionné en secret. Les rires des garçons redoublèrent.
C’est à cet instant que Mamoune entra dans la chambre.
Elle s’était levée pour boire un verre d’eau et avait vu le rai de lumière sous la porte. Personne ne pourrait décrire la stupeur qui se peignit sur son visage. Pris de panique, Jérémie jeta une couverture sur Popeye pour le cacher. Mais Popeye en ressortit aussitôt. Nicolas, qui ne connaissait encore du langage des signes que quelques mots de politesse pour s’adresser à Mamoune, assista alors à un vrai ballet de bras et de mains ; Jérémie et Mamoune se disputaient très fort. Et pendant la dispute, Popeye faisait de son mieux, sur ses pattes arrière, pour défendre son maître. Soudain Mamoune posa les yeux lui : elle alors vit le chien le plus drôle du monde, avec un chapeau tout biscornu posé de travers sur la tête. Elle se mit à rire.
Jérémie put enfin expliquer tranquillement à sa Mamoune combien le chien lui était cher, comment il avait appris à bien s’en occuper. Mamoune comprit et pardonna son fils. Popeye n’eut plus jamais de comprimé et devint le chien le plus célèbre du quartier.
©Margine
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien. Le site de commerce en ligne « Arnac Danlsac » avait bien fait son boulot : il avait fourni un mode d’emploi détaillé pour tout achat de chien invisible. Comme toute race canine, celle-ci a ses particularités. C’est une nouvelle espèce totalement aseptisée faite pour vivre dans l’anonymat le plus parfait et qui ne manifeste sa présence que par la chaleur que le chien dégage. Il n’aboie pas, ne perd pas de poils, n’a pas besoin de manger ni croquettes ni aucun autre aliment d’ailleurs, il suffit de le nourrir directement via le site. Mais le plus beau, c’est son hygiène : ses besoins se présentent sous forme de poudre, ce qui est nettement plus facile à gérer et à nettoyer. Inutile donc de le sortir deux fois par jour. Crapahuter dans la cour suffit amplement à l’animal. Oui décidément, Marcel était vraiment satisfait de son achat, ce chien incognito était fait pour lui. Il l’avait appelé Moustique. Marcel ne se sentait plus jamais seul, dès qu’il ressentait un dégagement de chaleur près de lui, il savait que Moustique était là. Laura, en revanche, se plaignait souvent de ressentir de la chaleur au niveau de ses pieds ou sur ses genoux, le soir surtout, lorsque qu’elle regardait tranquillement la télévision. Une poudre blanchâtre traînait ici et là dans la maison, mais Marcel s’empressait toujours de la ramasser avant que sa compagne ne s’en aperçoive.
Un soir, pourtant, Laura se confie à Marcel :
– Tu vas rire, chéri, mais j’ai vraiment la sensation parfois de la chaleur d’une présence près de moi le soir, c’est étrange, non ?
– C’est peut-être un animal de compagnie invisible, qui sait ?
– Un animal de compagnie invisible ? Mais quelle imagination ! Et pourquoi pas un chien invisible tant que tu y es ?
– Oui c’est ça… exactement, glisse Marcel
– Tu veux dire que la maison est hantée ?
– Et si je te disais que j’ais acheté un chien invisible sur Internet ?
– N’importe quoi ! C’est impossible ! Tu es un sacré farceur fantaisiste répond Laura dans un grand éclat de rire.
Les semaines défilent sans anicroches. Moustique, parfaitement bien dressé, a trouvé sa place dans le foyer. Il aime aller prendre l’air dans la petite cour attenant à la maison, ne s’aventure jamais dans la rue sans son maître, fait désormais ses besoins toujours au même endroit, et ne dégrade aucun objet de la maison. Il est sage comme une image, ce qui ravit Marcel. » Ils avaient raison, pense-t-il. Sur le site, ça disait : « tous les avantages d’un chien sans les inconvénients ». On n’arrête pas le progrès ! »
Un dimanche Laura et Marcel s’affairent dans la cuisine, ils adorent cuisiner ensemble, le grand repas familial dominical. Il fait si bon dehors que portes et fenêtres sont ouvertes. Attiré par l’odeur de la nourriture, le miaulement de Cannelle, le chat de la voisine, se fait entendre dans la cour. Soudain soulevée comme par magie, par quelque force incontrôlable qui l’entrainerait dans sa course endiablée, la nappe de la table vole à travers la pièce, emportant avec elle toutes les denrées posées dessus, qui s’écrasent pêle-mêle sur le sol de la cuisine.
– Mais qu’est-ce qui…s’écrie Laura, fort étonnée.
– Moustique ! hurle Marcel
– Moustique ?
– Oui, le chien invisible que j’ai acheté sur Internet
– Arrête avec ça Marcel, t’es lourd à la fin, ce n’est pas drôle et ce n’est sûrement pas le moment
– Je ne comprends pas, poursuivit Marcel. Ils ont pu tout aseptiser chez lui… sauf son instinct !
© Halima BELGHITI
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien.
Sa femme ne se doutait de rien. Il était heureux avec son animal. Mais elle le surprit à ramasser des crottes invisibles, préparer une gamelle invisible et chuchoter chaque soir : Allez, Titi panier ! ». Pourtant pas de Titi, pas de panier. Elle s’inquiéta. Elle décida de ne rien dire et de l’observer à la dérobée. Depuis un mois, il partait se promener une heure chaque matin, en sifflotant, même s’il pleuvait. Il ne voulait pas qu’elle l’accompagne. Alors, elle le suivit à une certaine distance. Et là, elle vit, comment dire, qu’il ne se promenait pas tout seul. Il marchait, s’arrêtait, attendait puis accélérait. Il parlait, appelait. Son homme était devenu fou. Le soir, il caressait le coussin à côté de lui. Il gardait les os et le gras de nos plats de viande et les cachaient. J’avais peur. Il était gentil, serviable et même plus gai qu’avant mais cela ne tournait pas rond. Depuis longtemps, il voulait un chien, je refusais catégoriquement. J’avais eu tort ? Il s’en était créé un. Est-ce possible ? Virtuel ? Comme les enfants, il imaginait peut-être. Pourtant, il y avait comme une odeur dans la maison. Comme l’odeur de l’ombre d’un chien. J’étais perplexe. Je voulus éclaircir et je demandai à une amie de venir passer le week end avec son chat. On verrait bien. Je ne dis rien. Samedi, ça sonne. J’ouvre et prends tout de suite le minou dans mes bras. Et là, il bondit en me griffant, terrorisé. Il se réfugie sous l ‘armoire après avoir soufflé, sorti les griffes et montré sa peur. Mon mari entre, surpris de la scène et quelque peu embarrassé. Il y a un « chien » dans cette maison. Je ne le vois pas mais il est là ! Ma copine est retournée. Le chat ne quitta pas sa cachette. Et je sentais comme une présence qui gambadait autour de moi.
Lundi matin, décidée, je dis à mon époux : « Laisse, ce matin, je vais le promener ».
Il me sauta au cou et me tendit la laisse transparente.
Une belle métaphore et un joli renversement de situation.
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas, martelait-elle, c’est non ! Non ! Et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien,
elle ne se doutait de rien. Un chien inodore, incolore et sans saveur. Personne même le nez le plus fin, l’œil le plus aguerri et le palais le plus subtil n’aurait pu s’apercevoir de son existence.
Il avait donc trouvé son équilibre entre un chien qui ne manquait pas de lui montrer son affection et une épouse d’humeur toujours affectueuse. Le bonheur conjugal régnait au logis.
Cette situation idyllique dura quelques mois jusqu’à l’anniversaire de son épouse. A cette occasion, il lui offrit un parfum capiteux.
Or, quelques semaines plus tard, il s’aperçut que sa femme, bien qu’elle se parfuma chaque jour, ne dégageait plus l’onéreuse fragrance. Plus aucune odeur n’émanait de sa personne : ni chimique ni même naturelle. Dans le même temps, il crut sentir dans l’appartement une odeur de chien mouillé.
Plus tard, la situation s’aggrava. Un matin, au petit-déjeuner, il fut surpris par le silence régnant à la table du petit-déjeuner. Le mutisme inhabituel de sa femme lui fit lever les yeux. Il constata, stupéfait, que ses lèvres bougeaient mais plus aucun son ne sortait de sa bouche. Dans le même temps, il crut entendre le jappement du chien.
Ensuite, ce fut pire. Un soir, en rentrant, il remarqua que la silhouette de sa femme était floue. Les jours suivants, le contour de son corps s’atténuait. Pendant ce temps, peu à peu le chien se concrétisa.
Puis sa femme disparut totalement tandis que le chien était devenu réel. Les débuts de leur vie commune furent enchanteurs mais au bout d’un certain temps une compagnie féminine commença à lui manquer. Il tenta d’en parler à son chien mais il ne voulut pas entendre parler de femme à la maison.
– N’insiste pas, martela-t-il, c’est non ! Non ! Et non !
Une bête de compagnie.
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insiste pas martelait’elle, c’est non! non! et non!
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien, elle ne se doutait de rien.
Mais un jour, sa femme l’interpella, une pelle à la main ornée d’un étron de belle facture.
– C’est quoi, çà…sur MA pelouse!
Lui, constata tout d’abord la bonne santé du petit chien, pas de diarrhée, pas un ver. Le régime alimentaire et les promenades quotidiennes paraissaient convenir à son compagnon.
– Voyons ma chérie, tu sais bien que les voisins ont adopté un chien. Il a du faire une escapade chez nous. Ne t’inquiète pas, je leur en parlerai.
Elle, sans commentaire mais boudeuse alla se débarasser de l’indélicate intruse.
Lui, pensif alla consulter le site, fournisseur de chiens invisibles.
L’entreprise coréenne expliquait dans un français approximatif, tout en bas du feuillet les risques éventuels.
« Nous garantissons l’imperceptibilité de l’animal sélectionné. Par contre, tout ce qui n’est pas en relation immédiate avec le corps du sujet peut être flairé par le cercle environnemental »
Il remarqua dès le lendemain qu’effectivement, le chien perdant certains de ses poils pouvait laisser des traces compromettantes.
Il acheta une brosse, la trimballant un peu partout.
Un matin , sa femme l’apostropha: « Dis donc Georges, tu me surprendras toujours, toi qui ne t’es jamais interessé au ménage. Ne plus te voir quitter ta brosse a été une sacrée surprise. Maintenant, de là à te l’accrocher en permanence autour du cou, ça frise la démence, mon pauvre vieux! »
Georges bredouilla des justifications vaseuses sur la présence de nouveaux microbes. Il avait lu un article dans un journal.On n’était jamais assez prudent contre les microbes venus d’on ne sait où!
Un soir qu’ils subssaient un débat pré élection présidentielle arriva l’inévitable. Du petit chien, installé sur le canapé, surgit une puce. Faute d’une éducation adéquate, l’insecte, convaincue d’avoir affaire à une chienne, piqua violemment l’épouse.
Celle ci bondit, claqua la fautive, soupesa la puce entre deux doigts: » Georges, c’est une ctenocephalides canis, caractéristique, il n’ ya aucun doute, je me suis renseigné, on ne peut me tromper!!…Avoue le donc…que tu fréquentes la chienne d’à côté…allez avoue le donc…allez avoue! Avoue! Avoue!
Georges, estomaqué par la situation amorça un repli stratégique…vers son ordinateur.Mis en relation avec le service de recherche coréen, il leur proposa ses services, en tant que cobaye.
La semaine suivante, il reçut un élégant flacon opaque. Il s’enferma dans la salle de bain, avala le contenu et attendit.
Son reflet disparut du miroir. Il appella son petit chien. Celui ci le reconnut de suite.
Ils pénétrèrent dans le salon. La campagne électorale traçait sa route télévisuelle. L’épouse, vautrée dans les coussins se demandait toujours pour quelle cravate elle allait voter.
Georges prit le petit chien dans ses bras et s’assit délicatement près de son épouse. Puis, consciencieusement, il s’arracha un poil de moustache qu’il déposa entre eux.
« Arrivera ce qu’il arrivera » dit il à son petit chien en lui caressant les oreilles.
UN INVISIBLE UTILE DEVINT INUTILE
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insistes pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien,
elle ne se doutait de rien.
Et comment en aurait il été autrement ? Barry se tenait toujours près de lui, Paul, et le suivait fidèlement en restant au pied. Lorsqu’il s’arrêtait, il s’asseyait en mettant son petit derrière tout chaud sur sa chaussure. Mais lorsqu’il connut davantage l’appartement et se fut familiarisé avec l’assemblage des pièces, il se mit à se déplacer de son côté indépendamment de lui Paul, qui se demandait alors où il était passé.
Il avait beau le chercher des yeux, il ne le voyait pas. Alors il se levait pour le chercher et par moments sentait sa présence mais il n’osait le caresser devant Anne qui se mit à suspecter un problème :
« – Mais qu’est ce que tu as, tu es tout bizarre ? Tu tournes en rond et regarde partout, comme si tu avais perdu quelque chose.
– J’ai perdu la clef de l’entrée. Je ne sais plus où je l’ai mise.
– As-tu regardé dans la poche de ta veste bleue ? Tu la portais quand tu es revenu ce matin.
– Ah oui, c’est vrai. Je vais regarder… Tu as raison. Elle y est, merci. »
Mais dix minutes après les déplacements inopinés recommençaient au point qu’Anne s’énerva et éclata :
« – Qu’est ce que tu as ces temps ci, on dirait que tu cherches un objet invisible qui se déplace tout le temps. Tu regardes partout comme un aveugle qui ne trouve pas ce qu’il cherche.
– C’est vrai, tu as tout à fait raison. Je ne tiens pas en place, et je m’énerve.
– As-tu des problèmes au bureau ?
– Non, ce n’est pas ça. J’ai besoin d’affection.
– La mienne ne te suffit pas ?
– Ce n’est pas ça. Tu es distante et tu t’occupes de tes affaires. Je n’ai pas l’impression de beaucoup compter pour toi.
– Qu’aimerais tu que je fasse.
– Passer plus de temps avec moi et ne pas lire ou regarder la télé tout le temps.
– D’accord mais l faudrait que toi tu soies prêt à bavarder avec moi et qu’on fasse aussi plus de choses ensemble comme d’aller au cinéma.
– D’accord. Qu’est ce que tu veux qu’on fasse aujourd’hui.
– Eh bien, j’aimerais bien voir Argo. On le passe ce soir au Cabieu. On pourrait y aller.
– Entendu, c’est d’accord. »
Après le film, ils bavardèrent tant et plus que Barry s’évanouit et disparut de la vie de Paul qui n’en eut plus besoin pour se rassurer.
Elle ne voulait pas d’animal à la maison.
– N’insistes pas, martelait-elle, c’est non ! non ! et non !
Alors il acheta un chien invisible, une nouvelle race vendue sur Internet.
Au début, tout allait pour le mieux, il était heureux avec son petit chien,
elle ne se doutait de rien. Il sortait deux fois par jour le faire promener. Elle attribuait cette nouvelle marotte à son stress et un besoin légitime de prendre l’air. Il attendait d’être au coin de la rue, la laisse dans la poche, pour l’attacher. Les vendeurs avaient tout prévu. Le terrier était repérable à son collier qui émettait un clignotement rouge à l’activation d’une télécommande. La race était génétiquement sélectionnée de manière à ce que l’animal identifie à la voix, un maître unique, immédiat, auquel il vouait une fidélité indéfectible. L’entreprise ne pouvait pas se permettre de crouler sous les réclamations de perte dès lors que rechercher ce qui ne se voit pas relevait d’un paradoxe proprement ingérable, la condamnant à la faillite. Blase était donc entré dans la famille sur la pointe des pattes, en toute discrétion. Au départ, Georges était vigilant. Il évitait d’appeler Blase en présence de sa femme. Il se retranchait dans son bureau pour profiter de son chien.
Irène, depuis quelque temps, trouvait le comportement de son mari fort étrange. Il déposait un bol d’eau dans le garage, chuchotait tout seul derrière les portes et se tapait souvent sur les cuisses sans aucune raison. Son humeur était joyeuse mais quelque chose clochait. Irène s’inquiéta pour de bon le jour où son lit, elle retrouva une de ses chaussures en miette et une grosse auréole sur le velours du rideau de sa chambre, qui sentait, manifestement…l’urine. Elle exposa le problème à Georges qui ne put fournir aucune explication rationnelle. Un dimanche matin, elle décida de l’espionner. A l’évidence, Georges jouait tout seul, il jappait, se roulait sur le tapis du bureau et se tortillait en s’essuyant les joues. Il fallait qu’elle agisse. Georges avait perdu le sens commun. Elle téléphona affolée aux urgences de l’hôpital psychiatrique :
« allo ? Bonjour. J’ai besoin d’aide. Vous devriez venir. Je crois que mon mari se prend pour un chien … »
« Bonjour Madame. Que voulez vous dire ? »
« Et bien, il se comporte comme un chien. Il se roule, il aboie, il urine sur mes rideaux et mange mes chaussures. Je crois même qu’il boit dans une gamelle du garage… «
« Ah oui, tout de même….On vous envoie l’équipe mobile. Restez chez vous et occupez le »
Irène garda Georges à l’œil le temps que l’ambulance arrive.
Des hommes en blanc firent irruption dans le salon un quart d’heure plus tard. Georges lisait son journal, Blase sur les genoux. Il n’eut pas le temps de poser la moindre question que déjà, les molosses lui passaient la camisole, et qu’il roulait vers l’hôpital sans autre forme de procès. Irène l’avait regardé partir, les larmes plein les yeux, assurément complice d’une machination dont il était la victime. A son arrivée, un médecin très sérieux, chaussé de lunettes cerclées d’acier, le reçut dans son bureau.
Georges avait repris ses esprits :
« Vous voulez bien me dire ce que je fais là Docteur ? »
« Disons que c’est à vous à nous en parler…Calmez vous ; nous avons tout le temps… »
« Comment ça tout le temps ?! C’est une histoire de fous !! »
« Vous ne croyez pas si bien dire…Comment vous sentez vous ? »
Georges épuisa la demi-heure suivante à faire la démonstration éclatante d’un septuagénaire sain de corps et d’esprit. Le psychiatre ne put faire autrement que se résoudre à l’erreur médicale et renvoya Georges chez lui, fustigeant une énième épouse, probablement excédée, qui avait tenté de faire interner son mari.
Irène frisa l’évanouissement quand elle aperçut Georges franchir le pas de la porte.
« Ils t’ont laissé sortir ?… »
« Veux tu m’expliquer chère Irène pour quelles obscures raisons m’auraient-ils gardé ? Tu as perdu la tête ? Qu’est ce qu’il t’a pris ? »
Irène fondit en larmes, incapable d’exposer ses arguments au malade qui de toute façon n’y comprendrait rien.
Georges placide et habitué aux sautes d’humeur de son épouse qu’il soupçonnait d’amorcer une démence sénile, regagna le canapé et le journal laissé en plan. Blase fidèle, fou de joie de retrouver son maître vint se blottir sur ses genoux.
Irène alla se servir un porto à la cuisine qu’elle avala d’un trait. Elle observa son mari à travers les petits carreaux de la porte du salon. Il parlait à ses genoux et avait à l’évidence mâchouillé une feuille entière du journal. Oui, la vieillesse était un enfer. Et le sien ne faisait que commencer.
Elle avait bien remarqué qu’il lui arrivait de parler tout seul parfois et trouvait un peu étrange qu’il s’ingénie à faire son jogging, deux fois par jour : une nouvelle lubie sans doute..
Leur amour s’étiolait. Oh ! ce n’est pas qu’ils se disputaient : il aurait d’ailleurs préféré une bonne engueulade de temps en temps plutôt que ce ronron trop confortable. Il avait essayé de lui en parler, proposé d’acheter un animal, un chien peut-être. Mais ça l’avait mis dans une telle colère qu’il avait remballé ses idées de nouveauté et réintégré ses pantoufles.
N’empêche, la publicité qu’il voyait quotidiennement s’afficher sur l’ordinateur avait fait son œuvre : il avait craqué et avec mille précautions, s’était fait livrer en cachette le paquet qui contenait, sous blister, une gamelle, une boîte de croquettes, le manuel du parfait maître-toutou et une corbeille sensée contenir un petit chien invisible. Il avait découvert une à une ces merveilles et caressé longtemps l’idée de la petite boule de poils avant de l’installer confortablement dans la cabane au fond du jardin, dissimulée sous une vieille chaise en paille. Désormais, il devrait ruser pour s’en occuper : mais tout à la joie de son acquisition, il ne doutait pas de trouver une bonne excuse pour ses escapades.
Il se mit avec ardeur à trottiner régulièrement dans les rues du quartier. Il y allait doucement au début pour ne pas fatiguer le chiot, faisant halte plusieurs fois, toujours auprès des mêmes arbres, lui apprenant à obéir, à s’asseoir puis à repartir à la voix, parlant bas pour ne pas alerter les passants. Tout allait pour le mieux jusqu’au jour où il vit ce grand type, lui aussi en tenue de jogging, arriver en petites foulées de leur côté. Quand ils se croisèrent, ça lui fit comme un éclair : aucun doute, ce gars-là n’était pas tout seul ! Au même moment, il sentit que son chien faisait demi-tour. Il lui emboita le pas et se trouva rapidement à la hauteur de l’homme qu’il salua, ne sachant pas comment engager la conversation. Côte à côte, ils entrèrent dans le bois et le gars s’arrêta pour ramasser un bout de bois qu’il lança au loin en criant : « Rapporte Kiki ! ». Sauf que son Kiki à lui (car c’était aussi son nom), se mit à détaler illico. On vit alors les feuilles du bois voler de toutes parts et le bâton faire des moulinets : les deux hommes vociféraient des ordres à tour de rôle, mais en vain. Les deux bestioles continuaient à mener la danse et leurs maîtres en vinrent aux mains, se rendant mutuellement responsable de la mauvaise tenue de leur cador. La maréchaussée alertée embarqua les contrevenants qui écopèrent, faute d’une explication plausible, d’une amande pour trouble à l’ordre public. Dépités, les deux hommes se serrèrent la main en quittant la gendarmerie et chacun partit de son côté.
Aucun des deux ne s’est jamais vanté de cette aventure. Certains soirs, il m’arrive de les croiser dans les rues de notre quartier où je fais mon jogging, l’air un peu hagard, comme s’ils cherchaient désespérément quelque chose…
Bon week-end, Christine