764e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative

Tapis violent en action

Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit muèrent en tapis violents.

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48 réponses

  1. iris79 dit :

    Subitement par des forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit muèrent en tapis violents.
    La rébellion fut terrible. Ils avaient fomenté leur action collective dans le plus grand secret utilisant toutes les informations qui circulaient sous les pieds des uns et des autres et avaient réussi à agir conjointement pour cette opération coup de poing. Le sujet de leur révolte était simple, clair et sans appel. Ils existaient pour se faire fouler, en aucun cas pour abriter, cacher, étouffer tous les secrets de la terre, les combines, les scandales ou toutes autres activités honteuses. Ce qui n’était au début qu’une expression était devenu trop lourd à vivre. « mettre la poussière sous le tapis » avait pris des proportions démentes. Et cela fut violent car tout ce que l’on avait caché de force sous leur corps déjà bien mis à mal, déborda. Ils abritaient bien malgré eux tellement de choses inavouables graves et terrifiantes que toutes s’agglomérèrent et constituèrent une force sombre à l’énergie mortifère. Le choc ainsi exprimé provoqua des explosions hallucinantes qui se virent à des milliers de kilomètres au-dessus de la terre.
    Les non-terriens se demandèrent ce qui pouvaient bien provoquer sur cette planète de tels bouleversements.

  2. Urso dit :

    Mon Papy il m’a refilé un drôle de tapis volant.
    Ce matin le tapis je l’ai vu sortir de la maison et revenir avant le déjeuner, avec un énorme punching-ball sous le bras.
    Et puis l’après-midi il n’a pas cessé de taper dans ce punching-ball.
    Moi ce tapis volant que Papy m’a offert je le trouve violent.
    Et je crains qu’un jour ou l’autre c’est moi qu’il va boxer.

    Oh la la ! ce tapis volant dès que je lui parle il m’envoie balader.
    Dès que je lui demande de m’amener quelque part il ne répond pas !
    Ah ! quel drôle de tapis ! Chat alors !

    À l’instant que vois-je à la télé !
    Il est annoncé que tous les tapis volants de France, de Navarre et du monde, voire de l’univers, ils sont pris dans ce même « maelström » : ils frappent, ils frappent, tous, tous, dans des punching-ball.

    Mince, le monde est vraiment devenu fou.
    Et dire qu’encore récemment les gouvernants avaient répété que les tapis volants ne dépensaient aucune énergie et qu’en cela, ils étaient la seule solution pour l’état de la planète, de notre chère planète bleue, blanc et rouge.

    Ils nous ont bien eus ces tapis.
    Oui, oui, je crois que c’est ça.
    Il me semble que l’explication qui suit est la bonne :
    – quelqu’un, quelqu’une, ou plutôt et certainement une ou plusieurs organisations secrètes, cachées dans l’ombre, ce sont elles qui se sont mises à détraquer nos braves tapis.
    À tel point qu’ils les ont fait passer, de tapis volants à tapis violents.
    À moins que ce sont les tapis qui de leur propre chef se sont dits qu’il valait mieux être violent que volant.
    Car au vu des salaires, des misérables salaires qu’on leur verse aujourd’hui, ils ont peut-être compris qu’ils étaient véritablement exploités et sur-exploités par les humains.
    Alors ils boxent, ils boxent, ils s’entraînent, comme pour devenir champion de monde.
    Ils remplissent les clubs de boxe.
    Tout ça c’est bon pour le commerce, car avec ces nouveaux boxeurs et dans tous les pays, la fabrication de punching-ball fait des bonds de géants. Et les usines qui les fabriquent elles tournent dorénavant jour et nuit.
    Ils boxent nos tapis, je le sens, je le pressens, cela va mal finir.
    Il y a vraisemblablement une révolution qui pointe son nez.

    Oh ! Oh ! encore la télé.
    Quoi ! Quoi !
    Le président et des ministres sont retenus en otage par des tapis violents-volants.
    Oh la la ! c’est l’émeute là, la chienlit, la Bérézina. C’est la fin des haricots, nous sommes cuits.
    Oh ! voilà un tapis qui semble être le chef a pris la parole.
    Oh ! Oh ! Il se proclame, pour une période indéterminée, le grand général en chef du pays !
    Ah ! Ah ! un tapis volant-violent à la tête de la France, on n’a jamais vu ça.

    Mais, mais, je le reconnais celui-là, le tapis qui se dit général en chef,
    c’est, c’est… le tapis à Papy avant qu’il s’envole au paradis.
    Oh ! Oh ! Il est fou mon tapis, je l’ai bien entendu.
    Oui, oui, il l’a répété plusieurs fois dans son gros micro.
    Il me nomme premier ministre du pays.
    Oh ! Oh ! Hi ! Hi ! Il est dingue, il est vraiment dingue mon tapis.
    Que dis-je, mon général en chef du pays !
    Oh ! Oh ! Hi ! Hi !

  3. Michel-Denis ROBERT dit :

    Subitement par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit muèrent en tapis violents.
    – Un nouveau film d’animation !
    – Je me suis posé la question. Si c’est le cas, c’est super bien imité. Il me semble que c’est pendant la tornade qui a eu lieu aux Etats-Unis en 2023. La rivière en furie emportait tout dans son flot déchaîné. Les tapis, les carpettes et même les paillassons flottant sur l’eau étaient entraînés dans le même tourbillon sauvage. Sur les images ils ont tout simplement supprimé l’eau si bien qu’on a l’impression que ce sont des objets volants identifiés qui détruisent tout sur leur passage.
    – Qu’est-ce que tu racontes ? Et pourquoi ils n’en parlent que maintenant ? Aux infos, ils diffusent n’importe quoi pour faire peur. Surtout en été, il faut faire du chiffre.
    – Je me suis penché sur la question. Avec l’IA j’ai remplacé les tapis et autres carpettes par les idées qu’on nous serine à longueur de journée.
    – Et tu as obtenu quoi ?
    – Avec l’IA tu peux inventer n’importe quel évènement météo et le retransmettre avec des commentaires adaptés pour faire peur. Comme la plupart des gens ferment les yeux et se bouchent les oreilles pour ne pas s’ouvrir aux infos essentielles.
    – Tu serais pas un peu parano des fois !
    – Ca aussi, c’est prévu dans le système d’infos à grande échelle.
    – Houlà, tu va loin !
    – Non, justement, cet été, je reste sur place, je bouquine.
    – Ah ! Je vois où tu passes ton temps.
    – Rien que le mot face qui , dans le sens premier veut dire faire face.
    – Tu n’as pas remarqué que chaque chaîne a sa propre façon d’interpréter les infos ?
    – Bien sûr que j’ai remarqué. Sur Belle TV, ils en parlent aussi. Mais pour en finir avec le mot bouc.
    Le bouc est devenu une représentation totémique de l’Antéchrist dans la culture judéo-chrétienne.

  4. Anne Le Saux dit :

    Ce matin là, sortant de ma douche, mon tapis de bain m’administra une violente tape sur les chevilles. Surpris, je lui intimais l’ordre de rester couché. Il s’exécuta non sans rechigner.

    Dans la chambre, alors que j’enfilais mon pantalon, ma descente de lit me gratifia d’un coup tout aussi violent qui me déséquilibra et me fit chuter. Elle resta muette alors que je lui demandais des explications.

    En passant dans le salon, prudent, j’évitais soigneusement le tapis qui somnolait entre le canapé et les fauteuils.

    Au bureau, les conversations allaient bon train. La secrétaire avait un bleu sur le tibia ; son paillasson l’avait agressée alors qu’elle verrouillait sa porte d’entrée. Le chef comptable – lunettes cassées – avait, en traversant son jardin, essuyé un revers cinglant administré par la carpette de la chambre des enfants qui séchait sur le fil à linge. Et la liste des victimes était longue.

    Le phénomène touchait le pays tout entier et même au-delà des frontières. Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et autres descentes de lit s’étaient mués en tapis violents.

    Les marchands de tapis en tout genre et les poseurs de moquettes ont été contraints au chômage technique. Leur métier était devenu trop dangereux.

    Une revendication a fini par arriver à l’agence France Presse. Un mystérieux groupe dénommé RCT, Respect et Considération des Tapis, s’est plaint que ses membres soient foulés sans ménagement, piétinés, harcelés, dégradés, agressés par des frottements répétés. Il a déclaré assumer le choix de la violence en représailles. Il réclame que soit signée une charte de bons traitements :
    – demande d’autorisation de leur marcher dessus,
    – prohibition des chaussures, bottes, brodequins et utilisation de chaussons souples, chaussettes moelleuses ou pieds nus fraichement lavés
    – remerciements après usage (la prosternation est facultative)
    A défaut de respecter ces engagements, la rébellion continuera, s’amplifiera et des actions coups de poing de tapis se multiplieront.

    Les poseurs de parquets et carrelages se frottent les mains. Par opportunisme, ils annoncent des promotions sur tous leurs produits, colle comprise.

  5. Schroder dit :

    Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit muèrent en tapis violents.

    Quelle aventure ! Nous n’aurions jamais cru vivre un tel moment. En fait personne n’a d’explications : tout d’un coup notre confrérie, celle des Tapis en tout genre s’est vue dotée d’un pouvoir à laisser pantois: celui de se mouvoir. Quand nous nous sommes aperçus de ce nouvel attribut nous en avons profité pleinement. Par exemple,nos amis paillassons se mirent à trembler avec maintes secousses dès qu’un pied se posait sur eux. Des années à récupérer la terre, de nombreuses savates croûteuses les avaient rendus amers et tristes. Endurer cette boue venue d’ailleurs, un vrai calvaire sans jamais recevoir le moindre signe de remerciements. C’était tellement drôle de voir les propriétaires de ces godillots crasseux prendre peur quand les paillassons bougeaient. Personne n’osa relever le phénomène, car tous avaient peur de passer pour des illuminés. « Quoi mon tapis bouge ? » comment peux-tu raconter de pareilles sornettes….. Et il en était ainsi pour tous les tapis de la maison. Dès qu’un bipède frôlait la petite carpette du salon, elle s’enroulait autour d’un pied du visiteur lui bloquant ainsi discrètement le passage de la pièce. Depuis des années miss carpette avait dû subir en silence cette monotone cérémonie du thé, tous les jours une petite goutte de ce breuvage détesté l’éclaboussait. Personne ne prenait la peine d’éponger la gouttelette tombée, tous perdus qu’ils étaient dans leurs bavardages insipides, incapables de remarquer combien elle en perdait ses couleurs, se languissait. Le sort de nos sœurs descentes de lit n’était pas à envier non plus. Combien de pieds douteux, mouillés, froids, vilains, trop grands, trop petits, puants durent-elles supporter ? Avec courage les descentes de lit se jetèrent dans les nids à poussière, se rendirent sales au possible, puis vinrent occuper à nouveau leur place habituelle. Celui qui posait le pied s’imprégnait alors d’une saleté accumulée depuis belle lurette dans les coins et recoins de la chambre. La crasse pénétrait la couchette douillette. Quelle victoire !
    Le soir quand tous dormaient, la confrérie papotait sur ces exploits. Seulement voilà, c’était fatigant de vivre en dehors de son cadre habituel. Ce fut drôle quelques jours de se venger un peu sur tous les mauvais sorts que chacun ou chacune avait subis, d’inventer des farces, mais était-ce bien le rôle d’un tapis ? Nous étions trop excités, notre existence était trop bouleversée. Nous ne pouvions plus faire face. Il y avait trop de débordements. Tous unanimement souhaitions revenir à notre sort premier:
    « ne rien faire » attendre doucement que notre vie expire lentement, sans agitation. Nous avons réclamé aux forces de la nature, tout en la remerciant pour cet épisode fabuleux et inoubliable, de nous rendre notre statut d’objet inanimé. Un tapis un jour, un tapis toujours.

  6. Rose Marie Huguet dit :

    Ils étaient très nombreux à décorer les sols de ce superbe palais. D’innombrables pieds d’illustres personnages les foulaient avec plus ou moins d’élégance.
    Ils étaient nettoyés au quotidien. De nombreuses petites mains passaient quotidiennement un genre de rouleau compresseur bruyant sur leur corps qui avait pour but de les dépoussiérer. De temps à autre un nettoyage plus virulent pour enlever les taches. Entre les machines, les pieds plus ou moins lourdauds, ils perdaient de leur éclat, vieillissaient, fatiguaient.
    Ils étaient les gardiens des secrets, des mesquineries, de toutes ces petites choses pas très belles que les humains adorent cacher sous les tapis. Ah ! s’ils pouvaient parler ! Car oui, on ne nettoyait que la partie visible du corps, en dessous c’était une autre paire de manches.

    Puis un jour, brutalement, tous les couvre-sols furent pris de démangeaisons. Ils étaient de plus en plus irrités. Ils ne supportaient plus ces déplacements sur leurs dos. Ils se soulevèrent violemment, volant aux quatre coins du palais entrainant la chute de tous ceux qui paradaient sur eux. Adieu confort, bonjour le chaos !
    Ils tournoyaient tels des ouragans, se jetant à corps perdu contre les murs, portes, fenêtres pour ensuite se fracasser su le sol manquant étouffer ceux qui n’avaient pu se relever. Ils bloquèrent les issues empêchant les plus téméraires de prendre la poudre d’escampette. Les prisonniers de la tempête tentèrent en vain de les saisir. Les recouvre sols ne l’entendaient pas de cette oreille. Leur furie allait crescendo. Ils s’organisèrent pour tout quadriller. Ils faisaient front.

    Ils entendaient leurs ennemis hurler, questionner, implorer, appeler au secours, au bon sens. Le mot négociation revenait tel un refrain. Ils n’en avaient cure.

    Ce brutal réveil leur avait ouvert les yeux. Ils n’étaient rien que de couteux décorums qui ne servaient qu’à enorgueillir les hôtes successifs du palais, rendre envieux certains invités et en scandaliser d’autres.

    Les témoins de leur furie demandaient une trêve. Leur réponse : un déferlement de violence. Ils volaient à tout va, de plus en plus vite, de plus en plus rageurs car ils s’étaient rendu compte qu’ils avaient toujours été serviles sans rien en retour.
    Maintenant c’était à eux, simples couvre-sols, de se faire valoir, de parader, de se montrer, d’être reconnus. Ils avaient laissé leur conscience trop longtemps en berne, il était temps de faire claquer au vent leur étendard.
    Ils se réunirent tous, laissant leurs victimes regroupées dans un grand salon sous la surveillance des plus lourds et grands tapis. Ils voulaient rencontrer le Grand Manitou, mais avant ils devaient dresser la liste de leurs revendications.

    Ils étaient tous d’accord sur quelques points :
     ils ne voulaient plus être piétinés, salis, ni servir de cache misère.
     ils voulaient être traités et nettoyés avec soin et non pas avec mépris ou indifférence.
     ils voulaient être respectés
     ils voulaient être vus et reconnus
    Puis les démangeaisons reprirent de plus belle. Les fibres se hérissèrent. Des camps se formèrent, chacun prêchant pour sa paroisse. L’air se chargea d’électricité. Et vlan ! Tous les contestataires se soulevèrent, s’entrechoquèrent, se crêpèrent les fibres.
    Après des heures d’échanges musclés, ils se retrouvèrent tous au tapis, amochés et usés jusqu’à la corde. Grand Manitou les retrouva emmêlés, sans voix, sans forces. Il demanda qu’ils soient envoyés à l’atelier afin que les artisans réalisent un immense patchwork de cet amalgame de contestataires.
    Le nouveau couvre-sol se retrouva pendu sur un mur d’un grand musée. On le nomma dissonance.
    Quoique l’on pense, ils avaient obtenu ce qu’ils avaient demandé, non ?

  7. mijoroy dit :

    GRAND CONCOURS DES QUATRE ÉLÉMENTS – 15e édition tapisolympiade.
    « Mesdames et messieurs, chers fans de revêtements nerveux, bonsoir ! Nous assistons ce soir à une compétition d’une rare intensité, un tournoi tissé de légendes, de peluches et de fureur… Bienvenue au Grand Concours Élémentaire des Tapis Violents ! Chaque type de tapis s’est vu attribuer un élément par la Fédération Mondiale des Revêtements Tissés (FMRT), dans un ancien pacte oublié de l’humanité. Mais un rayon de lune mal orienté sur un parquet ciré a réveillé la magie.
    Sous les projecteurs moites du Tapodrome, les descentes de lit enflammées (Équipe FEU) sont les premières à entrer en scène. Elles se déroulent avec agressivité, déclenchant de petites braises à chaque vague. L’une d’elles, surnommée L’Arsouille de Velours, marque des points en s’enroulant elle-même dans un fauteuil club pour le consumer de l’intérieur.
    Les carpettes d’eau (Équipe EAU) arrivent en glissant avec élégance, provoquant plusieurs chutes chez les juges. Leur meneuse, Tapissoif, exécute un double salto imbibé avant de se transformer en flaque.
    Les paillassons volants (Équipe AIR), quant à eux, refusent de se poser. Ils flottent, sifflent, tournoient. Pail’Ouragan, le capitaine, s’élève jusqu’au lustre et provoque une panne d’électricité.
    Enfin, les nattes de terre (Équipe TERRE) ne bougent pas. Elles méditent. Immobiles. Insondables. Namastapis, leur gourou, provoque un séisme de 3,2 sur l’échelle de Carpette juste en clignant une frange.
    Les épreuves se poursuivent entre Gratt’Sec, un paillasson en coco pur. Il érafle sévèrement Moquettefurax. Cette dernière s’enflamme de rage et tente une roulade incendiaire. L’odeur de brûlé envahit le Tapidrome.
    Dans les tribunes, l’équipe AIR proteste contre une faute de vent injustifiée. Un silence anormal se propage sur la salle. Surgit le Tapis du Vide, non inscrit mais omniprésent. C’est un paillasson transparent qui absorbe la matière et les sons. Il remet en question l’existence même des autres éléments : Lui ne gratte pas, ne pique pas, et laisse le parquet net.
    Le Président Namatapis, cesse les jeux et déclare :
    « Le grand gagnant est le parquet. »

  8. Thebault dit :

    Je me suis vu paillasson face à mon conjoint, aplati comme un chien sous ses talons rageurs. Devenant le gardien de sa porte d’entrée, celui sur lequel chaque visiteur se débarrasse de la poussière extérieure. Des souliers, par dizaines, se sont violemment déchaînés contre moi, comme un psy sur lequel chacun déverse ses névroses sans jamais lui demander comme il se porte, lui.

    J’ai fait carpette, toute ma vie, devant mon patron. N’osant pas lui demander d’augmentation, ni lui soumettre une seule idée. Nous n’étions pas du même milieu, ni de la même grande école. On ne mélange pas les torchons et les serviettes, encore moins les carpettes, la caste intouchable de celles et ceux que l’on croise sans les voir. Ces petites mains, chevilles ouvrières du labeur nécessaire et indispensable qu’on ne veut pas considérer. Un mal nécessaire. Des esclaves modernes au service d’une classe dirigeante, de celles et ceux qui décident.

    Je dors sur une natte à la japonaise et la replie comme un accordéon le matin, pour en faire un fauteuil. Mon appartement est si petit que mon espace vital est tout juste assez grand pour me retourner sur moi-même. C’est une habitude à prendre, quand mon conjoint travaille de nuit. Les autres jours, le paillasson me sert de sommier, comme dans un film nord coréen.

    je sers de descente de lit à bien de mes contemporains, amortissant leur réveil en rendant leur pas plus confortable. Le genre de personne qui rendent des services insoupçonnés, mais que personne ne récompense jamais.

    Alors toute cette vie m’a paru si insupportable que je me suis rebellé en mourant. J’ai vu paillassons, carpettes, nattes défiler devant mes yeux, jusqu’à cette dernière petite boîte, posée sur un tapis violet et violent pour la plupart des humains. Mais que la mort me fut douce, à moi !

  9. Gilaber dit :

    Chronique de la Révolte Tapisphérique…

    Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit se muèrent en tapis violents.

    Je ne compris pas immédiatement ce qui se passait. À vrai dire, au réveil, tout semblait normal — si ce n’est cette étrange sensation que ma descente de lit tentait de se dérober sous mon pied. Encore à moitié endormi, j’y posai le second. La moquette trembla. Puis la chambre tout entière sembla onduler, comme si les murs eux-mêmes retenaient un hoquet.

    Je me rassis brusquement, les deux pieds dans le vide, songeant à un reste de cauchemar. C’est alors que la descente de lit glissa d’un coup, serpentant sous le lit comme une bête blessée. En me retournant, je vis ma douce moitié engagée dans une lutte désordonnée contre sa propre carpette. Elle tournoyait les bras, évitant de justesse une chute, jusqu’à s’effondrer à genoux, haletante :
    — Pince-moi pour vérifier si je ne rêve pas ? me dit-elle.
    — Je ne crois pas qu’on puisse vivre le même cauchemar, répondis-je.

    Des cris montaient de la rue. Nous ouvrîmes la fenêtre : notre voisine Estelle courait à travers l’allée centrale, enroulée dans un tapis de salon, les bras prisonniers, la tête dépassant à peine :
    — À l’aide ! criait-elle. Il m’a piégée ! Ce tapis m’a piégée !

    Mais les gens fuyaient sans lui prêter attention, poursuivis par des carpettes déchaînées, des paillassons bondissants et même un tapis de yoga qui fouettait l’air comme une liane.

    Le mari d’Estelle surgit à notre portail, hors d’haleine :
    — C’est une folie ! Tous les tapis se sont… révoltés ! Estelle a été prise en otage, impossible de la libérer ! Vous l’avez vue ?
    Nous indiquâmes la direction de sa fuite. Il repartit aussitôt, avalé par les secousses de la rue.

    Même dans notre maison, le soulèvement tapissier prenait une ampleur inattendue. Lorsque je voulus passer par la salle de bain, le tapis de bain, pesant de tout son poids sur la porte, refusa de me laisser entrer…

    Arrivé devant la porte-fenêtre du séjour, le petit tapis qui d’ordinaire, s’étalait paisiblement pour profiter de rayons de soleil, se dressa soudainement, semblable à un cobra, gonflant les muscles de ses côtés et les évasant, comme s’il se sentait menacé… me faisant reculer d’un bond. Mais une fois la fenêtre ouverte, le tapis du séjour s’éleva dans les airs en emportant la table basse…

    Je le suivis à l’extérieur pour tenter de le retenir. Une fois dehors, je levai les yeux vers le ciel. Une escouade de tapis volants formait une patrouille disciplinée : les grands en tête, tels des bombardiers à franges, les petits en formation serrée, comme des chasseurs en appui…

    D’autres s’envolaient vers l’horizon, en grappes, tels des oiseaux migrateurs fuyant une terre devenue inhabitable. Le monde se vidait de ses humains ; les tapis, eux, prenaient le large.

    Nous décidâmes de prendre la voiture pour fuir. Dans le garage, surprise : le tapis antidérapant était cramponné au volant de notre voiture et semblait tenter de la démarrer.

    J’appelai le commissariat. Une voix désespérée répondit :
    — Impossible de sortir ! Le tapis d’accueil bloque la porte parce que le commissaire refuse de prendre sa plainte pour piétinements abusifs. De colère, il empêche les forces de l’ordre de porter assistance à la population…

    Les chaînes d’info continue diffusaient des scènes de soulèvements dans tous les coins de France :
    Des tapis persans, percés, ne filtraient plus leurs émotions… ils géraient leur deuil en gémissant à voix basse, exhibant leurs motifs fanés comme des cicatrices…
    Des tapis de prière hésitaient sur la direction du ciel et levaient un coin rageur vers l’éther, exigeant des réponses…
    Des tapis rouges refusaient de se laisser fouler par des stars déchues…
    Des tapis d’aéroport prenaient leur envol sans prévenir…
    Des tapis d’entrée exigeaient qu’on s’essuie la conscience avant de franchir les pas de porte…
    Des tapis roulants refusaient d’être roulés pour ne faire que du surplace…
    Des paillassons amers s’étaient constitués en milices autonomes à la recherche de gens tapis dans l’ombre, qui les avaient humiliés en s’essuyant les pieds sans scrupule et sans bonne conscience, sur leur dos…

    Une scène cocasse tournait en boucle : elle montrait une femme de ménage poursuivie par un tapis qui lui lançait toute la poussière qu’elle avait glissée sous ses franges depuis des années…
    Une autre montrait des enfants joyeux qui criaient en frappant dans les mains : Aladin ! Aladin ! au passage des tapis volants, indifférents à leur exaltation…

    La révolution ne venait pas du ciel. Elle venait de sous nos pieds.

    Ce fut un soulèvement moelleux, une insurrection à poils ras, mais implacable.
    Dans les rues, les humains, surpris et terrorisés, glissaient sur leurs propres illusions.
    Les tapis, eux, s’envolaient vers des cieux inexplorés, à la recherche, disait-on, d’un monde où l’on ne serait pas réduit à « retenir la poussière des autres ».

  10. CATHERINE M.S dit :

    Il n’en peut plus
    Il n’en peut mais
    Y’a de l’abus
    Il va craquer
    Le tapis près du buffet
    Il est tout enflé
    A des bosses partout
    A cause de tous ces filous
    Qui lui glissent par en-dessous
    Toutes leurs misères
    Au goût amer
    Des soucis ?
    Sous le tapis
    De coupables envies ?
    Sous le tapis
    Le moindre rififi ?
    Encore et toujours sous le tapis
    Ben voyons !
    Allons-y donc
    Mais attention à la rébellion
    Comme le papillon
    Le tapis peut rêver de s’envoler
    A la moindre occasion
    Devenir un tapis volant
    Et ainsi laisser en plan
    Tous ces chenapans
    Qui devront trouver une autre solution
    Pour planquer leurs démons.

  11. 🐭 Souris verte dit :

    Merci Béatrice de l’ avoir remis en place ! Ah mais ! Vous êtes tous très très gentils et vos appréciations me touche. Ce blog est une réussite un vrai bon moment de partage et l’ 🐻 et sa 🐭 se régalent en lisant et les textes et les commentaires de chacun. On se sent moins seul. 🐀

  12. 🐻 Luron'Ours dit :

    764/CARDE DE VIE POUR FESSES-QUI-VALENT
    «Oh saisons ! Oh châteaux !» Quel amour est sans défaut ? De cet hôtel sur le lac, tout n’est qu’ordre et beauté, remis au goût du jour, miroirs, canapés. La nuit, ça s’est gâté ! des forces invisibles ont secoué les sans grades, les humbles, ceux qu’on foule au pied sans les voir : les tapis ! Nom générique pour nattes, paillassons, enfilades, descentes d’escalier ou de lit et même une peau de vache d’Abondance. Qui mène la rébellion de ces non violents ? Quel grain de sable a fâché cette harmonie ? Un pacha du Kashmir, du Pamir, s’est fait livrer, roulée dans un tapis d’Orient, une princesse d’Égypte hier soir. La belle était parée de ses bijoux sonores, de colliers à sequins, de mignonnes babouches à grelots, bonne renommée ne valant pas ceinture dorée… Une fête à tout casser… L’émir s’envole, un hélico sur le toit. C’est le tour des plâtriers, des miroitiers. Plus tard, quand les plastiques seront enlevés, on posera kilims, Savonneries, Aubusson, on déroulera le tapis rouge sur le grand escalier…
    🐻 Luron’Ours

  13. camomille dit :

    Trop c’est trop !
    Les paillassons, carpettes, nattes, etc. en ont marre d’être maltraités.
    Marre de la névrose phobique de la poussière qui a envahi les humains, et qui passent leur temps à les nettoyer.
    Et que je te batte et te rebatte à l’air libre avec violence.
    Et que je t’aspire à l’endroit, et que je t’aspire à l’envers.
    Plus un grain de poussière ne résiste.
    Les aspirateurs sont de plus en plus puissants et les paillassons, carpettes, nattes, etc. frissonnent toute la journée en éternuant sans répit.
    Alors NON ! Ils ne se muent pas en tapis violents comme le répand certains humains ignorants ou trop imaginatifs.
    NON ! Pas de forces invisibles et mystérieuses de la nature en vue ; mais les pauvres… Ils ont tout simplement « chopé la crève » !!!
    La fièvre aidant, ils frissonnent, ils grelottent, ils éternuent à tout va, et bien sûr, ils font des plis, c’est logique.

    Mais les humains pas très fute-fute, trébuchent et tombent sur eux !
    La victimisation allant bon train chez ces êtres, il est vite fait d’accuser nos pauvres tapis, carpettes, nattes, etc. de violence envers eux.

    Honte à vous, humains désinfectés, aseptisés, dépoussiérés !
    Et n’oubliez pas que la poussière … c’est comme un boomerang, elle reviendra toujours.
    Ressaisissez vous.

    A vos souhaits !

  14. Jean Marc Durand dit :

    Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit se muèrent en tapis violents.

    Ça a commencé avec ce foutu paillasson, marqué WELCOME dessus, rien que pour me narguer. Comme si, à 1h du matin, ma chère et molle allait m’accueillir, les cuisses ouvertes, pour me remercier d’avoir refait le monde avec mes anciens potes de l’amicale du rugby, ceux avec qui je bouffais de la ligne, quand j’étais jeune, quand j’étais beau. Et que même, hein, je ne suis pas si mal conservé… comme disait le cornichon polonais dans son bocal…ah…ah….

    Par automatisme ou dressage, j’ai tenté de m’essuyer les galoches et c’est là que ce maudit tas de poils s’est tordu sur lui-même, tel un crotale dans un film d’horreur. J’ai chu, comme disait mon grand-père et me suis cogné le menton sur le pépin du porte parapluies, que vraiment je me suis demandé ce que ce parapluie foutait là, alors que jamais il n’a plus dans le couloir de l’entrée. Ça, j’en suis sûr, même si parfois il m’arrive de douter de mes certitudes. Et plus souvent des authentiques pépins, ces graines d’emmerdes, plantées dans la vie.

    J’ai viré mes grolles sans ôter les lacets car je ne supporte pas les lacets de l’existence. Je veux ma vie droite, rectiligne, le plus court chemin jusqu’à ma mort.

    En chaussettes donc, j’ai traversé la salle à manger. Un coin de la carpette m’avait repéré. Un coin vicieux, un qui rebique tout le temps, un assassin de vieillard, survivant entre horloge et calendrier. Ni une ni même pas le temps de compter jusqu’à deux, je me suis étalé sur la bassesse de la terre, cette petite garce qui vous croche les pieds.

    Ma tête a cogné sur un truc qui a cassé. Un vinyle qui traînait là, par terre, en dehors de sa pochette. Quel était donc le petit con de merdeux qui avait pu laisser traîner ainsi une précieuse galette du temps passé. Après une rapide enquête, j’ai bien dû m’avouer être le seul coupable. Et je rangeais le Natte King Cole dans sa pochette. N’importe quoi, mon gars, tu dis n’importe quoi, tu vis n’importe quoi, t’écris n’importe quoi !

    J’ai quand même entamé l’escalade de l’escalier qui rampe. Non, en m’accrochant à la rampe de l’escalier qui monte. Enfin j’ai bouffé de la marche ! Je me suis souvenu de la situation ouest/ est de notre chambre et ne me suis pas égaré dans la salle de bain. Pourtant le moindre des luxes aurait été une douche glacée. Mais le plus court chemin, mec, le plus rapidement temporaire.

    J’ai reconnu notre lit, le petit vaisseau de nos rêves, là où la paix niche. J’ai souri, comme tout bête petit rongeur n’ayant pas encore identifié le chat. Et je me suis étalé sur la descente de lit. Elle était vide. Aucune épouse n’y cauchemardait un improbable avenir.

    J’ai longtemps réfléchi, comme le gars qui ne sait plus où il a laissé ses clefs de bagnole alors qu’il circule, depuis toujours à cheval.

    Plus rien dans la penderie, plus rien dans les tiroirs…des sous-vêtements si légers qu’ils naviguaient déjà vers des cieux plus cléments…poil aux dents !

    Juste un mot : « J’en ai cure de tes promesses de désintoxication, je me barre, bonne route à tes flacons »

    Comme quoi, dans la vie, parfois on s’égare mais rien ne se perd totalement. De nous deux, elle avait appris et conservé la bonne juste pincée d’humour.

    Et je trinquais avec le vide.

    • 🐭 Souris verte dit :

      Certains devraient être mis sous scellés pour attaque à la personne ! Il doit s’en passer de belles dans les placards de la PJ ça doit se battre ! 🐭

    • Béatrice Dassonville dit :

      Te voici bien cabossé cher Jean-Marc ! Heureusement le bras n’est pas cassé, et la main en bon état de marche. 😀

    • Gilaber dit :

      Sacré Jean-Marc…
      La vie est une succession de choix… qu’ils soient bons ou mauvais, il faut savoir les assumer !
      Mais peut-être aussi, penser à changer les tapis…

      • Jean Marc Durand dit :

        Je tenais à remercier les vaillantes lectrices et les vaillants lecteurs ayant avalé mon texte et se souciant de mes choix de vie. Je tenais à les rassurer. Tout cela n’est que littérature. Je n’ai jamais joué au rugby. Par contre je suis champion du monde de palet breton. On ne trouve pas de parapluie chez moi car jamais il n’y pleut (ni dedans, ni dehors, c’est un choix de vie). Je n’écoute jamais Nat King Cole (trop mièvre pour moi). Par contre je viens de découvrir Dave Van Ronk (je recommande). Je ne suis jamais monté sur un cheval (trop haut pour moi). Il y a bien longtemps que j’ai épousetté mon mariage. Et face à l’interdiction d’utiliser le mot n—e, je fais rédiger mes textes par un réfugié culturel albanais. Et je lui donne du grain tous les jours. Qu’on aille pas médire derrière mon dos déjà bien voûté par le poids des semaines, masse autrement impressionnante que celles des rouleaux de zan.

  15. Nadine de Bernardy dit :

    L’affaire des tapis violents pris corps au château de Combourg, quand le marquis de Chateaubriand essuya négligemment,pour la nième fois, sur le paillasson Louis XIV, ses bottes crottées par une ballade dans la campagne humide.
    C’était la fois de trop. Marre d’être sali, piétiné depuis des siècles par des escarpins, des galoches, même des sabots! Redressant ses poils avec fierté, il décida de partir en guerre.
    Pour ce faire, il envoya par monts et par vaux un message incitant à la révolte ses frères paillassons, ses soeurs carpettes, ainsi que les cousines au troisième degré qui gisaient aux côtés des lits, leur demandant de réagir en masse au plus vite afin de redonner sa dignité à la corporation.
    Dorénavant ils allaient glisser, se plisser, rebiquer afin de provoquer la chute de leurs utilisateurs qui laissaient sur leur dos les miasmes récoltés à leurs semelles pour ensuite les battre vigoureusement afin de mieux les en débarrasser.
    Ce fut, dans le pays, une farandole de fractures, commotions cérébrales et autres traumatismes. L’on marchait dorénavant précautionneusement en claudiquant dans les logis .

    • Gilaber dit :

      Nadine,
      Il faut savoir qu’après cette mésaventure, Chateaubriand n’est plus sorti… ce qui lui a largement laissé le temps de rédiger ses Mémoires d’outre-tombe…
      Bien à vous.

      • Nadine de Bernardy dit :

        bonjour Gilaber
        ouf! votre réponse me renseigne, grâce à ce paillasson don Quichotesque nous avons pu bénéficier de Mémoires mémorables !!!!
        Merci et bon dimanche à vous

  16. Nouchka dit :

    Le paillasson, sur lequel le livreur de journaux a laissé tomber le quotidien du jour, lit : « ATTENTION, les tapis se révoltent. RISQUE d’accident ; SOYEZ VIGILENT »
    Paillasson fait partie des révoltés. Il se soulève afin de prévenir le tapis d’entrée que leur action est dénoncée dans la presse locale :
    – Fais passer l’info aux copains, il faut que notre action soit visible et nos revendications entendues.
    – T’es marrant ! Comment veux-tu qu’ils comprennent ce que nous dénonçons ?
    – C’est simple. Si nous n’acceptons plus de n’être que des surfaces sur lesquelles les humains et les animaux se débarrassent de leurs salissures, ils vont réaliser que nous servons bien plus que le soin qu’ils oublient de nous octroyer.
    – Bah si tu y crois, c’est bien. Dis-nous comment procéder pour obtenir gain de cause.
    – Oui, il faut que nos actions soient assez concertées pour avoir l’impact souhaité.
    Moi, par exemple, qui suis à l’extérieur, je peux me déplacer sans problème. Aujourd’hui, par exemple, je vais me glisser dans le bassin des enfants. Comme il n’y a pas de vent, les humains vont bien réaliser que quelque chose d’étrange se produit.
    – Tu es un grand rêveur ! Pourquoi voudrais-tu qu’ils y voient une action revendicative ? Ils vont penser que des voisins leur ont fait une farce.
    – Si tel est le cas, nous passerons à la vitesse supérieure en nous regroupant par exemple.
    – Ce sera difficile de faire bouger les tapis du séjour…
    – Ne sois pas aussi sceptique. Nous en avons tous assez de nos conditions de vie. Les tapis du séjour sur lesquels plein de reste de nourriture, de boisson renversée attendent que ces déchets soient retirés et les taches soignées ont de quoi vouloir être pris en compte.
    – Oui, bien sûr, mais leur taille ne favorise pas les déplacements.
    – Par contre, les descentes de lit et les tapis de bain sont motivés et prêts à sortir de leur lieu de travail. Ils n’en peuvent plus de la poussière, des poils et des cheveux qui s’incrustent dans leurs fibres et même des dégâts que font le dentifrice écrasé ou les miasmes des éternuements et autres expectorations qui restent à saturer de germes leur surface.
    – J’ai parfois l’impression que les humains et les animaux manquent de nez. Dans le séjour, les tapis sentent mauvais. Ils ne sont jamais ni lavés ni sortis au grand air.
    – Et si on favorisait le développement de puces ou autres bestioles ?
    – Oui, c’est une riche idée. Ils seraient tenus de faire un grand nettoyage de désinfection.
    – Ou ne nous éliminer et nous remplacer par des articles neufs.
    – Bon, c’est vu, sortons et allons nous baigner dans l’Etang au Duc.
    – Les descentes de lit te font dire qu’elles préfèrent glisser et faire tomber Mémé que de sortir.
    – C’est pas croyable. Il faut toujours qu’il y ait des réfractaires au mot d’ordre commun. Je ne vois pas en quoi faire tomber Mémé va changer la prise de conscience des humains. Ils vont penser que Mémé n’a pas fait attention. Alors qu’ils doivent réaliser que tout doit changer entre eux et nous.
    – Bon, on fait comme on a dit : A midi, on s’envole pour l’Etang au Duc tous ensemble. Fais passer la consigne.

  17. Antonio dit :

    Quel était donc ce vent de révolte qui avait provoqué ce soulèvement ?

    — Il est entré par la fenêtre, assura l’armoire à glace, à l’entrée, qui n’avait pas bougé d’un doigt de pied. Il a dévalé avec un six coups en rafales, je n’ai rien pu faire. Il m’a claqué le miroir qui s’est fêlé dedans. Regardez, ce n’est pas beau à voir !

    — C’est allé si vite, témoigna une porte de couloir, sonnée par cet assaut soudain. Il m’a secouée comme un pommier, le goujat. J’ai eu tous les pênes du monde à m’accrocher à la gâche, je me suis mise à chambranler avant de sortir de mes gonds. Et là ! … oh ! Et là, il m’a plaquée à terre et s’est jeté sur moi, le goujat ! Je n’ai pas pu me fermer. Il m’a souillée comme un paillasson.

    — Parlons-en du paillasson de l’entrée, reprit l’armoire à glace. Il s’était justement coincé entre le chambranle et la porte pour que le vent soulève plus facilement ses gonds. Il ne s’est pas arrêté là, le cochon. Il s’est ensuite envoyé en l’air avec la carpette du salon qui, apparemment, se trémoussait d’impatience à l’idée d’une vraie soufflante. C’est sûr qu’elle devait aspirer à autre chose que de se faire renifler par la trompe d’un aspirateur.

    — Cela ne m’étonne pas, renchérit la porte, celle-là a toujours aimé se frotter à tout ce qui lui tombait dessus, et prendre le premier pied venu. Quant à ce saligot de paillasson, je voyais bien qu’il attendait son heure pour me passer dessus. Il n’a jamais supporté de rester à l’extérieur de la maison.

    — Où est passé Maria ?

    — Aucune idée, répondit l’armoire à glace. Je l’ai vue arriver en fredonnant sa ritournelle de ménage de printemps. Elle s’est ensuite rendue vers la chambre dans ce courant d’air joyeux et puis je ne l’ai pas revue.

    — Pareil, ajouta la porte. Mais demandez au parquet, je crois qu’on lui a remonté des informations.

    — En effet, confirma celui-ci, avec sa langue de bois. Je ne peux vous en dire plus. Elle s’est fait embarquer par une descente de lit pour être interroger sur son rôle dans cette chienlit.

  18. Gilaber dit :

    Bonjour Souris Verte,
    Toujours aussi prompte à nous livrer votre prose… Ah ! Si tous les tapis pouvaient révéler leurs secrets… il y aurait certainement de quoi remplir plusieurs pages et en faire quelques volumes.
    Bon week-end à vous.

  19. Béatrice Dassonville dit :

    Merci Souris verte. En première lecture, je trouvais le tapis ingrat, mais en y réfléchissant…

    Quand on est pour l’autre, juste une oreille de ses confidences, une ressource, un faire-valoir, et non pas un véritable ami, alors ce qui est resté longtemps « tapi » en soi, ignoré, se révolte.

  20. camomille dit :

    Bravo Souris verte 👍

  21. Béatrice Dassonville dit :

    L’homo larbinus

    Vous l’avez tous rencontré. C’est celui qui fait figure de bon élève, de premier de la classe, non pas qu’il soit d’une intelligence supérieure à la moyenne, bien au contraire !

    L’homo larbinus n’a pas d’idées qui lui soient vraiment personnelles ; elles sont juste calquées sur celles de la caste supérieure à la sienne. Est-ce un comportement pathologique ou, tout simplement, la voie des lâches ? Un peu des deux, je pense.

    L’homo larbinus ne peut briller dans sa propre lumière. Il lui faut donc marcher dans celle des puissants, des élites, des maîtres. Qu’importe que ces derniers l’exploitent. Pour s’attirer de leur part quelques flatteries, une petite promotion, une médaille, alors l’homo larbinus est prêt à dérouler devant eux le tapis rouge, voire à devenir tapis, carpette ou paillasson.

    L’homo larbinus est toujours du côté du pouvoir. Quel qu’il soit. Dans un gouvernement autoritaire ou en temps de guerre, il n’hésitera pas à pratiquer la délation, persuadé d’être dans le camp de la raison. Ainsi, ayant éloigné de lui tout soupçon, et pour bénéficier de quelques caresses, il montre à ses maîtres combien il est obéissant et bon chien de garde du système en place.

    L’homo larbinus n’a pas d’état d’âme, de système de valeur individuel. Son aura, éteinte, ne peut exister que dans le lustre de la botte sous laquelle il se couche.

    Et aujourd’hui, vous m’apprenez que l’homo larbinus — las d’être un tapis — ou quelque chose de semblable, se révolte ? Est en train de se transformer en tapis réfractaire — gaulois de surcroit —, car cela a commencé en France.

    La bonne nouvelle, enfin !

    • Béatrice Dassonville dit :

      Écrit très vite… c’est les vacances ! Il me faut préciser que le syndrome du larbin existe vraiment. S’est imposé aussi à moi la peinture surréaliste « L’homme penché » de Jean-Marie Gitard. Bon week-end à tous et bonne inspiration. 🙂

    • Gilaber dit :

      Chère Béatrice,
      Je ne connaissais pas l’expression d’homo larbinus… et pas davantage, ce qu’il pouvait représenter. Mais à y réfléchir, je réalise en avoir croisé bon nombre…
      Merci et bon week-end à vous.

      • Béatrice Dassonville dit :

        Cher Gilaber, vous avez raison, ils sont nombreux. Pour expliquer ce syndrome, certains avancent la thèse de la génétique, d’autres la pathologie mentale. Je ne crois ni à l’une ni à l’autre. Comme en témoigne mon texte. Le mot « lâche » que j’ai employé est peut-être un peu fort, et sans doute aurait-il été mieux de lui préférer le mot « soumis »…quoi que…

    • 🐭 Souris verte dit :

      Si seulement !😁 👍 Merci Béatrice pour cet espoir. 🐭

      • Béatrice Dassonville dit :

        « L’espoir est comme le ciel des nuits : il n’est pas coin si sombre où l’œil qui s’obstine ne finisse par découvrir une étoile. » (Octave Feuillet)

  22. 🐭 Souris verte dit :

    764/UN RANCUNIER
    Subitement, par les forces invisibles et mystérieuses de la nature, paillassons, carpettes, nattes et descentes de lit muèrent en tapis violents.
    Subitement !? Certes non ! Ça, c’est vous qui le dites car je l’ai remarqué, d’année en année ils se sont élimés. Le vieux tapis bleu du salon, lui, on l’avait ‘recueilli’ en vidant la propriété du grand-oncle. C’était sa fierté ! Il l’avait rapporté d’un de ses voyages. Un tapis de haute laine qu’il regardait avec émotion en plissant légèrement ses yeux du même bleu vif. J’avais noté que lui au regard si profond avait, comme le tapis en vieillissant, perdu de sa couleur, un bleu d’eau mais qui ne laissait pas indifférent. Quand il avait atteint un grand âge, enfoncé dans son fauteuil en cuir, il se penchait en avant et, appuyé sur sa canne il partait dans les rêves en fixant le motif central. Un léger sourire étirait ses lèvres fines qui lui donnait l’air d’un vieux sage. Ils étaient indissociables l’un n’allait pas sans l’autre c’était le tapis des réceptions mais aussi des larmes, il était allongé là comme un vieux confident. En vieillissant son dessin s’est perdu, sa trame usée est devenue si fine qu’on voyait la chaîne du tissage. En se ridant, il a coincé le pied du pépé et.. oserais-je dire, ça n’a pas fait un pli ! Vous imaginez la suite puisque j’ai récupéré comme la relique. Souvent je le regarde en me demandant s’il n’y avait pas là dessous une sorte de vengeance du tapis, mûrie par les ans ! 🐭

    • camomille dit :

      Bravo Souris verte 👍

    • Béatrice Dassonville dit :

      Comme souvent, je viens de me rendre compte chère souris verte, que mon commentaire était en villégiature au milieu des autres textes. Je l’ai donc sommé de revenir à sa juste place :

      « Merci Souris verte. En première lecture, je trouvais le tapis ingrat, mais en y réfléchissant…

      Quand on est pour l’autre, juste une oreille de ses confidences, une ressource, un faire-valoir, et non pas un véritable ami, alors ce qui est resté longtemps « tapi » en soi, ignoré, se révolte. »

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