Exercice inédit d’écriture créative 20

imagesRacontez les mémoires d’un thermomètre,
en restant à la frontière de la scatologie

7 réponses

  1. Clémence dit :

    20. Racontez les mémoires d’un thermomètre….

    Quels que soient le temps ou l’espace, je ne me sens bien qu’à la verticale. Je suis convaincu que, jamais de ma vie, je n’arriverai jamais à m’allonger.

    Par une belle journée d’été, petit bob sur le crâne, lunettes noires sur le tube, bien à la verticale, je bullais ma retraite dans le jacuzzi. Mes yeux mercure voguaient au-dessus du sommet du Bessillon et sur les cimes des grands chênes. J’imaginais les reflets bleutés du Massif des Maures au loin…

    Un cocktail exotique posé sur le rebord aidait la cascade de mes souvenirs . Ciel orange et acacias en ombres chinoises. L’Afrique.

    Mon propriétaire séjournait – avec moi, bien sûr – dans un hôtel où il donnait une conférence sur la pêche pour l’inauguration d’un projet inédit.
    Elle séjournait dans ce même hôtel où elle organisait une épreuve académique.

    Ils se rencontrèrent au bar, un dimanche.
    Ils avaient du temps à perdre.
    Ils le trouvèrent en racontant des anecdotes de leur vie trépidante.
    Moi, j’étais posé sur le comptoir du bar. J’étais tout ouïe, me demandant déjà quelles anecdotes il allait lui servir pour l’ébahir, l’éblouir…

    Il avala une gorgée de rhum, nos mémoires se réveillèrent à bord d’un bateau-laboratoire des Eaux et des Pêches. Il enchaîna.
    Le Cap de Bonne Espérance où je tanguais entre les deux courants maritimes, le Cap Horn où je grelottais, le Triangle des Bermudes où je faillis couler, la Mer Jaune aux eaux turquoise…
    De continent en continent, mon proprio racontait notre vie avec délices !

    Il reparla de l’Afrique où il avait vécu de nombreuses années en ma compagnie. Les yeux pétillants et le sourire ravageur, il raconta une des aventures les plus foutraques qui marquèrent notre carrière.

    Ils étaient toujours assis au bar. Dis-sept heures trente, la nuit n’allait pas tarder. Elle sourit et l’invita à continuer ses récits.

    «  J’étais à A. et je ne pouvais y rester des mois durant. Je confiai la mission à un jeune stagiaire. Augustin. Il était fier d’être investi d’une telle mission. Trois fois par jour, il devait relever la température des eaux du lagon à un endroit bien précis. Je lui confiai mon précieux thermomètre et un cahier de notes.

    Le premier jour, je vérifiai son travail. C’était net. Précis.

    Je repassai la semaine suivante. La prise de notes était remarquable.

    Je revins un mois plus tard et repartis en le félicitant.

    Le mois suivant, au cours d’une visite éclair, je retournai voir Augustin. Ses relevés étaient impeccables. A nouveau, je le félicitai.
    Au moment de repartir, il me retint par la manche et me dit :
    – Patron, tu vois, tu peux me faire confiance. Pas besoin de revenir tous les mois. Tiens, Patron, voici les relevés pour les trois mois prochains. »

    Dans le jacuzzi , je me mis à tortiller de rire à ce souvenir. J’en profitai, histoire de me rappeler ma vie trépidante, pour mettre les grosses bulles au parfum de vanille.

    Quand je pense aux horizons bouchés des thermomètres médicaux, je me dis que j’avais eu une très belle vie !

    © Clémence.

  2. dumouchel dit :

    Et voilà, nous sommes en hiver et c’est terminé pour moi les températures agréables bonjour le froid bientôt les gelées ! Pourvu que je ne rende pas l’âme, l’année dernière il faisait tellement froid que Gervaise m’a rentré et c’était tant mieux il faisait meilleur à l’intérieur même si le froid était tout de même présent. Mais l’ambiance aussi était froide, c’est à cette période que Gervaise avait quitté son homme sous prétexte qu’il trouvait la température plus chaude chez Marion ! J’en ai vu des hivers, mais celui là avait été terrible ! Les canalisations d’eau étaient complètement gelées et le matin, on voyait la buée sur les carreaux. Je me rappelle à mes débuts j’étais toujours dans une main et on me mettait ici puis là et encore là j’en ai fait des voyages oh pas très loin ces certains mais entre les chambres, la cuisine, la salle de bain et la cour j’en ai vu des endroits et des mains aussi : plusieurs fois on m’a laissé dehors sous la pluie. C’est comme ça qu’ils ont commencé à m’oublier et à ne plus me promener. Il ne faut surtout pas que je lâche cette année, sinon elle va me remplacer. Gervaise ce n’est pas Jo le rigolo, je l’ai déjà vu jeter pleins d’objets de cette maison.

  3. Halima BELGHITI dit :

    « Je suis un thérmomètre traditionnel comme on n ‘en fait plus aujourd’hui. Je suis de couleur rouge, à l’origine, mais avec le temps ma couleur s’est un peu défraichie …je suis plutôt orangé aujourd’hui. J’aurais dû être recyclé mais le destin en a décidé autrement. Souvent ses enfants me regardent amusement et tendresse « He, oui, les mômes, je fus le thermomètre de votre père » ais-je envie de leur dire.
    Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me souviens avoir en permanence été recouvert de bave d’enfant. A l’époque, j’étais le thémomètre attitré de Martin. Au moindre rhume ou refroidissment du bambin, j’en prenais pour mon grade ! Et hop ! je me retrouvais dans sa bouche et j’en ressortais couvert de bave. De la bave, encore de la bave, toujours de la bave ! On me nettoyait et me rangeait dans mon étui en platique rouge et j’avais une place privilégiée dans le premier tiroir de la table de chevet de Martin…Au cas où.. J’en arrivais à prier le Dieu Celsus pour que le petit n’ait plus jamais de fièvre, pour ne plus avoir à retourner dans sa bouche pleine de bave. Il faut dire que j’en ai été traumatisé de toute cette bave. J’en faisais même des cauchemars la nuit. Je rêvais que j’étais enseveli sous une tonne de bave mousseuse. On aurait dit qu’il ne pouvait pas s’empêcher de me baver dessus, même si je ne restais pas bien longtemps sous sa langue ! Mais c’était un mioche, alors il bavait… Et j’avoue que cela a été ainsi toute ma vie…Jusqu’à ce que Martin ait atteint un âge raisonnable pour ne plus m’utiliser, moi, le thermomètre de son enfance… Devenu adulte, il s’est offert un thermomètre moderne, digital, profilé…presqu’élégant ! Je me suis dit que mon heure était venue…que j’étais bon pour le recyclage…Au moins, la bave, c’est fini et bien fini !
    Il faut savoir se retirer lorsque l’amour est desservi dit le poète…Mais non ! Je me suis trompé ! Au nom de toute cette bave qu’il m’a mis dessus Martin m’a gardé…Il s’est marié, a eu trois moufflets, tous me vouent un respect et une considération sans bornes. Pensez-vous! Je suis presqu’un objet de collection ! Ils ont l’interdiction de me toucher ou de jouer avec moi. De temps en temps, il leur arrive de me secouer « pour faire comme avant » qu’il disent et voir si mon aiguille fonctionne toujours et puis ils me reposent gentiment à ma place. Je trône comme un objet décoratif dans la chambre de leur père, sur sa commode et lorsqu’on y vient, Martin aime à me présenter à ses invités en disant  » c’était mon thérmomètre lorsque j’étais petit » …Et d’ajouter : » Que voulez-vous je suis un sentimental ! »

    Halima BELGHITI

  4. Gwenaëlle dit :

    Raconter mes mémoires ! Mais quelle bonne idée ! Petit thermomètre mural en métal blanc, accroché au rebord de la fenêtre abrité du vent et du soleil tapant. Je suis a l’aise par tous les temps et fiable à cent pour cent. Tous les matins la maîtresse ouvre les volets et prends ma mesure ‘Oups -3°, j’dois encore gratter mon pare-brise, j’vais être en retard ! Couvrez vous les enfants, il fait froid ce matin’, ‘ah, il fait 9°, j’vais tenter une jupe aujourd’hui, il a l’air de faire plus doux’, ‘il fait encore 25° ce soir, trop chaud pour dormir !’ indispensable et complètement intégré à la vie familiale.. Mais ça c’était sans compter sur l’arrivée de la station météo.. Bien au chaud dans le salon, elle donne la température de l’intérieur ! Alors moi, je fais toujours mon travail consciencieusement mais plus personne n’y fait attention, ou une fois comme ça, par hasard.. je suis un peu triste mais je me console vite. Et je ne l’envie pas la station météo, il est monotone son cadre de vie, coincée sur le haut du bureau entre les papiers et le téléphone. Moi tous mes matins, tous mes midis et tous mes soirs sont différents, entre le soleil, la pluie, la neige, le gel, la lune, les étoiles, le chant des oiseaux, le vol de la mouche ou le hérisson nocturne, il se passe toujours quelque chose, et quelle que soit la température, j’apprécie ses hauts et ses bas, ses sautes d’humeur, je suis son complice et je l’affiche. Pour rien, par plaisir ! Mais je me fais vieux et je commence à avoir du mal à faire monter ou redescendre le mercure. Bientôt je resterai bloqué au -4° et je subirai les variations sans plus de réaction, jusqu’à ce que quelqu’un réalise mon inutilité et me jette aux ordures. Juste mesure !

  5. Marie-Ange dit :

    Que je suis content d’être né à cette époque !!! Mon grand-père m’avait raconté sa vie… toujours à des endroits… pas très glorieux, dirons-nous, sauf que, parfois il se trouvait sous des bras, mais pas souvent, me disait-il, de plus il fallait attendre plusieurs minutes ; il le regrettait, d’ailleurs, mais il paraît qu’il était moins efficace !!! Je veux bien ! et son coeur manquait de lâcher car à chaque fois on le secouait comme un prunier « pour faire redescendre le mercure »… je te demande un peu !!!
    Mais moi, on me pose sur le front et toc… j’affiche le résultat ! N’est-ce pas super ? Pas besoin d’attendre dans un tunnel en étouffant à moitié (moi j’aurais eu l’impression d’être puni !!!) ; tout le monde est heureux… n’est-ce pas le principal ? Vive le 21ème siècle !!!

  6. Antonio dit :

    J’ai passé vingt ans de ma vie au frigo, le moral en dessous de zéro.
    Vingt ans à attendre que la porte s’ouvre pour ma balade quotidienne, pour cette bouffée d’air tempéré, qui me laissait espérer à une vie possible à l’extérieur, un jour.
    Trois minutes, pas plus, le temps que le geôlier me pose sur la table, relève ma température et l’inscrive sur son ardoise. Trois minutes pour une sensation extrême, un frisson indescriptible, une bouffée de liberté, le temps de soutirer à l’air ambiant une taffe de un ou deux degrés.
    Et puis je rentrais à nouveau dans ma cellule retournant à mon état de trente-sixième dessous.
    Ainsi a été ma vie durant vingt ans, jusqu’au jour où le froid s’est fait la malle.
    Il avait bien prévu son coup, le salaud ! Un dysfonctionnement des résistances électriques avec la complicité d’un ohm-mètre qui bernaient les gardiens lors des maintenances.
    Ce matin-là, le froid s’extirpait de sa cage au fur et à mesure que les viandes pendues à leurs crocs de boucher suintaient par tous leurs pores, agonisant. Je sentais la pression monter en moi, j’étais excité autant que j’avais peur de ce qui était en train de se passer.

    Lorsque soudain, l’alarme s’est déclenchée, mon sang n’a fait qu’un tour, tout s’est passé très vite.
    La porte s’est ouverte, le geôlier m’a saisi, regardé fixement et dans un geste d’énervement, jeté sur la table.
    J’ai rebondi, une fois, deux fois dessus, et me suis ramassé la tête la première sur le béton.
    L’occasion était trop belle, je n’ai pas demandé mon reste, je me suis cassé !
    Désormais j’affiche treize degrés Celsius, figés dans le Mercure, au milieu de ce bac à déchets de toutes sortes, d’où je vous conte mes mémoires, enfin libre !

  7. Alain Laboile dit :

    Je me souviens de l’arrivée de Red, un de ces modèles à alcool coloré en rouge pour faire« genre ».
    D’abord j’étais méfiant, puis, le petit jeune s’est révélé être un compagnon de route avide de savoir et très respectueux.
    Au début, je lui montrais le boulot, on faisait nos sorties ensemble, j’étais son mentor.
    Mais très vite, mes sorties se sont espacées, je ne faisais plus que de la validation de mesure.
    Ce rôle de contrôleur, je l’ai mal accepté, je me suis senti vieux et mes relations avec Red se sont un peu refroidies.
    Et puis sont arrivées ces espèces de pimbêches,
    Les unes bourrées de technologie qui, coiffées d’un préservatif, bippent quand elles effleurent une oreille et les autres maigrichonnes que l’on dépose délicatement sur le front.
    Quand elles ont su pour « l’orifice », elles se sont mises à l’écart.
    Là, en plus de me sentir vieux je me suis senti sale.
    Le point positif c’est que tout ça nous a rapproché, Red et moi.
    Relégués au fond du tiroir, on revisite le bon vieux temps comme un vieux couple en attendant le recyclage.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Répondez à ce calcul pour prouver que vous n'êtes pas un robot *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.