355e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Une ortie ayant irrité tout l’été
se trouva fort racornie
quand la froidure de l’automne fut venue.
Elle alla…
Inventez la suite en imitant le style de Jean de La Fontaine
Chaque proposition d’écriture créative est une bataille contre la routine et l’endormissement de l’imagination. Un petit combat pour maintenir en vie l’enthousiasme d’imaginer, d’inventer, de créer.
Une ortie ayant irrité tout l’été
Se trouva fort racornie
Quand la froidure de l’automne fut venue.
Plus un seul troupeau à supplicier
Ni même un morceau de peau à préjudicier
Elle alla chercher de l’acide formique
Chez la seringue hypodermique
Lui demandant de se délester
De quelques gouttes pour infester
Jusqu’au printemps prochain
Je vous les rendrai à la Saint-Sylvain
Je vous donne, juré, ma parole
Ou que je sois frappée par la vérole
La seringue n’étant point généreuse
Demanda à l’acquéreuse :
« Qu’avez-vous donc fait durant l’été
Au lieu de, comme moi, budgétiser ? »
« Aux marcheurs je donnais de l’urticaire
et enrichissais les apothicaires »
« Vous irritiez ? Comme c’est charmant !
Eh bien, vous pouvez vous gratter maintenant »
Le scooter et le corbeau
Un président qui aimait bien les tiques,
Se trouva fort dépourvu de son quinquennat,
Dut faire la bise à celui des fromages.
– Vous pourrez voir, je courberai le chômage,
se vanta ce dernier, dessous sa gomina.
– Chiche ! répondit enjoué, l’autre loustic.
– Comme chevalier, je partirai en scooter,
Je chercherai des statistiques bien gaulées.
– N’importe quoi ! T’es pas un peu olé olé !
Allez, allez ! Ne fais pas tant de mystère.
– Je montrerai l’exemple à tous les travailleurs.
– Comme ça, tu feras baisser le chômage !
Tu ne nous ferais pas un peu d’enfumage,
Tu ne lancerais pas les dés un peu ailleurs !
C’est pas le chômage que tu feras baisser
Laisse-moi une dernière fois ta place.
– Mais je ne voudrais point que tu me remplaces.
– Moi, la mienne, je la ferai chanter.
Tu ne connais pas bien l’histoire de la Gaule.
Le petit corbeau s’énerva sur son voisin.
Donne ton vermisseau, fais pas ton baratin,
Monta sur l’escabeau, pour changer de rôle.
Depuis, le scooter tourne en roue libre,
Et le petit corbeau, lui aussi est libre !
– Maître Renard, sur un arbre perché,
Tenait en son bec…
– Que me narrez-vous, Monsieur le fabuliste,
Auriez-vous abusé de l’absinthe ?
– Ma mie, un grain de folie met du piquant….
– Justement, vous deviez me conter l’histoire
De « L’ortie et la libellule ».
– Oh ! Ma mie ! Veuillez me pardonner !
De cette nouvelle fable, je n’ai que les paroles,
Pas la musique.
– Que me chantez-vous, Monsieur le fabuliste,
Auriez-vous abusé de chichon ?
– Oh ! Ma dame ! Vous avez le don de m’irriter !
J’espère que cela ne va pas durer tout l’été, car…
– Car…quoi ?
– Euh ! Car…quand la froidure de l’automne sera venue
Vous serez fort racornie.
Flèche empoisonnée.
Une de plus. Une de trop.
Elle ne répondit pas.
Le soir venu, elle lui mitonna une soupe aux orties.
– Délicieuse ! Fabuleuse !
Pour vous remercier de cet excellent potage,
Je vais vous dévoiler le récit de mon œuvre :
« L’ortie et la libellule ».
– Je vous en saurais gré…
Il ouvrit la bouche.
Hurlements de douleurs.
Il trépassa.
Libérée !
La vengeance est un velouté qui se mange chaud.
Une ortie ayant irrité tout l’été
se trouva fort racornie
quand la froidure de l’automne fut venue.
Elle alla trouver refuge chez le chardon son voisin.
Plus un seul petit morceau, d’azote biodisponnible.
Le chardon, plus expérimenté, s ‘était logé au beau jour, sur un beau tas de compost.
L’ortie, maline, s’adressa au chardon :
-bonjour Monsieur le chardon, que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre enracinage se rapporte à votre feuillage, vous êtes le phénix des autres de ces terres.
A ces mots, le chardon fut tout émoustillé. Et pour montrer ses belles racines, sorti de terre tout aussi sec.
L’ortie pris aussitôt place profitant ainsi du chemin fait pour ses racines mais aussi des bienfaits nutritifs.
-Mon bon monsieur, apprenez que tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute.
La chardon racines à l’air, jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue….
Elle alla…
Elle s’en alla trouver Jean de la Fontaine, le fabuliste réputé.
– Cher maître, n’auriez-vous pas, pour mes heures à venir,
Un rôle que je puisse tenir ?
Telle Fourmi, comparse de la cigale ou mouche, accompagnatrice du coche…
– Hélas, dame Ortie, tous les rôles, à mon bon savoir
Depuis belle saison, aux intermittents du spectacle ont été attribués.
Mais allez, je vous prie, de ma part, voir mon ami Hugo,
Frappez à la porte de Victor ; je crois savoir qu’il aime
L’araignée et l’ortie parce qu’on les hait …
Un peu moins irritée, un peu moins courroucée
L’ortie se rendit chez le poète et frappa à sa porte
Lui quémanda une place dans quelque strophe.
– Hélas, lui répondit Hugo,
Je viens de mettre le point final à mon poème.
Mais si quelques mots peuvent vous réconforter
Je vous offre en gage, la primeur de sa fin :
« Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour ! »
A l’instant-même où l’ortie s’en alla, un peu moins courbée,
Hugo, dans un mouvement de largesse, lui confia :
– Allez, je vous prie, de ma part, voir mon ami Ronsard,
Il écrit, je crois, une ode à Cassandre
Et même si de son cœur elle est la Belle, de piquant, elle ne manque point.
L’ortie s’en alla, pleine d’espoir, retrouver l’ami Pierre.
– Hélas ma mignonne, soupira-t-il, après tant de souffrances,
Je n’ai qu’un conseil à vous donner, prenez soin de vous…
« Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté. »
Le Prince des poètes la vit s’en aller, triste et désemparée.
– Allez, je vous prie, de ma part, voir mon ami Saint-Exupéry
Son Petit Prince n’est pas encore au bout de ses rencontres.
– Mille merci au poète des Princes, lança l’ortie en redressant sa pointe flétrie.
Sur l’astéroïde 355- 09- 21, l’ortie se posa.
L’écrivain trempait sa plume dans l’encre d’une nuit étoilée.
Sur la table, l’ortie se glissa, aussi douce que le mouton, soufflant un parfum suave
Quémandant d’une voix à peine sifflante
Une petite place sur une planète, même encore inconnue.
Mais l’aviateur, d’un geste las, l’expédia au fond du puits.
Dépitée d’être ainsi rejetée
L’ortie se tourna vers l’ultime recours : un saint. Un vrai, un vénéré, tout de rouge vêtu.
Prompt à exaucer les voeux en échange d’un infime don. Saint-Expédit
Profitant d’un vol migratoire vers l’Ile de la Réunion,
Elle s’en alla vers les Hauts, fit halte devant un autel fleuri
Demanda grâce pour affaires pressantes.
En échange de quoi, elle offrirait un brin de son éclat retrouvé.
Dans le bruissement des poinsettias flamboyants, un murmure s’éleva.
L’ortie, retrouvant sa superbe, Saint-Expédit remercia.
A tire d’aile, elle rejoignit le pays de la petite sirène
De ses yeux verts, l’ortie admira les danses gracieuses des cygnes
Sur les eaux pareilles à des nappes d’argent.
Puis, sur le bord de la fenêtre d’une maison de bois elle se posa.
Sur une page envolée, elle lut : Les cygnes sauvages.
Elle prit peine en regardant ce géant blond, en manque d’inspiration,
Tête penchée au-dessus de pages blanches.
Elle s’avança vers lui et murmura :
« Alors, Morgane dit à Élisa que ses frères pouvaient être sauvés si elle tressait à chacun d’eux un manteau d’ortie et si elle gardait le silence pendant tout ce temps … »
Le vent pouvait souffler, la bise pouvait cingler,
La promesse était tenue
L’ortie pouvait danser !
© Clémence
Une ortie ayant l’irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue. Elle alla pleurer chez son voisin le trèfle, lequel essaya de lui faire entendre raison. Tu fais partie de la famille des Urticacées quand même.
Celle-ci lui répondit que lui faisait partie de celle des Fabacées et qu’il était une des enseignes des jeux de cartes : cœur, pique, carreau, trèfle. C’est quelque chose quand même qui doit te remplir de fierté ?
Je n’y avais jamais pensé tu vois.
Et puis maintenant les jeunes se font tatouer ton enseigne sur les membres, je n’en ai vu aucun s’être fait tatouer une ortie.
Il paraîtrait aussi que tu as été un ornement rigide en forme de trèfle, fait de passementerie renflée, porté en guise d’épaulettes par les hommes de troupe de la gendarmerie et de la Garde Républicaine.
Oui mais dans les champs de blé on m’élimine de vilaine façon parce que les cultivateurs disent que je nuis à leurs récoltes.
Tu sais personne n’est immortel, pas même ces cultivateurs qui s’acharnent sur toi.
Et puis je n’ai pris naissance en Provence et dans le Roussilon que dans les années 1750. Alors que toi Dans l’antiquité, l’ortie était une plante vénérée. Les grecs, qui en étaient très friands, la consommaient comme légume au printemps ; et le naturaliste romain Pline l’ancien, précise dans sa monumentale Histoire Naturelle que l’ortie était « d’observation religieuse pour beaucoup », et censée protéger des maladies pour l’année.
Au Danemark, on a même trouvé la tombe d’un dignitaire du néolithique vieille de 2800 ans. Son squelette était enveloppé dans un linceul en fibre d’ortie.
En Allemagne selon la légende tu étais censée protéger de la foudre
Et puis Victor n’a-t-il pas dit « Un jour qu’ il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties. Il : C’est mort. Cela serait pourtant bon si l’on savait s’en servir. Quand l’ortie est jeune, la feuille est un légume excellent ; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d’ortie vaut la toile de chanvre. Hachée, l’ortie est bonne pour la volaille ; broyée, elle est bonne pour les bêtes à cornes. La graine de l’ortie mêlée au fourrage donne du luisant au poil des animaux ; la racine mêlée au sel produit une belle couleur jaune. C’est du reste un excellent foin qu’on peut faucher deux fois. Et que faut-il à l’ortie ? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement la graine tombe à mesure qu’elle mûrit, et est difficile à récolter. Voilà tout. Avec quelque peine qu’on prendrait, l’ortie serait utile ; on la néglige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que d’hommes ressemblent à l’ortie ! – Il ajouta après un silence : Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.
Alors crois-moi tu dois être fière d’avoir tant de propriétés bénéfiques aux humain(e)s.
Et puis au printemps tu retrouveras fière allure et des cueilleurs viendront te récolter.
Soudain la nuit tomba et nos deux bavards s’endormirent, peut-être dans les bras de Morphée.
La raison du plus fort est toujours la meilleure
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Une ortie se prélassait
Sur le bord d’un chemin cabossé.
Un homme survint, d’un pas bien cadencé
Et que les fleurs en ces lieux attiraient.
Qui te rend si hardie de troubler mon passage ?
Dit ce passant plein de rage :
Tu seras châtiée de ta méchanceté.
Monsieur, répond l’ortie, que votre civilité
Retienne votre colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que d’ici peu je serai fanée,
Je suis là à protéger
Les fleurs que l’on voudrait couper ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler votre horizon.
Tu la troubles, reprit cet homme courroucé
Et mon jeune fils tu piquas l’année passée.
Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas née ?
Reprit l’ortie, je ne parus que cet été.
Si ce n’est toi c’est donc ta sœur.
Je n’en ai point. C’est donc quelque autre fleur :
Car vous ne m’épargnez guère
Vous, et vos piquants délétères.
Je l’ai bien dit, « il faut que je me venge !»
Là-dessus, au fond du panier
L’homme l’emporte et puis la mange,
Dans une soupe bien maniée.
©ammk
Joli!! Félicitations!
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie,
Quand la froidure de l’automne fut venue,
Elle alla à petit pas,
Honteuse et silencieuse
Frapper au bureau des simples et des saisonniers.
Evidemment de fanfaronner tout l’été
Son chemin était tout tracé.
En la voyant passer, quelque peu déprimée
Les bonnes gens bien attablés ne manquaient pas de s’indigner :
Encore une paresseuse venant quémander quelques deniers
Cela coutait fort cher à la société.
A peine arrivé,
On lui indiqua de se présenter à la cellule de crise des urticacées
D’usage alimentaire elle n’était plus acceptable
De prétendante pour la pharmacopée elle était périmée
De reconversion pour la confection, elle était dépassée
Le conseiller tenta de la questionner :
Ma belle qu’avait vous fait pendant tout l’été ?
Je me suis protégé de la société répliqua la malheureuse
N’avait vous point songé à vous adapter ?
J’ai préféré lutter rétorqua farouchement l’effrontée
C’est une belle idée mais voyez où cela vous conduit !
N’est ce point préférable que de servir de diner à la haute société fustigea la belliqueuse
Vous n’êtes point en mesure de les affronter pauvre herbacée,
Soyez heureuse de votre temps, autrefois vous auriez terminé sous la lame d’une faux bien aiguisée clama avec vigueur le haut dignitaire du haut de son guichet
Nos conditions ont peu changé, autrefois égorgées, aujourd’hui nous sommes exploitées marmonna la pauvrette
Suffit hurla le conseiller !
L’indigné baissa les yeux et n’osa répliquer
Je vous octroie une dernière opportunité dans le domaine financier
Dame ortie s’inclina et consulta l’offre
« Industrie en pleine essor cherche d’urgence des fibres résistantes pour fabriquer de jolis billets «.
Moralité : la raison du plus riche est toujours la meilleure !
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue.
Pas un seul petit morceau de moche ou de vert puceau. Elle alla causer disette avec le chardon, son cousin, l’implorant de lui octroyer quelque germe pour surnager jusqu’à l’époque printanière.
« Je casquerai, lui dit-elle, avant l’out, foie d’alcoolique, dette capitalisée. »
Le chardon n’est pas bailleur, c’est sa coutumière radinerie.
« Que faisiez-vous lors des conditions atmosphériques décrites par toutes les météos régionales et nationales comme très ensoleillées, limite caniculaires ? » dit-il à cette emmerdeuse.
Nuit et jour, à tous les avenants, je me piquais, ne vous défrise, à leur octroyer quelque chansonnette.
En fait, vous friponniez le tout venant de vos piqures assassines. Eh bien, il ne vous reste plus qu’à trouver un stage de formation accélérée en diverses gigues et biguines plus ou moins élaborées….car pour moi, c’est clair, vous allez valser.
Une ortie ayant l’irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue.
Elle alla trouver sa voisine, qui, comme elle aussi semblait donner quelques signes de fatigue.
« N’aies crainte mon amie, ainsi va la vie.
A chaque saison son labeur. Pour nous il sera bientôt l’heure.
Une autre vie nous attend. Attend d’être cueillie et déposée dans le panier d’Hortense.
Tu verras, ses gants fleuris nous ravissent, elle nous traite avec tant de bienveillance !
Après toutes les insultes que nous avons essuyées cet été, c’est une vraie bénédiction je t’assure.
Et puis ensemble nous sécherons, allongées dans son salon.
Et quand le moment sera venu, nous plongerons dans un drôle de sachet avec une fenêtre par laquelle nous continuerons de voir où nous allons car le chemin sera encore long.
Nous serons posées pour un temps que l’on ignore sur des rayons prêts d’autres plantes, d’autres espèces. C’est un moment inoubliable faits de bien belles rencontres inespérées, pleine de bonheur, des fleurs et des feuillages venus d’ailleurs.
Et puis tu verras les visages, les yeux de ceux qui nous cherchent, de ceux que l’on soulage. Des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes qui nous saisirons avec délicatesse pour nous déposer dans un chariot jusqu’à la caisse.
Et tu partiras pour un dernier voyage. Au fond d’une tasse, tu donneras tout ce que tu as de meilleur , tu soigneras celui qui à son tour ne nous manquera plus de respect et tu contribueras ainsi à nous rendre toute notre noblesse. »
La rose et l’ortie
L’ortie ayant squatté
Tout l’été
Se trouva toute chose
Quand vint une rose
Pas un seul de ses dards
Ne put trouver rempart
Ni contre son parfum
Ni contre son destin
Pas un seul brin de séduction
Encore moins de discussion
A se mettre sous la dent
En plus du désherbant
Elle décida de frapper à sa porte
« Il faut que tu me réconfortes
Donne-moi ton carnet d’adresses. »
– Tu piques trop les fesses
Répondit l’envoutante
Ne reste pas dans l’attente
A guetter ta prochaine proie
Cherche-toi un nouvel emploi
Fais toi diurétique
Retrouve tes vertus antiques
Moi, je suis futile
Toi, fais toi utile
Elle dirigea l’ortie
Tout bonnement vers la sortie.
Moi, écrire en vers ? Que nenni dit l’ortie, point d’Ésope pour m’inspirer comme La Fontaine qui lui, ma foi, en usa bien et en tira grand profit.
Je n’étais qu’une innocente petite ortie, blanche comme une oie.
C’est vrai, j’étais gentille moi, je ne faisais que rendre service avec mes tisanes bonnes pour les reins, les rhumatismes, la prostate, les produits de beauté. Je n’étais ni fière ni snob, je n’habitais pas les beaux quartiers, je poussais discrète et tranquille dans les décombres, dans les friches. Des endroits où il y avait si peu de visiteurs que vraiment je n’ennuyais personne.
C’étaient plutôt les autres qui me perturbaient, surtout les gamins explorant les ruines pour y inventer des jeux inédits.
Oh, ils me piétinaient bien un peu mais c’était involontaire, et pour avoir la paix je me gardais bien d’agresser leurs mollets. Leurs cavalcades parmi les vieilles pierres et les vieilles planches ne duraient jamais très longtemps. Même elles me distrayaient et me faisaient vivre quelques moments un peu moins solitaires.
Je n’avais jamais voulu faire de mal à personne jusqu’au jour où je reçus une autre sorte de visite : deux amoureux qui, ceux-là, firent les frais d’avoir osé froisser ma pelouse et de ce fait, sans doute sans le vouloir tant ils avaient la tête ailleurs, me firent m’hérisser et m’irriter pour la première fois. Ils auraient dû savoir qu’il était déconseillé de forniquer dans les urticacées. Ils eurent tant à se gratter que leur amour s’en trouva défait.
C’est à partir de là que l’on dit de moi que j’étais piquante, méchante, et que je n’aimais pas qu’on me frotta de trop près, malheur à celui qui me foulerait de ses pieds, les chevilles lui en cuiraient.
Enfin survint le drame lorsqu’arrivèrent deux malappris poussant péniblement une brouette. Sur le coup, je crus qu’ils venaient déverser des gravats. Bof, un peu plus ou un peu moins… Je compris qu’elle était mon erreur lorsque je les vis dévirer la brouette et balancer cul par-dessus tête leur grand-mère dans mes orties.
– Oh la ! Faut pas faire ça !
– faut pas faire quoi ???
– faut pas pousser Mémé dans les orties, ça ne se fait pas
– Hé toi, ta gueule espèce de p…….. d’ortie !
Gonflés les gars, me jeter à la figure que j’étais une p………. d’ortie, et en plus, moi naïve, qui crus qu’ils me traitaient de purin d’ortie.
Mon Dieu, me faire parler sur ce ton alors que j’étais quelqu’un de bien, si vous ne me croyez pas, demandez au corbeau, au renard, au loup, à l’agneau, à la belette et au petit lapin ainsi qu’à tous les animaux qui étaient malades de la peste et que j’ai sauvés avec mes décoctions.
Ça m’a complètement démoralisée et ôté tout goût de vivre.
Avant que de vieillir trop décrépite et perdre mes derniers pouvoirs irritants, je partis guillerette finir ma vie en omelette.
Et il a fallu cette saleté de fourmi pour se trouver sur mon chemin et se mêler de tirer la morale : « vous piquiez, j’en suis fort aise et bien cuisez maintenant »
Une ortie ayant l’irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue.
Elle alla …Discuter à son amie juste à côté.
Ne soyez pas triste, lui dit l’autre, vous êtes racornie mais point blette, bientôt, si vous vous faites belle pour mourir, c’est notre sort à nous les orties en début d’automne, et bien vous verrez.
– Je verrai, que je serai fauchée ou arrachée ou meurtrie par le froid sans pitié et sans regrets.
Mais, si le soleil d’automne sublime votre couleur, parce que vous avez envie d’être encore belle, vous verrez un homme, pas comme tout le monde, un chef, d’ailleurs vous êtes chez lui, dans son jardin. Il viendra vous cueillir, délicatement, avec amour. Vous mourrez, certes mais, dans un hommage divin. Il sublimera ce que vous avez été et vous vous transformerez pour ne jamais mourir puisque l’on se souviendra de vous comme un met exceptionnel. Vous allez ravir des convives, vous allez devenir souvenir de douceur, d’odeurs, de caresse de palais.
– D’où savez-vous tout ceci, de grâce, parlez.
Vous savez que nous repoussons, nos racines sont solides, elles racontent aux feuilles et ainsi de suite, c’est notre descendance et je vais vous conter une histoire, celle que notre cueilleur a conté à notre lignée, parce qu’il vient nous parler, à nous, les orties.
C’était une magicienne, elle était à la cuisine ce que les roses sont en été. Les parfums qui exhalaient de ses marmites mettaient ceux qui les humaient dans un état second. Nulle autre que grand-mère ne pouvait l’égaler son talent. Elle était mon mentor, l’exemple vivant qu’on pouvait aimer de mille et une façon. Je l’admirais, d’abord parce qu’elle était matinale.
– La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt me susurrait-elle à l’ oreille !
Et moi, son petit-fils, loin de lui trouver tort, je peinais pourtant à me lever même à 9 heures les jours de vacances où, chez elle, j’apprenais la vie mais, surtout, les odeurs, les sauces, les liants et tout ce qui plus tard allait constituer ma vie professionnelle et presque amoureuse puisque j’allais devenir un chef reconnu pour un plat tout particulier que je mettais à l’honneur dans chacun de mes menus : « La soupe à l’ortie ».
Cette herbe me parlait, elle était devenue mon amie, plus, ma confidente. A tel point, que je me demandais lorsque je fus piqué par elle dès mon plus jeune âge ne ressentant que peu de douleur juste, un picotement amusant si, cela était normal. Sans doute que oui, parce que grand-mère m’avait vaccinée à l’ortie. Elle la prenait en main par les queues, avec délicatesse, la rinçait, la coupait si petite avec son gros couteau qui à l’époque me faisait une peur bleue puis la moulinait après l’avoir fait cuire à petit feu dans une eau frémissante. Elle lui ajoutait la crème et moi j’y jetais avec crainte puis plus tard avec amour, du bon lard grillé et des épices. Elle parlait à sa soupe d’ortie et moi, je continue par déférence, à lui parler, je la remercie, ma bonne soupe à l’ortie qui m’a fait connaître et reconnaître. Grâce à elle j’ai reçu une médaille. Aujourd’hui dans le petit village où fleurissent toujours des orties et bien entendu dans mon jardin, qui font ma popularité, il est question de créer, la confrérie de l’ortie. Belle reconnaissance pour une plante sans grâce, à la popularité hérissée à l’évocation de son nom. Merci à toi, ma belle ortie.
– Hum, soupira l’ortie, je me sens prête. Prête à mourir ou, plutôt prête à devenir souvenir et pourquoi pas, prête à se souvenir qu’il faut un jour mourir.
Une ortie ayant piqué
tout l’été
se trouva fort racornie
dès que l’automne a surgi.
Plus un seul morceau de peau
se couvrant d’impétigo
elle alla crier sa haine
chez son ami la Fontaine
le priant de lui donner
des clients de qualité
pour les envoyer presto
chez le meilleur dermato.
Je vous dirai, lui dit-elle,
piquant sa curiosité,
comment on peut provoquer
une excitation charnelle
à l’automne quand le temps chaud
nous fait brusquement défaut.
C’est une fable !, dit La Fontaine
qui n’en croyait pas un mot.
Vous piquiez, j’en suis fort aise,
cependant pour les morales
je suis devenu un blaireau,
allez donc voir la cigale !
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue.
Elle alla trouver son dermatologue et lui dit:
« Docteur,j’ai irrité,urticairé tout cet été et maintenant je n’ai plus de tonus,me voilà toute racornie comme vous pouvez le constater.
J’ai regardé sur MILLE.ET.UN @ BOBOS.com l’on m’a conseillé du magnésium purifié ainsi que des bains d’huile essentielle de millepertuis du Pérou, mais ça ne donne pas grand chose.
Le médecin ulcéré,lui répondit:
– Qu’est ce que c’est que ces balivernes,du millepertuis et pourquoi pas du pipi de chat pendant qu’on y est?
Si vous pensez que votre ordinateur en sait autant sinon plus que moi,pourquoi venir me faire perdre mon temps?
– Ne vous échauffez pas dit l’ortie,contrite,j’ai été maladroite mais je souffre tant et j’ai besoin de votre aide
– Ah!quand même. A mon avis dit le spécialiste,il vous faut une cure thermale à la Bourboule,vous avez besoin de détente et d’une bonne eau aux vertus reconstituantes pour vous désenracornir. »
Une demande de prise en charge fut faite sur le champ.
Un mois plus tard notre herbacée barbotait dans des eaux chaudes et tumultueuses,plongeait dans des piscines de boue onctueuse.
L’on avait proscrit les massages afin de préserver l’épiderme du personnel.
Pendant trois semaines l’ortie se dorlotât, dormit du sommeil du juste,visitât la région,y retrouvât des cousines dans quelques fossés encore verdoyants.
Pleine de vigueur, elle partit chez elle replanter ses racines dans son environnement habituel,ravie à l’idée de passer l’hiver au calme afin de reconstituer son stock d’acide formique pour les beaux jours où l’attendraient moult mollets et mains tendres à caresser à sa façon.
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue.
Pas le moindre passant à se mettre sous la dent
C’était navrant, décidément !
Pensant soudain trouver refuge
Chez son voisin et grand ami le juge,
Elle le pria de lui donner juste conseil,
Vu son bel esprit constamment en éveil.
Sans que cela, toutefois, ne lui coûtât trop cher
Car elle n’était, hélas, pas rentière !
Celui-ci réfléchit, se gratta le menton,
Pour conclure doctement qu’on avait changé de saison !
Certes les joggeurs, promeneurs et autres maraudeurs
Se feraient plus rares, et les mangeurs
De soupe iraient chercher ailleurs
D’autres légumes pour, à leur table, faire honneur.
Qu’elle en profite pour soigner sa santé,
Passer l’hiver sans s’inquiéter, se refaire une beauté.
Tiens, peut-être même trouver le bonheur
Sous un ciel qui serait de meilleure humeur.
Pourquoi ne pas s’offrir une croisière ?
Prendre le bateau et traverser la mer
Vers ces immenses plages de sable blond
Où se prélasser sans vergogne il fait si bon !
Là elle pourrait enfin reposer ses piquants
Qui avaient tant martyrisé les petits et les grands
Et patati, et patata…
Ragaillardie, elle le remercia
Et fila s’acheter un billet de train
Pour ce joli pays qu’il avait dit « lointain ».
Depuis longtemps, c’est sûr, elle en avait rêvé,
Mais sans jamais y croire, d’aller un jour le visiter.
Le juge, promptement, s’en retourna à ses affaires
Content d’avoir pu si aisément la satisfaire.
Les gens souvent se font bien de l’inutile misère
A s’interroger bêtement sur de piètres affaires
Au lieu de faire simplement leur bagage
Pour aller voir du paysage.
Bon week-end, Christine
Excellent mercis
Merci Odile : en retour, compliments pour votre texte ravissant, le Grand siècle nous a joliment inspiré !
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure fut venue. Elle alla en se penchant conter ses malheurs à son voisin, le mais, qui la courtisait au printemps.
» Ah ma mie, je voudrais tant faire mais ne le peux point. Bientôt serons récoltés et c’est tant pis. Vous risquez votre vie ma pauvre amie, à vous pencher ainsi. Quand la faucheuse passe, point de sursis. Il faudrait de l’eau, de la pluie. Je crains qu’elle n’arrive trop tard, une fois la récolte passée et quand nous serons tous allongés. » Il se tut un instant.
» Vous êtes chanceuse, n’ayez crainte pour votre survie, vos racines fortes et profondes vous laissent quelque chance de résistance. Nous, malheureux annuels, devons mourir et laisser la place au suivant. Des blés, je crois. Après le labourage rien ne reste de notre passage. » Il s’arrêta essoufflé.
» Ayez grand merci de nous avoir protégé en piquant des mains voleuses qui viennent nous chercher piur quelques bouquets. J’aimerais vous aider mais ne le puis. En me secouant je ne ferais que vous étouffer de poussières. Le temps pourrait changer, espérons la pluie, priez si vous croyez sinon pleurons, adieu ma mie. »
La pauvre ortie se coucha et d’entendre ses tristes nouvelles, ne se releva pas. Le maïs, lui passa à la machine et fut broyé avant de finir au four, grillé. Dans la semaine le champ fut labouré, laissant à nu la terre retournée.
Une ortie ayant irrité tout l’été se trouva fort racornie quand la froidure de l’automne fut venue. Elle alla…
Promptement là
Où se repiquer les pointes
Chez Pointaigüe la cigüe
Qui de vive écume l’a ointe
« Bien l’bonjour dame Pointaigüe
Bien longtemps qu’on n’s’étaient vues
As tu bien empoisonné
Les ignorants tout l’été? »
Pointaigüe se montra fière
De se montrer en sorcière
Et d’énumérer les restes
D’idiots sans plus aucun geste
« Et toi dame Orticutie
As tu bien piqué les vies
Des baladeurs piétinants
Qui marchent nonchalamment? »
Orticutie lui montra
En guise de signe immédiat
Ses pointes toutes racornies
Qui semblaient en agonie
Pointaigüe oeuvra alors
À réparer les efforts
d’Orticutie toute souffrante
d’avoir tant été méchante.
C’est alors que vint par là
Deux bobos en mal de bois
De nature et de bien-être
Qui cherchaient au pifomètre
Des plantes dans le grand bocage
Pour en faire quelque potage.
A la vue d’Orticutie
Se regardèrent tout réjouis
Ramassèrent les quelques pointes
Qui venaient juste d’être ointes
Pointaigüe fut aussi prise
Car elle aussi est exquise.
Moralité : faites le mal et vous mourrez pour le bien d’autrui.
Excellent c’est tout fait dans le style et fort amusant. La morale me plait beaucoup. Mille mercis
Merci Odile!