Exercice inédit d’écriture créative 247
Du sang plein les mains,
l’innocent, sur le lieu du crime,
jurait qu’il n’y était pour rien.
Que ce n’était que du sang d’encre,
mais nul ne voulait l’entendre.
Ça ne pouvait être que lui, l’auteur…
Inventez la suite
Du sang plein les mains,
l’innocent, sur le lieu du crime,
jurait qu’il n’y était pour rien.
Que ce n’était que du sang d’encre,
mais nul ne voulait l’entendre.
Ça ne pouvait être que lui, l’auteur…
La chambre est petite, un toit ciel immense sert de passage à la lumière, et cette dernière aujourd’hui est aussi claire que le cristal. L’artiste a les meilleures conditions pour travailler.
En état hypnotique, il la regarde, elle est là, juste devant ses yeux, son corps posé telle une déesse qui éclabousse de sa beauté le décor. D’abord, la couverture blanche étalée sous elle, les plis n’étant formés simplement que pour sublimer la perfection de son corps, voluptueux à souhait. Elle était si belle. Un coussin douillet maintien sa tête dont la rigidité cadavérique prendra bientôt place. Elle est étalée parterre, ainsi il pourra mieux la croquer.
C’est de cette façon, que Magge voulait qu’elle soit.
– Tu es bien ainsi ma chérie ? N’aies crainte, je prendrai le temps qu’il faut, j’y arriverai.
– Non, le sang ne coule pas dans ton dos ou plutôt, c’est fini, j’ai pu remplir un flacon ma bien aimée, te rends-tu compte, un petit flacon que je voudrai boire mais qui sublimera ton corps ! mon œuvre…..
– J’ai nettoyé le couteau, tout est propre, sois tranquille.
Il rit.
Le rire se fait macabre, puis net, le silence. Il ne peut réaliser qu’elle ne répondra plus jamais.
Il tisse maintenant sa folie comme une dentelle.
– Je vais y arriver, ce tableau sera sublime, unique.
Il trempe le fusain dans le sang récupéré, puis ainsi que ferait un enfant joyeux d’avoir en main un trophée, le regard fou, il allonge le bras auquel au bout il tient le fusain, le pose en un point net sur la toile. Une respiration haletante suivie d’un bruit tel un râle, il attaque son trait. Le geste se fait vif, précis, regard vers le corps, trait, regard, souffle puis stop.
– Tout ce rouge, trop de rouge, ça te plaît, toi, là-bas ?
– Parle, réponds, tu dis rien………
Le dément continue, Elle, est toujours aussi belle, rien n’a changé, trois heures durant, le fusain trace d’un geste précis et morbide. Sa sanguine, il y arrive, Il touche du doigt, fusain sanguinaire faisant, son chef-d’œuvre.
Ses mains maintenant tremblent, il a fini, rapproche son nez de la toile, le sent ou plutôt le hume, puis admire son travail, se recule, contemplant satisfait les proportions qu’il lui a données, son modèle n’a plus aucun attrait pour lui, il regarde ses mains ensanglantées, s’essuie sur le devant de son ventre qui réclame besoin, il a faim, très faim, puis soudain pousse la toile juste un peu, regarde interrogativement ce corps qui est devenu un peu plus raide, un peu moins beau, un pas en arrière , il ne comprend rien à rien puis soudain, la tête entre ses deux mains, un hurlement de bête féroce sort de son gosier, si fort si guttural que de suite, on frappe à sa porte proche de lui, les voisins sans doute. Il ne comprend pas.
– Mais cette femme ?
– Mon Dieu, cette femme ?
– Magge, Magge, Magge, les cris sont si désespérés qu’aucune ouïe n’en pourrait supporter davantage.
.
Les coups à la porte se font insistants, dans un élan insensé de terreur il court ouvrir, sa tête est vidée, il tourne la clé les mains couvertes de sang.
Le regard perdu, le dos qui tout à l’heure semblait immense est recroquevillé, sa bouche se tord puis soudain dans un dernier élan, il hurle.
– Je suis innocent, je suis innocent, ce n’est que de l’encre rouge, elle va se réveiller, je vous dis
– .
– Viens Magge, viens mon amour, ils ne croient pas que grâce à toi, je viens de réussir le chef- d’œuvre de ma vie. Mon amour, viens.
Un grand merci à Pascal. Son imagination stimule la nôtre.
Nous, au moins, nous n’attendons pas la rentrée littéraire pour nous éclater.
Toutes les semaines c’est un florilège. Bravo à tous.
Du sang plein les mains, l’innocent, sur le lieu du crime, jurait qu’il n’y était pour rien.
Que ce n’était que du sang d’encre, mais nul ne voulait l’entendre. Ça ne pouvait être que lui, l’auteur…
Hippolyte était très discret sur sa profession. Lorsque quelque curieux lui posait des questions trop pointues, il exerçait l’art de l’esquive avec subtilité.
Hippolyte avait loué une maison dans les environs de Géménos, au pied du Massif de la Sainte Baume. Il avait besoin de faire le point sur sa vie et sur son avenir : tenir ce même cap (foireux) ou virer de bord (audacieux)…
Hippolyte était vautré dans un transat au bord de la piscine, oscillant entre l’octroi d’une journée à ne rien faire et une journée remplie à ras bord.
La camionnette jaune de La Poste klaxonna et le sortit de son inertie. Il se leva, enfila ses espadrilles et alla à la rencontre de la postière. Celle-ci lui tendit une enveloppe où figurait son adresse manuscrite.
Hippolyte s’étonna de recevoir du courrier en vacances, mais il se souvint avoir donné son adresse à son employeur « au cas où »…
Et ce « cas où » semblait bel et bien survenu. Il ouvrit l’enveloppe. Il savait d’avance que seules deux propositions lui seraient présentées.
« Cher ami … et bla bla bla et bla bla bla…
Vous connaissez ma franchise et donc, je n’irai pas par quatre chemins. Votre dernier envoi m’a vraiment déçu. Je m’attendais à meilleur de votre part , à une réalisation haute en couleurs!
Excusez-moi du peu, mais je le trouve sans consistance, sans piquant, sans croquant. Bref, c’est la fadeur incarnée. Et pourtant, je vous avais donné tous les ingrédients pour me produire un mets de haute voltige.
Et qu’ai-je sous les yeux ?
Dois-je vous soumettre quelques mises en bouche ? Je vous cite pour l’exemple…
« Un innocent sur les lieux du crime… » « Du sang plein les mains… » « Il jure n’y être pour rien ».
Soyez réaliste, mon cher Hippolyte. Que ce soit dans la réalité ou dans la littérature policière, tous, innocents ou coupables se déclarent innocents ! Et tous ont du sang sur les mains. Le coupable d’avoir enlevé la vie, l’innocent d’avoir voulu sauver une vie, les badauds de s’être trop approchés avant l »arrivée de la police scientifique.
Cher Hippolyte, reprenez-vous, il est encore temps.
Cent fois sur le métier, remettez l’ouvrage. Je ne puis accepter aucune faiblesse. Mon honneur est en jeu. Et bla bla bla et bla bla bla…. »
Rageur, Hippolyte fit une boulette de ce courrier et la lança dans la piscine. La voyant flotter entre deux eaux, il trouva, en un éclair, l’issue fatale.
– Damned… il m’usera jusqu’à la corde ! Mais rira bien qui rira le dernier. Je ne suis pas de ceux qui se font un sang d’encre pour tout et pour rien !
Après avoir rugi, shooté et punching-ballé dans un fauteuil gonflable, il se servit une verre de vin de Bandol. Tout en le savourant, il se dit qu’il tenait sa vengeance. Saignante à souhait, avec, en prime, la réponse à son dilemme.
Le lendemain matin, il se rendit à Marseille sur le vieux port, lieu de rendez-vous habituel. Une demi-heure plus tard, du sang plein les mains, Hippolyte fit l’innocent. Sur le lieu du crime, il jura qu’il n’y était pour rien.
Que ce n’était que du sang d’encre. Personne ne l’entendait, et pour cause !
Il rentra pourtant chez lui, tout excité. Tout s’était déroulé comme il l’avait espéré. Une heure après, ses mains étaient encore poisseuses. Mais au final, c’était une réussite ! Du travail d’orfèvre, soigné, ciselé et hermétique.
Le lendemain, le colis d’Hippolyte arriva chez son employeur. Il l’ouvrit avec avidité . Il lut le carton signé de la main d’Hippolyte.
« Mes mains, jadis tachées d’un sang d’encre par votre faute, seront désormais innocentes. »
Perplexe, l’employeur ouvrit le paquet et y découvrit un bocal dans lequel se mouvait une jolie seiche.
Hippolyte venait de trucider d’une main franche, son existence de nègre.
Du sang pleins les mains, l’innocent, sur le lieu du crime, jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre, mais nul ne voulait l’entendre. ça ne pouvait être que lui, l’auteur…..
Curieux d’apercevoir l’individu, une foule s’était rassemblée devant la mairie, bâtie au centre du village. A grand renfort de mouvement des mains, chacun y allait de ses commentaires, comme si l’évidence du véritable coupable était faite. Et pour cause! Jean l’innocent, le simplet, faisait à leurs yeux un coupable tout désigné.
Le maire ouvrit la porte principale de la mairie et descendit lentement les trois marches. Son visage, tourmenté en disait long sur la situation de ce meurtre dont il se serait bien passé.
– Allons! allons! déclara-t-il d’une voix assurée, tentant de calmer les esprits de ses administrés, déjà bien échauffés.
Les villageois, surpris par son apparition auquel ils ne s’attendaient arrêtèrent d’un coup leurs polémiques. Certains, cependant continuaient à voix basses leur conversation.
Un regard furieux du maire les firent se taire pour de bon.
– Monsieur le maire… Nous vous croyons avec les gendarmes ! déclara un paysan à la peau burinée.
– Oui, en effet j’y était… et Jean aussi qui à vos yeux faisait de suspect idéal.
– Faisait ? demanda ce même paysan
– Oui, faisait, vous avez bien entendu et c’est comme je vous le dit, Jean n’a rien en commun avec ce crime. Aucun sang sur les mains.
Les villageois qui ne savaient plus que penser, s’agitèrent.
– Mais enfin! insista Anna. nous avons bien vu que ses mains étaient rouges de sang !
A cet instant, Jean ouvrit les yeux en proie à un profond malaise. Il s’assit brutalement sur son lit, le visage en sueur. Son coeur battait si fort qu’il pensa à un malaise. Puis, se souvenant de son rêve, il regarda ses mains avec inquiétude. Alors entre surprise et soulagement il constata que celle-ci étaient de leurs couleurs naturelles.
Il se rendit vite compte qu’il n’avait fait qu’un affreux cauchemar.
Epuisé, il se laissa retomber sur l’oreiller.
Ca ne pouvait être que lui, l’auteur de cette tuerie sans nom.
Il avait beau chercher un alibi pour se disculper, sa couverture portait son empreinte, en caractères gras.
Il était le suspect n°1 (des ventes) et n’en était pas à sa première victime, apparaissant en ce mois de septembre comme un « sérial-seller » évident.
« Mais puisque je vous dis que ce n’est pas moi ! »
Il n’y avait pas de mots pour décrire l’atrocité des coups mortels portés sur sa nouvelle proie, toujours au même endroit.
Un jeune lecteur d’à peine vingt ans qui se promenait sur la page « cent », là où il fut découvert, gisant, le doigt collé sur le coin de la page « cent une » à peine cornée.
Il serait mort d’un ennui profond, d’après les premiers résultats de l’autopsie, comme les autres, lacéré à maintes reprises par une griffe tranchante, une arme retrouvée avec des empreintes de style, grossières (l’homme ne portait pas de gants), en cours d’analyse au labo.
Quatre vingt-dix-neuf pages de tortures portées à l’âme de la victime avant qu’elle ne fût achevée par épuisement jusqu’à l’abattement final sur la page du crime.
L’œuvre d’un véritable psychopathe.
Submergée de descriptions sans queue ni tête, des traces aux pages « quarante-deux » et « quarante-trois » montraient que la proie avait essayé de se raccrocher à un morceau d’intrigue qui flottait. En vain, car l’auteur machiavélique l’attendait au tournant de la page suivante pour lui mettre la tête sous l’eau et l’asphyxier de dialogues à l’eau de rose.
Sans parler d’émanations de phrases soporifiques utilisées systématiquement aux ouvertures de chapitres. Ignoble !
« Je vous jure que ce n’est pas moi. Si je me livre à la police c’est pour faire part d’une erreur littéraire ! »
Le suspect, un américain du Texas, répéta au tribunal qu’il y avait forcément un nègre coupable derrière tout ça, et qu’il ne le connaissait pas encore.
« Demandez à l’éditeur, il vous dira, lui ! »
L’éditeur témoigna et s’offusqua de telles accusations. Il se désola que l’auteur ait pu utiliser l’assommoir pour assassiner ses lecteurs et encouragea les juges à ce que les fautes commises trouvent une correction exemplaire.
L’innocent affirma en pleurs qu’il n’avait pas la patte d’un tel criminel, qu’il aurait été incapable de soulever une seule ligne de ce scénario.
Seulement il ne fut pas entendu et les jurés le condamnèrent au succès populaire, à perpétuité d’exemplaires.
Des noms, des noms!
Excellent texte, très drôle
Merci Laurence,
je vous laisse regarder dans votre bibliothèque si des fois vous retrouviez un de ces auteurs condamnés au succès après avoir essayé de tuer la flamme de la lectrice en vous… page cent 😉
Je les ai tous passés au barbecue
Bien vu, Antonio! Comme tout retour de vacances, boursouflant les autoroutes, la rentrée littéraire va encore tenter de nous étouffer de sous-œuvres saisonnières!
Les bouchons littéraires, ça craint…et entre nous a t’on déjà observé, dans un embouteillage, quelqu’un…ou qu’une…occupé à lire ??
JM Durand
Merci Jean-Marc,
Vous avez raison. D’ailleurs si vous croisez un lecteur sur un banc ou au fond de son taxi, n’hésitez pas à prévenir Télérama.
J’ai lu ce matin leur article à ce sujet. Aussi intéressant qu’effrayant.
http://www.telerama.fr/livre/le-lecteur-une-espece-menacee,130294.php#xtor=EPR-126-newsletter_tra-20150824
Merci pour le tuyau sur l’article de Télérama!
Effrayant, non, juste lucide!
JM Durand
Ça, c’est typique, le genre d’article de fin d’été,
on prend des statistiques et on assène des vérités.
Un procédé employé à longueur d’année par les médias et les politiques.
Une statistique c’est comme un bikini, ça découvre tout, sauf l’essentiel.
Et si on parlait des mag TV de moins en moins lus ?
Je suis d’accord avec toi, Pascal, sur la manipulation des stats pour servir un résultat écrit d’avance.
Mais sans en faire de vérités on peut en constater quelques unes dans notre entourage. Côté lecture chez les jeunes, c’est plutôt « museau » si je puis dire, quand chez leurs parents ils ont le nez dans le dernier best-seller, souvent bloqué à la même page. Je l’ai vu cet été.
Et dès que tu leur fais lire autre chose (même pour servir de cobaye à un ouvrage qui va sortir), ils ont du mal, non à le lire, mais à se mettre dedans, pour plein de raisons toutes valables où le temps trône au milieu.
J’ai l’impression que savoir lire (au sens des histoires) autant que l’envie de lire se perd et qu’une partie des gens ont moins honte de dire qu’ils n’ont rien lu dans l’année, alors qu’avant cela faisait bien d’avoir un livre de chevet pour les discussions de diner entre amis.
Voilà mon impression, en slip 😉
J’ai autour de moi des personnes qui n’ont aucune honte à ne pas avoir ouvert un livre de l’année.
Avec elles on parle de la pluie et du beau temps, du boulot, des congés, de Pôle Emploi qui ne fait pas son travail, des politiques tous pourris, etc.
Dans ces cas là, je peux mettre mes neurones en « stand bye », et passer en écoute passive, je ne risque pas de manquer une idée intéressante.
Loin de moi l’idée de généraliser. Il y a toujours eu des gens qui s’affirment en tout temps. A chacun de constater dans son milieu si les lecteurs se raréfient ou non. Vaste sujet, à débattre dans un article avec d’autres arguments ? … Pascal, je suis sûr que tu trouveras les mots pour nous faire réagir 😉
Des jours et des nuits qu’il l’attendait fiévreusement. Parfois, il aurait juré qu’elle venait s’asseoir à son bureau, le frôlant au passage. Mais l’instant d’après, elle avait disparu : ne restait que du vent dans sa tête. Un grand vide plein de rien. Une bulle éclatée. A peine quelques traces qu’il tentait vainement de rassembler, pas même une phrase. Des jours et des nuits, ça recommençait.
Vint l’été. Le ciel avait perdu ses couleurs et la canicule réduisait à néant l’idée même de faire le moindre effort. Quand il l’avait sentie approcher, il n’avait pas bronché. Les yeux clos, il humait son parfum, une odeur d’encre bleue. Peut-être que c’était aussi la couleur de ses yeux ? Il attendit en comptant les minutes. Et brusquement tendit la main qu’il referma sur elle. Je te tiens, cria-il en riant un peu trop fort. Tu ne m’échapperas pas. Tu es à moi. Elle tenta de se défendre mais il serra, serra. Et soudain il eût peur. Ouvrant les yeux, puis la main, il vit le sang. Ce sang d’encre qu’elle avait laissé couler jusqu’à la dernière goutte. Qui lui donnait maintenant la nausée. Déjà au loin les sirènes…
Dans son rapport, le gendarme écrivit : « L’homme prétend qu’elle serait venue le narguer une fois de plus, ce qui l’a rendu fou. »
Les gens du village le trouvaient bien un peu bizarre avec son stylo et ses feuilles blanches. On se demandait ce qu’il trafiquait ! Tout le monde l’appelait « l’innocent », si on avait su….
Aux Assises, il fut condamné à écrire à perpétuité, une peine exemplaire pour l’assassinat d’une jeune et jolie inspiration.
Bon dimanche, Christine
du sang plein les mains d’innocent aux mains pleines du sang d’inno…
sur le lieu du crime le crime eut lieu sur le li…
il jurait qu’il n’y était pour rien on ne peut jurer de rien
ce n’était que du sang d’encre de sang d’en…
nul ne voulait l’entendre,tendre,ten…
c’était lui l’auteur c’était lui l’…
l’auteur du roman d’auteur du…
où la peur hou là là…la peur
du noir le noir fait peur le no…
donne à tous un émoi.
recherche d’indices à rechercher des…
les lecteurs se font un sang d’encre
des traces de pas de traces de p..
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le suspense en suspend
l’auteur de polar d’…
présent au moment des faits pré…
nous livre le coupable est liv…
mais täche d’encre l’encre tâche
son nom non, non !
non de nom vous n’aurez pas de nom
du sang plein les mains
sur le lieu du crime
il jurait qu’il n’y était pour rien
ce n’était que du sang d’encre
nul ne voulait l’entendre
c’était lui l’auteur
l’auteur du roman
où la peur
du noir
donne à tous un émoi.
recherche d’indices
les lecteurs se font un sang d’encre
des traces de pas … ou pas
on flaire la bonne affaire
le suspense en suspend
l’auteur de polar
présent au moment des faits
nous livre le coupable
mais tâche d’encre
son nom
non, non !
non de nom!
vous n’aurez pas de nom
Du sang plein les mains,l’innocent, sur le lieu du crime,
jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre,mais nul ne voulait l’entendre. Ça ne pouvait être que lui, l’auteur…
Tout était contre Lui.
Il avait encore le pavé (numérique) sous la main, avait-il tiret ??? c’est vrai,tout avait commencé avec une apostrophe en gras et en couleur, des flèches bien ciblées, inférieures, supérieures. Les poings de suspension n’avaient pas calmé les exclamations et interrogations.
Pluie de traits bas, coups de barre, crochets verrouillés, quelques slashs bien envoyés,
L’esperluette avait du mal à tabuler
Tous ces signes, ces symboles en pleine révolution, n’apportaient pas de solution à la question.
Interminable prise de ctrl de ces sacrés caractères !
Quelques polices gothique , futuriste étaient là, et au bout de leur course linéaire ou sensitive,elles ont tout essayé, décidèrent d’utiliser la Touche Retour, à l’ordre, après avoir compris qu’ Il était incapable de crime, Il rêvait seulement de la touche étoile, des accolades, et se faisait un sang d’encre pour les sauver
Du sang plein les mains, l’innocent, sur les lieux du crime, jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre mais, nul ne voulait l’entendre. Ça ne pouvait qu’être lui l’auteur.
Quelques instants plus tôt, un cri d’épouvante provenant de la salle des archives avait figé sur place les lecteurs de la bibliothèque. Le vigile de service s’était empressé de fermer toutes les issues.
– Que se passe-t-il ? lui demanda une vieille femme vêtue d’un impeccable tailleur gris et coiffée d’un chignon tellement serré qu’il lui faisait des yeux de chinoise. A-t-on idée de hurler de la sorte dans une bibliothèque. Si je viens ici c’est pour lire tranquillement sans être dérangée et j’aimerais bien sortir car j’ai rendez-vous chez ma manucure.
– Nous attendons la venue de la police, lui expliqua le gardien. La bibliothécaire vient d’être poignardée dans le dos et l’assassin se trouve fatalement ici.
– Oh ! s’exclama-t-elle avant de se laisser tomber sur la première chaise venue.
La vingtaine de lecteurs s’épiait. L’assassin était encore dans les murs et tous avaient la sensation de se trouver dans un remake de « La plume empoisonnée ».
Soudain, un homme à l’air hébété fit son apparition. Il était vêtu d’un imperméable froissé, d’un pantalon digne d’un pêcheur de crevettes, le cou serré par un nœud papillon à pois verts mettant en valeur une chemise blanche auréolée d’une impressionnante tache rouge et, lorsqu’il montra ses mains, une femme hurla, une autre tomba dans les pommes.
– Pardon, pouvez-vous m’indiquer les toilettes, demanda-t-il.
Le désignant de son index un jeune homme cria :
– C’est lui l’assassin !
Le gardien ceintura l’apparition et la plaqua au sol.
– Mais, vous êtes fou, hurla l’homme tâtonnant le sol à la recherche de ses lunettes aux verres en cul de bouteille.
– Ne bougez pas. C’est vous l’assassin. La police va arriver. Vous êtes cuit, cria le vigile.
– L’assassin ! Quel assassin ? J’ai juste un peu taché la table et quelques gouttes sont tombées sur le sol. Et, bien entendu, je paierai pour les dégâts et j’aimerais bien me laver les mains.
– Vous laver les mains ? Il n’est pas question que vous effaciez les indices.
– Je viens de vous dire que je paierai. Je reconnais tous mes torts. Vous y allez un peu fort de me traiter d’assassin. Figurez-vous que je voulais corriger les copies de mes élèves dans la salle de documentation. Je m’escrimais à ouvrir ma bouteille d’encre rouge quand, patatras, elle a cédé d’un coup. Regardez, toute l’encre s’est renversée sur moi.
– À d’autres ! Arrêtez votre char, hurla le gardien. On n’est plus au moyen âge. Vous n’allez quand même pas me faire croire que vous ne connaissez pas les stylos à bille. Et ceci sur votre chemise est une tache de sang.
– Vous n’êtes qu’un sombre crétin, si je peux me permettre. L’encre sur mes doigts a séché et vous voyez bien que ce n’est pas du sang. A mon âge, j’ai mes petites manies et mon défaut est d’être un peu trop sentimental, dit-il malicieusement. Depuis le début de ma carrière, j’utilise le Montblanc à la plume en or que mon père m’a légué et il écrit si bien. Mais vous ne pouvez pas comprendre. En outre, si ces galopins ne faisaient pas une faute d’orthographe à pratiquement tous les mots, sans parler des accords des participes passés et autres âneries plus grosses qu’eux, je ne serais pas obligé de traverser tout Lyon pour trouver mon encre. Si vous saviez combien j’en passe par mois ! C’est de pire en pire. Pour vous donner un exemple, un jeune a trouvé le moyen de noter sur son devoir que Napoléon a été couronné empereur par le pape Pissette. Je note toutes les coquilles amassées durant ma longue carrière et j’en ferais certainement un bestseller. Ma retraite est assurée, croyez-moi !
Qui était l’assassin ? Ça c’est une autre histoire.
Bonne semaine à tous. Fanny
Du sang plein les mains, l’innocent, sur les lieux du crime,jurait qu’il n’y était pour rien,que ce n’était que du sang d’encre,mais nul ne voulait l’entendre.Ca ne pouvait être que lui l’auteur.
Entouré d’individus excités et accusateurs qui avaient envahi son appartement ,le pauvre homme regardait ,incrédule, ses mains ensanglantées.
Il essayait d’expliquer qu’il était en train de mettre la touche finale à son dernier roman,un de ses policiers qu’il signait d’un pseudonyme protecteur et dont raffolaient ses lecteurs:
le commissaire allait confondre l’assassin,un ancien légionnaire qui tenait une armurerie rue de la Grande Truanderie à Senlis et que l’on soupçonnait d’avoir tué trois riches veuves dont il avait été l’amant éphémère et brutal.
Il raconta qu’il était assis à sa table,dans la petite pièce au fond de son logis,couchant sur le papier l’ultime chapitre,quand il entendit la porte d’entrée s’ouvrir tout doucement,des pas feutrés se diriger vers son bureau,le parquet grinçant comme d’habitude sur la lame incurvée,au milieu du couloir.
Le coeur battant de curiosité,l’écrivain fit pivoter son fauteuil afin de faire face à l’intrus qui n’était pas un inconnu pour lui.Il savait parfaitement qui était là.
Il avait vécu en sa compagnie assez longtemps pour reconnaître son pas,savoir à quelle heure il opérait et de quelle manière. Son personnage lui était aussi familier que lui-même.
Il n’avait pas peur,juste l’excitation de voir enfin se réaliser un rêve :rencontrer une de ses créatures continua-t-il.
Autour du narrateur des regards sceptiques s’échangeaient.
La porte du bureau s’ouvrit,une silhouette,le visage caché par la visière d’une casquette s’avançait vers lui,une main armée d’un Mont Blanc de toute beauté levée dans sa direction.
C’est à ce moment-là que j’ai perdu la tête expliqua l’auteur.
Un Mont Blanc,son Mont Blanc qu’on lui avait dérobé plusieurs années auparavant!
Il poussa un cri de rage ,se précipita sur l’agresseur pour lui arracher son bien.Ils se battirent ,le stylo passa de main en main et fini par se briser dans celles du romancier
les tachant d’encre pourpre.
De dépit, il se jeta à nouveau sur son adversaire,mais avant de pouvoir l’atteindre, celui-ci s’effondra à terre,immobile, victime d’une crise cardiaque provoquée par la détermination du propriétaire du stylo.
C’est tout ce que j’ai à dire, termina le pauvre homme .
Mais tout l’accusait,il y avait du sang, un cadavre, pas de témoin,un drôle de type qui passait ses journées enfermé chez lui et que personne ne connaissait vraiment.
Son compte était bon.
Des policiers appellés sur les lieux du crime lui passèrent les menottes ,ramassèrent la pièce à conviction reconnaissable à sa petite marque blanche au bout du bouchon noir.
Le déjà condamné jeta en partant un dernier regard à la tache accusatrice qui rougissait le tapis.
Du sang plein les mains, l’innocent, sur le lieu du crime, jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre, mais nul ne voulait l’entendre. Ça ne pouvait être que lui, l’auteur de ce carnage, avait crié le juge. On l’avait trouvé là, hagard, près des trois cadavres. Et il y en avait d’autres, des tas d’autres, griffonnés, roulés en boule et jetés sur le sol ou déchiquetés dans l’horrible broyeur. Mais le laboratoire de la police scientifique n’avait pas tardé à reconstituer les corps. Ils portaient tous sa signature. Le mode opératoire était toujours le même : ils arrivaient d’eux-mêmes chez lui – on ne sait comment ni pourquoi -, et une fois qu’ils étaient confortablement installés, il les couchait sur le papier. A partir de là, tout pouvait arriver. Certains devenaient des héros, d’autres coulaient une vie paisible au fil des pages, d’autres beaucoup moins chanceux étaient triturés, torturés, dépecés et jetés à la fosse commune. L’accusé ne pouvait nier, on avait retrouvé sur lui l’arme du crime : un vieux Bic baveux à la pointe acérée, et les analyses ADN* étaient formelles : c’était bien lui le meurtrier.
– J’y peux rien. J’avais le polar dans la peau, mais depuis quelque temps, j’ai l’inspiration qui flanche, avait expliqué le malheureux. C’est quand même pas un crime !
– Alors là, c’en est trop, avait rétorqué le procureur général.
Et l’avocat des familles des victimes d’ajouter :
– Je demande la libération immédiate de tous les personnages et pour le prévenu la réclusion romanesque à perpétuité !
Ce soir-là, l’Abattoir, avenue du diable bleu, ne désemplissait pas.
Dans le brouhaha de la foule au comptoir, il entendit, alors qu’il émergeait peu à peu d’une lourde nuit :
– Pour Monsieur, un petit noir bien serré, comme d’habitude ?
* Acide Désoxycréativo-Nervotique, que les écrivains laissent sans s’en rendre compte sur leurs manuscrits.
© Sylvie Wojcik
Mensonge ou vérité
Du sang plein les mains,
L’innocent, sur les lieux du crime,
Jurait qu’il n’y était pour rien,
Que ce n’était que du sang d’encre.
Mais nul ne voulait l’entendre.
Cela ne pouvait être que lui, l’auteur
De la Nouvelle « Rien ne s’oppose au malheur ».
On avait même retrouvé dans sa corbeille à papiers
Des « listes de mots à utiliser en priorité »
Ça allait de « rumeur- pleurs- stupeur »
A « douleur- noirceur- frayeur- sueurs et tueur ».
Comment pouvait-il continuer à nier
Que son héros allait souffrir le martyre
Et ce, pendant plusieurs pages ?
Comment pourrait-il justifier la présence
De toutes ces boulettes de papier noircies de gribouillages
Avec des bouts de phrases sans aucune ambiguïté
Qui faisaient froid dans le dos à mesure qu’on les dépliait ?
– Mais non, Monsieur le policier, je ne voulais pas l’assassiner
Juste lui faire un peu peur, comme ça pour rigoler.
C’est lui qui n’a pas supporté d’être un peu malmené
Par une rumeur que j’avais bien sûr inventée.
Sur plusieurs lignes il a commencé à pleurnicher,
Ce comportement de mauviette m’a vraiment agacé,
Je n’allais tout de même pas me laisser mener par le bout du nez
Par un petit personnage anxieux et timoré !
Alors oui, je l’avoue, j’ai décidé de l’éliminer…
Mais regardez à nouveau mes mains, je suis allé les laver
Plus de trace, plus rien,
Au dernier moment, voyez-vous, j’ai eu un élan de pitié
Juste avant d’écrire le mot « FIN ».
Du sang plein les mains, l’innocent sur les lieux du crime, jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre, mais nul ne voulait l’entendre. Ca ne pouvait être que lui l’auteur de ce massacre.
Quelle idée aussi de vouloir s’isoler pour finaliser son dernier roman! Et pourquoi choisir cet hôtel moisi, au fin fond du delta du Danube.
On l’avait accueilli du bout des doigts, une semaine à payer d’avance.Il avait tâté des robinets rouillés crachant une eau saumâtre, couleur fiente de pélican.Il était là pour se laver la tête. « Depuis Sartre, on pouvait se permettre d’écrire les mains sales ». Phrase qu’il nota dans un carnet…ça pouvait toujours servir….pour une séance de dédicaces!
Le soir, sous l’unique ampoule tremblante d’un restaurant vide et sans fin, il s’était nourri d’un plat dont il n’avait su déterminer l’origine, porc ou poisson ?? Sérieusement il s’était posé la question de savoir si quelqu’un ne pédalait pas sous le plancher pour maintenir l’intensité de l’ampoule.
Et craignant l’exploitation d’un jeune gitan sous ses pieds, il avait avalé son repas, bien plus vite qu’à l’ordinaire.
Le premier jour, la vue des pics épeiche se chamaillant sous son balcon l’avait encouragé. Cela lui paraissait autrement motivant que les autobus parisiens.
Il avait calé son ordinateur sur une petite table pliable face au mur pour ne pas trop se disperser le regard.
La tapisserie jaune bien passé renvoyait à une décoration post communisme, peut être mêlée de cet art populaire si typique de la Roumanie, le bricolage.
Jusqu’à 1,80m, la cloison présentait de curieuses variantes orangées, par endroits balafrées de traînées rouges.
Au dessus, la tapisserie redevenait jaune, s’évanouissait dans la grisaille d’un plafond bien haut, par rapport au lit trop bas.
Il rédigea deux pages, le premier jour, jusqu’à ce que le bourdonnement toujours craint lui parvienne.
Mais ce n’était pas le même que d’habitude. Il comprenait bien que cela ne surgissait pas de l’intérieur de son crâne. Au contraire, ça lui tournait autour, ça lui frisait les oreilles, ça s’éloignait, ça semblait disparaître, ça revenait, obsédant comme tout ce qui bouge et demeure invisible.
Il passa sa première nuit blanche à chasser les ombres de ses doutes.
Le lendemain, il se traîna lamentablement le long d’une digue. Les rolliers, perchés sur les fils téléphoniques se foutaient de lui. C’était clair.
Il évita le restaurant, mâchonna un bout de pain et une saucisse, accoudé au bar de l’hôtel.Tout y était aussi creux de présence humaine qu’ailleurs. Seul le bruit de casseroles longuement malmenées, décrassées rythmait le temps.Le ronron d’un ventilateur brassait la vase de l’ennui.
Rentré dans sa chambre, il tenta de se concentrer.
Mais le murmure réapparut, s’amplifia. Malgré le triple vitrage installé dans chaque chambre, le ronronnement vicieux reprenait son envol.
Il lui fallut encore une pleine nuit pour comprendre qu’il ne s’agissait que de moustiques.
Après cette nuit blanche, il se demanda comment l’on pouvait écrire, dire ou penser…. »que des moustiques! »
Faute de capacité à rédiger quoi que ce soit, il se lança dans le combat le plus absurde de sa vie. Maîtriser les expressions, volantes, sifflantes et piquantes d’un delta.
A coup de torchon, de chaussure, de dossier, il commença à détruire systématiquement tous les diptères à sa portée.
Il se disait que tout projet, même imprévu était porteur de quelque chose, signifiant pour plus tard.
Cela dura toute la semaine,jour et nuit à écraser, anéantir, broyer du moustique.
Jusqu’au moment où, soi disant pour une plainte pour tapages divers, le directeur débarqua dans la chambre.
Accompagné de deux policiers, il venait faire constater aux forces de l’ordre les dégâts causés par l’envahissement du tourisme par des étrangers, bien peu respectueux des coutumes locales.
Malgré les tentatives les plus inutiles d’explications, l’écrivain dut payer la totale réfection de la chambre, facture à l’appui, bien vieille, largement photocopiée.
Peut être, s’était il dit, que c’était la règle. Placer l’étranger dans la plus ruinée des chambres…et laisser faire la nature!
Mais dans le fond, après le constat des policiers, il n’était pas si mécontent de lui.
Oui, je sais, on se dépasse comme on peut.
Mais les traces rouges les plus hautes avaient été relevé au delà de 1,86m.
Excusez-moi, j’ai fait quelques fautes il faut lire :
« … car c’était là que l’aventure commençait »
« …Ce furent les mots qu’il enregistra »
« … le sang de tes mains et celui dont tu es maculé… »
horreur (bien sur avec 2r)
Hyppolite Bersagnol courait à travers le champ de luzerne. Son sweat déchiré, son jean et ses baskets boueux allaient finir à la poubelle. Mais c’était pour la bonne cause. Il fallait qu’il le fasse, qu’il arrive à vivre la réalité des actes sottement couchés sur le papier par des auteurs imaginatifs, mais qui n’avaient jamais vécu la jouissance de la réalité.
Ils iraient se faire voir tous ces Chattam, Granger, Larsön, Minier, king et les autres qui décrivaient des scènes improbables sortant de leur imagination fébrile, juste pour faire monter l’adrénaline des lecteurs.
Pierre Bonnet, son professeur de littérature leur avait expliqué « Vivez, mimez votre scène, dessinez votre décor, plantez-le et vous serez dans le réel. Là votre histoire sera pratiquement écrite. »
Hippolyte qui végétait jusqu’à ce jour dans le dernier quart des notes, et n’arrêtait pas de se faire traiter de cancre par son père, avait cette fois était passionné par le conseil du prof. On ne sait quel fut le mot déclencheur qui le sortit du nuage bleu dans lequel il voguait généralement et le réveilla subitement, mais la phrase de monsieur Bonnet s’ancra dans son esprit.
Il voulait du vrai, et en plus ce jour-là ils avaient « sujet libre ». Une aubaine.
Il attendit que la télévision s’éteigne et que le rituel quotidien de la famille s’exécute. Il avait prétexté un exposé à faire pour rester dans sa chambre.
Sa mère entrouvrit la porte pour lui souhaiter « bonne nuit », lui dire un mot gentil, étonnée de le voir soudain pris d’une passion scolaire si tardive. « Il est tard, tu finiras demain ! » « Oui, man, je n’ai plus que quelques lignes à écrire… » Dès que le calme fut installé dans la maison, il enfila son sweat noir à capuche, vérifia que son couteau suisse était bien dans sa poche, son téléphone en bandoulière autour de son cou, et lentement, doucement ouvrit les volets de sa chambre. Il fallait qu’il le fasse, qu’il la vive cette aventure. Le mur était tapissé des roses grimpantes. Ses parents s’extasiaient devant leur beauté lorsque les fleurs étaient écloses. Il avait prévu l’échelle de son père, il ne fallait pas laisser de traces.
Premier obstacle franchi. Rollo, le bouvier le reconnaissant soupira dans sa niche et ne se dérangea même pas. Il était habitué des sorties nocturnes d’Hippolyte, ils avaient d’ailleurs passé un accord : Hippolyte lui posa une poignée de granulés qu’il avala d’un seul coup de langue.
La nuit était noire, pas de lune, le ciel était d’ailleurs à l’orage et les étoiles se planquaient derrière les gros nuages noirs. Au loin, une chouette hulula : « même pas peur » se dit-il. C’est bon pour les gosses et les auteurs de romans en quête de sensations fortes, ricana-t-il. Le portail grinça à peine « le diable était avec lui »… il n’allait tout de même pas invoquer l’autre.
Il traversa le lotissement désert à cette heure de la nuit, ne rencontrant personne, pas même un chat qui rôdait par là, pourtant, ce chat là, lui aurait fait gagner du temps.
Il déboula sur la route qu’il traversa et se plongea dans le parc voisin.
Il décrivait minutieusement sur son téléphone tous ses gestes, sa respiration s’enregistrait, et probablement les bruits de son cœur qui tout de même commençait à s’agiter.
Maintenant, le plus dur était à faire, car là l’aventure commençait vraiment, il fallait qu’il trouve sa proie !
Il y avait bien réfléchi, et généralement le parc était riche en habitants nocturnes. Hippolyte décida d’attendre, de se tapir dans un fourré il verrait bien.
De son sac à dos, il sortit une canette de bière, et par précaution la redéposa dans son sac une fois vidée.
Il avait besoin de pisser, mais ne voulait pas prendre le risque de laisser une trace d’ADN derrière lui. Il ne boirait pas l’autre bière. Il commençait à s’assoupir, lorsqu’une forme se profila devant le buisson d’aubépines qui lui servait de cachette. L’aubaine était là, il lui sauta dessus, son couteau suisse ouvert, il s’acharna sur sa victime, lui ouvrit le ventre et lui arracha le cœur. (ce furent les mots qu’il enregistra).
Ouf, voilà c’était fait. Il avait tout consigné. Si cette fois s’il n’avait pas un 20++, il arrêtait le lycée, et devenait vendeur de pizzas.
Cachant le cadavre dans un fourré, il ne lui restait plus qu’à rentrer tranquillement chez lui, par le même chemin. La nuit était toujours aussi noire, et la région plongée dans un profond sommeil. Il se paya le luxe de faire un détour en traversant le champ de luzerne de la ferme voisine. Pour ne pas inquiéter sa mère, il projetait de se changer dans le garage et de mettre tous ses oripeaux dans le sac-poubelle où il avait entreposé son pyjama et ses pantoufles.
Arrivé sur la nationale, il fut surpris puis soudain apeuré, car les sirènes de la police et des pompiers trouaient la nuit. Il essaya de se jeter dans le fossé, mais un véhicule s’arrêta et un homme l’interpella :
— Que fais-tu sur cette route déserte à cette heure de la nuit ?
— Rien, je rentre chez moi, ma moto est en panne… bégaya-t-il !
Ça, ce n’était pas prévu dans son programme. Il trembla, mais pris subitement d’une joie intense se dit que son histoire se corsait et qu’il pourrait rajouter un paragraphe de sensations fortes à son anecdote.
Du vocabulaire lui venait à l’esprit, il murmurait les mots en direction de son téléphone : alarme, effarement, effroi, épouvante, panique, transe, cauchemar, horeur, psychose, frousse, trouille, pétoche de ma vie…
L’homme, en fait le lieutenant Grouvel, l’obligea à monter dans le fourgon. Hippolyte réalisa soudain la situation inattendue dans laquelle il se trouvait. Mais il avait peu de choses à se reprocher, alors, il se sentit gonflé par l’aventure.
Le Lieutenant après s’être présenté, lui demanda ses papiers… il ne les avait pas sur lui, mais vantard, hésitant légèrement, puis prenant l’air grave et suffisant : Je m’appelle … Maxime Chattam
— Maxime Chattam ! Tu ne te fous pas de notre gueule ? Il va falloir trouver autre chose. Mettez- lui les menottes. Hippolyte pris alors conscience de son état. Ses mains couvertes de sang, des égratignures sur son visage, ses vêtements souillés, couverts de tâches brunes et de boue. Il n’avait pas fière allure, mais c’était bon pour son devoir, il ne pouvait plus enregistrer la scène à travers son micro, car on lui avait confisqué son téléphone. Ses mains avaient été enveloppées de sacs plastiques.
— Quel est ton nom ? répéta le Lieutenant de manière moins patiente.
Il ne pouvait pas le dire, il fallait qu’il trouve une diversion pour ne pas inquiéter ses parents.
— Je m’appelle : Pierre Bonnet ! (Après tout le professeur de littérature était quelque part responsable de son aventure ! J’espère qu’il va me donner une excellente note et que mon devoir sera publié dans le journal du Lycée !)
Adresse : là il hésita, il ne savait pas où habitait monsieur Bonnet, mais soudain il réalisa qu’il n’était plus dans la fiction, il fallait qu’il s’explique, et vite, il allait sans aucun doute les faire rire et tant pis on le ramènerait chez lui, et il accepterait sans mots dire l’engueulade de son père, une rouste peut-être et la punition qui irait avec.
Subitement, une grande frousse le prit. Ce n’était plus une expérience qu’il vivait là, à la limite un cauchemar. (Il allait se réveiller dans son lit et rire de son rêve qu’il raconterait pour effrayer ses sœurs.)
Une dame qui n’avait pas encore parlé, mais qui l’observait se présenta :
— Capitaine Pasquier, tu ne comprends pas dans quelle situation tu te trouves, alors arrête de faire le mariol et commence par nous expliquer d’où provient le sang de tes mains et celui dont tu es maculé. Ton identité, rassure-toi on la trouvera rapidement.
Puis d’une voix énorrrrrrme qui le fit sursauter, elle cria
— Tu m’as entendu, d’où vient ce sang ?
Il paniqua, mais comment expliquer !
— C’est le sang de l’encre, je vais vous expliquer, en fait quand je dis de l’encre, c’est une image, c’est pour mon devoir de français… bégaya-t-il !
— Continue à te foutre de nous, tu arranges tes affaires ! D’où vient ce sang ?
— C’est je ne sais pas, peut-être celui d’un renard !
Il reçut une baffe en réponse.
Il prit peur : « Ce n’est pas du tout ce que vous croyez ! » (Mon Dieu, s’il y a eu un crime ce ne pourra qu’être moi l’auteur, vont-ils décider !)
Il entendit la voiture des pompiers s’éloigner pimponnant. La porte du fourgon s’ouvrit et un autre policier entra :
— Ce n’est pas grave, un motard éméché qui s’est fichu dans le fossé, on l’amène aux urgences. Il était seul.
— Alors, encore une fois d’où vient ce sang… ?
Puis un ordre : Passez-moi les environs au peigne fin, il doit y avoir une victime quelque part pour expliquer l’état de cet énergumène.
— Bon ça va, je vais vous dire la vérité.
En larmes, reniflant, il expliqua son odyssée. Pendant ce temps, les policiers cherchaient et avaient croisé un chien boitant et hargneux. Ils l’attrapèrent et l’amenèrent au fourgon.
— On n’a trouvé que ce chien blessé, il faudra attendre le jour.
— Rollo, mon chien, mon dieu c’est sur toi que j’ai frappé.
Rollo l’avait suivi, Hippolyte imaginant un renard, avait essayé de l’agresser sauvagement… en fait juste un ou deux coups de canif qui fut retrouvé sur les lieux de l’agression.
Rollo et son maître furent ramenés à grands bruits de sirène au 26, rue des clématites.
La punition fut sévère, et monsieur Bonnet s’arracha les quelques cheveux qui lui restaient, car il ne savait plus comment insuffler le souffle littéraire à ses élèves.
Bon week-end
Henriette
Du sang plein les mains, l’innocent, sur le lieu du crime, jurait qu’il n’y était pour rien. Que ce n’était que du sang d’encre, mais nul ne voulait l’entendre.
Ça ne pouvait être que lui, l’auteur…
Depuis des mois, il s’était mis à l’écart de son cercle d’amis, allant jusqu’à bouder les repas mensuels avec ses potes d’enfance. sa femme l’avait vu également s’éloigner d’elle. Même ses deux enfants ne parvenaient pas à le faire sourire. Cela faisait très exactement dix neuf semaines que Paul s’était muré dans le silence. Il achetait des livres sur des serial killers, avait demandé à faire un stage à la brigade mondaine.
Alors quand sa voisine la célèbre chanteuse Mira Bonna avait été retrouvé allongée sur son lit maculée d’un produit bleu étrange, tout avait accusé Paul.
Très vite, les policiers s’étaient rendu compte que la chanteuse vivait encore. Paul assis au bord de son lit était tétanisé. Il tenait dans ses mains l’arme du crime.
Il répétait sans s’arrêter » mais ce n’est qu’une histoire, ce n’est qu’une histoire… ».
Paul avait été commandité par l’agent artistique pour écrire un roman sur la chanteuse, la mettant en scène dans un combat avec un malade qui en voulait à sa peau.
Quand Mira s’est évanouie, Paul lui lisait le dernier chapitre celui où elle cessait de chanter à jamais car le malade venait de lui couper les coupes vocales. Paul avait tout simplement voulu montrer que son héroïne n’avait pas trop souffert….