746e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat


Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête…
Inventez la suite
SANS VOUS CE BLOGUE N’EXISTERAIT PLUS. DEVENEZ MEMBRE BIENFAITEUR. FAITES UN DON À L’ASSOCIATION ENTRE2LETTRES ®
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête…
La lune qui éclairait ce malotru comme tous les autres passants amoureux de sa lumière avait relevé que l’individu la regardait fixement. Elle n’avait pas du tout aimé son regard lubrique. Elle les reconnaissait sans problème ces arrogants qui attendaient d’elle qu’elle exauce tous leurs vœux. Même si elle se savait sujet de rituels, elle ne tolérait pas qu’on lui manqua de respect. Et quand elle les voyait, les bras levés vers elle, les yeux pleins d’attente, elle avait juste envie de disparaitre derrière les nuages.
La police n’eut pas de mal à trouver l’individu en question. Il s’était positionné en haut d’une dune au bord de la mer, histoire d’optimiser ses chances d’être inondé de lumière et de force astrale.
Il fut conduit au poste où on lui rappela les bonnes manières. Il dut donc rester à genoux, tête baissée à se prosterner toute une nuit sans jamais relever la tête et attendre les premières lueurs du jour pour se redresser en veillant de ne pas devancer la course du soleil.
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête, il était sous le coup de plusieurs condamnations. Faute de place à Cayenne, les autorités lui avaient passé un bracelet électronique. Mais, là aussi, faute d’agents pour le surveiller, il était libre comme l’air, ambiant et nauséabond.
Sur son dossier pénal, on pouvait lire qu’il avait :
– Admiré d’innombrables levers de soleil au bord de la plage.
– De nombreuses fois maté la lune avec son télescope.
– Dormi à la belle étoile pour traquer les filantes par de belles nuits d’été sans nuages.
– Inventé une machine diabolique pour chasser les nimbus et autres stratus. Fort heureusement, elle fut retrouvée in extremis dans son garage par les brigades spéciales.
Étant donné que chacun est censé ne pas ignorer la loi, pour rappel, il est formellement interdit de reluquer les dessous des astres.
Cette fois-ci, pour le dissuader de commettre d’autres crimes de cette importance, mettant en péril la tranquillité de l’humanité, après délibération des jurés, dont un avait suggéré l’énucléation, il fut convenu à l’unanimité de lui visser un casque de scaphandrier pour l’empêcher de lever la tête. Les cours d’appel et de cassation confirmèrent le premier jugement.
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête…
Cela faisait déjà quelque jours que la police recevait des appels signalant la présence d’un individu au comportement étrange sur la plage du Roi. Il était aperçu au moment du coucher de soleil. Il se cachait soit derrière les pins, soit derrière une roche. Fuyait dès que quelqu’un s’approchait.
Les promeneurs commençaient à s’inquiéter. En effet, seuls les membres de la confrérie Louis XIV avaient le droit d’observer leur maître se préparant à se coucher. Ils portaient un costume d’apparat pour venir souhaiter une agréable nuit à leur Majesté.
Cet intrus qui guignait si impunément ce coucher était un sacrilège qui méritait un châtiment.
Les forces de l’ordre furent sollicitées. Discrètement, ils cernèrent le voyeur, l’interpelèrent et fut remis à la police des mœurs.
Interrogatoire à sens unique. Aucune réponse ne sortait de la bouche de l’homme.
Il restait de marbre malgré les menaces de prison, d’enfermement en hôpital psychiatrique.
Rien. Il ne broncha pas, ne sourcilla pas.
Pour qui aurait pris le temps de vraiment l’observer, il aurait pu voir dans son regard une lueur jaune auréolée de rouge. Un regard plein de quiétude, de sérénité.
Mais ses interlocuteurs étaient trop dans leur routine, leur manuel d’interrogatoire. Des bulldozers.
Brutal revirement de situation. L’homme les détailla avec beaucoup d’attention et avec mansuétude s’adressa à eux.
Vous aussi vous avez regardé, n’est ce pas ?
Vous avez été attirés par la beauté du soleil se parant de ses plus belles couleurs pour nous souhaiter une belle nuit. Il nous envoyait son plus beau reflet pour illuminer nos rêves.
Connaissez-vous la beauté ? Cette chose qui vous vous remplit l’âme, vous laisse sans voix, vous apaise, vous réconcilie avec vous-même ?
Vous voyez en moi un être malsain, pervers. Mais je ne fais qu’admirer la beauté. Je ne fuis pas. Je cherche la quiétude pour m’imprégner de merveilleux.
Les autres se racontent des histoires, créent un monde parallèle.
Les mœurs le regardaient. Ils ne disaient plus rien. Ils semblaient chercher quelque part dans leur tête, dans un obscur grenier, une vieille boîte poussiéreuse qui de mémoire devait contenir leurs émotions et leur libre jugement.
Ils se regardèrent, se comprirent, relâchèrent l’individu, se rendirent sur la plage et embarquèrent les fous du Roi pour détournement de beauté.
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête, l’intéressé serait capable de rester des heures sur place intriguant les quelques personnes qui ont signalées cet original qui se poste régulièrement en soirée dans le même secteur géographique.
Les agents de la maréchaussée se postent dans le périmètre indiqué et observent les allers et venues suspects.
Ils repèrent effectivement une personne répondant au signalement, debout et immobile sur les hauteurs, bien au-dessus de la route principale et du village.
Trois des représentants de la Brigade de répression du proxénétisme se rendent au plus près du lieu. Ils ne connaissent pas cette zone rurale, verdoyante et vallonnée, habitués qu’ils sont, aux zones urbaines et péri-urbaines où les trafics sont plus communs. Leurs accoutrements de loulous de banlieue les rendent vite identifiables comme étrangers au décor rupestre environnant.
Haletants, ils interpellent le probable délinquant qui les a vus montés les cent derniers mètres hors de leur véhicule banalisé 4WD qui d’ordinaire ne montent que les trottoirs et des escarpements fort modérés :
– Monsieur, que faites-vous ici ?
– Rien de spécial, pourquoi ? Et vous, qui êtes-vous ?
– Brigadier Duport, brigade de répression de Fribourg. Nous souhaitons savoir ce que vous faites actuellement ?
– Je regarde le coucher du soleil et recherche les animaux égarés.
– Quels animaux égarés ? De jeunes collégiennes ?
– Quoi ? Quelles collégiennes ?
– C’est à vous de nous le dire.
– Ce n’est pas ainsi que j’appelle les jeunes femelles lama…
– Lama ? L’ama quoi ?
– Mes lamates et leurs crias.
– Expliquez-vous et ne vous moquez pas de nous
– J’élève des lamas, alpagas, vigognes et guanacos. Au coucher du soleil, je vérifie qu’il n’y en a pas à s’être éloigné. Je ne tiens pas à les perdre.
– Vous avez une ferme et un élevage déclaré ?
– Bien sûr. Et j’utilise des lunettes thermiques pour l’observation nocturne des animaux. La température élevée de l’animal est facilement repérable. Ces lunettes sont capables de produire une image très détaillée, suffisante pour la reconnaissance et l’identification des animaux pendant les mois sombres d’hiver.
– Vous pouvez nous faire une démonstration de l’utilisation de vos lunettes ?
– Bien évidemment. Tenez, regardez près du torrent là-bas, vous voyez quelque chose ?
– Ben non ; enfin un bosquet d’arbres. C’est de cela que vous parlez ?
– Prenez mes lunettes et regardez.
– Ah oui, je vois deux animaux. Ils sont à vous ?
– En effet, et à cette distance, ni moi ni mon chien ne serions les retrouver et les rentrer pour la nuit.
– C’est très intéressant. Cela me donne des idées pour nos recherches professionnelles en limite des villes. Accepteriez-vous de me donner les références de vos lunettes pour que j’en parle à Fribourg ?
– Evidemment, ce n’est pas un secret. Suivez-moi, je vous emmène à mon repaire. Vous prendrez bien un verre de Rivella !
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Convoqué par la police des mœurs, chargée de l’enquête, il nie toute obscénité de sa part, s’exaltant durant sa déposition.
— Un coucher de soleil ! Oh ! Il était magnifique. Je voulais le peindre en vert, en bleu, en rouge, en jaune. Quel génie il faut pour peindre ça. On dirait un Courbet, vous ne trouvez pas ? … Comment ça, je n’avais aucun accessoire de peintre ? Nul besoin de tremper un pinceau pour sublimer une toile. Peindre avec les yeux est bien plus beau et jouissif. Courbet et moi ne venons pas de la même origine du monde que vous, nous sommes des incompris. Regardez-vous, vous êtes tout rougeaud. Où avez-vous passé l’après-midi ? En plein soleil, je présume. Et combien de coups vous en avez tiré, hein ? J’en compte trois rien que sur votre figure, deux sur chaque bras. Vous ne vous protégez même pas. Et c’est à moi que vous voulez faire avaler la pilule de voyeurisme sur la place publique. Bravo ! Écoutez, je vous propose d’oublier le rapport que vous êtes en train de rédiger et, de mon côté, je ferme les yeux sur les vôtres en journées… Merci, je vois que l’on s’est compris… Je dois vous laisser, le crépuscule s’annonce, j’ai un tableau à terminer.
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête…
l’individu ne s’est pas débattu et bien au contraire, il s’est révélé très coopératif en répondant complaisamment à notre interrogatoire.
– Que faisiez-vous à cette heure-ci et à cet endroit très précisément ?
– Je regardais le soleil couchant se coucher,
– Pour quelle raison ?
– Je voulais savoir s’il dormait en pyjama,
– Et alors ?
– Alors, non ! Il se couche tout habillé,
– Et pourquoi être resté à cet endroit très précisément après le coucher du soleil?
– J’attendais l’arrivée de la lune,
– Et pour quelle raison ?
– Je voulais savoir si elle se réveillait de bonne humeur ?
– Vous vous moquez Monsieur ?
– Oh ! Non !
– Et alors ?
– Alors Oui ! Elle se réveille de bonne humeur. Et…
– Et ?
– Et elle dort toute nue,
– Alors ?
– Alors, lorsque vous êtes arrivés, j’étais en train de la protéger de mon regard, mais vous l’avez effrayée et elle s’est cachée derrière un nuage.
Que voulez-vous, elle est timide et ne vous connaît pas encore !
En conclusion, sans éléments plausibles correspondant à nos critères, nous avons relâché l’individu que nous qualifions de « poète lunaire » sans dangerosité.
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant.
Selon la police des moeurs chargée de l’enquête, le voyeur avoua immédiatement ses penchants planétophiles en leur montrant son observatoire d’où il pouvait mater à loisir ses victimes grâce à un matériel sophistiqué.
Les murs étaient couverts de photos suggestives des planètes, de la chaste Venus au viril Jupiter. Elles ne laissaient aucun doute sur les goûts dévoyés de l’homme au télescope.
L’apothéose de sa vie était d’enfin surprendre le soleil dans le plus simple appareil, rejoignant l’horizon qui l’attendait, rougissant de plaisir.
Aveuglé par sa passion, le coupable ne comprit pas pourquoi il se retrouva en garde à vue dans une cellule dépourvue d’ouverture.
On le retrouva le lendemain matin, tournant en rond comme un fou, ayant perdu la vue à force de s’user les yeux en tentant de percer les murs pour satisfaire son obsession.
Enigmindic
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des mœurs, chargée de l’enquête, la flagrance a pu être pratiquée grâce à un informateur dont l’identité ne pouvait être divulguée.
Mais c’était sans compter sur la curiosité de Miss JEANQUÊTE, blogueuse reconnue pour ses articles à sensation sur diverses affaires criminelles.
En quatre semaines, la police avait procédé à plus d’arrestations qu’à l’accoutumée. Vingt-huit exactement et, à chaque fois, c’était la même rengaine : un témoin, un badaud, un informateur, un appel anonyme, …, avait permis de débusquer d’inquiétants individus. Pour Miss JEANQUÊTE, il était temps de lever le voile sur cet indic.
Elle rédigea un premier article qui récapitulait les vingt-huit affaires facilement résolues et concluait par sa décision d’enquêter sur celui qu’elle avait nommé “Enigmindic”. À peine mis en ligne, le nombre de lectures monta en flèche et les commentaires fusèrent. Chacun y allait de sa petite idée. Miss JEANQUÊTE lisait toujours les commentaires avec attention, certains de ses abonnés étaient de vrais passionnés de mystères et d’énigmes en tout genre, leur avis était souvent précédé d’une analyse complète de la situation. Ils ne commentaient pas à la légère ! Avec leur aide, elle avait résolu quatre affaires non élucidées. Ce n’était pas rien et depuis, les services de police la laissaient un peu fouiner.
Le commissariat ouvrait ses portes quand elle présenta sa mine enjouée à l’agent d’accueil qui la reconnut avec agacement. Deux étages plus haut, le commissaire la reçut après avoir été informé de sa visite. Les dossiers n’étaient pas encore archivés, il l’autorisa à les consulter, sur place. Elle avait prétexté un article sur l’efficacité de la police pour pouvoir accéder aux documents. Ils étaient classés par crimes :
7 dossiers étaient étiquetés “Observation joviale du soleil couchant”, 8 en “Contemplation extatique du lever du soleil”, 10 en “Admiration en couple du ciel étoilé pendant les nuits des étoiles” et les 3 autres, pas les moindres, en “Émerveillement aggravé par la pleine lune”.
Miss JEANQUÊTE sortit la tête de la paperasse et vit que le chef de police l’observait d’un air réjoui.
– Vous avez l’air satisfait.
– Je le suis ! Nous sommes sur le point de démanteler une organisation de grande ampleur.
– Ce n’est donc pas un gang. Vous avez mis la main sur un réseau ?
– Vous êtes toujours aussi curieuse Miss.
– Toujours. C’est mon métier. Dites-moi commissaire, votre mystérieux informateur, il ne serait pas plutôt infiltré ?
– Votre perspicacité vous colle à la peau.
– Il n’y a donc pas d’informateur… pensait-elle à voix haute.
– Vous pourrez écrire un article très bientôt, mais pas sur notre informateur. Au moment où on se parle, une collaboration internationale est en cours. Nous sommes sur le point d’arrêter les membres actifs du réseau. Ma meilleure équipe s’est envolée pour la Norvège avant-hier et elle ne va pas tarder à mettre sous les verrous ces satanés bandits ! On a repéré leur faiblesse.
– Ah oui ? Quelle est-elle ?
– Les aurores boréales ! Eh oui ! Ils ne peuvent pas y résister. Ils sont attirés par elles comme des mouches sur une ampoule chaude. C’est comme ça qu’on va la choper, cette bande d’imbéciles heureux ! fulminait-il.
Le commissaire répondit à un appel téléphonique qui confirma ses propos. Les détails de l’opération furent communiqués à Miss JEANQUÊTE afin qu’elle ponde un article des plus élogieux. Pour qu’elle laisse tomber le sujet de l’informateur, ou plutôt du flic infiltré, sa condition fut accordée. Elle pourrait consulter sans restriction le dossier d’une affaire non résolue, qu’elle s’était mise en tête d’élucider.
Le lendemain matin, sur le blog, on pouvait lire l’article écrit pendant la nuit par l’enquêtrice en herbe. Il titrait “Attirés par les lumières, ils ont été mis à l’ombre”.
Mais c’était sans compter sur l’exaltation des “romantiques”… Un peu d’ombre n’avait même pas tiédi leur ardeur et le réseau était loin d’être démantelé. L’hiver venait de poser sa petite couverture neigeuse, il ne leur en fallait pas plus…
746/)L’INDISCRET
« Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige»
C’est ainsi que dans l’heure du soir il regarde de son promontoire cette étendue d’eau se transformer en un immense ciboire de sang. Une prière rituelle pour un lendemain qui chante, une habitude ancestrale qui se perpétue de parents a enfant et toujours au même endroit. Un besoin de ne faire qu’un avec cette nature qui nous donne son sang chaque soir.
Au crépuscule de sa vie tout a basculé. Il fut «cueilli», façon de dire, par les gardiens du temps.
– viens t’en par ici et nous expliques pourquoi tu regardes ému au point de pleurer ce spectacle sanguinolent.
– c’est que moi aussi je suis seul, ce soleil est une compagnie, et le voir se coucher comme une offrande m’émeut autant qu’il me ravit.
– laisse tomber, Enest, ce n’est qu’un voyeur, un vampire du jour qui vous suce la nuit. 🐀
«extrait « D’harmonie du soir » de C.Baudelaire»
Un individu a été surpris en flagrant délit alors qu’il lorgnait le soleil couchant. Selon la police des nurses, chargée de l’enquête, l’accusé a clairement justifié son attidude. Après une vaste reconstitution sur le terrain, policiers, nurses et bébés ont rejoint le visionnaire, pour contempler la grâce du soleil, bien qu’épuisé après une rude journée, puis la lune, sous une douche printanière.